mardi 9 juillet 2013

Depuis toujours de Madeleine Gagnon

J’ai eu beau conjuguer toutes les possibilités de Madeleine Gagnon avec @ ou avec le mot  «courriel» dans Internet, je n’ai pas trouvé à la rejoindre. J’ai lu parfois en entier, parfois rapidement tous les articles ou blogues à son sujet, écrits en avril et mai 2013, lors de la sortie de son livre, Depuis toujours. C’est le blogue d’Yvon Paré qui m’a amenée à emprunter le livre à la BANQ. Je n’ai pu résister à écouter le début de l’entrevue accordée à Chantal Guy à la Librairie Monet et là, je crois bien avoir compris. 

En lisant son autobiographie – et probablement que le phénomène se répète en lisant toute autobiographie, les longues, pas les petites courtes dans les revues — je me retrouve toute seule avec elle. Comme si j’étais — peut-être pas la première, je le sais bien —, mais la seule à qui elle raconte sa vie. Je deviens pendant quelques jours sa confidente. C’est entre elle et moi et je ne veux pas la partager, au moins le temps de ma lecture. Veux même pas être dérangée ou stoppée pendant que je dévore. Et c’est moi qui décide quand on arrête. Alors, voir que tant de monde a lu, a entendu, et voir aussi que l’auteure en parle à d’autres, sur le coup, je suis déçue, je sors de cette chambre close dans laquelle nous avions une relation privilégiée. Quelle sorte de lectrice suis-je donc pour m’illusionner de la sorte ? Masochiste, j’y retourne pour terminer le livre. Je ne veux pas sortir de ma bulle, de notre univers, pas tout de suite. 

Que son courriel ne soit pas disponible au grand public, qu’elle n’ait ni site, ni page Facebook déçoit la lectrice en moi, mais me fait comprendre que finalement, c’est moi qui ai besoin de lui dire merci, de lui dire que j’ai aimé son livre, que j’ai aimé connaître son histoire qui est un peu la mienne du simple fait que j’ai aussi connu ce temps de péchés et de judéo-christianisme, j’ai connu ce Québec naissant, j'ai découvert les balbutiements de l'édition canadienne-française. Et j'aime lire et écrire. Je dois respecter son besoin d’intimité, ce non-besoin de recevoir ces petites marques de reconnaissance ou tout commentaire.

Que lui aurais-je dit de plus que les phrases habituelles nerveusement lancées lors d’une brève apparition devant sa table de dédicaces dans un Salon du livre ? Et encore, si elle y va. J’aurais voulu lui dire, comme une centaine d’autres sûrement, que son récit m’a touchée, rejointe. C’était très plaisant, très intéressant de se faire raconter toute cette époque, tout le chemin parcouru dans les méandres de la religion, de l’éducation, de la vie québécoise. Et puis, moi qui aime tant les livres et l’écriture, se faire nommer tous ces auteurs qu’elle a lus ou côtoyés, de chez nous ou d’ailleurs, c’est comme un repas gargantuesque avec tout plein de friandises délectables. Parfois, c’était un miroir dans lequel je me reconnaissais, moi ou mes parents.

Mais évidemment, elle sait tout ça, c’est elle qui l’a écrite sa vie, alors que lui aurais-je dit à part «j’ai aimé et merci». Je ne lui ferais certes pas une analyse de textes, j’ai toujours détesté et n’ai jamais très bien réussi à trouver les mots de raison, je leur préfère les mots du cœur.

Je me demande si, inconsciemment, en disant à un auteur qu’on a lu son livre, ce n’est pas tout simplement vouloir dire qu’on existe soi aussi. Comme elle a écrit : « Pour certains, lire constitue l’écriture de leur vie ».


(Illustration de la couverture emprunté aux Éditions Boréal >>>)

12 commentaires:

  1. Il est sur ma liste, celui-là.
    Et je comprends ton sentiment de ne pas pouvoir la rejoindre, cette auteure. J'espérais quant à moi la voir, lui parler et lui faire dédicacer son livre qui m'intrigue tant au SILQ, mais elle n'était pas présente au Salon. Ça va dans le même sens que ce que tu relèves ici.

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  2. Elle dit d'ailleurs dans son livre qu'elle est "de cette lignée de l'ombre".

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  3. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'elle manque quelque chose.

    En tout cas, c'est un hommage, ce qui vaut bien, si on tient à chiffrer, une dizaine de critiques.

    En passant, il y a un "te" de trop, c'est la librairie Monet ;-)

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  4. J'ai corrigé "Monet".
    Je te laisse les "critiques", ce que tu fais très très bien d'ailleurs.

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  5. Touchant hommage Claude. Tu devrais l'envoyer à l'éditeur de Madeleine G. en lui demandant de faire suivre à l'auteure. Même si elle se fait discrète, je suis convaincue que ça lui ferait plaisir.

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  6. Merci Andrée. Signaler ce billet à l'éditeur? Oui, peut-être, je ne le sens pas encore.

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  7. En tout cas elle aimerait sûrement lire tes mots Claudel.
    Un tr`s beau billet d'ailleurs.

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  8. En tout cas, je suis contente que toi, Suzan, et les autres aussi, lisent mes billets. C'est déjà beaucoup!

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  9. Superbe hommage que voilà, ClaudeL.
    L'idée de passer par l'éditeur me paraît excellente, sans être obligatoire. Comme tu dis, elle n'a peut-être pas ce besoin de recevoir des témoignages de reconnaissance, et c'est ben correct. ;)

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  10. C'est drôle que vous preniez ça comme un hommage, toi, Andrée et Venise. Je ne l'ai pas écrit dans ce but. Pour dire des fois la perception.
    Finalement, c'est peut-être entre les lignes et c'était clair pour vous.

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  11. LOL
    Ça m'arrive souvent, à moi aussi.
    J'écris un billet avec une idée bien précise en tête et les lecteurs y trouvent autre chose. Ça doit être le travail de l'inconscient. ;)

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  12. Tu as raison, Sylvie. Des fois, les mots n'ont pas le même sens pour tout le monde. Selon la réalité de chacun et chacune.

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