dimanche 29 septembre 2013

La première fois

Elle m’a demandé de lire mon manuscrit. Si je le veux bien. Elle, ma muse. Elle qui me connaît si bien. Qui sait si bien inventer. Qui, à partir d’un bruit en déduit toute une histoire d’accident. Qui a dans sa mémoire des centaines d’anecdotes qui pourraient alimenter des romans de 300 pages alors que j’éprouve de la difficulté à mener à bien un seul à 200 pages.

Oui, je vais le lui montrer, même si le manuscrit est loin d’être achevé. Justement pour qu’elle me fasse des suggestions. Je l’entends déjà me dire de « mettre de la chair autour de l’os ». Je n’ai pas peur qu’elle me trouve des fautes, là n’est pas sa force. Ce n’est pas le doute qui se rue vers mon cerveau émotionnel, je ne crains pas son jugement, je sais à l’avance qu’elle me dira bien en deçà de ce que je me dis moi-même. Non, j’ai même hâte de savoir ce qu’elle en pensera. C’est plutôt cette émotion de jeune mariée qui m’étreint. Dévoiler ce qui était secret jusqu’à ce jour, me montrer à nue, sachant que ce corps, le manuscrit, n’est pas parfait, n’est pas achevé. La fierté aussi d’être désirée. Ce n’est pas moi qui lui ai demandé, c’est elle qui a offert. Entendre qu’elle aime, ne serait-ce qu’un peu; entendre, comme si c'était la première fois — et ce le sera pour ce manuscrit — , «j’aime» c’est ce qui m’émeut le plus dans ma vie personnelle autant que professionnelle. Ce que je verrai dans ses yeux, ce que j’entendrai de sa bouche, je sais à l’avance que ça me chavirera et me motivera pour devenir meilleure. 

Il y a ceux qui préfèrent aimer et ceux qui souhaitent être aimés. Aimer, pour moi, c’est facile, j’ai le contrôle sur mes sentiments, mais être aimée, ça n’arrive pas souvent dans une vie, avouons-le. Et être aimée dans ce que nous avons de plus intime, de plus précieux. Écrire pour moi est un acte solitaire, un acte important, un acte où je ne suis pas une image ou un être social, où je livre le plus beau et le plus profond de moi-même, et dont je parle rarement parce que personne ne me pose de questions à ce sujet, alors que quelqu’un veuille me lire, surtout la première fois, ça m’émeut. 

Et ça me fout la pétoche !

dimanche 22 septembre 2013

Je prends ma retraite



Depuis trois ans, j’ai une auto 2007
depuis un an, j’ai un véhicule récréatif 2004, avant j’avais un modèle de 1995
depuis cinq ans, un ordinateur portatif, écran 15 pouces
depuis six ou sept ans, un cellulaire Rogers, pas de texto (ou en tout cas, je ne sais pas m’en servir) pas de photo
depuis trois ans, j’ai des beaux planchers flottants et des tuiles qui ont fait « clic »
depuis deux ans, j’ai un grand téléviseur à écran plat avec du HDMI
depuis deux mois, un I-pod touch 5e génération et hier, il a fallu télécharger le IOS7 au design plat (platte, oui!)
depuis un mois, je lis un roman publié en 1953 d’Henri Troyat, décédé en 2007.

J’aime me tenir au courant des nouveautés, histoire de ne pas avoir l’air d’une vieille antiquité, prête à s’ennuyer dans un CHSLD, et j’aime bien savoir de quoi parlent mes neveux et nièces lors de rencontres familiales.

Il y a deux semaines, on m’a dit que mon site avait l’air… je cherche le mot, pas obsolète, mais un mot qui veut dire « version dépassée ». Alors, je me suis dit, je vais le mettre un peu au goût du jour. Mais voilà que le goût du jour, c’est le « responsive template » et la plateforme Wordpress si possible, même si Blogger n'a rien à lui envier, ce me semble!

Où je veux en venir ? Ça change trop vite. Arrêtez de pousser, je ne suis plus capable de suivre. Ni dans les véhicules, ni dans les styles littéraires, ni dans le « home staging », ni dans les téléviseurs à interface ou les téléphones intelligents. J’ai à peine le temps de voir ce qu’est un drôme, d’apprendre à écrire un texto, de lire du Lori Saint-Martin (il faut bien que j'en nomme une, mais ça pourrait être la majorité des jeunes auteurs québécois, vous savez, ceux qui réussissent à écrire sans relative dans leur phrase), d’acheter un logiciel pour monter des sites que déjà, on me jette aux yeux (ceux-là mêmes qui viennent de subir une opération pour les cataractes, c’est vous dire que je n’ai plus l’âge de me battre dans ce féroce monde de la performance) une expression comme « responsive template » !

Laissez-moi souffler! Ou plutôt, je décroche, je prends ma retraite du graphisme. Je vais envoyer un courriel à mes rares clients et leur dire de commencer à se chercher un designer qui sait jouer à ce jeu de « on change tout demain matin ! » Mes-vos sites sont démodés et ce n’est pas moi qui vais les raccommoder.

Je ne crois pas que ce soit ma dernière auto, peut-être mon dernier véhicule récréatif. Je ne sais pas si je vais encore changer mes planchers, les fenêtres peut-être. Un autre ordinateur quand celui-ci rendra l’âme (ces petites bêtes-là ont encore moins d’endurance que moi !), sûrement. Je vais continuer d’écrire avec mon style à mi-chemin entre les 30 ans et les 80 ans, blogues compris, mais je ne crois pas que je vais refaire mon site.

Obsolète, c’est un bien plus beau mot que « responsive design template », au moins, c’est français !

vendredi 13 septembre 2013

Verbes d'un vendredi 13

Enlever toutes les voix du monde, sauf la française, de son GPS pour créer de l’espace; se rendre compte qu’il en manque encore;

acheter une micro carte sd de 8Go, pour satisfaire son GPS gourmand qui n’a pas suffisamment de mémoire pour nous montrer les nouvelles autoroutes;

télécharger la nouvelle carte de l'Amérique du Nord, attendre un bon deux heures avant de voir enfin la petite auto sur les autoroutes 50 et 30 (et sûrement quelques autres) maintenant existantes;

en profiter pour enlever de nombreux favoris qui ne servent plus, vague nostalgie pour un voyage passé ;

télécharger tous les POI dont on aura besoin pour le prochain voyage parce maintenant on a de l’espace;

tant qu’à y être, rentrer dans les favoris au moins les quatre Springs State parks qu’on tient à visiter absolument en Floride;

prendre quelques secondes pour réaliser qu’un GPS ne fonctionne pas sur le wi-fi comme la majorité des autres bidules électroniques en sa possession, donc devoir sortir à l’extérieur, par un maigre 13 degrés venteux parce que la réception du satellite est faible;

se demander si on ne pourrait pas établir son itinéraire, mais se souvenir que cet outil n’était pas fourni avec ce modèle bas de gamme;

ne trouvant plus rien à ajouter, être presque déçue de ne pouvoir poursuivre sur cet élan, comme si le voyage se terminait ici;
Encore quelques semaines et nous y serons
alors, chercher une photo pour prolonger le plaisir et venir en parler sur son blogue.

Tout ça un vendredi 13, non, ce n’est vraiment pas un jour de malchance !

dimanche 8 septembre 2013

Le titre « Vélo à Granby » ne dit pas tout, ne dit rien en fait

Il y a des billets qui s’écrivent rapidement, d’autres parfois demandent des recherches. Et comme en cherchant, on s’aperçoit qu’on en a déjà parlé, presque fait le tour de la question, on se demande bien comment se renouveler et réussir à raconter ce qu’on a vécu, en images ou en mots, ces deux jours à Granby. 

Les photos ne reflétant pas notre état de corps, de cœur et d’esprit, on s’acharne sur les mots qui eux non plus ne nous satisfont pas. Les jours passent, les occupations nous amènent ailleurs. 

Pour dire tout le bonheur que j’ai ressenti à pédaler sur la piste cyclable de Granby, j’ai voulu retrouver toutes mes bicyclettes, mais avant l’ère du numérique, il y eut de vielles photos en noir et blanc, des diapositives, des films en 8mm ou, pas de photos du tout. 

En 2010 et 2011, sur ce blogue, j’ai déjà conté des grands bouts de mes aventures en vélo.


Avant ma première bicyclette, j'ai dû partager avec celles de mon frère. (Je pleurais peut-être pour avoir la mienne!)

8 ans : bicyclette bleue à rétropédalage, a connu les côtes de Lévis

18 ans : vélo 10 vitesses de fille, rouge et blanc, a connu Sorel, le lac Simon

20 ans : vélo 10 vitesses de gars, de marque Raleigh acheté au Canada, vendu à Londres, a connu l'Irlande

25 ans : vélo de gars 12 vitesses

26 ans : vélo-solex, à l’essence, un petit moteur qu’on descend sur la roue avant, a connu les parcs du Saint-Laurent


30 ans : emprunt d’un vélo pour course Lac-des-Plages/Montebello




31 ans : mobylette à essence, une vraie comme celle des Français. Très peu de techniciens pour les réparations, a connu le parc du Mont-Tremblant




40 ans : retour au vélo ordinaire, vélo de gars, 12 vitesses, a connu Cape Cod



Autour de 50 ans : vélo de fille, 18 vitesses que je n'ai vendu que cette année (2013), a connu une bonne partie de la province



57 ans : vélo électrique, batterie au plomb, a connu les États-Unis


63 ans : vélo électrique, batterie au Lithium, connaîtra le sud des États-Unis

La simple énumération des divers vélos ne dit rien des hésitations et des deuils entre chacun, des émotions que chacun m’a procurées, des histoires que j’ai vécues. Et pourtant, c’est entre ces lignes, entre ces âges, entre ces années que s’est insinué ce besoin constant de retrouver le plaisir premier, celui qui date du tout début, de la première fois : la possibilité de partir seule à l’aventure.

Chaque fois que j’ai décidé de changer, d’en acheter un nouveau, un plus performant, un électrique pour plus de facilité, c’était pour retrouver ce bonheur tout simple d’aller voir de nouveaux paysages, de découvrir de nouvelles odeurs, de respirer le doux air de la liberté.
 Avec la venue des pistes cyclables — asphaltées ou en pierre de roche, mais loin de la rue achalandée et dangereuse —, je suis bien heureuse de renouer avec ce sentiment d’évasion. 

Mon vélo électrique rouge, celui avec la lourde batterie de plomb répondait plus à un besoin d’utilité en camping, tandis que le plus léger, à la batterie au lithium, me procure une impression de jeunesse. 

Et les deux jours à Granby ont, en cela, répondu amplement à mes attentes. Ce fut le bonheur total.


En prime, malgré le temps frisquet, deux repas à l’extérieur devant un petit feu, dans un camping déserté. Je suis comblée.

mardi 3 septembre 2013

Encore une fois sans raisons précises

Parce qu’il ne fait pas si beau ni si chaud que ça vaille la peine de  pédaler quelques kilomètres;

Parce que c’est septembre, que j’ai écrit le mot deux fois depuis ce matin,histoire de m'en convaincre, mais qui ne résonne pas comme quand je rentrais à l’école, en fait, la rentrée ne veut plus rien dire pour moi, même pas de repas pris avec des profs retraités parce que j’ai quitté l’enseignement trop tôt; et que je n’ai pas de livres à paraître pour que le mot « littéraire » soit joint au mot « rentrée »;

Parce que je procrastine et que ça ne me dit pas de retourner corriger la page 124 de mon manuscrit, surtout quand je vois l’artiste peindre un super beau tableau en deux heures;

Parce que, comme chaque jour, j’ai quand même le goût d’écrire un peu;

Parce que je prends une petite pause de la lecture des Semailles et des moissons d’Henri Troyat qui me renvoie à mon écriture : pourquoi je ne couche pas d’aussi intenses sentiments sur papier, que je ne dépeins pas des relations aussi complexes ?

Parce que je me demande ce que je ferai de ma cueillette de photos prises les derniers jours;
Champ de soya après l'orage (cliquez sur la photo pour agrandir)

Jeune, j'en mangeais à me rendre la langue bleue.
Plus maintenant!
Parce que j’ai terminé de tracer l’itinéraire de mon prochain voyage qui me mènera dans les « Springs » de la Floride;

Parce que je m’épivarde;

Tout simplement.

(photos de ClaudeL, septembre 2013)