jeudi 26 février 2015

J'aime voyager, mais...

C’est la faute de mes parents ! Et peut-être un peu à ma carte du ciel très, très favorable à cette tendance : j’aime voyager. En revanche, pas n’importe où et pas n’importe comment. La Thaïlande ou l’Amérique du Sud ne m’attirent pas. Je suis une Nordique. La Scandinavie bien avant l’Asie. Et le camping bien avant l’hôtel. 

J’ai connu la tente par choix et pour le prix modique. J’ai essayé la tente-roulotte, mais j’ai su que reculer quelque véhicule tracté que ce soit, ce n’était pas aussi facile que la théorie me l’a laissé croire. Avec l’âge, vint le véhicule récréatif. Une petite caravane portée de sept pieds et demi pour commencer et depuis quelques années, un motorisé de classe B. 

J’ai voyagé pendant les vacances d’été. Une seule fois pendant les vacances de la construction et plus jamais, oh ! que non. Puis, quand j’ai pu, en septembre et en juin. Depuis quelques années, je peux partir à peu près toute l’année, ce sont plutôt les rendez-vous médicaux et le besoin quand même d’être dans ma maison, sur mon terrain, bref, chez nous qui limitent mes déplacements.

J’aime me sentir libre d’aller où je veux, quand je veux.

Mais ce qui m’amène à résumer ma vie de campeuse, c’est pour souligner que depuis quelques années, je ne voyage plus de façon aussi agréable. Aussi décontractée, aussi l’esprit libre. Est-ce l’âge ? Peut-être un peu. J’ai besoin de plus de sécurité, je m’inquiète plus facilement, bref, je stresse.

Pas que l’âge pourtant.

Depuis quand ? Depuis que les campeurs peuvent RÉSERVER. Majuscules et gras, parce que ça m’énerve, et tous les synonymes possibles : être sur des charbons ardents, s’alarmer, s’angoisser, s’en faire, s’inquiéter, se faire du mauvais sang, se faire du souci, se faire du tracas, se faire un sang d’encre, se mettre martel en tête, se morfondre, se ronger les moelles, se ronger les sangs, se soucier, se tourmenter, se tracasser.

Depuis que les campeurs peuvent réserver eh bien, ils réservent. Parfois un an à l’avance. Et pas à un seul camping, à plusieurs. Pire, ils oublient d’annuler ou le font la veille.

Je déteste réserver. Je ne sais pas un an à l’avance, même pas un mois à l’avance si je vais aller là ou là, à telle date ou telle autre. Et si j’ai envie de rester plus longtemps sur le bord d’un cours d’eau ? Et s’il y a une tempête qui me retarde en route ? Et si je n’aime pas ce camping et que je n’ai plus envie d’y aller ? (Déjà arrivé, ai perdu un dépôt de 100 $) Et si…

Exemple au Québec : la Sépaq. Je voulais aller au parc Mont-Tremblant, deux nuitées dans les très beaux et nouveaux chalets EXP. Nous étions le 20 janvier, pas dans la semaine de la relâche, juste en janvier. Et je voulais y aller dans la semaine, pas le vendredi, mais un lundi et un mardi. Je jette un coup d’œil sur le site. Il y a cinq chalets. Tous loués jusqu’à la fin mars, tous les jours. Ah ! non, un seul disponible, une seule journée, le 19 février. 130 $. Un mois plus tard. Commencèrent les « et si… » Et s’il y a tempête ? Et si ça ne me tente plus ? J’appelle et je demande comment le système d’annulation fonctionne. À un mois d’avis, pas d’annulation possible. Si, pour une raison ou pour une autre, je ne peux pas y aller le 19 février, je perds 130 $! Je n’ai évidemment pas réservé et n’y suis pas allée. Je ne sacre pas, mais il m'arrive de dire des gros mots.

Aux États-Unis, ce sont les State park qui sont réservés des mois à l’avance. Les plus près de la mer comme les plus reculés. Il y a un site, Reserva America, qui nous permet de réserver dans la plupart des State park et quelques RV park. Je connais des campeurs qui réservent à deux ou trois endroits. Je comprends que les Étatsuniens du sud puissent camper à l’année, donc ils ne se gênent pas pour partir camper presque chaque fin de semaine. Mais la semaine ? 

La réservation est devenue un système fort lent et déshumanisé. Il m’est arrivé d’être au Anastasia State park (St-Augustine, Floride) et aussi à Walt Disney, bien présente, devant un comptoir et je ne peux pas avoir d’emplacements. Il faut que je téléphone. Je suis là, devant une préposée qui pourrait me renseigner, me dire au moins s’il y a des emplacements disponibles, non, il faut que je téléphone à la centrale de réservations. En anglais, évidemment. Heureusement à Walt Disney, on a le droit d’avoir une traductrice. L’appel se fait à trois… au téléphone. Heureusement aussi, à St-Augustine, une fois que j’ai su qu’il n’y avait pas d’emplacements libres, la préposée a été assez gentille pour téléphoner à deux autres campings et depuis ce jour, je me rends directement au Indian Forest campground.

Il arrive que la communication entre le parc, la centrale de réservation et les ordinateurs de chaque partie concernée ne voyage pas à la vitesse de la lumière. Tu vois le camping à moitié vide et pourtant, à l’entrée, c’est indiqué « No vacancy ». Vers 11 heures, heure du « check-out », tu parles au préposé à l’accueil, il furète dans son ordinateur et parfois il te trouve un emplacement. Et si tu appelles directement à la centrale de réservation, tu cours encore plus la chance qu’elle t’en trouve, parce que les annulations arrivent sur leur écran en premier, au parc en deuxième et sur le site seulement 24 heures plus tard. Qu’on m’a dit.

Quand même du stress, de l’impatience, de l’incertitude. Du changement de camping, du changement d’emplacement : un jour sur le 48, un jour sur le 233. Tu ne peux pas partir visiter la ville, faut que tu déménages !

Je ne voyage plus aussi librement. Certains diront que c’est de l’aventure, que je ferai de belles découvertes. Ce n’est pas ce genre d’aventure que j’aime. Perdre des heures à chercher, à attendre, à m’inquiéter, à téléphoner, à espérer. Pas plus agréable des mois avant de partir que presque chaque jour si tu roules. 

Encore cette année, je voudrais pédaler sur la piste cyclable Pinellas Trail, en Floride, monter au nord et me baigner dans un ou deux « spring » et finir par la visiter cette Panhandle dont tout le monde parle avec un enthousiasme communicatif. Disons, trois campings sur neuf jours. Et bien pas évident, encore. Quelques possibilités très limitées. Si je réserve telle date à l’un, pas de place à l’autre. Si j’obtiens un mercredi à l’un, il n’y a plus de place le samedi à l’autre. Et même si j’avais toutes les dates voulues, ça m’obligerait à être là à ces dates fixées des mois à l’avance. La contrainte et moi ! Aussi stressant que de ne pas savoir où je vais coucher le soir. 

Je déteste réserver. Si ça continue, je vais détester voyager. Papa, maman, pourquoi vous m’avez donné le goût de voyager !

Pour lire ou visionner quelques-uns de mes comptes-rendus des voyages de ces dernières années, cliquez sur l’onglet « voyage », en haut du blogue.

dimanche 15 février 2015

Le désert mauve de Nicole Brossard

Un dimanche sans raquettes. Trop froid. Surtout trop venteux. Alors, écrire, corriger. Et pendant les pauses, question de prendre du recul, lire Le désert mauve de Nicole Brossard.

Je m’améliore : je suis capable de lire, d’admirer, d’aimer, sans être ravagée d’envie, sans tomber dans la mésestime de l’auteure que j’essaie d’être. Je sais, chaque fois, je me dis que je ne devrais pas lire pendant l’écriture , ni la réécriture, ni la révision. Mais voilà, une journée sans sortir m’offre d’autres possibilités durant mes pauses. Et aujourd'hui, c'est tout beau, question lecture. Plus que beau.

Le désert mauve, un livre écrit en 1987. En 1987 ! Il y a vingt-huit ans. Et déjà des phrases comme :

« Pourtant la nuit. » Oui, il y a bien un point, donc c’est une phrase.
« Le désert boit tout. La ferveur, la solitude. » 
« La nuit ! Oui, j’ai vu l’aube. Souvent. »

J’aurais dit une écriture du 21e siècle, pas de 1987. Alors avant-gardiste, précurseure, madame Brossard.

Des phrases courtes, qui, parfois, ne semblent avoir aucun lien. Pourtant, comme une chaîne aux maillons entrelacés. Un noir, un blanc, un bleu, un vert et on répète et on insiste. Les chaînes s'enchaînent. Exemple ? « Un homme vient s’asseoir près d’elles. Il entame la conversation en français. L’homme est mince. […] Je ne comprends pas ce qu’il dit. Elles rient. Il se lève et se dirige vers le bar. La lumière est vive. »

Un livre comme je les aime : sans histoire évidente, sans dialogues, presque sans intrigue. Où je n’ai absolument pas le besoin d’aller voir la fin parce qu’il n’y a ni questions ni réponses. Le bonheur est dans la lecture de chaque phrase, de chaque chapitre. Pour la musique. Que du bonheur du mot présent.

Sous prétexte de préface, aux allures d’étude universitaire, les dix-neuf premières pages de l’édition Typo rend hommage à ce livre, l’explique, le décortique, le résume. J’avais trop hâte de lire le livre, alors j’ai lu en diagonale. De toute façon, même étudiante, je n’ai jamais disserté de la sorte et je ne lis jamais avec ma tête qui cherche à circonscrire un sujet, quel qu’il soit. Je lis avec mon vécu émotif.

Et pour Le désert mauve, je me laisse bercer par le rythme. Et je jouis de lire pareil texte. Fascination pour cette auteure. Pourtant à cent lieues de mon univers littéraire, parce que je ne suis pas friande de poésie à laquelle elle est identifiée. Ne m’y sens pas à l’aise, ne m’attire pas. Comme la musique contemporaine de Jean Papineau-Couture ou les tableaux de Marcel Barbeau. Même si, à l’occasion, j’aime bien un Jean-Pierre Lafrance.

L’œuvre et la vie de Nicole Brossard m’attirent… depuis quarante-six ans, simplement parce qu’un certain été, nous avons partagé une baie, un lac. Et c’est à elle, à elle seulement, que j’ai osé montrer mon premier roman. Peut-être a-t-elle oublié, elle a sûrement oublié. Mais moi, pas.

vendredi 6 février 2015

De la musique intérieure pour écrire

Quand je suis dans l’organisation des jours à venir, des achats à noter, des voyages à préparer, mon esprit est rationnel. Froid. Mon langage direct. Mon cerveau, une armoire compartimentée. Et ça avance d’un pas assuré.

Mais je ne sais plus écrire. 

Pour écrire, pour imaginer, je dois m’abandonner au temps. L’oublier. M’en détacher. Ne plus être dans aucune organisation, aucun agenda, aucune obligation. Mon esprit doit flotter, ici et maintenant, se promener dans un ciel bleu pur et qu’aucun bruit ou nuage-obstacle ne viennent le déranger. Que naisse une petite musique au bout de mes doigts. Au moins les premières notes, et, avec un peu de chance, suivront quelques lignes ou peut-être même quelques pages. 

Écrire, c’est comme méditer. Il faut que viennent des souvenirs d’émotions et ensuite seulement, les voir, les sentir et les faire revivre dans des corps de personnages. En tout cas, c’est ma façon. 

Aujourd’hui, troisième tentative pour la quatrième de couverture : résumé et biographie.

Besoin d’aide, de temps, de silence. J’ai fait brûler de l’encens. Furent brûlés en même temps le doute, l’éparpillement. Furent fermés les tiroirs inutiles. Furent calmées mes propres émotions. 

Et la musique vint.

vendredi 23 janvier 2015

De la révision du manuscrit
Les têtes bouclées

Petite pause de corrections des Têtes bouclées (prochain roman à paraître à l'automne 2015 pour ceux et celles qui ne le savent pas).

Quand c’est rendu que tu veux redevenir le professeur que tu as déjà été plutôt que l’élève que tu ne cesseras jamais d’être, il vaut mieux arrêter, reposer tes neurones. À l’étape où j’en suis, c'est-à-dire relire posément les suggestions de la réviseure-directrice-littéraire (avec qui je m’entends super bien, que je respecte, que j’admire, faut-il le mentionner) et les appliquer ou non, c’est une perte de temps de vouloir lui expliquer, à distance qui plus est, comment je pense, comment j’ai construit mon roman. La phrase qui est en train de devenir un classique chez les auteurs : « si la réviseure n’a pas compris, le lecteur ne comprendra pas ». Et comme, au moment de la lecture, l’auteur n’est pas là pour expliquer comment il a raisonné au moment de l’écriture... Maladroit, reformuler, transition. C’est imprécis à la page 174, ce n’est pas à la page 182 qu’il faut lire l’explication. Et le lecteur, lui, ne sait pas que telle phrase est écrite parce qu’il y aura un lien dans le tome 3. Il n’a pas à le savoir. 

Alors, tu laisses l’ancien prof de côté, son orgueil compris. Tu redeviens l’élève qui doit recommencer son devoir. Penser autrement, recomposer ta petite musique, avec les mêmes notes, mais de façon plus harmonieuse. Trouver les fameuses transitions manquantes et en trouver des pas trop clichés.

Avant de sombrer dans le doute, prendre une pause. Ne pas lire surtout ni roman québécois ni aucun, même pas un de ces mauvais dont parle souvent Dany Laferrière. Reste concentrée. Et puis, si l’impatience te venait, regarde la couverture. Si belle, si réussie. Regarde le contrat signé. Pas de quoi déprimer, c’est certain. Encore un peu de temps et tu vaincras.

Ne pas t’attarder au fait que tu es une femme et que ton personnage principal est un homme. Ce n’est pas ce que tu avais prévu quand tu as commencé cette histoire, mais maintenant, il est là, il s’est imposé. Il aura la voix qu’il aura, il s’en est satisfait, lui, pourquoi pas toi ? Ne pense pas au lecteur qui le remarquera sûrement, ça le dérangera peut-être, peut-être non. Tu n’es pas Flaubert qui a réussi sa madame Bovary, et alors, tu n’as pas à l’être. Pense à la couverture que tu aimes tant, laisse-la t’inspirer. 

Cesse d’être avocat du diable. Utilise tes neurones pour trouver de nouvelles scènes. Allez, courage, tu as connu tellement pire. Le plus facile est derrière toi, certes : les fautes d’orthographe disparues, les rares anglicismes ont été vus et corrigés lors de la deuxième version, la déficiente concordance des temps et l’accord des participes passés sont moins flagrants qu’au premier roman et donc rapidement corrigés ? L’émotion a l’air de passer puisqu’il n’en fut pas question. Tu es passée du point A au point B. Encore un peu de temps, encore un peu d’efforts et tu te rendras au point C.

N’aimes-tu pas jouer avec les mots ? Va faire ce que tu aimes le plus : écrire. Bon, d’accord, c’est plus difficile de réécrire, mais ce n’est finalement qu’un déplacement des mêmes vingt-six lettres de l’alphabet ! Et puis, c’est une histoire d’amour, une relation père-fille. Ça te va comme un gant. Il suffit que tu joues avec les blocs et que tu les déplaces un peu, que tu y mettes de l’ordre. Pas l’ordre que tu as dans ta tête, en ordre pour que le lecteur, tous les lecteurs comprennent ou au moins se retrouvent un tant soit peu dans l’histoire, peu importe comment ils pensent, de quel sexe ou de quel âge ils sont. 

Bon, ça va mieux, la pause est finie ? On y retourne?

vendredi 16 janvier 2015

De la beauté de mon hiver... au Québec

Il y eut la tuerie à Paris, il y eut Je suis Charlie. J’ai regardé, écouté, j’ai ressenti l’injustice, la colère. La peur surtout. On ne peut pas réagir à tout, s’intéresser à tout, écrire sur tout. Ne me viennent que rarement des mots pour les morts, même proches. Pas plus pour les fêtés. Alors j’ai attendu. J’ai continué à vivre, à m’intéresser à la culture, aux voyages. 

Et à cet hiver que j’aime bien.

Malgré le vent glacial, malgré la neige à pelleter, je sors dehors presque chaque jour. En bas de la petite côte qui mène à une forêt d’aulnes, de bouleaux et d’épinettes, à l’abri du vent, je parcours les sentiers que j’entretiens avec amour depuis des années.

Et j’oublie l’injustice, la colère et la peur. Je respire. Je cherche la mésange et le lièvre. Je suis toute joie quand je trouve des baies rouges. J’admire les effets du soleil sur les branches glacées et enneigées. Je ne sens aucun besoin d'aller dans le sud... pour l'instant.

Je vis. Pendant que je peux. 

mercredi 14 janvier 2015

Nouvelle adresse

Petit billet court, plus de détails ultérieurement.
Vous ne verrez pas la différence à moins de regarder l’adresse URL en haut de votre écran.
Mon adresse falstrault-lamarche.blogspot.com est devenue www.claude-lamarche.com
C’aurait pu être facile, c’aurait pu prendre une petite heure, mais finalement deux jours plus tard, tout est revenu à la normale. 

Merci à Pierre H. Charron pour son aide, à Steve T de Funio mais aussi à J.-P. Casavant de Internet Papineau.

À bientôt. Parce qu’entre temps, j’ai reçu les corrections de la réviseuse pour mon roman Les têtes bouclées, alors il y a plus important qu’une simple adresse changée.

samedi 3 janvier 2015

Trois auteures pour une lectrice

Parce que je lis, parce que j’écris, parce que j’ai marché une heure — même si j’aurais bien aimé que ce soit en raquettes, au moins en forêt, ma forêt — parce que le silence est revenu après les chansons et les rires, je suis bien. Plus que bien, heureuse, de belle humeur. Plus que « Bonheur du jour », je voudrais trouver un titre plus révélateur de mon état. Une métaphore. Comme Lynda Dion dans son tout nouveau blogue. D’ailleurs cette écrivaine québécoise, c’est ma cerise sur le sundae, l’étoile en haut du sapin de Noël, mon sourire large et reconnaissant.

Le début de ce bonheur-du-jour a commencé fin novembre, dans une librairie. À l’achat de Bad girl de Nancy Huston. Voir billet du 28 >>>. Sauf qu’à la moitié du livre, j’ai dû me faire violence pour arrêter, pour lire des livres de bibliothèque — papier et numérique— délai de trois semaines oblige. J’ai repris le Huston après Noël, l’ai terminé, satisfaite, vaincue. En me pressant un peu parce que je savais — j’espérais— qu’au jour de l’An, Écrire la vie d’Annie Ernaux m’attendrait. Vaincue oui, parce qu’entre le livre et moi, entre la lectrice et l’écrivaine que j’essaie d’être, c’est souvent la bataille. Laquelle gagnerait, laquelle s’avouerait vaincue, laquelle reconnaîtrait que l’auteure n’aurait jamais pu écrire ce que la lectrice est en train de lire, même si elle aurait bien aimé tellement elle se sentit proche de cette écriture, proche du vécu du personnage. Que la lectrice fut tenue en haleine, émue bien souvent, et a réduit l’auteure au silence et à l’admiration. Sans juger, sans critiquer, sans chercher la petite bête noire. Sans non plus se sentir complètement nulle, sans non plus qu’elle soit tellement vaincue qu’elle renonce à jamais à écrire elle-même. Donc, j’ai fini de lire Bad girl, et j’ai même pardonné à Nancy Huston (et/ou son éditeur) ce titre anglais alors que « La mal-aimée » aurait très bien fait l’affaire, selon moi. C’est la seule petite voix qui s’est fait entendre, mais une fois le livre ouvert, pendant qu’elle tournait les pages, qu’elle était ravie de la mise en pages et bien concentrée dans l’histoire de Doritt (bizarrement, j’ai écouté la série La petite Dorrit de Charles Dickens à Radio-Canada entre Noël et le jour de l’An), la petite voix s’est tue, n’a plus rien dit. Conquise.

Alors, quand arrivèrent les mille pages d’Annie Ernaux, la vaisselle, le lavage, le budget furent rapidement expédiés, les émissions de télévision oubliées et la lectrice déjà bouche bée, les mains ouvertes, le cœur prêt à l’abandon se cala dans son fauteuil et partit à la découverte de cette auteure dont elle n’avait lu qu’Une femme et dont elle n'avait gardé — comme il arrive bien trop souvent — qu’un vague souvenir… d’avoir aimé ça.

La lectrice que je suis en était là de son plaisir encore ce matin, après la lecture du chapitre photojournal, après sa marche quotidienne quand sur Facebook, elle vit le nom d’une écrivaine québécoise dont elle a tant aimé les romans. Cherche vainement quand j’en ai parlé. Il est impossible que je n’en ai point dit un mot sur mon blogue. J’ai tellement aimé, me suis identifiée. Grâce à Louise Falstrault, artiste peintre, j’ai connu son père artiste peintre aussi, Eddy Dion. Ingrate. J’ai pourtant parlé d’Hélène Dorion, de Louise Dupré et elle, que j’ai lue à la même époque, au soleil, me semble-t-il, point de traces ? Je me reprends donc: sur Facebook, Lynda Dion, puisque tel est son nom, annonce qu'elle a créé son site et intégré un blogue. Depuis le temps que je cherche des blogues d’auteurs, féminins en plus, et Québécoises. Il y en a peu. Je me précipite, je dévore, je cherche les mots que j’ai aimés dans La maitresse et La dévorante. Je trouve. Différents, mais tout aussi personnels. 

Est-ce moi qui les cherche, est-ce moi qui les réunis, mais dans les mots de Huston, d’Ernaux et de Lynda Dion, le même "je", le même intime, le même personnel. Je ne dirai pas autofiction ni autobiographie, c’est au-delà. N’a plus d’importance de limite, de frontière et encore moins d’étiquette, de classe, de catégorie.

Trois auteures qui me parlent d’elles. Et moi, je suis devant un miroir qui me renvoie ma propre image, devant une plage où je vois mes traces, devant des pages où je me reconnais, devant un calepin où se mêleront des notes de lectures, des mots à écrire, à retenir, à publier peut-être. 

Alors Huston au revoir, au prochain, Annie Ernaux ma joie pour l’hiver et Lynda Dion, chaque fois qu’elle le voudra bien, je vous suis toute reconnaissance de me montrer qui vous êtes pour apprendre qui je suis.

mercredi 31 décembre 2014

Sur les traces de... (3)

Sur le montage photo
En haut à gauche : personnages représentant les Seminoles du sud de la Floride (photo de l'auteure)
En haut à droite : totems situés à Whitehorse symbolisant les Tlingits du Yukon (photo de l'auteure)
En bas à gauche : illustration de la bataille de Fort Alamo, San Antonio, Texas (photo de l'auteure)
En bas à droite : photo empruntée au site Internet discorverenglang.org illustrant les premiers arrivants européens en Nouvelle-Angleterre. Reconstitution à Plimouth Plantation, près de Boston
Après les billets « Sur les traces… » des romans et des tableaux, publiés en octobre, voici Sur les traces de l’histoire. Toutefois, si c’est en lisant ou en admirant des tableaux d’artistes peintres que j’ai le goût d’aller ici et là pour voir ce que les artistes ont vu ou vécu, en ce qui concerne l’histoire, c’est plutôt le contraire: c’est une fois sur place que je découvre le passé de la région.

Ce n’est sûrement pas l’histoire apprise dans les livres scolaires qui ont inspiré certains de mes voyages. Je n’aimais pas beaucoup cette matière trop académique, trop de par cœur, trop de dates, trop de noms, trop de rois. Je n’ai pas eu de professeurs qui m’ont rendu cette matière attrayante. Probablement que c’est tout de même celle que j’ai apprise à l’école qui m’a fait croire que l’Histoire, avec un grand H, ne s’était écrite qu’en Europe ou dans les « vieux pays ». En Amérique, ça se résumait aux Indiens tués par des soldats et que cette chasse tenait plutôt de la religion (les bons blancs qui évangélisent les méchants de couleur). Toujours est-il que pendant longtemps, j’ai été tenté de visiter l’Europe et presque rien d’autre. Visiter les États-Unis n’a jamais intéressé les membres de ma famille. 

J’ai donc voyagé en France-Italie-Suisse (1962), en Irlande (1971), au Mexique, en me contentant de traverser rapidement l’est des États-Unis (1972), grand tour de France-Suisse-Allemagne-Hollande-Belgique (1989) et la France uniquement (1993).

C’est le manque de temps de vacances et le plaisir du camping qui m’a fait peu à peu rôder plus près de ma tanière québécoise. En me promenant en Ontario, en longeant le fleuve jusqu’aux Grands Lacs, j’ai appris l’histoire de la révolution américaine (1775-1783). Ce ne sera que beaucoup plus tard que j’apprendrai que l’ancêtre des Falstrault était un soldat auxiliaire allemand, Heinrich Faulstroh, qui est arrivé pendant cette guerre d’indépendance et qu’il a donc séjourné dans ces forts situés près des frontières new-yorkaises.

Toujours attirée par la mer, en me rendant à Cape Cod, j’ai finalement arrêté au village reconstitué de Plimoth Plantation, devant lequel je passais à chaque séjour. Sans avoir à visiter Boston, j’ai pu y apprendre comment se passait la vie au dix-septième siècle. Et comme chaque fois que je vois un bateau de cette époque, j’ai été impressionnée par le Mayflower.

Si j’ai beaucoup aimé connaître l’histoire, les difficultés et la culture des autochtones du Yukon et de l’Alaska, celle du Texas a été, de loin, la plus différente de tout ce que m’avaient laissé croire les films « westerns » vus à la télévision dans mon enfance. Je n’avais jamais compris l’importance du peuple espagnol dans le sud des États-Unis. Je n’avais jamais vu (ou pas retenu) la grandeur réelle du territoire du Texas au temps des missions espagnoles. La bataille du fort Alamo se limitait pour moi à la mort de Davy Crockett, un héros de film. 

Mon voyage au Texas fut donc tellement, mais tellement plus qu’une recherche de la chaleur ou un état obligatoire pour se rendre en Arizona. 

Je n’ai donc noté, pour les besoins de ce billet, que ces quatre endroits. À titre indicatif seulement de ce que peuvent être aussi mes voyages, en plus de la recherche de nouveaux paysages, de chaleur parfois, du plaisir de vivre en plein air, de marcher, de pédaler, de pagayer.

En 2015, je profiterai du 350e anniversaire de l’arrivée des soldats de Carignan pour approfondir l’histoire de mes ancêtres autant du côté paternel (Bricault dit Lamarche) que maternel (Deguire dit Larose), mais en 2016, je projette une croisière dans les pays de la Scandinavie. À découvrir une histoire totalement inconnue pour moi, sinon par un Astérix, L’Anse aux Meadows à Terre-Neuve et trois romans de Henning Mankell. Aussi bien dire zéro.

Sur ce, je vous souhaite une bonne année 2015, sur les traces de... vous-même.

sites à consulter:

vendredi 19 décembre 2014

Lire à Noël

Noël, encore un. Mon grand-père calculait son temps en Noël : « c’est mon dernier » a-t-il dit pendant une bonne dizaine d’années. Pour certains, qu’ils soient seuls ou bien entourés, les fêtes peuvent être nostalgiques, voire tristes. Pour d’autres, une prouesse d’organisation. Mais il faut bien admettre que nos Noëls d’enfants sont, en majorité, pleins de beaux souvenirs. Des fêtes de congé, de neige, de couleurs, de cadeaux, de joues rouges, de sourires ravis. Parsemées de danses, de musiques, de bonshommes de neige ou de jeux de cartes. Toujours de bonne boustifaille. 

Nos Noëls d’adultes sont souvent très loin de nos jours d’enfants. Je n’y échappe pas. Même entourée de la famille, de princesse et de chevaliers, de pirates et de bricoleurs, je me sens superficielle, consommatrice, un peu sur la corde de la performance d’hôtesse ou je joue le jeu de l’invitée. 

Du plaisir oui, 
de la joie, oui, 
de la fatigue, sûrement, 
de la satisfaction, très souvent.
Mais de l’émotion, celle du dedans, celle qui remue mon cœur d’enfant, rarement.
Sauf cette année. 

Quand on a donné notre liste de cadeaux à la personne responsable de la cueillette. Je ne sais pas qui m’a pigée, mais je l’annonce, avant Noël, j’ai pigé mon frère. Je n’en ai qu’un. Nous n’étions que deux enfants dans la famille. Qu’ai-je demandé au père Noël? Un livre. Qu’a demandé mon frère au père Noël? Un livre. De la quinzaine de personnes qui constituent la famille agrandie, nous avons été les seuls à demander un livre. Ce qui m’a émue jusqu’au cœur. Comme un fil qui me relie à lui, pour toujours. Quand on lisait, on ne pensait pas à se détester. Les livres nous ont rendus généreux, ont permis de garder intacte notre fraternité-sororité, celle qui s’entend bien et s’aime malgré les différences.

En voyant sa demande, je nous ai revus certains dimanches, et à plusieurs anniversaires, parents et enfants, au salon. Nous lisions. Nous étions bien. Très bien. Merveilleusement calmes. Sans acrimonie, sans bataille. Chacun dans son monde, et pourtant le même monde. Du même souffle. D’un même cœur. Enfin, j’ose le croire. 

Je vous souhaite de retrouver cette émotion de votre enfance, au temps où il n’y avait que le bonheur d’être soi-même. Avez-vous essayé avec un livre?
(Photo de l'auteure, en 1962)
(Illustrations d'arbres de Noël en livres, empruntés à Google images)

jeudi 11 décembre 2014

Ce sera Christian Quesnel



J’aime tellement ce qu’il fait. Loin de l’hyperréalisme, mais quand même quelques éléments bien figuratifs, ses illustrations aux couleurs parfois vives, parfois pastel suggèrent plus qu’elles n’imposent une idée. Son originalité vient peut-être du fait qu’il n’est d’aucun mouvement ou école de pensée. Il a créé son propre style. Je l’ai connu par son livre Cœur d’argile, mais je crois que son dernier, Ludwig, est en train de faire le tour de la province et du nord des États-Unis. La maison d’édition au nom enchanteur de Neige-Galerie, qu’il a créée avec quelques auteurs de l’Outaouais a déjà publié plusieurs titres. 

Je lui ai donc demandé de faire la couverture de mon prochain roman, Les têtes bouclées. Je l’ai rencontré à son studio. Je lui ai présenté Les têtes rousses paru en 2011 et ce cahier bleu que ma grand-tante religieuse a tenu dans les années 1920-1940, qui  me sert d'inspiration pour cette série. Il aurait bien voulu en trouver un semblable dans la maison où il habite depuis quelques années. Un cahier qui recèle des trésors d’histoires, de photos, de tableaux généalogiques, de cartes mortuaires, de chiffres, de numéros de lots dans les cimetières, d’adresses. Je lui ai donné quelques détails des personnages à quoi ils ressemblent, où ils ont vécu. C'est tout, je le laisse aller, j'ai confiance.

Il a dit oui. Je sais que ce sera beau.

Ce sera donc Christian Quesnel.

Vous pouvez en savoir plus sur lui:

Les illustrations sont évidemment de Christian Quesnel

lundi 8 décembre 2014

Certains matins...


Certains matins, les mots tardent à arriver ou ne s’assemblent pas en phrases.
Certains jours, l’esprit a besoin de s’aérer, de respirer.
Ce jour-là, ce matin-là, dehors, la nature s'est fait lumière, s'est fait couleurs.
C’est aussi ça la vie. Peut-être la seule vraie.
La mienne en tout cas.

(photos de l'auteure)

lundi 1 décembre 2014

Ce sera Les têtes bouclées


Pour la vraie couverture, il faudra patienter quelques mois.
Le 28 novembre 2014, une date à retenir : mon blogue a six ans? Non, qu’importe. Deux jours avant la date anniversaire de mon père qui aurait eu 92 ans? Non, pas ça. J’ai attendu en décembre pour l’annoncer parce que j’attendais le calendrier d’échéance pour vous en dire plus. Confirmation ce matin.

Donc, tatadam… certains l’auront déjà deviné… c’est ce jour-là que j’ai reçu un courriel de l’éditeur de Vents d’Ouest m’annonçant que mon roman, Les têtes bouclées, sera publié. 

Joie. Borborygmes. Soupirs. Grand sourire. Fête.

Compte à rebours commencé. Noter les dates, les prochaines étapes. Rencontrer la réviseuse qui me suggérera des transitions, des améliorations pour assurer une meilleure continuité, surtout dans le dernier tiers. À l’avance, ayant confiance, je dis oui à tout. Je verrai point par point lors de la réécriture. Je vérifie quand même, j'ouvre mon fichier, je cherche les chapitres. Ah ! oui, peut-être que je pourrais développer ceci et cela. Mais j’accepte l’aide. Je voudrais un déclic, sentir la même émotion que lorsque Bernadette Renaud m’avait suggéré une scène-pivot pour mon premier. 

La couverture : j’y pense depuis longtemps. Je la veux différente des Têtes rousses. J’ai déjà le nom du dessinateur en tête. Lui demander, envoyer un courriel, prendre rendez-vous. Le dire? Puis-je? Il n’a pas encore accepté. Le nom a été soumis à l’éditeur qui a dit oui tout de suite. 

La publication : octobre 2015. C’est loin, mais je m’en doutais, c’était le cas également pour Les têtes rousses

L’éditeur m’a parlé de la suite du roman. Il y a quelques semaines, je voulais tout lâcher, me contenter d’écrire un long et dense épilogue au tome 2. Arrêter là le suspens, la tension, le devoir, l’obligation, la discipline. Juste vivre et me faire plaisir. Mais voilà, la promesse de publication, la possibilité d’une trilogie m’incite à la réflexion, me motive. Me fait croire que j’en suis capable. 

Et puis, ne pas essayer de tout régler la première semaine. Ni anticipation, ni projection. Ni même de comparaison avec Les têtes rousses, sinon, les dates du 7 octobre et  du 2 décembre 2011 vont revenir me rappeler des jours plus sombres qui avaient gâché un peu beaucoup la sortie de mon roman d’alors. Goûter chaque moment et me réjouir de pouvoir les vivre, un par un, une étape à la fois et continuer de vivre mes trois rêves: lire, écrire, voyager.

Pour l’instant donc, l’annoncer. 

C’est fait.

vendredi 28 novembre 2014

Bonheur du jour(4)

D’abord l’anticipation. Prendre prétexte de l’achat d’un cadeau pour Noël pour quelqu’un d’autre et te faire plaisir à toi aussi. Avoir hâte de voir l’étalage, la décoration des fêtes, les nouveaux titres surtout. 

Le choix de la librairie. Sans hésitation une librairie indépendante (Rose-Marie à Buckingham) parce que tu boudes Renaud-Bray depuis plusieurs mois : il ne veut pas des livres de Dimedia, tu ne veux pas des siens. Quant à Archambault, il peut se passer de ton argent et de toute façon, le magasin est mal situé pour toi. 

Et puis quel plaisir de voir que la propriétaire te reconnait, même si tu n’y vas plus aussi souvent, depuis que tu es membre de la BANQ. Et si elle ne se souvient pas de ton nom, son sourire et l’empressement avec lequel elle t’indique où trouver tel ou tel livre te font chaud au cœur comme si tu partageais une même passion, ce qui est le cas.

Le choix des livres. Le véritable enchantement commence, la délectation. Comme des caresses d’amour. Rapidement tu prends le livre de 1000 pages de Ken Follett pour le cadeau des Fêtes. Peut-être l’emprunteras-tu pour le lire ? Tu t’attardes aux présentoirs des nouveautés. Tu remarques que les sept tomes de Fanette de Suzanne Aubry ont leur propre présentoir. Wow, quelle promotion ! Tu hésites devant le dernier de Michel Tremblay, Survivre Survivre. Mais tu sais que c’est une sorte de suite de la diaspora des Desrosiers et que tu n’as pas lu tous les précédents. Prendre un livre de Léméac/Actes sud est toujours un plaisir. Tu as toujours aimé le format, le choix du papier la texture de la couverture. Quoiqu’on dirait bien qu’au toucher, la couverture n’est plus aussi poreuse. Tu hésites.

Tu te rends dans les bandes dessinées, tu cherches les éditions de la Pastèque, tu ne trouves pas, tu demandes à la propriétaire. Auteur Marsi, Titre Colis 22, éditions La pastèque, elle trouve immédiatement. Pourquoi celui-là ? Depuis le temps que tu voulais lire Marsi, le compagnon de Venise. Tu as couché chez eux, ou plutôt tu avais séjourné dans leur stationnement trois jours pendant les correspondances d’Eastman. Elle tient un blogue sur la littérature québécoise, Le Passe-mot et lui, il dessine. Fort bien d’ailleurs. Tu feuillettes : un vélo. Ça te rappelle tes intrépides virées avec tes bicyclettes. Tu tournes encore quelques pages, tu es ravie, tout à fait le genre de dessins en noir et blanc comme ceux de Michel Rabagliati que tu aimes bien aussi. Tu hésites, mais entre un Tremblay que tu pourrais emprunter à la bibliothèque et une bande dessinée québécoise, d’un auteur relativement nouveau qui commence dans le domaine… tu te décides, ce sera Marsi.

Un troisième ? Allez, dis oui. Un roman que tu ne peux pas emprunter en numérique à la BANQ, parce que tous les éditeurs ne s’y trouvent pas, allez savoir pourquoi. Tu retournes aux romans, tiens un nouveau Nancy Huston, oui, tu te souviens avoir lu un article sur elle, dernièrement. Bad girl. Non, non, tu ne vas pas encourager ces titres en anglais ? Tu sais comme ça t’horripile cette tendance très française de croire que l’anglais répond mieux à certaines façons de penser. Et puis tu sais aussi que tu as été souvent déçue de la lecture de Nancy Huston. Tu feuillettes quand même. Page 11 : «Toi, c’est toi, Dorrit. Celle qui écrit. Toi à tous les âges, et même avant d’avoir un âge, avant d’écrire, avant d’être un soi. Celle qui écrit et donc aussi, parfois, on espère, celui/celle qui lit. Un personnage.» Et page 259, une citation de Roland Barthes « Tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman. » Tu es remuée, avoues. Tout à fait ce que tu voudrais écrire au sujet du manuscrit sur lequel tu travailles présentement. De vraies personnes qui deviennent personnages. Dont la vérité se change peu à peu en simple vraisemblance.

Tu aimes déjà ces petits chapitres courts qui tiennent en une demi-page, parfois deux. Tu le gardes dans tes mains, mais tu cherches s’il n’y aurait pas mieux. La tête penchée pour voir les noms des auteurs, tu cherches dans les « L », sachant bien que les tiens ne sont plus sur les tablettes depuis bien longtemps. Et puis, de toute façon, trop estomaquée par ce que tu viens de lire, tu sais que ton choix est fait, tu jettes un coup d’œil à la quatrième couverture  et à quelques pages encore du Bad girl de Huston. Non, décidément, tu dois le prendre, tu veux le lire, tu sais déjà que tu souffriras de ne pouvoir écrire comme elle, qu’il ne faut pas d’ailleurs, mais que finalement tu baigneras dans cette atmosphère que tu aimes tant, assise dans ton fauteuil préféré, au coin du feu, peut-être du Mozart ou du Bach en sourdine, un café sur la petite table, sûrement. Tu essaieras de ne pas te précipiter sur ton cahier de notes à chaque trois pages de lecture. Tu essaieras d’être une lectrice seulement. 

Tu seras comblée.

(photo de l'auteure)
Blogue de Venise >>>

vendredi 21 novembre 2014

De la résistance

Ils ne sont pas nombreux les blogues d’auteurs québécois. Celui d’Annie Cloutier me plaît bien, elle ne parle pas que de livres ou d’écriture. Elle n’écrit pas en langage de blogue ni chronique journalistique. Elle écrit comme elle l’entend. Plus long qu’un billet moyen. Et je m’en réjouis. Elle a beau écrire : «Qui aime les récits de ce qui ne tourne pas rond? Le blogue ne sert pas à étaler. Je résiste donc

Dans ses billets, j'y ai quand même vu des tourments, des doutes, des questions et ses résistances. Entre les lignes, ses humeurs.
Moi aussi, je résiste souvent. J'essaie de garder pour moi ma mauvaise humeur, qui dure moins longtemps qu’à quinze ans, mais encore trop. Je sais pourtant que je dois parler ou écrire pour évacuer ces nuages noirs, ces orages intérieurs. Mais je ne veux pas embêter les gens avec mes sombres pensées. Ne veut pas expirer cette énergie négative, la jeter à tous les vents dans l’univers des autres, qu’ils soient des lecteurs ou des proches.

Mais où me débarrasser de ce trop-plein émotif? Après quelques grognements et résistances de ce cerveau rancunier, la réponse s’impose, toujours la même : dans un roman. Dans un roman, il faut justement de la mauvaise humeur, des conflits, des cris, du négatif, du ça va mal, de la violence, des pleurs dont on ne sait quoi faire, des gens en mauvaise santé, des gens qui vont mourir, ces gens qu’on ne veut pas voir, notre malaise qu’on ne veut pas affronter.

Alors je m’y mets aussitôt comme une catharsis. 
Mais quel personnage choisir pour une telle libération? Les questions viennent plus vite que les réponses: personne ne cadre avec ma réalité. Tout le monde est gentil dans le manuscrit en cours. Tous des portraits flatteurs. Et quelle est cette idée saugrenue que j’ai eue d’écrire un roman à partir de mes ancêtres? J’ai l’air fin maintenant avec leurs descendants. Je ne veux plus que les descendants soient mes proches. Que les lecteurs pensent que ce sont les membres de ma famille, que la narratrice, c’est moi. Si à la limite, je peux leur inventer des sentiments ou des fantasmes ou des pensées parce que je n’ai aucune idée de ce qu’ils ont été dans la vraie vie, je résiste à  créer des actes dont ils n’auraient pas été fiers.

Quelle est cette obsession (peut-être un peu fort comme mot, disons, cette inquiétude qui revient) de savoir ce que peut penser le lecteur au sujet de mes personnages, ou apprendre sur les membres de ma famille. Parce que j’ai été étonnée d’apprendre qu’une recherchiste avait cru que j’étais un ex-religieuse à la lecture de mon premier livre Je me veux? Et qu’elle voulait m’interviewer sur ce sujet? Est-ce que je me demande si le Luc d’Hugo Léger, dans Le silence du banlieusard, est l’alter ego de l’auteur, si Nathalie est l’équivalent de sa véritable épouse, si Lucie ressemble à cette petite qu’il a eue ou pas eue, dans la vraie vie. Non, en tant que lectrice je ne me demande jamais, même pour un premier roman, si tout est vrai, si tout vient de la vie de l’auteur. Non, je lis une histoire qui raconte la vie de personnages. Pourquoi en tant qu’auteur, je me préoccupe de ces questions? Pourquoi avant d’écrire une scène, je résiste? Et quand bien même, l’histoire ressemblerait en quelques points à la mienne, quand bien même certains lecteurs chercheraient le lien ou songeraient à faire le rapprochement, quand bien même j’aurais dix romans derrière moi avec une trentaine de personnages différents, des fins, des gentils, des violents, des séparés, des durs à cuirs, des voyous, des éduqués, des ouvriers, alors que ce n'est pas le cas, qu’est-ce que ça change? En quoi ça me concerne, ce que peut penser un lecteur? De toute façon, il s'appropriera l'histoire, en fera ce qu'il veut avec son vécu à lui. Pourvu que ce soit agréable à lire et qu’il passe un bon moment, j’ai ma conscience, j’ai ma vie et moi seule sais ce qu’elle est vraiment. 

Cesse de résister. À tes humeurs, à tes questions. Écris.

blogue d'Annie Cloutier>>>
(photo de l'auteur, au Yukon)

vendredi 14 novembre 2014

Matin de givre

Quand la nature nous dépose cadeau
Quand le givre nous décoche sourire
Quand le soleil nous rend l’humeur belle et douce
Quand les mots s’effacent devant la couleur
Le silence s’installe
Le présent approche et chasse le temps
Le froid s’oublie
La paix vient


(montage photos de l'auteure)

lundi 10 novembre 2014

Bonheur du jour(3)

Bientôt six ans de blogue, mais j’avoue que les anniversaires qui me concernent personnellement, peu importe ce qu’ils rappellent, sont rarement soulignés encore moins fêtés. À peine évoqués, bien souvent oubliés. Tout de même une petite fierté que ce blogue qui n’a plus la prétention de ses débuts. Un fouillis plus ou moins ordonné, juste pour mon plaisir personnel, quoique je ne refuse jamais les commentaires écrits ou glissés à mon oreille un soir de bavardage, signe que mes billets sont lus, ce qui me motive un brin à poursuivre.

Tout de même, certains bonheurs du jour (puisque c’est le titre de ce billet) sont plus jouissifs que bien des anniversaires. Occasionnent une petite ou une grande émotion. Un large sourire parfois. Une paix au cœur bien souvent.

Comme ce courriel reçu la semaine dernière qui confirmait qu’un lecteur trouvait mon manuscrit soumis suffisamment amélioré pour le passer à un autre. Petit bonheur que ce presque oui auquel je n’ai pas ajouté de « mais » ou de « même si ». En tout cas, ce n’est pas un non définitif. 

Comme mes petits déjeuners. Un rituel bien rodé. Un plaisir chaque matin répété, qui s’étire le temps que je veux. Table du matin devant une fenêtre exposée au sud. Lumière bienfaisante surtout en ce mois de novembre parfois maussade. Sittelles, mésanges, geais bleus et même pic sont conviés. Des rôties, un fruit, un café (à elle seule, la première gorgée peut s’avérer le bonheur du jour) et bien sûr l’indispensable lecture. Parfois revue de voyage ou La Presse+, mais plus souvent roman. Le matin, je fuis les prises de conscience, les questionnements, les analyses socio-politiques. Donc que des romans. Ce matin, version papier, Douze coups de théâtre de Michel Tremblay. Autant je l'ai boudé pendant des années, autant c'est un bonheur assuré de le lire ou relire aujourd'hui.

Entre deux gorgées, il est possible que je me lève pour aller chercher papier et crayon pour noter une idée, venue à la suite d’une émotion à la lecture du roman.

Que du bonheur.
Et vous, comment sont vos petits-déjeuners?

lundi 3 novembre 2014

En Outaouais aussi on écrit, on publie

Oh! que j’aime quand le journal Le Droit publie des articles sur des gens de l’Outaouais. En arts et culture surtout, parce que pour les actualités, je n’ai rien à dire.

Oh! que j’aime quand une auteure de l’Outaouais se démarque. En l’occurrence, Andrée Poulin. Bientôt, on ne parlera plus d’elle comme une Franco-ontarienne. On ne la limitera pas à cet Outaouais où elle demeure. Déjà ses livres sont publiés chez des éditeurs montréalais et le roman qui vient de remporter le Prix TD de littérature canadienne pour l'enfance et la jeunesse est publié chez Bayard Canada. C’est dire que le rayonnement international n’est pas loin. 

Oh! que je suis heureuse pour elle, j’en profite pour la féliciter à nouveau. Un prix de cette envergure, ça ne fait pas que sortir l’auteur de sa région, ça donne un élan pour la suite des choses. Pour continuer à écrire.

Parce qu’elle peut être difficile et longue et méandrique la route de l’édition. Peu importe votre lieu de résidence. Celle de l’écriture ressemble à un sentier plus ou moins éclairé qu’on parcourt en solitaire. Mais ensuite, ensuite…

Entre le rêve et la désillusion se dressent le doute, le questionnement, parfois l’abandon. 
Entre le rêve et la réussite s’interpose surtout la persévérance. Sans compter que chacun a une définition différente de la réussite. On peut réussir dans sa municipalité, sa région, sa province, son pays, le monde. Ou seulement dans sa famille. Et s’en sortir fière quand même. Ou pas.

Pour une Andrée Poulin qui vogue avec un vent favorable vers le sans limites, il y a d’autres auteurs, d’autres éditeurs qui rament. Qui pataugent même. Qui ont peine à se tenir la tête hors de l’eau.

Dans ce monde de l’édition, cruel et complexe, le seul talent, le seul travail ne suffisent pas. Le Québec ne fonctionne pas comme le Canada, les États-Unis ou la France : on peut compter sur les doigts de la main des agences qui conseillent les auteurs. Donc, c’est à l’auteur de trouver une maison d'édition qui l'aide à naviguer sur une mer déjà fort occupée.

Depuis deux bonnes décennies, à moins d’avoir vraiment une maison d’édition qui peut se permettre d’engager une relationniste, il vous faudra, le jour où votre manuscrit sera enfin publié (et ne croyez pas que ce sera le premier le plus difficile, non c’est à recommencer chaque fois), sortir de votre tour d’ivoire, de votre sentier tranquille pour multiplier les activités de promotion qu’on pourrait très bien appeler réseautage. 

Faire appel à vos contacts, envoyer des courriels, des communiqués de presse, courir après les médias, espérer un retour d’appel, écrire des billets de blogue, entretenir un site, twitter, commenter, organiser un ou des lancements, surveiller la distribution de votre livre, prendre d’assaut les librairies (au moins celles de votre quartier), oublier votre gêne pour vérifier que votre livre ne se retrouve pas sur les tablettes de la spiritualité parce que vous avez ajouté le mot « ange » sur la quatrième couverture ou dans le coin des voyages parce que le mot Italie est écrit sur la couverture.

Avoir hâte de rentrer chez vous et juste écrire. Et lire.

Envoyer votre prochain manuscrit, attendre, relancer l’éditeur qui a ses propres problèmes, ses propres espoirs, attendre encore. Continuer, ramer. Vous réjouir pour tous les Loïse Lavallée Nicole Balvay Haillot, Michèle Bourgon, Christian Quesnel, Guy Jean et Andrée Poulin de l’Outaouais qui ont publié cette année (et plusieurs autres que je connais moins).

Espérer qu’un jour, vous ne ferez que ça, écrire. Sans tomber dans la désillusion ou la dévalorisation. Sans abandonner malgré les refus, si telle est votre passion, si là est votre chemin, si là est votre cœur qui bat.

lundi 27 octobre 2014

Sur les traces de... (2)


Sur les traces de... ou ces artistes peintres qui m’ont fait voyager.

À l’école, par le visionnement d’une centaine de diapositives, un professeur d’art plastique a fait connaître quelques artistes peintres à ses élèves de onzième année. Dont j’étais. J’ai surtout retenu Renoir, Delacroix, Van Gogh et Gauguin. Ma culture en art visuel était très limitée. Et les quelques rares voyages m’avaient surtout montré des Michel-Ange à Rome et des dizaines d’églises, encore des monuments et un ou deux musées.

Et j’ai rencontré Louise Falstrault qui n’avait qu’un rêve, devenir artiste peintre professionnelle. Vivre de son art. Elle était curieuse, éclectique. Elle m’apprit la couleur, la composition, l’équilibre des masses. M'apprit aussi à voir la nature, différemment. Dangereuse au volant, son regard s’égarait entre ciel et forêts. Les bleus se changeaient en cérulean, les rouges en rubis, les jaunes en ocres.

Un peu comme les livres (lire billet publié plus tôt cette semaine), la découverte de quelques artistes peintres m’a donné le goût d’aller voir ce que ces artistes avaient vu et peint. Mais plus souvent encore, c’est lors de voyages ou de symposiums auxquels elle participait que Louise me permit de rencontrer  des professionnels dont j’ignorais tout. 

Nous avons marché dans les pas de Van Gogh et trouver difficilement son asile de Saint-Paul de Mausole, en Provence.

À Malaga, Espagne, nous avons appris à connaître — pas aimer, mais au moins connaître et respecter — Picasso. Quant à Barcelone, si un jour on se décide à la visiter, ce ne sera pas pour Dali mais pour Gaudi.

Nous avons traversé toute la municipalité de Pont-Aven, en Bretagne, détectant à chaque détour de rue, la présence de Paul Gauguin et de ses disciples.

Aux États-Unis, j’avoue que peu d’artistes peintres nous touchent. Peut-être au nord, à Cape Cod, ou au Maine, la lumière de certaines marines nous émerveille, comme dans quelques tableaux de Don Stone. En Alaska, l’art tlingit : ses symboles, ses couleurs vives nous ont beaucoup intéressées pour toute l’histoire qu’il racontait.

Pour le Yukon, c'est plutôt les photographies de Christoph Fisher parues dans la revue PhotoSolution d'octobre 2013 qui ont donné le dernier petit coup de pouce à l'artiste-des-couleurs pour avoir le courage de s'y rendre. Sauf que c'était des couleurs d'automne alors qu'il n'était pas question de risquer la neige qui, comme chacun le sait, survient très tôt au nord du 60e parallèle. Tout de même, le ciel du Yukon diffuse une lumière bien différent, d'ajouter l'artiste peintre.

Au Québec, le fait de demeurer en Outaouais, nous étions plus attirées par le Groupe des Sept bien connu en Ontario plutôt que les peintres de Charlevoix, comme Clarence Gagnon. Nous avons toujours préféré la nature, sans présence humaine, à « ma petite cabane au Canada ». Donc le Jack Pine de Tom Thomson nous a menées à la galerie d’art de l’artiste, à Owen Sound et à Kleinburg, au Musée McMichael. Il était tout naturel de passer du groupe des Sept à Bruno Côté. L’idole de Louise (lire billet de juillet 2010>>>) jusqu’à ce qu’elle le rencontre à son atelier à Baie-Saint-Paul et qu’après une soirée de jasette, il lui dise de rentrer chez elle, de l’oublier et de trouver son style à elle. Ce qu’elle fit, tout en continuant de lui vouer une vive admiration.

Comme pour la lecture, l’art visuel à lui seul ne suffit pas à nous donner le goût de bourlinguer, mais l’art visuel aussi.

Et vous, qu’est-ce qui motive vos choix vers telle ou telle destination ?

(Les illustrations proviennent toutes d'Internet, je n'ai pas les moyens de m'offrir les giclées, encore moins les originaux!
En haut à gauche: Jack Pine de Tom Thomson
En bas à gauche: Bruno Côté
En haut à droite: Van Gogh
Au milieu: Paul Gauguin, Pont-Aven
En bas à droite: une photo de Christoph Fisher)

dimanche 26 octobre 2014

Sur les traces de…

Sur les traces de... ou ces livres qui me font voyager. Les livres sont des voyages en soi. Et en soi. Mais certains m’ont vraiment donné envie d’aller voir de plus près.

Quand tu as dix-onze ans et qu’une héroïne de livre s’appelle Claude, qu’elle a un chien et une île au bord de la mer, il est certain que tu veux aller en Bretagne, le plus tôt possible. Comme bien des jeunes, j’ai été déçue, une fois adulte, d’apprendre que l’île de Kernach n’existait pas. Vous aurez peut-être reconnu les romans d’Enid Blyton que j’attendais avec impatience à chaque anniversaire ou fête.

Il a fallu que je vieillisse un peu avant de lire des Simone de Beauvoir pour avoir le goût d’aller en France, m’assoir, bien sûr, au café de Flore. Pour la Provence, même si Simone de Beauvoir marchait dans les sentiers situés derrière Marseille, c’est plutôt la lecture de Jean de Florette qui m’a suggéré de visiter Les-Baux-de-Provence et de voir la garrigue de près.

Alaska de James Michener m’a vraiment impressionnée, mais de là à rouler 10,000 kilomètres jusqu’aux îles aléoutiennes... Mais en allant à L’Anse aux Meadows, Terre-Neuve, j’ai quand même retrouvé un brin de l’histoire entourant l’arrivée des Vikings sur la terre américaine. Il aura fallu attendre la publication de Yukonnaise de Mylène Gilbert-Dumas pour me décider à me rendre au Yukon et Alaska (disons que  ce ne fut pas le seul élément déclencheur, mais un argument de plus). C’est très agréable au retour d’un voyage de lire encore sur la région visitée. Dans ce sens, Lili Klondike entretient mes très beaux souvenirs.

Au Québec, je me suis souvent rendue au Chenal du Moine, près de Sorel, et chaque fois, je cherchais les personnages et le décor du Survenant de Germaine Guèvremont.

J’ai connu la Gaspésie bien avant d’avoir L’Herbe et le varech d’Hélène Ouvrard dans les mains, mais lors de la lecture, je revoyais facilement l’héroïne pleurer toute sa peine et réfléchir sur sa vie sur les plages mouillées d'embruns. Je sentais même l’odeur du varech.

Finalement pour clore le sujet — qui ne le sera jamais, en ce qui me concerne — , les trois tomes de Feu, de Francine Ouellette m’ont plongée dans ma propre région : l’Outaouais des Algonquins. Tout comme l’a fait Jean-Guy Paquin avec son Au pays de Canard Blanc et dernièrement, Au pays des Weskarinis. Je n’ai pas été déçue de Wendake, au nord de la ville de Québec, même si pour l’histoire des Hurons, j’ai préféré Sainte-Marie-les-Hurons, en Ontario.

La lecture seule ne suffit pas à me donner le goût de bourlinguer, mais la lecture aussi.

Et vous, certains romans vous incitent-ils au voyage ?

(quelques-unes des illustrations proviennent des sites Internet d'éditeurs)

dimanche 19 octobre 2014

Michèle Bourgon comme titre
pour retenir son nom

Photographie de Michèle Bourgon empruntée à sa page Facebook

Hier, un livre, Y'a pas de souci! Hier, des auteurs, de l’Outaouais pour la plupart. Je reconnais quelques visages, je peux nommer quelques noms. Une cinquantaine de personnes, je dirais, pour le lancement du livre de Michèle Bourgon. Un récit où l’ont conduite ses trois mois de résidence d’auteure en France. Un récit de voyage, de séjour, de rencontres. Pour surmonter ses peurs, une seule arme, la meilleure : les raconter. Autodérision et heureux mélange de mots québécois et expressions françaises qui nous font sourire et même rire. Qui nous fait voir la Camargue et un peu de Bourgogne. Qui nous donne presque envie d’aller voir de plus près.


Dire que c’est une auteure de l’Outaouais, je ne veux pas. Ça ne suffit pas, ça limite trop, même si je voudrais dire au monde entier, au moins à la province de Québec qu’il n’y a pas qu’à Montréal, à Québec ou à Sherbrooke qu’il y a des auteur-e-s. Pas qu’à Montréal qu’il y a des maisons d’édition ou des librairies. Mais ce serait là ouvrir un débat pour lequel je n’ai que des impressions, des réactions, des colères qui ne sont probablement que des envies et pas tellement d’arguments rationnels. Plutôt clamer haut et fort que Michèle Bourgon existe, qu’elle écrit. Fameusement bien d’ailleurs. Sa vie professionnelle a toujours tourné autour des mots. Elle a enseigné le français, elle écrit de la poésie, des nouvelles, des billets de blogue. Elle lit, elle parle de livres à la radio. Elle codirige le collectif Des nouvelles de Gatineau. 

Hier un monde d’écrivains. Son monde et, j’ose croire, le mien aussi. Qu’à mon tour, je veux rendre visible, parce qu’il est digne de mention. Hier, un livre que je dévore ou plutôt non, que je goûte divinement, le sourire aux lèvres.

Michèle Bourgon présentera son livre à Lachute le 13 novembre.
Le livre est disponible sur le site : leslibraires.ca>>>. Papier ou numérique
Son blogue, joliment intitulé La Mère Michèle>>>

dimanche 12 octobre 2014

Splendeurs et misères

« Écrire est un besoin féroce, tragique, chez tous les écrivains et souvent davantage chez les mauvais que chez les bons. » Raymond Queneau 

Je crains fort d’être dans un temps de misères et non de splendeurs. Je crains également de faire partie des « mauvais » dont parle Queneau. Mauvais comme dans « mauvais livre » dont parle Laferrière dans son Journal d'un écrivain en pyjama. Même si je ne sais pas ce que veut vraiment dire mauvais. Mauvais pour qui? Peut-être ennuyant pour un lecteur et pas l’autre, impubliable pour un éditeur et pas l’autre. Exemple : être un éditeur, je n’aurais jamais accepté de publier, même pas de lire, les premières pages de La déesse des mouches à feu de Geneviève Pettersen. Pourquoi?

« Il y aurait tout un débat à faire sur la qualité du français, la place de la langue orale dans notre littérature nationale », Philippe Garon. 

De cette langue écrite, il en fut à peine question parmi les lecteurs de Châtelaine >>>

Parce que pour moi, on ne laisse pas le mot « canceller » dans un roman écrit. Entre autres. C’est viscéral : je ferme le livre sans lui donner aucune chance. Bien sûr, avec des raisonnements semblables, Michel Tremblay n’aurait jamais été publié. Je me calme, sans pour autant rouvrir le roman, j’essaie de nuancer, de me dire qu’il en faut pour tous les goûts, de tous les genres, de tous les styles. Qui suis-je pour juger de la qualité d’une oeuvre? En fait, il ne s'agit pas de la qualité du roman, il s'agit du choix délibéré de laisser les anglicismes. Le joual dans les dialogues, je ne suis plus contre, c'est notre réalité, mais les anglicismes, pas capable. Autant les accepter carrément dans les dictionnaires, là, tout de suite. Autant dire que tout le travail de Marie-Éva de Villers et plusieurs autres ne servent à rien. Autant clamer haut et fort que ça ne vaut pas la peine de se forcer à préserver notre français. 

Quel français? direz-vous. À vous le débat, je retourne à la correction de mes propres écrits.

Variante sur un même sujet
Sur ma tombe ou mon urne funéraire, on pourra écrire : « Elle aura beaucoup écrit ». Pas beaucoup publié, pas tellement lue, mais elle aura écrit. Bien, ça dépend tellement de nos valeurs. Bien pour quelques personnes, mais pas assez pour les éditeurs, il faut croire. Eh ! oui, j’attends toujours une réponse d’éditeur-s et cette attente m’envoie directement dans le doute, bien plus près des misères que des splendeurs. Dans la paralysie du prochain roman. À quoi bon continuer? me dis-je. 

Et si le premier objectif d’une personne qui écrit, qui chante, qui peint, qui danse, beaucoup ou peu, bien, très bien, mal ou très mal n’était que de s’exprimer? Alors, là, je suis championne. 

Avant de brûler tous mes écrits, je me secoue, je vais dehors prendre l’air de cet automne coloré. À quoi bon la mésestimation inutile?

Quand j’écris, que tout coule, je ne me soucie pas de savoir si c’est bon ou non ! C’est quand une question surgit, quand un mur se présente, que tout s’arrête, mis en suspens tant que la question ne se règle pas.

Et la question revenue pour la nième fois est : qu’est-ce qui arrive aux personnages? Inspirée de mes ancêtres irlandais, c’était facile d’inventer ce que je voulais pour les années 1850. Pour la suite (pas encore publiée, pas encore acceptée, ma patience est mise à rude épreuve), j’ai eu un peu de mal, mais en changeant les prénoms, les personnes sont devenus des personnages, mais là, pour la finale, les personnages s’inspirent de ma génération. Je ne veux pas que ce soit uniquement de ma vie. Je ne veux pas que ce soit la vie des membres de ma famille, tout morts soient-ils. Même si je n’ai pas beaucoup d’imagination, aucune envie d’écrire des biographies, ni la mienne ni celles de mes parents (pour mon père, c’est déjà fait, ce fut facile, je n’avais pas besoin de romancer, d’inventer, juste me souvenir et poser des questions au principal intéressé). Cette fois, pour les besoins de dramatisation, je veux des conflits, des colères, des infidélités, des départs, des incidents qui n’ont pas existé dans ma famille. Ou s’il y en eut, forcément qu’il y en eut, mais à doses anodines qui ne regardent que nous.

Une façon de m’en sortir : ne pas écrire au « je », c’est déjà prendre une distance, une dépersonnalisation. Et puis changer les lieux. Ce sera plus difficile. Je voudrais tellement présenter ma région, qu’on sente l’amour que j’ai pour elle. Faire de moi un Fred Pellerin-de-Saint-Élie-de-Caxton, faire de moi une Mylène Gilbert-Dumas dans son Yukon adoré. Fausse pudeur, retenue, réserve, sauvegarder ma vie privée? Ne pas me faire poser de questions ? Tout ça. Écrire, c’est s’exposer, je sais bien. Et aujourd’hui, qui est-ce que ça gêne? Que moi.

Et vous, quelles sont vos misères d’aujourd’hui ?

mardi 7 octobre 2014

Le bonheur du jour (2)

Rituel du matin. Depuis que je ne suis plus obligée de me lever à heure fixe, d’avaler un déjeuner en vitesse, de m’accoutrer en travailleuse-qui-va-voir-du-monde dans la journée, le matin, je prends mon temps. 

Depuis mon acquisition de tablette, le matin, je lis.

La Presse+ avant de me lever, oui, oui, dans mon lit. Un coup d’œil sur mes courriels, sur Netvibes et trois forums de camping. Je me réserve Facebook pour le déjeuner.

Le vrai bonheur du jour, c’est en déjeunant. Ou plutôt en lisant tout en déjeunant. Parfois, rien de bien enlevant. Je saute par-dessus les nouvelles, les mauvaises ou les inintéressantes. Pour moi s’entend.

Rencontre en Alaska: anciens et nouveaux propriétaires d'un véhicule récréatif
Le vrai bonheur du jour, en ce matin du 7 octobre 2014, un jour pluvieux, un jour gris qui pourrait me renvoyer dans ma grotte d’ourse forcée de s’enfermer pour l’hiver, ce fut deux lectures : d’abord le récit-video-photos de LESCcargOt publié sur une page Facebook >>>

Une jeune famille qui voyage pendant un an dans les Amériques, qui compte se rendre en Argentine. Déjà trois mois. Ce qu’elle a de spécial, cette famille? C’est qu’elle voyage avec notre ex-véhicule récréatif, ce classe B dont je n’aimais pas la couleur jusqu’à ce que je le baptise Pruneau. Vendu il y a deux ans. Racheté, rénové, aimé et rebaptisé LESCargOt (le monsieur se nomme LESCO). Jeune famille que nous avons rencontrée cet été en Alaska. Quel hasard. Alors bien sûr, maintenant, je lis ses aventures avec cette impression que je voyage un peu avec elle, par véhicule interposé. 

Deuxième lecture : Duras, l’impossible de Danielle Laurin. Un livre publié en 2006, mais dont je viens juste de prendre connaissance. En cherchant le livre de sa sœur, Coupée au montage, j’ai découvert le Duras… La lecture me renvoie à cette université que je n’ai pas fréquentée, à ces années d’études littéraires que je n’ai pas commencées, à ces auteurs que je n’ai réussi à lire que brièvement, malgré mes efforts. Non pas un regret, à peine une nostalgie, juste un miroir embué, un monde que j’ai regardé de loin, avec envie, mais inaccessible, incompréhensible. De toute façon, d’autres auteurs m’interpelaient déjà, des Québécois en particulier.

Le style de Danielle Laurin me convient très bien : phrases ramassées presque lapidaires, un « je » auquel je peux m’identifier, des chapitres courts et efficaces. Sans ces phrases alambiquées d’essayiste ou d’universitaire, l’auteure nous décrit un univers, celui de Duras, sous un éclairage personnel, sensible. Comme on raconte un voyage, avec passion. Qui ravive la mienne, cette passion des livres.

Lire donc les aventures des autres, un bonheur du jour que je prolongerai encore quelques matins.

dimanche 5 octobre 2014

Escapade dans le temps

Sur le Chemin du Roy:
Champlain
Batiscan
Grondines
Deschambault
Portneuf
Cap-Santé
Neuville
Saint-Augustin-Desmaures 

Du soleil, des couleurs automnales, un vent chaud, le fleuve qui se laisse aimer, une marée douce, qui d'un seul regard me foudroie directement au cœur et me ramène à une vie dont l'interprétation m'échappe. La nature est riche et m'enrichit. 


Le temps s'arrête, recule. Des lieux, des histoires, des colons, des meuniers, des religieux qui vivaient en 1700, en 1800 ont laissé des traces que leurs descendants ont à cœur de conserver.


Arrêt à Portneuf, visite de la boutique de l'artiste peintre Suzanne Claveau. 
Beauté, originialité, couleurs, maisons et paysages très québécois.

Accueil chaleureux, souper sur le quai de la marina, dodo côté jardin, chez l'artiste.


Puis, après le Chemin du Roy, la Nouvelle-France, une petite route près de Saint-Joachim qui longe le fleuve, au pied du mont Sainte-Anne.

En espérance des oies qui retardent.
Goûter champêtre aux saveurs du terroir, à prendre son temps, à le gagner et non le perdre.

Coucher en face de la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré. Jasette avec un membre de forum de camping qui a reconnu Chevreuil.


Terminer cette petite escapade joyeuse au pays des Wendat, au nord de la ville de Québec. J'aime bien qu'on me raconte une histoire, surtout si elle est différente de celle qu'on nous a apprise à l'école. Une heure de promenade dans les rues étroites parsemées de petits mocassins blancs comme autant de cailloux pour trouver notre route. Descendre et monter 150 marches pour entendre la cascade de la rivière Saint-Charles. Une autre heure à déguster des produits du gibier, de la pêche, au restaurant La Sagamité. Une bonne heure aussi pour une visite guidée par une Innu-Montagnaise qui nous fait entrer dans les secrets de la palissade et de la maison longue. Et encore une petite demi-heure pour flâner dans les boutiques sans trouver l'ours ciselé dans une corne de cerf.

Et au retour, au lendemain d'une nuit tranquille à la Halte Vr du Palais de glace, malgré la pluie, avoir le plaisir de découvrir la station Radio-Classique et penser à télécharger l'application sur cet engin moderne du 21e siècle, bien loin des tambourins amérindiens, qu'est la tablette.

La fatigue m'assaille, le thermomètre chute, les feuilles tombent. Me faudra-t-il revenir dans une autre vie pour me décider à m'établir au bord d'un de ces cours d'eau qui pleure de nostalgie au fond de mon coeur?