mardi 9 mars 2010

Le secret

Je termine à l’instant la lecture de La traversée de la ville de Michel Tremblay. Je n’ai pas du tout le goût d’en parler comme d’autres le font si bien : résumé et impressions. Le plaisir d’un blogue, contrairement à un article dans un journal ou à quelque travail obligatoire qui doit répondre à une grille d’analyse prédéfinie, c’est que l’auteur peut bien y écrire ce qu’il veut. Pendant ma lecture, je n’ai pas pensé à ce que j’allais en dire. Je me disais plutôt que mon blogue s’en va sur cette route pleine de méandres, d’avenues sans lumière et même de cul-de-sac. Que peut-être j’allais l’arrêter, qu’il mourrait de sa belle mort. Comme tant d’autres qui n’ont eu de vie que le temps de l’urgence à dire. Non que je n’aie plus rien à dire, mais parce que devant ce cahier ouvert, ce public possible, je voudrais penser intelligent, pertinent. Me semble plutôt que je formule tout croche, n’importe quoi, n’importe comment. Comme ces brouillons rédigés à l’école qui devaient précéder la composition mais qui finalement, faute de temps, devenaient le devoir remis.

Donc Michel Tremblay. Ce qu’il m’en reste, c’est là où il me mène. À moi-même, à ma vie. Un livre n’est-il pas un miroir, une recherche d’identification, qui nous aide, nous force à nous comprendre. Certains auteurs y réussissent mieux que d’autres. Chaque lecteur ne lit peut-être pas pour les mêmes raisons. Selon l’âge également. Pourtant, il me semble que j’ai toujours aimé les histoires auxquelles je pouvais m’identifier, dans lesquelles je me reconnaissais ou dans lesquelles j’aurais aimé me trouver. La Claude du Club des cinq, le scout des Jeux de piste, même Sainte-Thérèse de Lisieux qui souffrait dans sa chair et priait pour les autres, les sentiers dans lesquels Simone de Beauvoir se promenait, la longue ascension du mont Everest par Edmund Hillary. Le temps d’une lecture, j’étais ceux-là.

Pourquoi est-ce que j’aime quand même Tremblay puisque je n’ai pas vécu dans les années 1912-1914, n’ai pas connu ce Montréal dont il est question : l’est de la ville, la rue Sainte-Catherine, n’ai pas vécu dans le milieu décrit? J'aime ce qu'il écrit malgré le joual qui me dérange moins qu'à ses débuts.  Je n’ai même pas lu La traversée du continent, donc pas pu, comme Venise du Passe-mot, entre autres, m’attacher à la petite Rhéauna. Il doit y avoir autre chose pour que j'y revienne. Comment l’auteur réussit-il son coup alors? Je voudrais le savoir pour pouvoir à mon tour, en tant qu’auteure, réussir ce tour de force : captiver les lecteurs et avant, surtout avant, plaire à un comité de lecture d’une maison d’édition. Tiens, voilà donc pourquoi je lis, ce que je cherche dans un livre : la recette pour plaire, le truc, le déclic, la méthode, la formule. Le secret.

(photo empruntée à http://www.actes-sud.fr/rapide.php)

7 commentaires:

  1. Arrêter? :(
    Je veux au moins vous dire que j'aime vous lire.
    Quant au secret, le seul auquel je crois, c'est l'authenticité. Écrire l'histoire qui nous plaît, sans commande. Ensuite, avec un peu d'aide, le texte trouvera ses lecteurs. Ceux chez qui il aura permis l'identification dont vous parlez. Et d'après moi, l'époque est secondaire (ex: j'aime beaucoup Jane Austen), ce sont les personnalités qui font que l'on s'identifie (que le personnage soit gentil ou méchant, d'ailleurs). Quand je trouve un roman bon, c'est que j'arrive à me mettre dans la peau d'un des personnages et que je veux savoir comment je vais m'en sortir!!
    Enfin, ce sont là mes opinions, bien personnelles. Elles valent ce qu'elles valent.

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  2. Je crois pas qu'il y ait de secret.Certes de lire permet de voire la méthode, le concept, la recette d'autrui.Mais de croire qu'il a été publié parce qu'il est mieux que ce que tu pourrais faire, je ne suis pas daccord. Trop de causes peut être en jeu. Des causes que l'on ne contrôle pas souvent.

    Si tu écris comme tu a écris ce billet, je crois que tu n'as pas de secret à envier à personne.

    Ton blogue ,c'est ta vitrine. C'est une cause que tu peux controler et qui ne peut qu'être qu'un plus value

    Puis-je continuer à te lire ici encore longtemps. Aussi longtemps que les rêves qui mènent au réveil de l'accompli.

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  3. Vous êtes bien gentils. C'est ce que j'aime dans les blogues: ça ne prend pas un an à écrire, ça ne prend pas d'éditeur pour être publié, ça ne coûte rien au lecteur de nous lire et ça ne prend pas broutinette pour avoir des réactions. Encourageantes de surcroît. Rapport qualité-prix, ça peut rapporter pas mal plus que deux ou trois centaines de livres vendus!!!

    J'aime aussi Jane Austen. Et les soeurs Brontë. D'où ma question: qu'est-ce qui fait qu'un livre nous plaît? L'émotion, certes, mais comment la transmettre?

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  4. Tu te poses et poses de grosses questions !

    Finalement, tu as aimé même si tu n'as pas traversé Cette traversée du continent pour rentrer dans l'intimité de Rhéauna ? Il y a certainement de l'habileté de la part de Michel Tremblay. Cette trilogie, c'était ma rencontre avec le romancier M.Tremblay, et si j'avais un seul mot pour le définir, je dirais "habile". Il faut de l'expérience pour arriver à l'habileté. Il sait comment y faire. Le premier, c'était son filon à l'état brut, ça reste mon préféré, même si j'ai aimé le deuxième et un peu moins le troisième. Mais on peut écrire un bon roman sans avoir d'expérience à mon avis.

    À ce moment-là, toujours à mon avis, c'est encore plus important de ressentir un vif désir de porter une histoire, comme si elle nous hantait et qu'il fallait qu'elle sorte de nous absolument. C'est la base, d'après moi. Tout est une question d'habiter ce que l'on fait dans la vie, les chanteurs, les acteurs, les sculpteurs, les conteurs.

    J'espère que tu vas lire La Traversée des continents ... Lecture à rebours.

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  5. Bien sûr que je vais lire les deux autres. À part ses histoires avec les travestis, j'aime tout de Tremblay. Ça m'a pris une dizaine d'années avant de me décider, le joual me rebutait, mais je m'y suis habituée et maintenant ça va.

    Suis d'accord avec le fait qu'une histoire nous habite, qu'on la porte en soi et qu'elle doive être écrite. Mais j'accroche à "il faut qu'elle soit publiée" pour passer à la suivante.

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  6. Qu'ajouter à tous ces beaux commentaires? Simplement que je te souhaite de poursuivre sur la voie de l'écriture, et surtout du blogue, encore très longtemps! Fais-le pour le plaisir, crée ce que tu as envie de créer, amuse-toi! Un formidable billet que tu nous as pondu là, l'oeuvre d'une plume aguerrie et mature. Ne te décourage surtout pas!

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