vendredi 10 novembre 2017

Question du jour: suis-je la seule?

Hier soir un peu avant 22 heures, orage violent : éclair qui déchire la nuit noire, coup de tonnerre en même temps. On dirait une explosion. Le vent se lève, impression que la bourrasque arrache les planchettes de vinyle du mur nord, la pluie tombe drue. On entend l’eau tomber dans la gouttière d’aluminium, un supplice.

Pourtant on aura de l’électricité jusqu’à l’aube. Je le sais parce que je me suis levée à 5h30. À 6 heures, tous les clignotants des réveils-matins, cuisinière, four micro-ondes, grille-pain, ordinateurs sont éteints. Il fait encore 15 dans la maison. Eh oui, la nuit, chez nous, les thermostats sont à 15.

À 7 heures, je lève et je vais faire un feu dans notre vieux poêle à combustion-plus-lente-depuis-belle-lurette qu’on garde justement pour les pannes prolongées. Je pense à aller chercher des bûches de bois franc à l’extérieur, mais rien qu’à l’idée d’affronter le vent et le ressenti de moins 15, je me contente des blocs de bois mou entassés au sous-sol.

Sur notre téléphone à fil accordéon acheté justement aussi pour les pannes prolongées, j’appelle Hydro-Québec. « Consultez notre site pannes.hydro.quesbec.com pour connaître la situation actuelle du réseau », « consultez votre téléphone intelligent pour connaître l’heure prévue de rétablissement du service ». « Téléchargez l’application d’Hydro-Québec pour suivre l’évolution des pannes et restez informé grâce aux notifications » 

Ben oui, pis si vous n’avez pas de téléphone intelligent?

Encore heureux, après toute cette promotion — numéro d’un vendeur avec ça? — on m’informe que la panne qui me concerne a déjà été signalée, mais qu’on n’est pas en mesure de me dire quand le service sera rétabli.

On sort le kit de camping : petit réchaud, ce sera bagel froid et café dans Bodum pour ce matin.

Pas de Presse+, pas de courriels ni de Facebook ni de blogues à lire puisque chez nous : pas de téléphone intelligent + pas d’électricité = pas d’Internet. Il reste quand même la liseuse et une bonne pile de livres papier, mais je n’ai pas la tête aux histoires des autres. J’attends. Je suis choquée contre la nature. J’invective tout le monde et personne de ne pas prendre soin de la planète qui se rebelle de plus en plus souvent. Pendant quelques instants, je pense à arriver au 21e siècle et me procurer un téléphone intelligent comme si ça allait me ramener à une matinée normale et sans problème. Pourtant, je me trouve beaucoup plus prudente d’avoir gardé mon vieux poêle à bois, un petit tas de bûches au sous-sol, un réchaud, une bonbonne de propane, une cafetière Bodum, un téléphone à fil que d’avoir un I-Phone ou Samsung 4,5 ou… à quel numéro est-il rendu?

Retour de l’électricité vers 9 heures.
Et c’est là que me viennent les questions du jour : Tout le monde a-t-il vraiment un téléphone intelligent? Et de plus, tout le monde a-t-il vraiment un forfait Internet sur son téléphone intelligent?

mercredi 8 novembre 2017

Neuf ans de fol amour

Claude Lamarche, blogue

Neuf ans

Un an de plus, 55 billets de plus, moyenne d’un par semaine, mais à peu de mots et de chiffres près, je pourrais réécrire le billet du 12 novembre 2016. Sauf que je ne pense plus à la refonte ni à la migration vers Wordpress. Il m’arrive de vouloir de nouveaux lecteurs (je me prononcerais bien un jour sur l’écriture inclusive, mais en attendant sachez que, même s’il n’y paraît pas sur l’écran, dans mon esprit le masculin que j’utilise englobe les deux genres), mais finalement ce ne sont pas eux qui feraient que j’écrirais plus ou mieux, même si c’est quand même stimulant de savoir que ses billets sont lus… et appréciés. Les blogues des autres ne cessent d’être source de plaisir et d’inspiration. Que ce soit ceux des fervents de lecture, des voyageurs, des caravaniers, ou des féministes.

Et malgré la vague des réseaux sociaux et un engouement pour les vidéos (emballement que je n’ai pas ni pour les regarder -- sauf celui d'une amie très chère--  ni pour en créer, je demeure une incurable des mots écrits), je me plais à croire que les blogues ont encore quelques belles années devant nous. Et pas seulement pour promouvoir un produit ou une entreprise à la recherche effrénée d’une place dans les moteurs de recherche.

Bref, permettez qu’après vous avoir remerciés de votre assiduité, je glisse allègrement dans la dixième année qui s’annonce sans grand changement et sans surprise. Année où mes petites craintes de l’informatique me pousseront une fois de plus à être discrète pendant mes voyages. Mais année aussi où l’amour des mots et le besoin de m’exprimer alimenteront certainement ce déjà vieux blogue que j’entretiens comme une fidèle compagne dont je ne saurai plus me passer.

lundi 30 octobre 2017

C'est le cœur qui se desserre en dernier

Qu’ont en commun le roman québécois de Matthieu Simard, Ici, ailleurs, 81 pages et le roman français de Claudie Gallay, Les déferlantes, 425 pages?
La lenteur. Une lenteur fort délicieuse, s'entend.

Non pas dans le temps de le lire, mais dans la lenteur de l’esprit qui lit. Le temps de goûter, de méditer.
Une lenteur douce. Bien loin du rythme effréné d’une série américaine où la quantité des effets spéciaux sont servis à une cadence infernale. Non, une petite musique langoureuse qui permet l’introspection, la méditation. Les belles phrases.
« Entre bientôt et maintenant, il avait un peu d’espace. Et qu’il aimerait se servir de cet espace pour aller voir les oiseaux. »
« Les falaises, c’étaient mes chemins de solitude. Je ne savais plus marcher à deux. »
En commun également : le lieu. Le décor des drames. Dans Ici et ailleurs, un village qui se meurt. Un village où on ne tolère pas les nouveaux, d'où on part. Qui me rappelle le mien, dont je ne suis pas très fière. J’ai encore la tristesse, la déception plus que la colère d’un village divisé, vieillissant, silencieux, désert.
« Le silence est tombé un jeudi comme un goutte de pluie et nous a submergés pendant des années. Les oiseaux se sont tus d’un coup, le grincement  des charnières rouillées, les cris dans la cour de l’école, le haut-parleur côté passager, les feuilles mortes, le vent, plus rien. Le silence. C’était il y a trois ans, loin d’ici.[…] Dans quarante ans il ne restera rien ni le souvenir de nous ni les photos ni la mémoire de tous les disparus ni les notes d’un violoncelle dans les ruines d’une maison centenaire. »
Dans Les déferlantes, un village plein de secrets aussi, un passé douloureux, mais des sentiers que je voudrais parcourir, une lande aux couleurs d’Irlande, des effluves que je voudrais sentir.

Le vent siffle, glisse sur la surface de l’eau, le ciel s’épaissit, la mer se durcit, les bateaux tanguent, les cargos jettent l’ancre. Et les vieux marchent, attendent que la mer leur restitue leurs morts.

Dans les deux, des humains qui souffrent, qui se questionnent, qui ont perdu un enfant, un frère. Dans Ici et ailleurs, on entend la douleur de chacun. Dans Les déferlantes, chacun des nombreux personnages porte un deuil en lui. Une perte. Dans les deux cas, des liens familiaux que l'auteur nous révèle comme un lever de soleil dans un brouillard matinal.

Lenteur de la douleur, aussi, qui la rend plus supportable à lire. Qui la dissout dans les vagues de la mer, dans un ciel quand il revient bleu.
« On croit tous ça, que l’on ne saura plus faire rien sans l’autre. Et puis l’autre s’en va et on découvre qu’n sait faire des tas de choses qu’on n’imaginait pas.
[…] Je lui ai parlé de toi
Comme une épine enfoncée dans le fond de ma chair. Parfois je t’oublie. Et puis il suffit d’un geste, d’un mauvais mouvement, et la douleur revient, tellement vive. […]
On se console aussi avec des larmes. »
J’aurais voulu que l’un soit plus long et l’autre plus court. Mais au final, quand j’aurai tout savouré, je serai rassasiée, repue.

Mon village ne sera pas plus accueillant, j’aurai encore envie d’aller voir la mer au cap de la Hague. Et je cesserai de lire quelques jours comme on regarde quelqu’un à qui on s’est attaché marcher au bout de la rue, au bout du quai jusqu’à ne plus voir qu’un petit point à l’horizon. 
Le temps que le cœur se desserre.

mardi 24 octobre 2017

Il a suffi d'une rivière

Denis Marceau, peuple des rivières, Les déferlantes
Parce que c’était dimanche et que je me méfie de la langueur monotone dominicale.
Parce qu’il faisait beau. Et chaud pour un 22 octobre.
Parce que le bleu du ciel fraternisait avec de légers nuages plus blancs que gris, et rendait le rouge plutôt orangé et le doré plutôt ambré.
Le temps d’un pique-nique au bord de l’eau pour être dehors et se croire en été — tout indien fut-il — encore un peu.
Parce que l’entrée du parc de Plaisance est encore plus invitante depuis qu’elle est habillée de sculptures. Des œuvres d’art qui racontent l’histoire des peuples des rivières. (1)
Celle de Denis Marceau forme une
« pellicule en forme de vague fracassant un mur de pierre [et]illustre les changements qu’ont subis les peuples des rivières de douze mille ans à aujourd’hui. »(2)
Parce que la rivière présente, belle et douce en ce dimanche tranquille
Parce que les outardes en vol s’attardent quelques jours chez nous
Parce que les goélands regroupés aimeraient bien grappiller des restes de pique-nique
Parce que les feuilles colorées s’accrochent encore un peu
Parce que les œuvres d’art sont raconteuses de beauté et d’histoire
Je reste là, muette, observatrice, reconnaissante.
Mon petit bonheur dans les yeux et les oreilles.

Au retour, à la maison, j’ai fait un feu.
Et j’ai lu.

J’ai commencé un nouveau roman, Les déferlantes de Claudie Gallay.
Une histoire qui se passe sur le bord de la mer.
Une ornithologue qui observe les oiseaux, qui vit sa première tempête.
Mais qui, contrairement à moi qui cherche à prolonger son petit bonheur de ce dimanche, elle vivra ou sera témoin d’un petit malheur. Sûrement. Comme il se doit dans les romans. Tout le monde le sait, le bonheur est rarement intéressant dans les romans. Pourtant, les auteurs font tout pour laisser, au moins à la fin, un espoir.
« Les Indiens Hopi disent qu’il suffit de toucher une pierre dans le cours d’une rivière pour que tout la vie de la rivière en soit changée.
Il suffit d’une rencontre ».
Il a suffi d'une rivière, d'une oeuvre d'art, d'un roman, mon dimanche après-midi en fut changé.

vendredi 20 octobre 2017

Nouvelle liseuse, nouvelles autorisations


En haut, logiciel Adobe digital editions, en bas, le livre enfin transféré dans Koboreader
Comme souvent, deux sujets dans un.

En mars 2012, j’avais acheté une liseuse. Une Sony Reader qui, en plus des livres, pouvait contenir de la musique. Elle m’a bien servie et fonctionne encore, sauf que le soir ou la nuit, au lit, elle est complètement inutile. J’aurais pu lire sur ma tablette, sauf qu’après 21 heures, la batterie de la tablette a besoin d’être rechargée. Et sur la tablette, il est tellement facile de délaisser la lecture pour cliquer sur d’autres icônes. Ce dont je ne me prive pas.

Donc, après un peu de recherche et de comparatifs, après surtout m’être assurée que la liseuse pourrait télécharger des livres avec DRM, achat d’une Kobo Aura H2O edition 2.

Ayant de l’expérience, j’aurais cru qu’en quelques minutes, j’aurais réussi à télécharger les romans numériques. Ce fut le cas pour les livres sans DRM, mais quand vint le temps d’emprunter un livre via prêt numérique, ma patience fut mise à rude épreuve.

Les étapes sont pourtant simples :
1- avoir un ID Adobe : je l’avais déjà
2- télécharger Adobe digital editions : je n’ai pas pris de chance, j’ai téléchargé la nouvelle version
3- télécharger un livre numérique à partir de a BANQ ou Biblio Outaouais ou Numilog.

J’ai choisi un livre que j’avais déjà dans ma bibliothèque numérique. Je suis capable de l’ouvrir dans Adobe digital Editions, mais incapable de le transférer sur ma nouvelle liseuse : autorisation refusée.


Et tout était là, dans cette satanée autorisation.

Efface l’autorisation de l’ordinateur
Autorise le périphérique (ma nouvelle Kobo que je vois bien dans mon logiciel). Malheur : je ne peux plus lire ni dans mon ordinateur ni sur ma liseuse.
Consulte les sites et forums de ID Adobe, d’Adobe digital editions, de pretnumerique, de Kobo.
Télécharge un nouveau livre, réautorise l’ordinateur, refusé
Crée un nouvel ID adobe avec un autre nom, mais même courriel, refusé
Crée un nouvel ID avec un autre courriel et un autre mot de passe, réautorise l’ordinateur
Essaie de lire le livre, refusé
Pense à télécharger un nouveau livre avec le nouvel ID
Autorise l’ordinateur : bingo, l’ordinateur peut le lire
Transfère vers la liseuse Kobo : fiou, enfin!

Temps total des essais : plusieurs heures entrecoupées d’une nuit de sommeil agité.
Nombre de livres téléchargés : trois avant de pouvoir lire le dernier.


Pour toi, Abby
, de Dominique Lavallée

Pour l’apprentissage du téléchargement, je n’avais plus accès aux livres déjà dans ma bibliothèque. L’essai qui m’a enfin rendu la lecture possible sur ma liseuse fut le roman Pour toi Abby, de Dominique Lavallée.
C’est sur le blogue Les mille et un livres que j’avais vu passer la couverture de ce roman publié chez Guy Saint-Jean.
La sortie de ce livre est toute récente, mais dès que j’ai lu « Eva O’Hara quitte son Irlande natale pour l’Amérique » bien sûr que ma curiosité était piquée. J’avais donc hâte de savoir si Eva O'hara ressemblait à ma Bridget Bushell!

Déjà qu’il y a des livres que je ne lis pas dans l’ordre habituel, c’est-à-dire page après page, imaginez celui-là. J’ai d’abord voulu connaitre le style de l’auteure. Dès les premières pages, deux prologues. Du jamais vu quant à moi. Puis, la table des matières au début où les mots Grosse Isle, Griffintown, Carrick me confirmèrent que j’étais bien en face d’un roman où il serait question de l’arrivée d’Irlandais.

J’ai vu aussi que les chapitres étaient courts, de nombreux dialogues agrémentent l’histoire et, technique de plus en plus répandue, que j’aime beaucoup : des phrases en italique qui nous informent des pensées presque secrètes des personnages.
« Eva repense également au bébé issu du viol de sa sœur.
Où est-il rendu maintenant? Mon Dieu, faites qu’il aille bien et qu’il soit dans une bonne famille qui l’aime et le chérit. »
Au lieu d’utiliser un déroulement linéaire, il y a des retours en arrière et même une histoire que l'on pense parallèle, ce qui rend le récit très intéressant : on a hâte de savoir de qui va arriver.

Oui, oui, je lis l’histoire bien sûr. J’ai souvent deux cerveaux : la lectrice qui lit et l’auteure qui analyse. Et si parfois une aime, l’autre aime moins. Si une saute des pages, l’autre décortique les mécanismes d’écriture. Je dois avouer que la moi-auteure est assez comblée par Pour toi, Abby. La moi-lectrice trouve un peu de longueurs, des répétitions, mais, comme en tout, elle est toujours pressée de voir ce qu’il y a de l’autre côté de la colline. Ce qui indique quand même que l’histoire est suffisamment captivante pour avoir le goût d'aller voir plus loin. Je considère le personnage un peu jeune pour vivre tout ce qu’elle vit, mais sans doute y a-t-il une raison qui nous sera révélée ultérieurement. L’important c’est que c’est plausible.

Dominique Lavallée a fait un réel travail de recherches, et elle a même été jusqu’à ajouter plusieurs pages à la fin de ce premier tome… « pour les passionnés d’histoire ». Décision discutable, mais finalement pas du tout inintéressante.

Vous savez comme je n’aime aucune étiquette parce qu’aucune ne nous définit complètement et chacune nous limite, mais force est d’admettre que Pour toi Abby fait partie de la littérature populaire et, je crois bien que le nom de Dominique Lavallée côtoiera très bien ceux des Michel Langlois, Jean-Pierre Charland, France Lorrain et quelques autres.

Lien vers le blogue qui m’a fait connaitre le livre >>>

dimanche 15 octobre 2017

Des Deguire à Saint-Ours aux Larose à Ripon

comité du patrimoine de Ripon, Deguire dit Larose
Pendant le Bal des citrouilles, le comité du patrimoine de Ripon lançait le numéro d’automne de son bulletin, L’Écho des montagnes. À l’intérieur, un article sur les Deguire – Larose que j’ai rédigé en collaboration avec Françoise Larose, arrière-petite-fille de pionnier de la région de la Petite-Nation. Une passionnée de généalogie que j’ai eu le plaisir de rencontrer lors d'un rassemblement des descendants des Deguire dit Larose.

Je l’ai dit et écrit souvent, et ça m’a servi de prétexte pour cet article : en arrivant dans la Petite-Nation, je n’ai pas trouvé de Deguire (le nom de ma mère). Ce n’est que des années plus tard, que j’ai réalisé que les nombreux Larose établis surtout à Ripon, mais aussi à Saint-Émile-de-Suffolk et Chénéville avaient probablement les mêmes ancêtres que moi, soient François Deguire dit Larose et Marie-Rose Colin.

J’ai cherché, fouillé, comparé et finalement preuve a été faite : les Deguire de la Petite-Nation sont tous devenus des Larose alors que ceux de Saint-Laurent, d’où je viens, sont restés Deguire. Il reste bien quelques questions, mais il faudrait sûrement des généalogistes ou des historiens moins amateurs que moi pour y répondre.


http://www.despagesetdespages.com/Revue-Ripon-Deguire-Larose.pdf

mardi 10 octobre 2017

De l'écriture féminine

En essayant de comprendre pourquoi, ces temps-ci, je préfère les romans écrits par des femmes et aussi par des Québécoises plutôt que des Françaises ou Américaines,
en essayant de comprendre pourquoi, par exemple, je préfère le dernier roman de Martine Delvaux au premier de Stéphane Larue,
j’ai longuement navigué entre des sites de thèses, des blogues et des revues populaires.
Je sais à l’avance que je conclurai qu’il n’y a pas de conclusion définitive, tout au plus un cheminement qui se poursuit depuis mes premières lectures et s’achèvera à mon dernier souffle.

Dans Google, si on écrit « romans féminins » nous aurons des pages et des pages. Danielle Steel tout à côté de Simone de Beauvoir.
Si on écrit « romans masculins », Google ne nous renvoie qu’à des prénoms.
Je n’entrerai pas dans la polémique de savoir si on doit féminiser les titres, si on doit être écrivaine ou autrice ou dire madame le ou la ministre, mais la question d’écrire « autrement » me captive.

Est-ce que j’écris différemment parce que je lis différemment? Après tout c’est la même personne qui lit et qui écrit.
Est-ce que je corresponds aux statistiques?
«Quand on remonte le fil de l'histoire, on s'aperçoit qu'il y a toujours eu des genres littéraires associés aux hommes et aux femmes. Depuis toujours, les lectures dites "sérieuses" comme les ouvrages politiques et d'histoire sont associées aux hommes, alors que la littérature de divertissement, comme les romans, est associée aux femmes.»
                                                          Anthony Glinoer dans La presse du 19 juin 2015 
Les statistiques révèlent que les femmes lisent plus que les hommes, pourtant les hommes continuent d’être plus souvent publiés que les femmes. Et gagnent plus de prix.

Et alors?
auteures, écrivaines, langage familier
Ce que je sais en revanche, c’est que nous avons tous un principe féminin et un principe masculin. Nous avons des sensibilités différentes. Et même à chaque jour, je dirais que le pourcentage change comme le soleil qui n’a pas toujours la même couleur. Ces jours-ci, je suis orange brûlé, presque rouge vif. Comme l’automne. J’entre dans la maison. J’entre à l’intérieur de mon moi. Je fais du ménage, je me prépare un nid douillet et chaud. Toutes des activités féminines? D’où l’intérêt pour les mots féminins? Peut-être.

Sur mon passage sur Google, j’ai vu souvent le nom d’Hélène Cixous. Elle parle de son écriture.
«La pensée a ses rythmes, qui sont commandés par les escalades qu’elle est amenée à faire. Tantôt on procède par bonds, on saute sur une idée, par phrases courtes ; tantôt on est obligé de descendre ou de monter, à la façon de Dante faisant le tour d’une montagne. Il y a des lacets, on est épuisé. La pensée trace elle-même son rythme, étire ses fils. Ce qu’on apprend à faire, c’est à ne pas résister, à ne pas être un juge arbitraire disant « on doit écrire comme ci et pas comme ça »(1)
C’est comme ça que je pense. Je lis une histoire dans l’ordre que l’auteur a bien voulu me livrer, mais j’écris d’abord dans le désordre de ce que je ressens. le vu, le senti, le ressenti, le goûter, le rythme du cœur qui s’accélère comme s’il trouvait enfin le trésor longtemps cherché. Je sautille et je cherche ailleurs les mots pour exprimer ce cafouillis intérieur. Comme à 15 ans quand l’adolescente rebelle m’est sautée dessus sans permission. Ensuite, il faut que j’arrête, que j’interrompe le flux et que j’organise. Pour que mon cerveau comprenne. Je devrais peut-être faire du yoga pour apprendre à respirer mes mots et mes phrases. Je suis peut-être atteindre d’une TDA tardive.

En observant que ces temps-ci je lisais et j’aimais plus facilement les romans écrits par des femmes, en ayant du mal à aimer autant Le plongeur que la plupart des lecteurs et chroniqueurs, j’ai peut-être compris que ce n’est pas tant que Le plongeur soit écrit par un homme ou que le personnage soit un homme, mais, de ma part, c’est la difficulté à lire. Simplement parce que mon cerveau réagit négativement devant la langue trop familière utilisée jusque dans la narration. Comme s'il se sentait agressé, pire, injurié. Je croyais tout pardonner aux Québécois parce qu’en théorie, je les comprends, je les connais, je leur ressemble. Pourtant de moins en moins.
Je redeviens la juge snobinarde que j’étais à cet âge ingrat où on ne pardonne rien à nos parents. Maintenant que j’ai l’âge d’être parent, je ne pardonne rien aux jeunes. Je dois pourtant apprendre à leur laisser leur chance. Ils ont droit de vivre et d’essayer, eux aussi. Et d’écrire ce qu’ils veulent, comme ils veulent.
J’essaie de ne pas juger, mais j’essaie surtout de comprendre pourquoi je n’aime pas, pourquoi je ne finis pas le livre ou que je lis en diagonale. Et pourquoi tout le monde ne réagit pas comme moi.

Je crois bien que je vais mourir en cherchant encore le pourquoi de mon besoin d’écriture et de lecture. Et c’est normal, puisque je crois profondément — pour l’instant en tout cas, faute de preuves — que la vie n’a pas de sens tant qu’on ne saura pas pourquoi la mort. Ou vice-versa.

Le soleil se couchera dans un ciel orange brûlé pendant que je lis Hélène Dorion ou Michèle Lesbre ou…
Et demain sera un autre jour.

Avez-vous remarqué si vous lisiez plus féminin ou masculin?

vendredi 29 septembre 2017

Tant que le coeur bat...

lettres de refus des éditeurs

Il y a la saison des prix littéraires et il y a la saison des refus.
Saison d’automne dans les deux cas.
Le rouge vif pour la jouissance des uns et le jaune sec, flétri pour quelques autres.
Reste le vert de l’espoir, mais pour moi, il s’amenuise.

La semaine même où je reçois un chèque de Copibec qui me prouve bien que je suis une auteure, je reçois également deux courriels de maison d’édition qui refusent mon manuscrit. Vous me direz que c’est aussi une preuve que je suis auteure puisque si tu n’es pas auteure, tu ne reçois pas de lettre de refus!

Pourquoi m’infligé-je pareil supplice? Qu’est-ce que je n’ai pas encore compris pour que je récidive?
Pour que je coure après la publication chez un éditeur reconnu.
Pour que je réécrive un manuscrit tant et tant qu’il ne trouve pas preneur?
J’aime tant que ça recevoir des lettres qui disent non?
Pourquoi s’obstiner?
En ai-je vraiment besoin?
Ce ne sera pas le premier manuscrit qui reste dans les tiroirs.
Vaut-il vraiment la peine que je me donne?

Même si je le publiais à compte d’auteur, ce que je pourrais très bien faire,
même s’il ne se retrouvait pas en librairies, sauf celles où j’irais le porter et qui l’accepteraient (quelques-unes en Outaouais peut-être),
même si j’allais l’offrir dans quelques bibliothèques,
même si j’allais au seul Salon du livre de l’Outaouais via l’association des auteurs de l’Outaouais,
serais-je satisfaite?
Si je dis oui, eh bien fais-le et passe à autre chose.
Si je dis non, je veux plus, plus quoi?
Qu’as-tu tant eu de plus avec tes dernières publications? Un peu plus du Droit public? Un peu plus de Copibec? Un peu plus de ventes? Ton livre est également prêtable en numérique via pretnumerique.ca, ce wuo ne serait plus le cas en auto-édition?
Et alors?
As-tu fait tout ce que tu as pu?

Et cesse de te faire rêver avec les
14 refus de Rowling
38 de Margaret Mitchell, avec Autant en emporte le vent
140 de Richard Blatch avec Jonathan Levingston, le goéland

Ne pas rêver non plus du jour où, comme aux États-Unis, nous aurons des agents littéraires. Oui, oui, quelques-uns au Québec. On peut les compter sur les doigts de la main et je n’ai pas encore eu de preuve qu’il (ou elle) pourrait m’être bénéfique.
Le Québec est petit, on le sait, on a vite fait le tour des éditeurs.

Avis de gel au sol. Avis de gel dans mon cœur.
Le mettre sur la glace pour un temps.

Heureusement, hier j’ai vu le film C’est le cœur qui meurt en dernier. Après avoir lu le roman de Robert Lalonde, évidemment. Pendant une minute je me suis demandé si j’aimais un plus que l’autre, puis je ne plus voulu comparer. C’est différent. Chacun a ses qualités. Les silences ne sont pas aux mêmes endroits. L’intensité non plus.

Mon cœur n’est donc pas encore mort, et je refuse de le mettre au rancart comme une vielle feuille séchée qui ne tiendrait plus après l’arbre.
Je m'accroche.

mardi 26 septembre 2017

Autour d' Annie-Claude Thériault

Carnet de roman

Autre refus d’éditeur, un de ceux que je voyais bien publier mon histoire. Un éditeur qui, il me semble, ne jure pas que par une écriture jeune, une facture contemporaine, des éclats de voix.
Je passe.


Carnet du jour

Comme si nous étions en hiver et qu’il faisait moins 28, ressenti – 38, ce qui serait tout à fait plausible, je demeure à l’intérieur. Sauf que ce n’est pas moins 28 mais plus 28 et nous sommes le 26 septembre. Record battu. Une journée à l’intérieur pour moi, c’est un enfermement, un confinement qui me désole.

Tout juste si j’ai été au village en vélo. Le temps d’aller chercher quelques prospectus inutiles et trois tomates pour le diner.

Mais je refuse de me plaindre. Chaque matin, je me lève et je suis heureuse d’être en vie, un jour sans rendez-vous médical, sans obligation professionnelle. Un matin où je peux rester au lit, à lire sur ma tablette. Un matin où je pourrai me vêtir négligemment… et courtement puisque je ne sors pas. Me lever, pieds nus sur un plancher frais, c’est jouissif. Prendre mon temps. Possibilité de baignade.

À 20-30-40 ans, dès le réveil j’étais impatiente, prompte, jeune biche impulsive. Aujourd’hui, en comparaison, je suis d’un calme désarmant, d’une lenteur suspecte. Est-ce l’explication de mes manuscrits qui ne trouvent pas preneur. Mes textes transpirent-ils à ce point l’ennui, une voix empâtée, comme mon corps vieillissant? Je ne me sens pas vieille jusqu’à ce que je lise les romans des auteurs primés ces années. Ne peut-on pas vivre côte à côte? Nous demande-t-on le même ton (et le même vocabulaire mixte), la même vitalité, celle qui se vend, celle qui plaît, qui s’exporte, qui se filme?


Carnet de lecture

Les filles de l'Allemand, Quelque chose comme une odeur de printemps

Parlant jeunesse et livres, j’étais certaine d’avoir parlé d’Annie-Claude Thériault.

Lors de l’événement Bateau-livre, début septembre, j’ai revu Raymond Ouimet que je connais et dont j’ai lu les histoires dans lesquelles la mort n’est jamais bien loin. Il y eut Mélanie Rivet que je connaissais de nom, rencontrée une fois ou deux, entendue lors du symposium In situ à Namur, mais à qui je n’avais jamais adressé la parole. Ce fut fait. Et il y eut Annie-Claude Thériault, dont le prénom, évidemment, m’a intriguée. Mieux encore, elle enseigne la philosophie, ma matière préférée à l’école normale.

Comment l’oublier, ce roman Les filles de l’Allemand, dont elle a lu un extrait, publié en août 2016, il m’avait laissé une marque assez forte. Je me souviens avoir cru pendant quelques instants que les filles de l’Allemand ce serait un peu comme les enfants de mes Irlandais. Rien à voir sinon que c’est tout de même inspiré de ses ancêtres acadiens. C’était une histoire de jumelles séparées. Le genre d’histoire qui me touchera toujours sans que je n’en comprenne jamais la raison. Alors je les lis toutes au cas où un jour mon subconscient se souvienne.

Entre le Nouveau-Brunswick et la France, entre le cirque et l’espionnage, des enfances brisées, des croisements de temps, de lieux. Des personnages originaux (et détraqués?), des secrets déchirants. Un peu compliqué parfois. Inutilement selon moi, mais un style contemporain comme en recherchent les éditeurs, ces années-ci.

Après la rencontre sur le bateau, je me suis demandé ce que j’avais bien pu en dire sur mon blogue. Et si elle allait lire… Mais voilà, après une recherche minutieuse de tous les billets publiés depuis l’été 2016, rien. Je n’ai rien trouvé, peine perdue.

Certaine d’avoir tenu un exemplaire dans mes mains parce que c’est un format et une texture de papier que j’aime vraiment beaucoup, j’ai cherché dans ma bibliothèque. Peine re-perdue. L’aurais-je prêté? J’ai cherché dans mes notes. Peine re-reperdue. J’ai dû l’emprunter à la bibliothèque de mon village puisqu’il n’est pas en numérique à la BANQ.

Cessons de chercher des traces, et repartons à zéro. Quitte à avoir l’air d’en parler parce que j’ai rencontré l’auteure. Ce qui est quand même le cas.

Brève d’introduction… Heureusement que je n’écris pas un article pour un journal, je peux digresser à mon goût. En fait, je rôde autour, je raconte les circonstances qui entourent la lecture des romans. Comme Catherine Mavrikakis dans la revue LQ, « je suis une lectrice qui écrit ».

Au retour de Bateau-Livre donc, plus de quinze jours après, je goûte encore à ce plaisir d’avoir été voulue, choisie, je flotte encore dans le ravissement de savoir que j’existe en tant qu’auteure. Et dans le plaisir d’avoir entendu des extraits de livres, ce qui ne me déplaira jamais.
Alors j’ai voulu lire Quelque chose comme une odeur de printemps, d’Annie-Claude Thériault.

Ce qui est fait.

Encore une fois, les relations sont au cœur de l’histoire. Entre frère et sœurs, entre « une Chinoise qui n’en est pas une et qui peint de grotesques personnages, et de Monsieur Pham, le charismatique Vietnamien du dépanneur »
Annie-Claude Thériault a fait de son personnage principal Béate (pauvre petite fille qui doit porter un tel prénom) une amoureuse des odeurs, des saveurs.

À preuve, le roman commence par la cannelle et se termine par un parfum de printemps.
« C’est un mélange de cannelle et de clous de girofle. »
« Ça sentait les fleurs. Ça embaumait l’iris, un parfum de jacinthe, une touche de rose et un soupçon de marguerite. Il faut me croire, on se serait crus au milieu d’un jardin de géraniums, entre un hibiscus et un petit jonc fleuri, sous un magnolia, à l’ombre d’un vinaigrier caché par des cèdres.»
Et ça se termine par la phrase : 
« Ça sentait l’hiver, encore, mais l’hiver tout jeune et tout frais; un hiver aux parfums de printemps. »
En 2013, le roman a remporté un prix envié, le Prix littéraire Jacques-Poirier-Outaouais.

Le ciel, autant que les montagnes à l’horizon, est toujours bleu, d’un bleu gris à cause de l’humidité. J’attends un jour plus frais, bientôt, pour marcher dans la forêt et espérer des feuilles plus rouges que brunâtres et brûlées. Sous la pluie peut-être.