Aucun message portant le libellé lecture. Afficher tous les messages
Aucun message portant le libellé lecture. Afficher tous les messages

dimanche 29 juin 2014

C'est le dernier, que je me dis chaque fois

Dites-moi ce que vous lisez, je vous dirai ce que vous aimez écrire.
Dites-moi ce que vous aimez écrire et je vais vous dire chez quel éditeur publier.

Lecture dans le sud, l'hiver dernier.
La semaine dernière, je lisais L’album multicolore et Tout comme elle de Louise Dupré. Les deux avec un égal bonheur. J’ai lu tous les mots, toutes les pages. À la fin, j’ai dit « Pas déjà fini ». J’en prendrais encore. 

Cette semaine, j’ai commencé La vérité sur l'affaire Harry Quebert de Joël Dicker. Un roman publié en 2012. J’en avais lu du bien et du moins bien, j’hésitais donc. Comme souvent, je lis ce qu’on en dit, je cherche à connaître l’auteur, je feuillette en librairie. Finalement, je l’ai fait venir à la bibliothèque. Une fois en main, je pris plaisir à m’asseoir sur ma galerie arrière, à l’ombre. Je plongeai. Facilement, rapidement, goulûment. Évidemment, un écrivain devant la page blanche, incapable d’écrire après un énorme succès et la belle vie, c’est sûr que je lisais, très intéressée. Sans m’identifier puisque je n’ai jamais été célèbre !

Jusqu’à la page 63, j’ai réussi à ne pas penser à mes propres écrits. Comme c’est une histoire quasi-policière avec des morts, un suspect, des questions, un héros sauveur, une victime innocente, m’arriva ce qui devait m’arriver : je voulais tout de suite savoir, alors j’ai sauté à la table des matières, j’ai lu l’épilogue, suis revenue un peu en arrière au chapitre :  La vérité sur l’Affaire (pourquoi un A majuscule ?) Harry Quebert, page 514. Et voilà j’ai eu mes réponses. Le reste ne m’intéressait plus.

Pourquoi j’en parle, parce que c’est le genre de livre qui se vend, le genre d’histoire que la majorité des lecteurs aime bien, le genre de bouquin dont les éditeurs raffolent. À preuve, il a été traduit en je ne sais plus combien de langues, vendu à je ne sais plus combien de milliers d’exemplaires et a gagné deux ou trois prix.

Mais, mais, mais ce n’est pas le genre que je préfère en tant que lectrice et donc pas le genre que j’écris. 

Lors d’une rencontre avec un éditeur au sujet d’un manuscrit présenté… « à retravailler », il fut d’ailleurs question de surprises à rajouter, d’écrire un roman et non un récit, et de contexte historique-social à documenter. Et si je ne satisfais pas ses exigences, aurais-je une troisième chance ? 

Il n’y a jamais rien d’acquis, rien de gagné. Surtout pas dans le monde de l’édition québécoise. Toujours la sempiternelle question qui revient : et pourquoi je ne me contente pas d’être lectrice ? Chaque fois, la réponse revient comme un boomerang : je ne peux pas m’empêcher d’écrire ! C’est le dernier manuscrit que j’essaie de faire publier, c’est le dernier, c’est le der…. 
Y’a un boutte à être maso !

vendredi 20 juin 2014

Trois pour le prix d'une

Trois plaisirs pour le prix d'une escapade de quatre jours dans la région de la Yamaska Nord
Dans l’ordre : premier plaisir, le camping
Deuxième : le vélo
Troisième : la lecture


Le camping : je me suis réconciliée avec les Sepaq. Je les boudais parce que je trouvais prohibitifs leurs coûts d’entrée : 7,50 $ par jour par personne. En prenant une passe pour le réseau : 135 $ pour deux, j’ai accès à tous les parcs, sans avoir à me soucier de ces frais d’accès. En les oubliant, j’ai l’impression de ne pas les payer. Reste le camping. Le sans service est de 29 $ la nuitée et le deux services de 38,25 $ Plus les taxes. Disons que c’est un prix assez compétitif si on ne compare pas les genres de campings. Dans les Sepaq, ce ne sont pas les services, le wi-fi ou les activités qu’on va chercher, mais surtout l’espace et la nature. La nature et encore la nature. Alors au parc Yamaska, je fus servie, gâtée. J’ai beaucoup aimé.

Le vélo : des pistes cyclables, des vraies, pas des bandes cyclables le long d’une route. Le rêve pour une promeneuse comme moi. Je ne cherche plus ces sentiers de vélo de montagne escarpées où il faut grimper, descendre debout sur les pédales. Je préfère le plat, le facile. Autour de Granby, je suis servie. Une région où je n’allais plus puisqu’il fallait passer par Montréal, Décarie et pont Champlain. Avec l’ouverture d’un tronçon de l’autoroute 30 du barrage de Beauharnois, je peux me rendre dans les Cantons de l’Est dans un petit deux heures. Des points de vue le long du réservoir Choinière, des haltes le long de rivière Yamaska Nord. Du soleil, des gens gentils. Rien que du présent.

La lecture: ça faisait longtemps que je n’avais pas lu. Longtemps, dans mon cas, c’est près de trois semaines. Faisait encore plus longtemps que je n’avais pas lu un livre:
1- écrit par une femme
2- écrit par une auteure de ma génération (nous avons dix mois de différence)
3- écrit par une Québécoise

Et ce n’est pas tout, elle a écrit sur la mort de sa mère survenue en décembre 2011, or la mienne est décédée en mai 2012. Pire encore, tout comme dans ma famille, elle a une tante qui a séjourné à Saint-Jean-de-Dieu de Montréal et à Saint-Michel-Archange de Québec.

Donc, identification, sentiment de sororité. J’ai lu avec grand intérêt.

Heureusement, je n’avais pas Internet, je me serais ruée sur ma tablette pour tout savoir de cette auteure et peut-être même lui écrire. Ce que je ferai peut-être. Pour lui dire merci. Merci d’avoir écrit sur la relation mère-fille, sur la mort, sur celle des autres, sur la nôtre qui viendra trop vite.

À la mort de mon père, je n’ai pas senti le besoin d’écrire sur lui. Dans les faits, j’ai écrit sa biographie avant qu’il ferme les yeux pour toujours, un certain soir du mois d’août 2006. J’étais plus fille de mon père que fille de ma mère, je dirais. Ce sont pourtant des images de ma mère qui resurgissent parfois. Je revois les derniers jours quand je lui tenais la main. Je cherche encore ce qu’elle voulait me dire en ouvrant la bouche et en murmurant trois « mouah» en me regardant. Je ne saurai jamais. Il me vient des émotions dans un geste de ses petits-enfants. Je me dis qu’elle aurait aimé, souri.

Louise Dupré dans L’album multicolore a tout de même écrit 191 pages sur ce sujet. Je la remercie d’avoir tant écrit, sans trop de répétitions, à part sa «mauvaise lumière du salon», qui à la fin me faisait sourire.

Je lui envie son éditeur qui a accepté de publier un tel récit. Je me demande s’il lui a suggéré d’enlever quelques « mauvaise lumière du salon ». Bien sûr, j’ai noté plusieurs phrases dont celle-ci : « mais, même sans larmes, l’enfance reste tapie dans un coin sombre, elle nous guette, elle ne meurt jamais ». Je ne fus pas surprise d’y voir une phrase que je glisserai dans mon prochain roman. J’aurai l’air d’avoir copié, mais la mienne a été écrite  en 2006 : « on ne sort pas indemne de son enfance ».

En voyant sa bibliographie et les nombreux prix remportés, je me réjouis pour elle de sa réussite. Je ne suis pas très poésie, mais je lirai certainement ses romans.

vendredi 27 décembre 2013

Marcher en forêt sans trop de balises

J’ai souvent lu que l’auteur doit faire confiance à l’intelligence du lecteur.

Dans les blogues ou articles de journaux où il est question de La marche en forêt de Catherine Leroux, tout le monde a changé les difficultés à se retrouver dans les noms par des qualités de structure, une originalité, une étape obligée qui renforcent la beauté de l’œuvre. Peut-être parce que j’ai la version numérique et que l’arbre généalogique du début est complètement illisible donc je ne pouvais guère m’y référer, même imprimé, j'ai donc trébuché souvent sur les racines avant de poursuivre cette longue marche.

Je suis une lectrice moyenne, et normalement patiente surtout quand le texte m’intéresse, il m’arrive souvent de lâcher en cours de route, mais là… j’ai ramé. Fort, contre un vent d’exaspération. Mes neurones s'entrecroisaient à chaque changement de personnage et encore, quand l'auteure les nommait. Moi qui me targue d’avoir un bon sens de l’orientation, j’étais perdue dans cette forêt sans balises. À relire ce qu’on a dit de ce premier roman, de ce qui s’est déjà écrit sur le deuxième que j’attends, j’ai ordonné à mon cerveau de persister. Je lui ai ordonné par la même occasion de ne pas comparer avec la ligne chronologique que j’ai adoptée — paresseusement? — pour le manuscrit dont je viens à peine de terminer l’écriture. Ne pas non plus penser à mes déjà vieilles Têtes rousses qu’un éditeur m’avait recommandé de couper parce qu’il y avait trop de noms, j'aurais tant aimé qu'il me conseille plutôt une autre structure. Ce n’est pas tant la «critique» qui m’a fait insister, mais le récit lui-même, le ton, le style, l’histoire me disaient de continuer. J’ai donc sorti papier et crayon et j’ai écrit les noms des personnages indiqués dans l’arbre généalogique de la page 4, comme on fait l'effort de chercher dans le dictionnaire les mots dont on ignore la signification... essentielle à la compréhension du roman.

Et puis, sur ma liseuse, est arrivé Ristigouche, réservé quelques semaines plus tôt. Un court, très court, roman d’Éric Plamondon. Trop curieuse, j’ai voulu au moins voir. J’étais faite comme on dit. Trente et une pages en numérique, ça se lit le temps de le dire. D’autant que j’étais justement à Ristigouche pas plus tard que l’été dernier. J'ai passé deux heures au lieu historique de la bataille où la Nouvelle-France aurait pu devenir Nouvelle-Angleterre si le nom n’était pas déjà pris. Enfin, je pense, pas le goût de vérifier. Pour dire qu’on a perdu. Pour dire que l’auteur a décidé de planter son décor au fin fond de cette baie des Chaleurs, quand elle n’est plus baie, mais début de rivière. 

Je n’ai pu m’empêcher de remarquer que c’était un peu construit comme le livre que j’avais mis de côté: La marche en forêt. Par petites touches, lui aussi. Passant de la bataille de 1760 à la mort de sa mère, à sa pêche au poisson. Changement de temps et de personnages. Sauf qu’on s’y retrouve dans son récit et ce n’est pas parce qu’il est plus court, c’est probablement parce qu’il n’y a que deux personnages : sa mère, lui et le troisième serait la bataille, si on veut. Donc un Il et un Elle. 

Un petit roman — ou une longue nouvelle— qui m’a redonné confiance en ma faculté de comprendre un récit rédigé autrement que dans une forme classique et donc chronologique. Je suis ipso facto retournée à Catherine Leroux et cette fois, feuille en main (qui hélas ne se glisse pas entre les pages du roman numérique !), j’ai vraiment apprécié ma lecture. J’ai hâte de lire son prochain : Le mur mitoyen.

jeudi 28 novembre 2013

Les passeurs
de Nicole Balvay-Haillot

Bien des raisons font qu’on choisit de lire tel ou tel livre. Cette fois, j’ai lu Les passeurs de Nicole Balvay-Haillot (éditions Vermillon) pour la seule raison que j’ai connu l’auteure lors d’ateliers d’écriture. Elle a lu mes histoires d’Irlandais, je lisais ses histoires de France, de Tunisie. 

J’ai parlé d’elle à quelques reprises dans mon blogue et même sur Voir.ca. Son roman Dérives m’a touchée parce que la relation mère-fille m’émeut toujours. Son livre de nouvelles, Fenêtre sur vies, a obtenu une mention au Prix Jacques-Poirier en 2009. 

Celui-ci, Les Passeurs, même si je ne l’avais pas su, je l’aurais senti à la lecture, a demandé beaucoup de recherches et du temps et du silence et de l’obstination. Ce livre, elle le portait depuis plusieurs années, c’est l’histoire de toute une vie, la sienne, celle de ses parents séparés, celle de la seconde guerre mondiale. 

Pour sa recherche, cette Française d’origine qui vit au Québec depuis quarante-quatre ans, a choisi un jour d’aller passer trois mois à Vezelay, à deux heures de route des événements relatés dans son récit. Elle entreprit de continuer à fouiller son passé, de retrouver des membres de la famille, à écouter des témoignages des descendants de passeurs, ces personnes qui prenaient bien des risques en faisant passer des personnes ou des messages ou des lettres de la zone occupée à la zone libre. Sans la famille Tillier qui permit à ses parents d’être réunis, l’auteure n’aurait pas vu le jour. 

La résidence d’auteure, la maison Jules-Roy, à Vézelay commence à être connue des auteurs de l’Outaouais. Sur le site Internet, je reconnais là quelques bénéficiaires, dont Loïse Lavallée, Michèle Bourgon, mais je suis certaine que pour Nicole Balvay-Haillot son séjour là-bas n’a pas représenté la même charge émotionnelle. Pour elle, c’était pays de souvenirs d’enfance et même d’amoureuse.

Donc je connaissais l’auteure, j’avais entendu parler de Vézelay, je savais que Nicole était née en 1942, en plein pendant la guerre 39-45 dont j’ignore à peu près tout, étant née après et surtout étant venue au monde dans un pays que nulle bombe n’a jamais atteint. L’auteure a su m’apprendre beaucoup sur ce temps de l’Occupation allemande, mais ce que j’ai aimé par-dessus tout dans la lecture de ce roman, c’est l’histoire personnelle. 

Elle a su, méthodiquement, clairement, en mettant sans doute beaucoup d’ordre dans ses émotions retracer la route de son père, soldat, pendant ces années de séparation. Pas de véritable montée dramatique comme dans un film américain, pas besoin, mais lettre après lettre, village après village, rencontre après rencontre, elle nous raconte ses démarches et ses trouvailles. Toujours en nommant les gens, de vraies personnes qui l’aident, qui cherchent, qui témoignent, même après toutes ces années. 

Cliquez sur cette ligne pour atteindre la carte sur Google maps
Je me suis amusée à situer quelques-uns des villages et hameaux dont il est question dans son livre. Dans son livre, l’auteure a eu l’heureuse idée de faire imprimer quelques cartes aussi. Comme des centaines de Québécois qui ne savent rien de la guerre de 1939-1945 (et même les autres), j’ai été très surprise de voir la ligne de démarcation autour de laquelle toute l’action de son roman se situe : je la croyais presque droite, au sud de la France, entre Bordeaux et Lyon, mais non…

Pour Nicole Balvay-Haillot, née d’un père soldat qui a passé la ligne de démarcation pour rejoindre son épouse délaissée, le 11 novembre n’aura jamais la même importance que pour moi qui n'a guère de lien avec les soldats, mais maintenant, au prochain Jour du souvenir, je sais que je penserai à Nicole Balvay-Haillot qui a réussi à boucler la boucle en écrivant Les Passeurs.

Vous pouvez lire un extrait du livre sur le site des Éditions du Vermillon >>>

mardi 9 juillet 2013

Depuis toujours de Madeleine Gagnon

J’ai eu beau conjuguer toutes les possibilités de Madeleine Gagnon avec @ ou avec le mot  «courriel» dans Internet, je n’ai pas trouvé à la rejoindre. J’ai lu parfois en entier, parfois rapidement tous les articles ou blogues à son sujet, écrits en avril et mai 2013, lors de la sortie de son livre, Depuis toujours. C’est le blogue d’Yvon Paré qui m’a amenée à emprunter le livre à la BANQ. Je n’ai pu résister à écouter le début de l’entrevue accordée à Chantal Guy à la Librairie Monet et là, je crois bien avoir compris. 

En lisant son autobiographie – et probablement que le phénomène se répète en lisant toute autobiographie, les longues, pas les petites courtes dans les revues — je me retrouve toute seule avec elle. Comme si j’étais — peut-être pas la première, je le sais bien —, mais la seule à qui elle raconte sa vie. Je deviens pendant quelques jours sa confidente. C’est entre elle et moi et je ne veux pas la partager, au moins le temps de ma lecture. Veux même pas être dérangée ou stoppée pendant que je dévore. Et c’est moi qui décide quand on arrête. Alors, voir que tant de monde a lu, a entendu, et voir aussi que l’auteure en parle à d’autres, sur le coup, je suis déçue, je sors de cette chambre close dans laquelle nous avions une relation privilégiée. Quelle sorte de lectrice suis-je donc pour m’illusionner de la sorte ? Masochiste, j’y retourne pour terminer le livre. Je ne veux pas sortir de ma bulle, de notre univers, pas tout de suite. 

Que son courriel ne soit pas disponible au grand public, qu’elle n’ait ni site, ni page Facebook déçoit la lectrice en moi, mais me fait comprendre que finalement, c’est moi qui ai besoin de lui dire merci, de lui dire que j’ai aimé son livre, que j’ai aimé connaître son histoire qui est un peu la mienne du simple fait que j’ai aussi connu ce temps de péchés et de judéo-christianisme, j’ai connu ce Québec naissant, j'ai découvert les balbutiements de l'édition canadienne-française. Et j'aime lire et écrire. Je dois respecter son besoin d’intimité, ce non-besoin de recevoir ces petites marques de reconnaissance ou tout commentaire.

Que lui aurais-je dit de plus que les phrases habituelles nerveusement lancées lors d’une brève apparition devant sa table de dédicaces dans un Salon du livre ? Et encore, si elle y va. J’aurais voulu lui dire, comme une centaine d’autres sûrement, que son récit m’a touchée, rejointe. C’était très plaisant, très intéressant de se faire raconter toute cette époque, tout le chemin parcouru dans les méandres de la religion, de l’éducation, de la vie québécoise. Et puis, moi qui aime tant les livres et l’écriture, se faire nommer tous ces auteurs qu’elle a lus ou côtoyés, de chez nous ou d’ailleurs, c’est comme un repas gargantuesque avec tout plein de friandises délectables. Parfois, c’était un miroir dans lequel je me reconnaissais, moi ou mes parents.

Mais évidemment, elle sait tout ça, c’est elle qui l’a écrite sa vie, alors que lui aurais-je dit à part «j’ai aimé et merci». Je ne lui ferais certes pas une analyse de textes, j’ai toujours détesté et n’ai jamais très bien réussi à trouver les mots de raison, je leur préfère les mots du cœur.

Je me demande si, inconsciemment, en disant à un auteur qu’on a lu son livre, ce n’est pas tout simplement vouloir dire qu’on existe soi aussi. Comme elle a écrit : « Pour certains, lire constitue l’écriture de leur vie ».


(Illustration de la couverture emprunté aux Éditions Boréal >>>)

vendredi 1 février 2013

Boulimie de lectures

Pendant six ou sept mois, je n’ai pas beaucoup lu. Pas le goût, mon esprit était occupé ailleurs, mais, comme si j’avais suivi un régime, je me rattrape. Je suis devenue boulimique de lectures. Je lis tout ce qui me tente. Des petites bouchées parfois pour goûter à tout. De longs repas savoureux souvent, mais je ne finis pas mes assiettes! Le fait de pouvoir maintenant emprunter des livres numériques à la BANQ, c’est pire, c’est facile de succomber.

Coup sur coup, à quelques jours d’intervalle parce qu’ils étaient disponibles, j’ai emprunté les livres numériques :
Rapide Danseur de Louise Desjardins
Le Grand Jamais de Daniel Tressart
Mayonnaise d’Éric Plamondon
La porte du ciel de Dominique Fortier.
Ï tréma de Gilles Pellerin

Je ne connaissais pas ces auteurs, hormis le fait que j’ai déjà lu Les larmes de Saint-Laurent de Dominique Fortier. Des livres choisis après avoir lu des billets sur les blogues de Venise ou de Dominique Blondeau.

Et puis à la bibliothèque, où j’allais chercher des livres pour l’artiste qui ne lit pas tout à fait le même genre que moi — heureusement, s’il fallait… je n’en finirais pas —, je n’ai pas pu résister au deuxième roman de Daniel Lessard La revenante, suite je crois bien de Maggie que j'avais bien aimé, et à L’Anglais de Denise Bombardier.

Comment font-elles ces personnes qui, au fil des années, se sont constitué des PAL (acronyme de pile à lire)? Comment résister à commencer un tel alors que celui de la veille n’est pas terminé ? Est-ce parce que je me suis privée que je ne parviens pas à lire calmement, complètement un livre avant d’en commencer un autre ? Je suis devenue une TDAH (autre acronyme pour Syndrome d'hyperactivité et d'inattention) du livre : incapable de rester en place et de lire tranquillement un livre. Aussitôt les trente ou cinquante premières pages lues, je passe au milieu, à la fin… et à un autre. 

Et ce n’est pas parce que le livre est ennuyeux ou mal écrit. Loin de là. Que des petits chefs-d’œuvre dans la liste ci-haut mentionnée. Il y a bien La porte du ciel que j’ai laissé parce que je n’accrochais pas, ni ne m'identifiais à un personnage en particulier, autant de mal à lire que Les larmes de Saint-Laurent que j’avais dû reprendre trois fois avant d’être dans un état d’esprit propice à lire ce genre d’histoire, mais les autres, des romans contemporains, au style moderne, comprendre par là des phrases courtes, des personnages jeunes, une histoire qui se passe au Québec. Tout pour me plaire. Pour un style plus classique avec des qui, des que, j’ai dévoré L’Anglais de Denise Bombardier et je me suis délectée des petits textes courts, profonds, sentis, de Gilles Pellerin, des textes comme j’aurais aimé en écrire dans mes journaux intimes au temps où j’en tenais.

Qu’est-ce que je vais faire quand La chute des géants de Ken Follett va apparaître dans mon sillage ?

Docteur, qu’est-ce que j’ai ?

vendredi 18 janvier 2013

Pour tout de suite, Gabriel Anctil

Ce n’est pas la première fois que je le constate et que je le dis : je n’ai plus de discipline. Me demande même si j’en ai déjà eu. Mon blogue est donc à l’image de ma vie : diversifié (je n’ai pas voulu dire dispersé). Tout ne m’intéresse pas, mais contrairement à certains dont j’admire la constance, je ne m’astreins pas à un seul sujet : les livres. 

Alors évidemment, je ne commente pas tous ceux que je lis. Et si je n’ai pas aimé, ou si j’ai été déçue, j’hésite encore plus à en parler. Le fait d’être auteure moi-même me force à réfléchir encore plus à ce que je peux dire d’un livre, surtout s’il est québécois. J’attends de voir si le fait d’avoir été déçue venait du livre ou venait d’un autre facteur comme mon humeur, la température, une attente injustifiable comme le fait d'avoir aimé le livre précédent du même auteur.. Ensuite, je passe à un autre livre ou une autre activité. Je vois moins l’urgence de mettre sur papier (ou sur écran) mes impressions et mon avis que je considère tellement secondaires parfois que je ne vois pas l’importance de les noter. 

Quand même. Parce que Venise du Passe-Mot m’a lancé la perche, j’ai feuilleté à nouveau les derniers livres lus et tenté de rassembler mes idées. 

En livre papier (je spécifie maintenant parce que vraiment, je ne choisis, ni n’attends, ni ne lis de la même manière un livre papier et un livre numérique), j’ai beaucoup aimé Sur la 132 de Gabriel Anctil. Je ne sais trop pourquoi, sur le site de l’éditeur Héliotrophe, il est écrit« Roman d’apprentissage, mais aussi roman d’atmosphère, », mais je dois dire que j’ai beaucoup apprécié l’atmosphère en effet. Histoire qui se passe au Québec, dans ces années-ci, ce qui n’est pas pour me déplaire. Ça me donne l’impression de vivre en même temps que mes contemporains et non pas au temps de mes grands-parents, soit entre 1920 et 1950 ! 

Un livre aussi qui s’inscrit dans la continuité des livres que j’aime et que je lis depuis toujours : des histoires qui me racontent une vie, j'en ai parlé là >>>. J’ai bien aimé Théo qui délaisse travail, patron, amis, conjointe, et même ville pour aller à la recherche de son lui-même. Même si certaines scènes sont répétitives, même si les dialogues sont en « joual », ce qui ne me dérangerait pas vraiment, habituée maintenant à en lire beaucoup plus que dans les années 1970, mais trop longs à mon goût. Même si, pendant quelques pages, j'ai cru retrouver le plaisir de L'herbe et le varech d'Hélène Ouvrard, alors que vraiment, mais vraiment pas le même ton. Juste la même route et le même but: voir plus clair dans sa vie.

Portrait de la ville et portrait de la campagne, je sais pour avoir vécu dans les deux que tout n’est pas aussi noir pour l’un et extraordinaire pour l’autre et j’espère bien que si de jeunes urbains européens lisent ce roman qu’ils n’iront pas jusqu’à croire tout ce qui est écrit ! Ça demeure la vision du personnage, peut-être celle de l’auteur qui s’est largement inspiré d’un pan de sa vie, a-t-on écrit, mais certainement pas de la lectrice que je suis. Ne donnera peut-être pas envie d’aller vivre dans le Bas-Saint-Laurent et pourtant… 

D’autres commentaires de lecture à venir… je ne sais trop quand: souvenez-vous, je suis indisciplinée!

vendredi 14 décembre 2012

Ces vies que j'aime

Ces jours-ci j’ai lu coup sur coup David de Madeleine Chapsal, Salut mon oncle de Marie-Paule Villeneuve et La fille de l’écrivain d’Henri Troyat. Qu’ont en commun ces trois livres à part le fait que je les ai lus dans le même mois ? Deux français publiés en 2012 et 2001 et un québécois paru en 2012. Lus tous les trois en livres numériques. Lus les trois avidement, avec plaisir et au complet, ce qui n’est pas rien en ce qui me concerne.

Le lien ? Ce sont tous les trois des portraits. Des vies. J’aime qu’on me raconte la vie d’un tel ou une telle. Personne réelle ou personnages. Pas besoin d’une histoire abracadabrante, tout plein d’actions, des autos tamponneuses ou des meurtres scabreux. Même pas besoin de grands conflits, de hauts faits, de décors exotiques. Je me rappelle encore le plaisir que j’ai eu à lire Alexandre Chevevert de Gabrielle Roy, justement parce que c’est l’histoire d’une personne, comptable de son état. À travers la médiocrité d’un homme, on découvre une société, une époque. Je n’en demande pas plus.

Dans David, Madeleine Chapsal confie les liens qui l’unissaient à ce presque fils, David Servan-Schreiber. En fait, c’était le fils de son premier mari, mais elle l’a côtoyé jusqu’à la fin. On connait bien ce David qui a écrit le très beau livre Guérir. Disons que si j’aime les biographies, quand même difficile de lire celle-là parce que David meurt à la fin.

Quant à Salut mon oncle, c’est un roman. L’histoire de deux hommes : un oncle et son neveu. Un bien malcommode, une sorte d’ermite même s’il vit dans une maison à appartements à Longueuil. Son neveu, dépressif qui se remet mal d’un chagrin d’amour, débarque chez lui. Deux vies parallèles à qui il n’arrive presque rien, sinon quelques amours plus ou moins réussies. Un quotidien qu'il est pourtant très intéressant de suivre. L’auteure en profite pour glisser quelques titres de romans québécois, ce qui n’est pas pour me déplaire. Même un clin d’œil à elle-même en se traitant de « sombre inconnue ». Évidemment, comme j’ai connu l’auteure, il me plaît de voir quelques liens avec le monde agricole. Juste assez de dialogues, pas de descriptions inutiles. Tout à fait mon style. J'ai dévoré et dégusté à la fois.

Et puis, La fille de l’écrivain que j’ai probablement aimé parce qu’il est question d’un vieil auteur qui n’accepte pas d’être évincé par la relève. Un je-me-moi qui voudrait que le monde tourne encore autour de lui, de son œuvre. Qui tolère mal que sa fille le délaisse pour un jeune auteur. Une intrigue toute simple. Des réflexions plutôt que des actions. Des sentiments plutôt que des descriptions. J’adore.

Après de telles lectures, que pensez-vous que j’aime écrire ? 

(Illustrations empruntées, dans l'ordre, à Fayard, Tryptique et Grasset)

mardi 6 novembre 2012

Des veuves et des orphelines

J’ai déjà parlé d’irritants dans la présentation d’un livre (les petites notes en bas de page dans le dernier roman d’Arlette Cousture, par exemple), j’ai déjà écrit aussi que je ne lis peut-être pas comme tout le monde du fait que j’ai monté des livres et des journaux, alors ce qui est irritant pour moi ne l’est pas nécessairement pour tout le monde. Et celui dont je veux vous parler est vraiment minime, mais quand même, un petit arrêt d’une seconde pendant laquelle j’ai le temps de penser que quelqu’un n’a pas fait sa « job ». Comme si vous trouviez une faute d’orthographe ou une coquille. 

Bizarrement, pendant mes vacances au bord de la mer, alors que je lisais Les jumelles de Tessa de Loo dont la traduction a été publiée chez Robert Laffont et que ma compagne lisait un Grisham (beaucoup plus approprié pour une lecture en Caroline du Sud, soit dit en passant) également une traduction chez Robert Laffont (quand même pas n’importe qui, me semble), j’ai remarqué plusieurs fautes, des mots qui auraient dû être au pluriel, mais surtout, et ce fut là mon irritant, de nombreuses veuves et orphelines. Plusieurs dans chaque livre, alors que je peux lire des jours et des jours sans en voir. Alors qu’on ne devrait pas en voir du tout. 

Que ce soit comme lecteur ou comme auteur, vous n’avez pas à connaître ces détails de typographie, mais ça me fait plaisir de vous en informer (faut bien que mon expérience serve encore) et peut-être avez-vous vu cette formulation dans votre traitement de texte. Les éditeurs (québécois en tout cas) n’exigent pas un manuscrit exempt de veuves et d’orphelines, probablement pour la simple raison que tout changera lors du montage dans le format final, mais personnellement quand je présente un manuscrit, j’essaie quand même que le comité de lecture n’ait pas trop d’irritants visuels. 

La veuve est une ligne isolée, longue ou courte (c’est encore pire si elle est courte et affreux si c’est un mot tronqué), la dernière en bas d’une page (pensez qu’elle est plus vieille que l’orpheline) et l’orpheline est la première en haut d’une page de livre ou d’une colonne d’article de journal ou de revue. Feuilletez un livre et observez les hauts et les bas de page. Il faut au moins deux lignes dans les deux cas. Sauf si vraiment, le paragraphe à lui seul se résume à une ligne ou encore si le dialogue se limite à une seule ligne. Pour éviter que ça se produise, le monteur en pages doit jouer avec l’interlignage, ce qui parfois peut prendre quelques minutes et acrobaties, mais c’est un plaisir d’y parvenir. Évidemment, depuis l’ère de l’ordinateur c’est plus facile. Au temps où le montage se faisait à l’Exacto, je jouais avec les paragraphes complets plutôt que l’ensemble des lignes. 

Une règle qui existe depuis fort longtemps pourtant, comment un éditeur comme Robert Laffont se permet-il de publier ses livres avec autant d’erreurs typographiques? 

Et vous, avez-vous des obstructions visuelles quand vous lisez?

dimanche 30 septembre 2012

L'auteure qui lit


Bien assise au fond d’un fauteuil Adirondack, devant un bon feu rougeoyant qui me rappelle qu’on est déjà en automne, je sirote un semblant de cappuccino. Sur le bras de bois, le livre fermé de Sophie Bienvenu, Au pire, on se mariera. Un signet glissé à la page 73.
À me demander si je suis jalouse de ce bouquin. Du succès qu’il a obtenu peut-être. À être contente surtout de pouvoir être encore dehors à ce temps-ci de l’année. J’ai manqué des bouts du printemps et de l’été, des bouts où je devais restée à l’intérieur, où je n’avais pas le goût d’ouvrir un livre, où je ne voulais rien savoir des histoires des autres, où je n’avais pas envie de chialer, de me plaindre, de réfléchir, encore moins de penser. Alors, là je me rattrape, je prends mes deux mains pour compter mes petits bonheurs.
Et puis, le livre de Sophie Bienvenu, c’est un plaisir ou il te dérange? J’admets que c’est un plaisir. Moi qui me targue de vouloir (et à défaut de savoir l’écrire au moins la lire) une langue belle et toute française, bien construite, exempte d’anglicismes, au vocabulaire aussi riche que varié. Me voilà revenue aux années 1980 quand les premiers romans de Michel Tremblay ont commencé à paraître. Il écrivait en joual, il écrivait comme on parlait, même dans la narration. Ça m'a pris dix ans avant d'aimer ses textes. Faut dire qu'entre-temps, il avait peaufiné son style limitant le joual aux dialogues. Sophie Bienvenu écrit aussi comme on parle aujourd’hui, ici, au Québec. Et notre langue est celle-là aussi. Nombreux (souvent deux par page) sont les « genre » et « anyway » et ça ne m'agace pas trop.  La différence, c'est que ça ne me prendra pas sept ou huit livres de ce style avant d'aimer. Probablement moins intransigeante qu'à 20 ans quand j'étais puriste.
Dès les premières pages de Et au pire on se mariera, j'ai accroché. Parce que l’histoire est bonne, elle est bien menée, la montée dramatique est efficace. Même si je ne me reconnais pas dans le personnage, cette adolescente qui couche avec le premier venu, qui haï sa mère, qui pose des gestes qui sont à cent lieux de moi, je la trouve vraie, cette Aïcha. Voire pathétique.
Je l’ai déjà dit, une auteure ne peut pas lire un livre comme une lectrice normale. Pour oublier que je suis auteure, pour oublier que j’aurais aimé avoir écrit une telle histoire, pour oublier que je ne l’écrirai jamais, il faut vraiment que je devienne humble, que j’admire, que je respecte, que je me laisse aller, que je laisse tomber, que j’accepte de ne pas être la seule à écrire, ni la meilleure. Ne me demandez pas non plus de faire la critique d’un livre, je peux tout juste donner mes impressions et c’est certain que celles-ci seront toujours en lien avec l’auteure que je suis (ou veut être) et non la lectrice qui s’adonne à son loisir préféré.
En fait, à 19 ans, j’ai osé. Je me rappelle cette urgence de tout dire. La vérité surtout. Livrée toute crue, garrochée. Ils ont été publiés ces mots modernes, ces petites phrases courtes, isolées sur une ligne pour être fortes et efficaces. Des mots que je n'ai jamais relus. Écrits dans un style que je n'ai jamais repris par la suite. Le genre que personne ne comprend, que si je les relisais, je ne les comprendrais peut-être pas non plus. Des mots avec lesquels je voulais me démarquer, mais qui n’ont ébranlé personne. Des mots oubliés aussitôt publiés, mais que j’avais besoin d’écrire.
Voilà pourquoi — peut-être — est-ce que j’aime ce petit récit de Sophie Bienvenu (roman ou récit, je ne partirai pas une polémique sur ce sujet) : il me rappelle que moi aussi j’ai été jeune, rebelle, irrévérencieuse, amoureuse, rejetée et oh! combien contraireuse.

(Coïncidence: presque en même temps j'ai lu, en livre numérique, Testament de Vicky Gendreau: même style, même langage, même genre de personnage.)

(Illustration du livre emprunté au site de l'éditeur>>>)

lundi 3 septembre 2012

Mais c'est comme ça


Les derniers mois, j’ai préféré publier des billets où je montrais plutôt les photos prises que parler des livres lus ou des textes que j'aurais pu écrire. J’ai quand même lu quelques livres empruntés à la bibliothèque.
Tout le monde sait qu’il y a des événements bizarres dans la vie, des coïncidences que j’observe, mais que je ne cherche pas nécessairement à expliquer. Il y a quelques mois à l’annonce de la publication du dernier roman d’Arlette Cousture, j’avais parlé de ma déception devant le titre anglais « Pearl’s pub » (c'était là>>>). Ce n’était pas le seul, mais celui-là m’avait touchée d’autant que mon admiration pour l’œuvre de cette auteure était sans borne.
À quelques occasions, lors de mes brefs et rares visites dans les librairies, je me risquais quand même à le feuilleter. Le cœur continuait à me faire mal en voyant le choix (de l’éditeur? De l’auteure?) des notes en bas de page pour la traduction des très nombreux passages en anglais, choix qu’Arlette Cousture m’avait expliqué  avec arguments défendables, je dois bien l’admettre. La graphiste en moi, autant que la lectrice, accrochait à ce procédé.
Malgré ces irritants, je fus bien heureuse que la bibliothécaire me montre fièrement sa dernière acquisition et m’en propose la lecture.
La coïncidence — j’y viens — tient au fait que j’ai commencé (et achevé tellement l’attente est longue) la lecture de Pearl’s pub dans cette ville de l’Est ontarien où le français est en baisse constante : Orléans, près d’Ottawa.
Mes oreilles entendaient un peu de français, surtout de l’anglais et, le plus souvent, un mélange des deux pendant que mes yeux lisaient la même mixture. Heureusement que je n’avais rien d’autre à faire que d’attendre que les techniciens réparent mon véhicule récréatif parce qu’il est certain que j’aurais laissé Angélique, Violette et encore plus Margaret/Marguerite à leurs amours.
À mon avis, Suzanne Aubry (et son éditrice, parce que je demeure convaincue que c’est un choix qui ne revient pas qu’à l’auteure seule) a beaucoup mieux réussi à faire comprendre aux lecteurs la difficulté d’une Irlandaise à parler le français quand elle arrive dans un pays francophone: quelques mots ici et là en gaélique, de petites phrases vraiment courtes, écrites en italique, qui tiennent en une ligne, ce qui fait que nos yeux sautent l’italique et vont directement à la traduction qui suit immédiatement le gaélique. Un procédé qui suffit amplement à expliquer la situation des nouvelles arrivantes. Au besoin l’auteure complétait certaines informations dans la narration.
La lecture des Fanette glisse facilement alors que celle Pearl’s Pub est fort ardue. Nos yeux s’y perdent à devoir descendre chercher d'abord la bonne ligne, puis lire la traduction des notes et devoir remonter au texte principal. Encore pire, quand la pauvre Margaret tente de glisser des mots en français dans sa phrase, on a envie de passer par-dessus tout le passage.
Vous voyez, je ne parle même pas de l’histoire, tellement je suis frustrée de la simple lecture. Histoire qui est très bien ficelée par ailleurs, pleines d'émotions et de justes observations sur ce Montréal de la fin du 19e siècle.
Quant au titre, je reste sur mes positions, bien d’autres, en français, auraient mieux convenu. Je sais que l’auteure en avait proposés, alors j’en veux à l’éditeur de n’avoir pas su faire preuve de plus d’imagination d’autant que ce fameux pub, on ne l’entrevoit qu’aux trois quarts du roman, donc ledit titre ne reflète même pas l’ensemble du livre… à mon humble avis toujours.
Sur l’heure du diner, je suis sortie manger et j’ai poursuivi ma lecture. De devoir commander mon repas en anglais en entendant vaguement la télévision en anglais, d’être assise à côté de voisines qui se racontaient leur fin de semaine en français, je ne peux nier que j’étais tout à fait dans l’atmosphère du roman d’Arlette Cousture. Sauf qu’à ce que je sache, celle-ci est québécoise et son livre s’adresse à un lectorat francophone. En France, où l’anglais est porté fièrement ces années-ci, peut-être sera-t-il mieux apprécié?
Je ne sais vraiment pas pourquoi je suis si sévère envers ce roman -- d'autant que je le répète, l'histoire est très intéressante--  ou pourquoi l’irritation née du titre en anglais, accentuée par le procédé des phrases traduites ou du choix de les utiliser si nombreuses  me font oublier le bonheur de lire une bonne histoire, mais c’est comme ça. Je pourrais me taire, j’ai l’habitude de passer sous silence ce qui me déplaît et trouver plutôt ce qui est bien dans mes lectures (ou dans ma vie en général), mais c’est comme ça… cette fois-ci. J’en suis la première désolée.

(illustration empruntée à l'éditeur)

samedi 17 décembre 2011

Une raison pour aimer un roman


Est-ce question d’intelligence? Non je ne crois pas. De tempérament, peut-être. Je n’ai jamais aimé analyser. Comprendre oui, chercher, fouiller, oui, mais analyser, décortiquer, formuler en phrases, non. Je dois être une intuitive. Donc je viens de m’apercevoir — intuitivement — que dans mes lectures, l’histoire, à elle seule, ne suffit pas pour que le roman m’intéresse, que les personnages, à eux seuls, ne suffisent pas pour que je m’identifie à eux. Je viens de comprendre que le style de l’écriture m’impressionne ou m’attire ou m’amène à la page suivante et encore et plus loin. 

Comment j’ai saisi ce phénomène? En lisant — rapidement — 33, rue de la Baleine de Myriam Beaudoin et en commençant aussitôt après Chroniques du Pays des Mères (ça m'arrache les doigts de devoir mettre des majuscules à pays et mère!) d’Élisabeth Vonarburg. Le premier, malgré les critiques assez élogieuses merci, dont celle de Venise dans son blogue Passe-mot, je n’ai pas eu ce wow, ce coup de cœur, ce plaisir, même pas une petite émotion que ce roman a fait naître chez bon nombre de lecteurs. Je n’ai pas détesté, j’ai même assez aimé, mais je ne parvenais pas vraiment à trouver ce qui me décevait. Je ne voulais pas que ce soit une simple question de graphisme : j’aurais mis les lettres en italique, choix bien personnel qui, je l’avoue, m’aurait fait passer certains passages où, à mon avis toujours, il ne se passait rien. L’intrigue n’a pas été suffisante pour me retenir bien longtemps, mais j'ai tout lu dans l'espoir d'y trouver, bien plus que le dénouement final, le pourquoi tant de gens avaient aimé.

J’en ai compris la raison après la vingt-cinquième page du roman d’Élisabeth Vonarburg : le style. Je me suis mise à penser pourquoi je n’aimais pas beaucoup les séries de Michel David, même si je dois admettre que l’histoire se lit toute seule et que les personnages peuvent être attachants. J’ai pensé aux livres de Cormac McCarthy que je n’ai pas terminés. J’ai pensé aussi au Si le grain de meurt d’André Gide que j’ai lu avec grand plaisir, à l’automne, je me disais que c’était le fait que ce soit une biographie, mon genre préféré. J’ai même pensé que j’étais devenue snob en matière de lectures : madame ne lit plus n’importe quoi, madame ne lit que de la littérature! Mais non, c’est tout simplement le style qui m’accroche, ça ne fait de moi une snob. S’il fallait m’en convaincre, je me suis rappelé qu’il y a bien des livres primés que je suis incapable de lire. Quand je lis et que j’admire comment les phrases sont construites, quand j’ai envie de recopier quelques phrases dans un cahier pour ensuite m’en servir (sans les recopier, juste m’en inspirer) lors de portraits, de descriptions ou tout simplement quand je veux accoler un adjectif à un nom pour que le lecteur voie, hume, entende… quand je prends mon temps pour déguster et non pas sauter au plus vite à la fin de l'histoire, c’est que j’aime vraiment le livre. Aimer d'amour, de jouissance et de reconnaissance. Bien sûr, si je m’identifie aux personnages en plus, si l’histoire m’intéresse (si je la comprends, ce qui n’est pas toujours le cas, je pense à L’énigme du retour de Dany Laferrière), alors, là c’est le plaisir assuré que j’étire. 

Vraiment, une belle journée : j’ai trouvé que le style dans un roman pouvait déterminer mon intérêt, le décupler. On m’aurait dit ça quand j’étais à l’école alors que je détestais l’ « étude comparative du style »! Il y a une différence entre aimer et analyser. Oui à la lecture, non à la dissertation. Oui aux courts billets de blogue, non à une maîtrise en littérature. 

Je retourne donc à la page 26 du roman d’Élisabeth Vonarburg, crayon à la main.

(Illustration empruntée au site http://sf.emse.fr/)

mardi 6 décembre 2011

Je pourrais parler de...


Je pourrais parler du décès de Louky Bersianik survenu hier, le 5 décembre. Reparler surtout de son Euguélionne qui m’a frappé de plein fouet quand je n’avais pas trente ans, et a laissé des traces qui ne s’effaceront jamais tout à fait, même si je suis incapable de relire le livre. 

Je pourrais parler de mon après-midi, assise sur une bûche à conter ma Petite-Nation à une équipe qui prépare une exposition permanente: comment je l’ai découverte, comment elle m’a conquise petit à petit, d’une plage sablonneuse à un grand lac rempli de plaisirs estivaux, à une descente de rivières, à l’amour des chutes Lockbow, où je n’amenais que les personnes aimées comme on livre une confidence, un secret, comme on dévoile le plus beau de soi-même. 

Je pourrais parler de Noël qui vient me chante-t-on de plusieurs voix, mais je ne suis tellement pas là et pas seulement parce que la neige se fait rare. Le repas de Noël risque fort d’être un buffet froid : charcuteries, fromages et toutes sortes de pains délicieux. Achetés prêts-à-manger. 

Je pourrais parler des livres que je ne lis pas, mais la nuit, quand je ne dors pas, j’écoute Fred Pellerin. Ses contes parlés sont bien différents de ceux écrits, mais je ne me décide pas à savoir lesquels je préfère. En fait, je prends les deux pour ce qu’ils m’offrent dans leurs plaisirs distincts. 

Je pourrais parler de bien des sujets, mais pas longtemps, mon esprit n’étant pas tout à fait assez libre pour plonger dans une chronique élaborée. Être collégienne, en dissertation, je n’aurais pas la note de passage, c’est certain. Incapable de rédiger un brouillon, tout au plus une prémisse.

Je me contente donc de publier la photo prise lors de mon passage au Salon des métiers d’art de Ripon où j’ai eu la surprise de voir arriver Pierre et Chantale qui me suivent partout, je dirais!


mardi 22 novembre 2011

Des livres écoutés



On peut lire à peu près n’importe où, tout le monde le sait et même sur une table d’opération. Demain, mercredi, pendant que je lirai du Fred Pellerin dans une salle d’attente, l’opérée, elle, écoutera le même Fred Pellerin sur son lecteur Mp3. En effet, comme elle sera opérée au genou, elle ne sera pas endormie et comme elle ne veut rien entendre des instruments de chirurgie, on lui a suggéré d’apporter son lecteur. La maison Planète Rebelle a la bonne idée d’éditer des livres sur CD. 

Et début décembre, j’aurai le plaisir de lire quelques pages de mon livre Visions de la Petite-Nation qui date de l’an 2000. Le petit vidéo sera diffusé dans une exposition permanente dont le thème tourne autour des rivières et lacs de ma région. 

Comme quoi les livres peuvent lus… et écoutés. 

P.S. je remercie Sylvie, Isabelle, Lucille, Gen et quelques autres auteurs d’un groupe sur Facebook de m’avoir donné l’impression de vivre un peu le Salon du Livre de Montréal avec elles, malgré mon absence. Un plaisir bien goûté sans avoir mal aux pieds ou mal à la foule. 

(source de l'illustration: Planète Rebelle)

mardi 1 novembre 2011

Une lectrice conquise


Pour que j’aime un livre, l’histoire doit être intéressante et le texte bien écrit. Les détails historiques sont si bien immiscés dans le déroulement, on croirait que vous y étiez, à regarder agir les personnages dans leur environnement. J’ai rarement lu des romans qui se déroulent dans le Montréal de cette époque, c’est un vrai plaisir.   
Je ne jouerai pas à la critique littéraire, mais sincèrement, je pense que vous êtes une grande écrivaine : tous vos personnages ont une personnalité, et celle-ci évolue sans se trahir. Vous réussissez à penser en jeune femme, en mère, en fils, en enfant, en homme, tout ce qu’ils pensent est vrai et propre à chacun.  
Les sentiments, les émotions, les petits gestes du quotidien : magistral.
Les dialogues sont justes, moi qui suis auditive, je les entends parler. Le ton est adapté à l’époque, le langage aussi, sans lourdeur.
Les détails des lieux, extérieur et intérieur, les couleurs, les textures, les sons, les odeurs, vous avez pensé à tout.
Mais ce qui importe le plus sans doute, ce qui fait qu’on a envie de continuer, c’est qu’on s’attache à ces personnages, ils ont corps et âme, on aimerait les rencontrer. Je me sens près d’eux, ils sont comme nous. 
Après de tels commentaires, comment croyez-vous que je me sois sentie le reste de la journée? Au début, je croyais que c’était tellement fort que ça fondrait comme une première neige, mais non, une véritable poudrerie et les congères formés me cachaient la vue à tout autre activité. Je n’ai pas cru tout ce que la lectrice conquise a écrit, ce n’est que sa vision, ce n’est qu’une première évaluation, quand dix personnes me diront la même chose, peut-être le croirais-je. J’ai reçu d’autres compliments, que des réactions positives, mais rien d’aussi détaillé. Et puis je connais cette lectrice, une lectrice consciencieuse, si elle prend la peine de l’écrire, c’est qu’elle le pense vraiment, alors ça m’oblige à y croire aussi. Sauf qu’un avis, même dix du même acabit ne font pas du roman un best seller ou un chef-d’œuvre. Ce qui remet (encore) en question le pourquoi je tiens à publier ou le pourquoi je fais des séances de dédicaces, le pourquoi je vais dans les Salons du livre. Pour recevoir ce genre de lettres? Pour être vue, reconnue, vedette? Quand serai-je satisfaite en tout? Voudrais-je être un Réjean Ducharme : écrire, être publié, ne pas être vu, mais être reconnu? Je crois bien que je n’aurai jamais la réponse, parce qu’on ne finit jamais de se connaître et de se chercher. 

Et ce n’est pas la lumière au bout de la route qui est importante, c’est la route parcourue. Ma lectrice conquise a fait ma journée... et ma semaine, je pense bien.

(tableau d'Adolf Fényes, photo empruntée au site http://www.kieselbach.hu/fitpic.html?/images/mutargy/3437/1.h500.jpg)

mardi 2 août 2011

Le début


Ce que j’aime le plus dans la lecture d’un livre, c’est le début. Comme examiner le menu avant le repas : tout nous est offert, tout est possible, je pars à la découverte, je me laisse charmer ou parfois, quelques rares fois — parce que je ne choisis pas vraiment au hasard, le choix m’a été recommandé—, je suis déçue et je me demande si je poursuis.

Ce matin, donc, en fouillant dans ma bibliothèque, mon regard s’attarde aux livres que j’ai hérité de mon père, ou disons de mes parents parce plusieurs portent la signature de ma grand-mère maternelle. Mes mains choisissent Si le grand ne meurt d’André Gide, version Librairie Gallimard imprimée au Canada en 1945. Vous savez ces livres dont il fallait couper les pages sur la tranche. Une odeur de vieux pourrait m’indisposer, mais non, elle me rappelle les salons de mes parents (au pluriel, ils en ont eu une bonne vingtaine) où étaient réunis les livres dans un ordre bien précis.

Dès les premières pages, je sais que j’ai fais un bon choix puisque je m’assis confortablement au fond de ma chaise, je prends ma première gorgée de café et je parcours facilement les vingt premières pages. Je ris sous cape, je me sens un monsieur à la retraite qui se disait qu’il lirait ses classiques une fois très âgé, quand la littérature contemporaine ne l’attirerait plus. 

Le problème avec les menus, c’est qu’une fois la commande passée, une fois le plat principal devant soi, une fois la surprise de la première bouchée avalée, il arrive souvent que je n’aie plus envie du reste. 

C’est toujours le début qui me plaît le plus, alors pour avoir un autre début, je hâte la fin.
En sera-t-il de même pour Si le grain ne meurt? Je vous le dirai dans les prochains jours.

(source de la photo: bibliothèque de l'auteure)

samedi 23 avril 2011

Où est la talle de framboises suivante?

Pour que le plus de lecteurs aiment ce que vous écrivez, est-on vraiment obligé d’aimer tous les livres des autres? Ou même de les lire? Précisons : si j’écris un roman sur tel sujet, sans étiquette de science-fiction, fantasy, polar, chick-lit ou peu importe, juste un roman, j’essaie de trouver des qualités aux romans qui sont… juste des romans. Et quand je ne trouve pas, je me dis que peut-être d’auteurs lecteurs comme moi n’aimeront pas le mien. Et si personne ne l’aime, si seulement dix aiment. Pourquoi je me préoccupe du nombre de livres vendus? Je l’ai écrit, un éditeur a accepté de le publier, après, c’est hors de mon contrôle. Ce sera la faute de l’éditeur, du distributeur, du libraire, des médias, mais ce n’est pas en lisant des romans que le mien sera plus intéressant.

Alors j’ai mis de côté La canicule des pauvres. J’avais lu quelques critiques dont celle de Venise. J’ai aimé les vingt premières pages parce que nouveau, parce que très ville, parce que certaines phrases m’ont frappée (évidemment je ne les retrouve pas et pressée de lire, je n’ai pas pris le temps de les noter), parce que la technique du parler-narration-pensées était intéressante, mais le sujet et tous ces fumeurs-de-pot-buveurs-de-bière-et-prostituées... tellement loin de moi. Ne me suis attachée à aucun personnage.

Je voudrais surtout n’avoir aucune impression à propos de n’importe quel roman. Des impressions de lectrice oui, à la limite mais pas de réactions d’auteure-qui-lit-en-se-demandant-si-les-autres-penseront-la-même-chose-du-mien.

Qu’est-ce que je vais faire de moi? À ne penser qu'en fonction de mon roman à venir, je ne tiendrai jamais le coup jusqu’en septembre. En attendant, ce n’est guère mieux, j’ai délaissé ma lecture, j’ai jeté un coup d’œil sur Un dé en bois de chêne de Suzanne Jacob que j'aime bien pour sa différence, son audace et je suis retournée en zone sûre, dans ce monde où je ne pense pas tellement je suis concentrée sur le texte à aligner, la couleur à choisir, le fichier à importer : dans la technique.

Sauf qu’au lieu de corriger le site d’un client, j’ai créé un nouveau site… pour mon roman Les Têtes rousses. Au moins ça m’amuse et je suis dans une zone connue. Je suis bien avancée, les questions ressurgissent : quand est-ce que je vais publier ce site? Bien avant la parution du livre? Juste quelques jours avant? Je devrais en parler à mon éditeur. Belle nouille, tu es encore dans ton roman.

Pendant quelques secondes, j’accuse l’âge — surtout en avril quand on te le rappelle la semaine avant,  le jour même, le jour où on te fête, le jour où on y a pensé en retard — je me dis que je n’ai plus de temps à perdre à lire ce qui ne m’intéresse pas vraiment. Mais à bien y penser, j’ai toujours été ainsi : pressée de passer à l’activité suivante. Je me lasse rapidement de tout ou presque. J’ai toujours hâte à l’instant d’après.
Comme on cherche une talle de framboises plus fournie.

(image empruntée à une ferme du Québec)

dimanche 20 mars 2011

Je suis sortie gagnante de l'impasse

Je l’ai lu à petites doses, ce roman. Non pas que ce soit mal écrit, pas du tout, non que ce ne soit pas original, au contraire, très bonne idée jamais exploitée de cette façon à ma connaissance, mais les cinquante premières pages m’ont laissée froide. Je ne me sentais pas concernée, je me suis même passé la remarque : « je crois que les éditions De Mortagne publient surtout pour les 15-35 ans ».

Et puis tout à coup, sans prévenir, une peur s’est infiltrée. Peur d’une mort imminente qui rôdait. Et si ça m’arrivait? Si j’étais cette petite fille délaissée ou si je mourais moi aussi en une fraction de seconde? Ce livre était-il entre mes mains comme une prémonition, pour m’avertir d’un deuil à faire? L’émotion fut telle que j’ai fermé le livre. Comme pour éviter cette possible fatalité. Je voulais lire ce roman comme on regarde les nouvelles à la télé : avec compassion, une histoire vraie, triste, mais qui ne m’appartient pas. À reprendre quand je cesserai d’avoir peur.

Et quand je l’ai repris, je ne l’ai plus laissé. À la page 115, j’ai compris la raison du titre et j’ai cessé de lire en auteure ou en blogueuse qui savait qu’elle voulait écrire un billet sur le roman, j’ai lu en tant que lectrice.

Je sais pourquoi je dis souvent que je ne tiens pas à connaître l’auteur d’un roman, que c’est le roman qui m’intéresse. Une fois que je connais l’auteur, c’est comme si elle (dans ce cas-ci, c’est un « elle », je ne m’évertuerais donc pas à écrire il ou elle chaque fois) me regardait lire son histoire. Je me sens épiée. Je ne me sens pas libre d’aimer ou de ne pas aimer. Comme une adolescente qui lit un journal intime, je fais la gênée, la timide. Je serais prête à dire les pires niaiseries plutôt que d’avouer que J’ADORE son histoire. Que je me suis reconnue dans la petite Sarah avec son frère, dans la jeune Sarah avec ses amours. Mais pour tout l’or du monde, je ne l’avouerais pas à l’auteure. Ce serait dévoiler mes sentiments, montrer mon petit moi intérieur.

De plus son personnage ressemble un peu à ma Bridget de mon futur roman : guère jasante, ne révèle pas ses pensées, résiste à l’amour des autres.

Alors que si je ne connais pas l’auteure, je n’ai rien à lui avouer et ça se passe entre moi et les personnages des romans.

Pourquoi refuser un compliment à l’auteur? C’est comme avouer que je me suis fait avoir, et qui aime se faire avoir? Mais cette fois, tant pis pour mon ego, je me prouverai à moi-même que j’ai vieilli, que j’ai appris, que je peux donner, complimenter sans rien perdre. Donc, Sylvie Gaydos, je vous le dis : j’ai beaucoup aimé votre roman. Il m’a surpris, il m’a plu. Et tous les « mais » et les « même si » (comme la fin de Nathan que, personnellement, je n’aurais pas vue ainsi, puisqu'il était dans les « bons ») que j’ai pu me dire en cours de lecture, je les tairais parce qu’ils ne serviraient à rien. Et si votre roman m’aura appris que je peux survivre à une rencontre d’auteure ET à la lecture de son livre, rien que pour cette petite victoire, je vous dis merci.

mercredi 9 février 2011

De l'amour des vieux auteurs


Je l’avais commencé parce qu’une amie nous l’avait passé et que j’aime les gros livres. Après avoir beaucoup apprécié le livre que l’auteur, Elisabeth George, avait pris la peine d’écrire sur son métier d’écrivain, je voulais voir si elle appliquait les règles prônées. C’est ainsi que j’aurai pris plus d’un mois pour lire le gros pavé Mémoire infidèle.

Oh! que oui, elle applique les règles prônées dans son livre sur l’écriture! Malgré bien des abandons, faute de temps, j’y revenais presque chaque matin, preuve que l'auteure avait le tour de retenir son lecteur. Après quelques chapitres, j'étais un peu mêlée entre le journal d’un personnage et la narration de l’histoire comme telle, j’ai été fidèle à ma (mauvaise?) habitude, et encore plus quand il y a tant de pages et que je n’ai pas tant d’heures à consacrer à la lecture, j’ai été voir la fin. Ça ne m’a rien appris, j’ai reculé, j’ai feuilleté, je lisais une page ici et là, à la recherche d’un nom, me contentant des dialogues. J’ai trouvé. Peine perdue, l’auteure expérimentée m’a complètement eue : j’ai dû lire quand même tout le livre pour comprendre. Même si j’ai passé, je dirais, 200 pages sur 620, surtout sur la vie de ses inspecteurs qui ne m’intéressaient pas (quelques lecteurs l’ont écrit de ne pas commencer par ce livre parce qu’on ne connaît rien de Havers, Nkata ni de l’inspecteur Lynley), je dois dire que j’ai bien aimé ce roman, à peine policier. L’auteure a réussi son coup de m’intéresser.

Pour le suivant, en attendant les livres commandés à la bibliothèque, j’ai descendu au sous-sol. Je voulais une lecture différente, mon regard s’est attardé à la collection brune, cartonnée que j’ai achetée en… en… au siècle dernier! Ma mémoire (fidèle cette fois, contrairement au titre du roman que je venais de terminer) a dirigé ma main vers Vipère au poing de René Bazin. Livre que j'ai bien dû lire cinq fois depuis que je l'ai (en passant blogue intéressant sur cet auteur>>>).

J’ai trouvé difficile de lire les premières pages tellement le style différait de mes lectures des derniers mois. Mais j’ai persévéré, justement pour dompter mon esprit, varier mes lectures, lire d’autres styles. Pendant quelques lignes, je me suis cru aux études quand on passait un siècle de littérature par année et une seule pour la littérature québécoise.

C’est justement pour me rattraper que je me cantonne aux auteurs québécois depuis de nombreuses années, mais je suis pourtant toujours ravie et comblée quand je renoue avec les Français et encore plus avec les Français qui ont écrit entre 1880 et 1920 (j’ai mis des années comme ça au hasard). Il ne faut pas les oublier trop vite, il ne faut pas penser que ce sont des vieux démodés. Ne lire que des « contemporains », c’est comme se contenter de voyager en Amérique, certes agréable mais il y a d’autres pays qui offrent d’autres trésors.

Bref, imaginez-vous assise confortablement, au chaud, le concerto pour violon en mi mineur, op 64, no 2 de Mendelssohn en sourdine, un cappuccino sur la table que vous venez de déplacer dans votre salon pour justement y déposer votre boisson favorite et vous plongez dans un roman. Vous savez que vous ne répondrez pas au téléphone, qu’il n’y a aucune émission de télévision qui viendra perturber vos neurones et encore moins votre nerf auditif… voilà comment je me sens quand je lis un roman qui a du vécu! Un roman québécois, un roman policier encore plus, je peux le lire n’importe où. Je pourrais être vêtue d’un jean et d’un maillot bien ordinaire. Lire de « vieux » classiques, on dirait que c’est comme m’endimancher. Visiter un musée. S'ils étaient humains, je les vouvoierais.

Finalement, c'est peut-être comme dans la vie: une marque de respect pour les plus vieux que nous? C'est fou, je sais! En tout cas, je constate au moins que j'aime beaucoup ces « vieux », je les écoute avec délectation et je ne me lasse pas de leurs histoires.

(Illustrations empruntées à livre.fnac.com et lexpress.fr)

mardi 30 novembre 2010

Il ne faut pas

Je corrige mon manuscrit, je soupèse les suggestions du directeur littéraire, je cherche un juron en gaélique, j'ai écrit à l'Université de Concordia.
Et pendant mon déjeuner, j'ai repris la lecture de Katherine Pancol délaissée en septembre pour urgence de lecture de livres venant de la bibliothèque. Après trois lignes de la page 743 des Écureuils de Central Park sont tristes le lundi, j'étais déjà sous le charme. J'avais oublié combien j'aimais ce style, cette abondance de détails qui coulent, qui glissent, qui montent. Je sais, il ne faut pas vouloir écrire comme... De toute façon, même si je voulais, je ne pourrais probablement pas, il me faudrait des années pour y parvenir. Quand même.

Je retourne donc à mon style, mes corrections et peut-être s'y glisseront quelques ajouts à la Pancol.
Non il ne faut pas.