Je
ne fous rien.
Je
regarde la grive faire sa demoiselle snob, le nez en l’air, les épaules par en
arrière, cherchant le vers. Je guette le geai bleu qui va venir faire le faraud
et revendiquer son territoire.
En
quoi est-ce utile? En quoi est-ce productif? Je suis adulte depuis très
longtemps (enfin je pense), mais je suis encore les principes de mes parents :
il faut faire quelque chose de notre vie. Je voudrais avoir au moins l’humour d’une
Sylvie qui transpose ce non-faire en fable se disant fourmi
qui se repose pendant l’été. Personnellement, je suis
plus intellectuelle et je raisonne avec des mots très sérieux, je me prends pour Sartre à chercher la
phrase qui dirait tout mon beau parcours entre l’avoir, le faire, le paraître
et l’être. Ne pourrais-je pas me contenter d’être? Seulement être, ça ne fait
pas des billets de blogue très longs!
Alors
j’essaie de retrouver ce que j’ai fait d’utile ces derniers temps. Pas
nécessairement rémunérateur, mais qui entre dans la catégorie réalisations. Et
si possible catégorie sociale, montrable, parce que faire la vaisselle,
repeindre un vieux banc, tondre le gazon et vider les gouttières, c’est le
quotidien, c’est le personnel, le domestique, ça n’intéresse personne et ça n’entre pas ni dans un site Internet ni
dans un curriculum vitae. Pourtant ç’a pris du temps et bien de mes énergies.
J’ai
monté un livre de 628 pages, pas si mal comme réalisation. Rien que le lire, le
passer sous la loupe d’Antidote et de mes connaissances acquises au fil de mes
années de travail, le monter, imaginer la couverture, tout préparer pour l’imprimeur,
travailler avec l’auteure, la conseiller, respecter ses choix qui n'auraient pas été les miens, attendre les épreuves et les
approuver. Oui, c’est bien. Je suis fière de ce que j'ai "fait". L’auteure qui m’a confié cette
tâche l'est aussi. Elle lancera son livre début septembre. Je lui ai même monté
quelques pages web pour l’aider dans sa promotion. C’est par là >>>
Parce que c’est professionnel, parce que c’est en tant que
graphiste, parce que ce n’est pas mon roman, parce que ce n’est pas tout à fait
moi, parce que sur ce blogue, il ne faudrait ne parler que de mes lectures et
de mon écriture? Parce que ça ne m’intéresse plus de parler de mes réalisations?
Parce que j’ai passé ma phase de paraître, d’avoir besoin de parler de ce que
je fais? Parce que j’ai l’âge de ceux et celles qui sont à la retraite et qui
sont considérés comme ne « faisant » plus rien? Parce que je ne veux pas
me sentir comme eux et elles : que vivre pour soi. Être. Sans plus sentir
ce besoin de justifier ce non-faire?
Peut-être, je verrai avec le temps.
(illustration de l'auteure de ce blogue)