dimanche 7 juin 2015

Alea jacta est



Quelques jours à laisser des traces à Sainte-Flavie, lieu devenu pèlerinage pour le camping situé directement sur le fleuve-mer, pour les artistes peintres Gagnon et Desbiens, pour les fruits de mer frais qui font cruellement défaut à mon Outaouais-plutôt-doré-brochet que homard-crabe. Flânerie. Quelques photos par là>>>

Au retour, trois fichiers m’attendaient : 

Un roman de 232 pages, monté pour une auteure qui s’autoédite, à relire et apporter les corrections demandées. En trouver d’autres. Toujours. 

Un autre roman, le mien cette fois, Les têtes bouclées, à relire après que la réviseure ait apporté la dernière retouche. Il y a ceci et cela, je reformulerais. Encore quelques vérifications. Pourquoi ai-je cru que c’était la gare Windsor alors que c’est la gare Centrale? Prendre le risque d’aggraver au lieu d’améliorer? La réviseure m'aide à laisser aller Léopold: il est beau, il est bien, il est prêt à la publication. C'est moi qui ne le suis peut-être pas!

Un bulletin de quatre pages à monter. Je me surprends à reprendre les auteurs. Déformation professionnelle. Plaisir du peaufinage, d’être à la hauteur.

Allez, c'est le temps de laisser aller. Laisser vivre. J'ai fait mon possible. Le mieux que je pouvais. Demain, lundi, tout part vers les imprimeries. Ouf!

Entre-temps, j’ai reçu la confirmation : ça y est, c’est décidé, le lancement des Têtes bouclées se fera le samedi des Journées de la culture, soit le samedi 26 septembre 2015 de 15 heures à 17 heures . Alors, je me suis amusée à monter une page ou deux pour ce roman.

http://www.despagesetdespages.com/lestetesbouclees/index.html



mardi 26 mai 2015

Du lieu où vivent les personnages

Il faudra bien que je me décide avant la publication du tome 3, celui des têtes dures, têtes fortes, têtes de mule, têtes de cochon. Oui, oui, le troisième tome. Le deuxième, Les têtes bouclées sera publié en septembre 2015, mais j’ai déjà une centaine de pages écrites pour le troisième et dernier. J’hésite encore. Une journée je dis oui, ce sera les vrais lieux de mon enfance, ce lac visité en 1956, où mon père a fait bâtir un chalet, cette baie connue pendant quelques étés et finalement choisie pour y vivre à l’année en 1970. Une région aimée depuis 45 ans. Le lendemain, je dis non pour des raisons futiles, telles que : si les lecteurs savent que ce sont les vrais lieux, ils croiront que le reste du roman est aussi vrai, ce qui est faux! Tantôt je veux me garder un semblant de vie privée, tantôt je veux chanter les louanges de ma région. Quand je lis, j’aime bien qu’on me raconte les lieux aimés, les lieux de vie des personnages, tels les rues de Montréal pour Robert Lalonde ou Yvetot d’Annie Ernaux, Marseille de Simone de Beauvoir, Saint-Élie-de-Caxton de Fred Pellerin. 

Si je me retiens, c’est que j’ai un peu honte de mon village. Il s’y est pris des décisions avec lesquelles je ne suis pas d’accord. Au sujet du patrimoine bâti entre autres. Pourtant, je m’entends bien avec la plupart des gens qui y habitent. Trois fois au moins, j’ai pensé déménager. Existe-t-il seulement un ailleurs parfait? Faudrait bien que j’en revienne de ce goût amer qu’il me reste de cette démolition du presbytère, en 2002. Je ne me sens pas villageoise, je n’appartiens pas à un seul village, je me sens Petite-Nation. J’y suis encore et j’y suis bien. Je ne voudrais pas mourir ailleurs.

Depuis le tout début de l’écriture de mon roman inspiré de mes ancêtres irlandais, je sais la fin de l’histoire. Elle n’est pas encore écrite, mais j’en connais le lieu et la raison de ce choix. Depuis, je tergiverse, mais il faudra pourtant me décider : ça se passe dans la Petite-Nation ou non?

De toute façon, ai-je tant de lecteurs et il y a peu de chance qu’ils m’adressent les reproches que je crains? Arriveront-ils à la conclusion que je redoute? Ai-je si peur d’en parler au cas où j’en dise plus de mal que de bien? Comme de son corps : j’ai le droit d’en parler, mais ne tiens pas à ce que d’autres en discutent, surtout pas pour en dire du mal? Sujet sensible, ne touchez pas? Depuis quand écrit-on en pensant à ce que les lecteurs vont en penser? Je me dois d’abord aux personnages, non? Quand même paradoxal : un auteur qui préfère des personnes qui n’existent pas à des lecteurs réels! Et quelle est cette peur qui choisit l’évitement plutôt que l’affrontement? Quel affrontement d’ailleurs? Pleutre je suis dans la vie, lâche je resterai, même dans une fiction?

Je l’ai pourtant fait dans Visions de la Petite-Nation (on peut d’ailleurs lire les pages qui y sont consacrées : http://www.despagesetdespages.com/petite-nation-claude.pdf). Il me faudrait une analyse plus approfondie pour comprendre mes tergiversations d’aujourd’hui.

Allons-y d'un petit pas d’abord dans ce blogue. Un peu comme Christiane Rochefort qui a écrit Journal de printemps où elle raconte les circonstances entourant l’écriture de Printemps au parking. Ou encore Éric-Emmanuel Schmitt qui, à la fin de son livre Les deux messieurs de Bruxelles raconte comment lui est venue l’idée ou ce qui entoure chacune de ses nouvelles. Débutons par ce billet en espérant que ça nous tienne lieu d’engagement ou d’assurance pour la suite. Donc, le lac Simon, les villages de Montpellier, de Chénéville qui l’entourent et finalement toute la Petite-Nation (une bonne vingtaine de municipalités où j’ai enseigné, acheté, pédalé, marché, photographié, aimé, pleuré, ri) sont devenus mon pays, mes amours. Alors, pour un roman, pourquoi ne pas situer ces lieux et les présenter sous leurs plus beaux atours? 

Le feriez-vous? Hésiteriez-vous? Est-ce important les lieux dans les romans que vous lisez ou que vous écrivez?

samedi 16 mai 2015

Lire ce qui donne envie d'écrire

Il y a les livres que tu lis par curiosité. Tu en as entendu parler, ou il a gagné un prix. Parfois tu ne le finis pas, par manque d’intérêt, il ne te dit rien, tu ne t’identifies à aucun personnage. Même si c’est un roman québécois.

Il y a ceux que tu as lus quand tu étais à l’école. Tu étais en réaction. Il fallait que tu le lises pour en parler, en faire une dissertation. Avec des fiches avant. Des livres que tu aurais pu aimer si on ne te les avait pas imposés. Rebelle à toute suggestion, sauf celles qui venaient de ta mère. Et encore, tu ne lui disais pas que tu avais aimé Les mémoires d’une jeune fille rangée. Que tu avais relu trois fois Donner ou le journal d’Anne-Marie.

Il y a des romans que tu as lus deux fois et que tu relirais encore. Par pur romantisme, comme les Daphné Du Maurier. Pas les polars, tu n’as plus le goût, ils ne t’apportent rien, tu ne sens plus rien, pas même de la curiosité, pas même du divertissement.

Les romans que tu préfères maintenant sont ceux qui te donnent envie d’écrire, d’en parler ou de parler de ta vie, qui enrichissent ta vie d’auteure. Quitte à écrire n’importe quoi, comme présentement. Parce que tu lis La vie littéraire de Mathieu Arsenault. Un livre sans point ni virgule. On dirait de l’écriture automatique. Il dit tout ce qui lui passe par la tête. Et le pire, c’est que ce fut publié. Et le deuxième pire, c’est que tu savoures. Tu te revois à quinze ans quand tu écrivais le soir, enfermée dans ma garde-robe. Tes parents croyaient que tu étudiais. C’était avant l’ère des blogues et des réseaux sociaux, avant même l’ère des téléphones intelligents accessibles aux enfants qui insistent pour en avoir. Avoir quinze ans aujourd’hui, tu écrirais probablement un blogue, comme exercice à l’écriture. À l’expression. Le texte de Mathieu Arsenault est plus accessible que celui de Marie-Claire Blais, mais moins facile à lire que La maitresse de Lynda Dion, deux auteures qui ont employé le même procédé, mais avec plus de contenu. Tu ne veux pas dire « plus facile », tu veux dire moins bon. Et ton « plus de contenu » signifie une structure, une ligne de pensée. Tu manques décidément de vocabulaire. Tu devrais relire et prendre des notes en lisant Prague sans toi de Jean Lemieux. Tu aurais voulu que cet auteur écrive plus de romans « adultes », les polars, ça ne t’intéresse plus, tu l’as déjà dit.


Ton esprit est encore dans Écrire la vie d’Annie Ernaux. Tu voudrais lire d’autres livres d’elle pour rester dans cette atmosphère propice à écrire a ton tour. Tu cherches encore comment elle est devenue si « étudiée » avec un contenu si autobiographique. Tu ne trouves pas la liste des auteurs québécois étudiés à l’université. Tu auras toujours ce complexe de ne pas avoir de licence et encore moins de maîtrise en littérature. Même si le cours « création littéraire » avait existé en 1970, l’aurais-tu pris? L’amour, la vie, la nature t’attiraient plus que les études. Pas que tu croyais en savoir assez, mais tu en avais assez de te faire dire quoi penser, de te faire demander ce que pensaient les auteurs, ou devoir expliquer le parcours de tel ou tel philosophe. Tu avais déjà envie de dire ta propre pensée. De trouver ta manière, d’être indépendante et libre du sujet comme du style. Ta jeunesse te rendait audacieuse, impétueuse. Aujourd’hui, ça te rattrape, tu lis les études sur un tel ou un tel. Quelques lignes, quelques paragraphes, juste pour te faire une opinion. Ou plutôt faute d’avoir ta propre opinion, lire ce que d’autres en pensent. Et répéter en faisant semblant que c’est la tienne. Le jour où te le demandera. Ce qui est rare. On te demande ton argent, ton vote, mais rarement ton opinion. De toute façon non seulement tu détestes les Vox populi qui ne veulent rien dire, mais de plus, on t’a tellement appris à nuancer, à ne pas juger que tu as rarement une opinion sur les choses, les gens, les événements qu’ils soient d’ordre politique, littéraire ou sportif. Tu ne penses rien, tu écoutes, tu gobes, tu lis et tu essaies de rester neutre. Depuis longtemps tu n’as plus l’assurance de ta jeunesse. À force, tu as l’impression d’être froide ou vide, au mieux indifférente lors d’échanges. Les discussions sont courtes avec toi. 

Finalement, les livres que tu aimes, ceux qui te donnent envie d’écrire à ton tour, qui te font avancer, tu en parles, mais comme d’un précieux secret. C’est dire qu’ils t’ont touchée. C’est révéler que tu es comme cet auteur ou ce personnage. C’est montrer que tu n’es pas si froide, si neutre, si indifférente. C’est dire un peu qui tu es. Et réussir à trouver d’abord, à circonscrire et à coucher sur papier qui on est, sans paraître présomptueux, ce n’est pas donné à tout le monde. Tu n’es pas ni ne sera jamais Annie Ernaux. N’essaie même pas. Admire ce qu’elle écrit, point. Et continue d’écrire, même si c’est peut-être n’importe quoi et que ça ne sera jamais sujet d’étude ou de prix.

Ajout: Abandonné La vie littéraire. Trop c'est trop. Dans le style trop difficile à suivre, trop de mots, rien pour souffler. Trop de pas-d'émotions. Trop de rien-à-surligner. Comme une cacophonie. Merci tout de même à l'auteur qui m'aura au moins fourni un prétexte pour écrire ce billet.

mardi 12 mai 2015

Tadam!
Voici la couverture de mon prochain roman
Les têtes bouclées


Je vous montre (celle-ci est la vraie, celle de Facebook, n'était que l'ébauche)
 et on en parle après.



Les éditions Vents d'Ouest vient de publier son "À paraître" de l'automne.

L'illustration est de Christian Quesnel, un artiste exceptionnel. J'aime tellement tout ce qu'il fait. Après une rencontre d'à peine une heure, il avait déjà compris ce que je voulais. Deux ébauches plus tard, ce fut mon cadeau de Noël. Oui, oui, depuis Noël que j'attends de vous la montrer.
La voici donc. Plus de détails, comme la date et le lieu du lancement, ultérieurement. Un dévoilement à la fois.

En attendant, vous pouvez vous procurer Les têtes rousses ou le relire puisque Les têtes bouclées est une sorte de suite. Il y sera question de la génération 1900-1960, petit-fils de Bridget Bushell et de Denis Lynch.

Site du roman Les têtes rousses>>>
Site de Christian Quesnel >>>

lundi 11 mai 2015

Petit tour dans les Carolines

Un aperçu de mon séjour à New Bern, Caroline du Nord et à Myrtle Beach (en fait seulement au camping, parce qu'après six-sept fois, on y va pour la plage, la mer, la piscine, le repos)

Pour visionner tout l'album photo, trop grand pour ce blogue, vaut mieux visiter mon site de voyage, c'est par là >>>






dimanche 10 mai 2015

Elle, moi, je

Elle a dix ans de plus que moi.
Elle est née et vit dans un autre pays que le mien.
Elle a avorté, moi pas.
Elle est mère, moi pas.
Mes parents n’étaient ni ouvriers ni commerçants.
Elle a vu des films et entendu des chansons qui ne m’intéressent pas, mais j’ai entendu parler de certains et certaines.
Pourtant, pourtant, sur bien des points, je me suis reconnue.
Son adolescence, ses études, ce besoin de tout noter. Écrire.

Ce moi, ce je, même quand elle en fait un elle, même quand elle l’enrobe de son environnement, qu’elle le transporte d’une époque à une autre, ce moi a les mêmes besoins de s’exprimer par écrit que le mien. De laisser des traces. Dans son cas, besoin aussi de chercher et de décrire la vérité. 
Un moi qui devient personnage, même si elle s’en défend. Un nouveau genre littéraire affirme toutes les études qui portent sur le sujet de l’autobiographie ou de l’autofiction.

Photographie de moi qui lit elle:
 Écrire une vie d'Annie Ernaux
Réussir à écrire une bonne vingtaine d’écrits biographiques, dont certains primés, il y a certes là quelque chose qui m’échappe. N’est-ce pas redondant? La recherche de la vérité, je veux bien, mais après trois ouvrages — Les armoires vides, La place et Une femme —, on a compris. On a fait le tour, il me semble: elle, son père, sa mère, son village. Son adolescence rebelle et studieuse, son avortement, ses passions pour un tel ou un autre : elle y revient sans cesse.

Pourtant une répétition qui ne m’a pas tant dérangée. Je me suis surprise à enchaîner texte après texte, livre après livre. La curiosité, mais aussi le réel plaisir de lire encore et encore sur cette réalité, cette vérité « socio-biographique » qu’elle cherche à tout prix à rendre (ou à comprendre?) dans une recherche d'écriture qu'elle veut neutre, sans émotions. Je n’aurais pas cru un jour lire un auteur dont les principaux écrits (il ne faut surtout pas parler de romans dans son cas, elle y tient, s’y refuse) ne traitent que d’elle-même. Il faut croire que sa recherche de la vérité lui tient lieu de sujet, et ce moi, ainsi exposé à foison, justifie ce qui pourrait sembler du narcissisme outrancier.

Si j’ai aimé, si j’ai même dévoré, c’est que malgré nos différences, malgré qu'au contraire d'elle, j'aime jouer dans le cœur des humains et susciter des émotions, je me suis reconnue : dans l’époque, dans la féminitude, et surtout dans cette soif d’écrire. Jamais mes textes ne seront scrutés à la loupe, ne seront objets de tant d’études ou de documentaires. Jamais revue littéraire ne me demandera mon avis sur tel ou tel sujet culturel, mais quand même, le temps de la lecture — Les années surtout — je me suis sentie du même temps qu’elle. Je me suis sentie écrivain comme elle. Sauf que moi je transpose dans des romans. Depuis longtemps, j'ai renoncé à cerner la vérité. Je raconte, je déforme, je maquille.

Tout de même, c'est comme si Annie Ernaux (je la nomme enfin, me suis amusée à faire comme elle et ne jamais ou presque donner de noms aux gens dont elle parle) me donnait la permission d’écrire aussi sur moi, sur ma vie.

Quand donc cesserai-je de me comparer, de me chercher des raisons d’être ceci ou cela? À quel âge ou de quelle blessure doit-on guérir pour n’être que soi? Quand donc cesse-t-on de se demander « qui suis-je? »  Peut-être que je ne lis que pour me retrouver, me reconnaître. Et j’écris pour les mêmes raisons.

vendredi 1 mai 2015

2015-1950=65. Et puis après!

Bon, j'ai triché un peu, c'était à 63! 
2015 moins 1950 égale 65.
Étape. Chiffre souvent vu, souvent entendu dans les textes des journalistes, des fonctionnaires, dans la bouche des parents. Dans la bouche des «vieux». Que les jeunes pensent vieux. Que j'ai pensé vieux quand, enfant, je pensais à mes grands-parents. Un chiffre entouré de paradoxes, de réalités étudiées. De préjugés, comme tous les chiffres. Ceux à qui on fait dire tout et n'importe quoi.

Du jour au lendemain, je suis devenue une statistique. 

Est-ce que je ressemble à cette « femme gelée » d'Annie Ernaux? Une femme entre deux passages. Dans son cas, le personnage (même si ses écrits font partie de ce qu'il fut convenu d'appeler un certain temps le nouveau roman qui se défendait bien d'avoir des personnages), qui n'est nulle autre quelle-même, vivote entre la liberté de l'étudiante idéaliste et le carcan de la femme-adulte-mère-travailleuse. Le passage est-il inversé à 65 ans? Du carcan de la travailleuse à la liberté de la retraitée? Femme dégelée? 

Ce visage ridé, ce corps relâché définissent-ils quelque chose? Renvoient-ils vers quelque lieu où les rêves sont moins nombreux? Peut-être mais des rêves plus pressants que ceux de la jeunesse? 

Je ne me sens pas femme gelée. Je ne pense pas donc je ne suis pas. 

Entre 15-25-45 et 65, que suis-je devenue? Sans nommer les cinquante nuances de femme comme l'a fait, de façon fort originale et authentique Annie Cloutier dans son blogue, je peux au moins me comparer avec les femmes rencontrées dans mon entourage: grands-mères, tantes, mère. Des cheveux gris, très peu de tous blancs, des rides, des cernes, des poitrines tombantes. Très peu de cicatrices, (alors que j'en ai déjà trois) parfois des taches brunes sur les mains, des chevilles enflées. Je concède le corps de 65 ans, mais pas l'esprit. Je demeure, je veux demeurer la même qu'à 35 ans. L'amour le plus important. Les humains, les idées, les livres. Bien avant la maison décorée, l'aménagement fleuri. Avant les repas servis à heure. Avant les vêtements à la mode et bien rangés. Avant le lit fait, le tapis secoué. M'en fous autant qu'à 15 ou 25 ans. 

Curieuse encore. À 25 ans, le nez dans les dictionnaires, à 35 dans les livres d'informatique. Aujourd'hui, les yeux et les doigts rivés sur la tablette, sur Internet pour savoir ceci ou cela. Lire plus que jamais. 

Hier, lire Simone de Beauvoir, Anaïs Nin, Marie Cardinal, Louky Bersianik aujourd'hui, lire pourquoi les textes d'Annie Ernaux sont étudiés, commentés, primés alors que finalement, à mon humble avis de simple normalienne qui n'a pas de doctorat en lettres françaises, elle n'a fait que raconter sa vie. Et répéter en quelques tomes. Aimer quand même la lire. Ne diminue en rien le plaisir de la lire. Me demander plutôt combien d'auteurs sont étudiés en littérature au Québec. 

Aujourd'hui, à 65, l'avantage de ne retenir que le meilleur. Les joies quotidiennes, les jours en santé et en amour. Le désavantage, c'est que je ne peux pas arrêter le temps. Ni en faire réserve pour les jours froids ou les nuits où il faut attendre que la douleur passe. Pas plus qu'à 35 d'ailleurs, mais cette fois, je ne peux plus me faire d'illusions, ni me mentir, ni rêver que je suis éternelle. Mais je suis, c'est déjà beaucoup.

Étude sur Annie Ernaux >>>
Blogue d'Annie Cloutier >>>

samedi 4 avril 2015

Écrire pour ne pas vieillir
ou il ne faut pas enterrer les vieux mots

De la neige et du vent pendant la nuit. Un peu choquée contre cet avril qui hésite entre l’hiver et le printemps. Le temps de déjeuner et le soleil se pointe. Meilleure humeur.

Si l’hiver québécois est un temps pour rester à l’intérieur de la maison et de soi, à lire à écrire, à rêver, le printemps pour moi qui suis née en avril, c’est une naissance, un nouvel élan vers le dehors, vers la sortie, vers le nouveau. Vers l’agir.

« Aurai-je plus lu que vécu, plus écrit qu’agit » Yvon Paré se le demande dans le collectif Comme une seule voix. Je me le demande aussi. Depuis au moins quarante ans. Déjà au temps de la lecture de Mathieu de François Loranger (à voir combien de fois je le cite, je vois bien quelle profonde marque il a laissée), j’avais plus d’hivers que d’étés. Je m’introspectais plus que je n'étudiais. Dans ma tête plus que dans mon corps. Je pensais ma vie plutôt que de la vivre. Après Mathieu, je n’avais pas cessé de lire, mais j’avais jeté mes cahiers d’écriture pour ne plus vivre dans le passé, pour sortir, pour vivre le présent. Je ne sais toujours pas si je lis trop, si j’écris trop au lieu d’écouter la mésange qui crie après moi pour avoir ses graines du jour, ou regarder la neige fondre, ou agrandir la rigole pour éviter que l’eau n’entre dans la cave. Pourtant, je ne sais comment faire autrement. Alors, même si j’étais observatrice, si j’étais sur une plage, si je pédalais sur un sentier, je voudrais encore écrire ce que je vois, ce que je ressens à voir ce que je vois, à entendre ce que j’entends.

Tout autre activité que de lire ou écrire m’apparait tellement vaine, tellement perte de temps. 

Je veux tant, je veux temps. 

Bientôt 65 ans. Où sont-ils tous ces écrits que je me promettais de livrer en pâture, quand j’avais 26 ans? Ils étaient jeunes, fringants, ces mots pas pressés de se montrer aux fauves. Ils avaient toute la vie devant eux. Le temps ne criait pas après eux. Ils ne savaient pas qu’ils pouvaient mourir le lendemain. Aujourd’hui, quarante ans plus tard, ils savent, ils sont plus pressés, plus exigeants. Ils veulent sortir de sous la neige et se faire dorer au soleil.

Même mes vieux mots que je ne relis plus, comme si je n’en voulais que des neufs. Ceux des autres, bien souvent. Comme « dégoisait les dents serrées », « une méduse de flammes », « un remugle d’algues pourries » et des « giboulées coléreuses » de Robert Lalonde dans À l’état sauvage

Je n’en ai jamais assez, gourmande de mots. Une faim sans fin. En voici d’autres de Marie-Christine Bernard, dans un article de sa page Facebook: 
Meurs avec moi. L’heure avance. J’ai passé toute cette journée avec toi, j’ai regardé la mort faire son petit chemin de vide à travers les cellules de ton corps, j’ai essuyé ta bave et ramassé ton dentier. Tu ne vas pas attendre que je sois partie pour mourir. J’ai fait tout ce chemin pour être avec toi quand tu mourrais. Meurs avec moi.
Je mourrai peut-être avec les mots des autres au bout des doigts. Et pourquoi pas, la vie d’écriture n’est pas un concours à qui en aurait le plus, les meilleurs, les plus beaux ou les plus publiés.

vendredi 3 avril 2015

Encore et toujours autour des mots

En ouvrant mes courriels ce matin, un message de l’Association des auteurs et auteures de l’Outaouais. Communiqué du camp littéraire Félix. Offre d’ateliers à Saint-Jean-Port Joli. Vague souvenir d’avoir déjà entendu parler. Je clique. Je reconnais des noms : Yvon Paré, Robert Lalonde, Francine Chicoine, Marie Chyristine Bernard. Lecture plus détaillée des ateliers : que sont les carnets littéraires que Robert Lalonde (dont je viens de terminer À l’état sauvage) dirige?

Carnet littéraire? Un nouveau genre littéraire? Connaissant l’œuvre de Robert Lalonde, si c’est l’art de décrire ce qu’on voit, observe, vis lors de randonnées, je suis foutue. Je suis zéro dans les descriptions. Même en me forçant, même en restant ouverte à ce que j’observe. Les mots qui me viennent ne sont pas de l’ordre de la nature que j’aime pourtant beaucoup. 

Aussitôt sur Google, je trouve une explication dans une entrevue publiée dans la revue Les librairies >>>

Après lecture de l'article, après partage et commentaires sur Facebook, pour avoir un écho sans doute.
Me donne le goût de lire les deux carnets d'écrivains déjà publiés chez Lévesque éditeur
Me donne le goût de participer au camp littéraire Félix
Me donne le goût d'écrire autrement.
Comme souvent, je veux tout, je veux tant, je veux temps. 
Je me précipite sur la BANQ et j’emprunte Comme une seule voix, parce que déjà en 1999, Le tailleur de confettis de Francine Chicoine m’avait beaucoup plu. Une écriture, un sujet comme je les aime. 

Et voilà que ses courts paragraphes me plaisent déjà. Je n’y retrouve pas ces descriptions qui me font si peur. Des textes de quelques lignes qui me rappellent mon premier livre publié : Je me veux.

M’inscrirais-je à cet atelier? Peut-être pas, mais aujourd’hui, ici, bonheur du jour. Lecture du jour. Dehors, à l’abri d’un faible vent, le soleil chauffe la galerie. Mon corps et mon cœur aussi. 

Et je lis. Et j’écris.

dimanche 29 mars 2015

Les armoiries des Deguire dit Larose


Prémisse majeure : ma mère est une Deguire, donc je m’intéresse à cette lignée qui descend du soldat de Carignan, François Deguire dit Larose

Prémisse mineure : en juin 2014, Gilles Deguire (auteur du site consacré aux Deguire) n’étant pas le premier à le demander n’a pu obtenir le certificat octroyé par la Société généalogique canadienne-française (Montréal) dans le cadre du 350e anniversaire de l’arrivée du régiment de Carignan-Salières.

Conclusion : le petit groupe formé depuis janvier 2014 décide de s’en créer un certificat.

Comme j’ai un peu d’expérience dans l’héraldique, grâce à mon défunt père, et que je me débrouille pas trop mal avec les logiciels de graphisme, j’offre mes services pour créer le certificat. Et qui dit certificat dit logo, ou mieux armoiries. Existent-elles déjà? Recherche, rien trouvé. Qu’à cela ne tienne, je me lance.
Et les recherches commencent : différence entre blason et armoiries1, éléments et couleurs à choisir, dessins à trouver, libres de droits d’auteur, relecture des informations connues sur notre ancêtre. Échanges de courriels entre les membres du regroupement. Choix entre six modèles.

Le plus difficile a été son métier de tisserand. Du chanvre, c’est bien beau, mais au 21e siècle, on pense plutôt pot, cannabis et non du chanvre, le tissu dont on faisait les étoffes à l’époque de la Nouvelle-France. Du lin? Oui, mais pas facile à styliser ces longues branches fines, sans grand relief. J’ai finalement trouvé les fleurs de lin, de belles fleurs bleues. Choix accepté. Rédaction de la proclamation officielle qui normalement accompagne toujours les armoiries. La traduction pour les descendants des expatriés étatsuniens fut plus laborieuse. Pas évident les termes héraldiques. Heureusement, les conjointes anglophones et traductrices de deux des membres Deguire sont venues à la rescousse.

Voici donc, dans un langage clair, les explications des armoiries.
Au fond, les couleurs du drapeau des soldats de Carignan.
Au centre, la cloche en or représente la ville de Thiviers, en France, d’où François Deguire était originaire.
Le bateau représente le navire La Paix parti de La Rochelle en mai 1665 et arrivé à Québec en août de la même année.
La fleur de lys évoque la Nouvelle-France.
La rose souligne le surnom de Larose du soldat François Deguire 
L’ours rappelle la seigneurie de Saint-Ours où s’établit l’ancêtre Deguire.
Les deux mousquets sont les armes à feu utilisées par les soldats en Nouvelle-France.
De chaque côté de l'écu, les fleurs de lin stylisées font référence au métier de tisserand qu’exerçait l’ancêtre.

À QUI VERRONT LES PRÉSENTES
Sachez qu’en ce vingt-neuvième jour de mars
de l’an de grâce deux mille quinze,  
nous avons accordé et assigné aux descendants de
François Deguire dit Larose 
 ces armoiries pour qu’elles soient portées et utilisées en tous lieux et circonstances, selon les principes et règlements de l’art héraldique.

__________________________________
1Blason : ensemble des armoiries qui composent un écu / Science de la composition et de l’explication des armoiries
Armoiries : ensemble des signes, devises et ornements de l’écu d’un État, d’une ville, d’une famille.

Liens:
Programme du 350e anniversaire de l’arrivée des soldats de Carignan >>>
Page facebook des descendants des Deguiredit Larose >>>
Site Internet de Gilles Deguire >>>            

samedi 21 mars 2015

Sur le dessus de la pile: Grégoire Delacourt

Je. Un billet qui commence par je, pas fort. N’empêche.

Je, donc, vais écrire comme lui. Il déteint sur moi, probablement aussi fort qu’il doit déteindre sur bien d’autres. Pas la première à aimer, pas la dernière, sûrement. Je l’ai déjà écrit, déjà dit (après six ans de blogue, c’est certain qu’on se répète) : je suis un caméléon. Je prends la couleur des murs que je longe. Des auteurs que je lis et aime.

Ces temps-ci, Grégoire Delacourt. J’avais aimé sa Liste de mes envies, j’en avais parlé là >>>. Je me souviens aussi de son Écrivain de la famille, mais là, le summum, le dessus de la pile, le drapeau que je brandis et que je plante au sommet de la montagne : On ne voyait que le bonheur.

Je sais déjà que j’en redescendrai de cette montagne, que dans deux ans, un an, peut-être moins, un autre roman aura mes faveurs, ma liesse, mon admiration et mon cœur, mais pour l’instant, c’est lui.

Je ne suis pas critique littéraire, ni professeur en études littéraires. Juste une lectrice, avec des mots de lectrice-qui-aime-écrire. Mais je suis capable de reconnaître un courant littéraire, un style qu’adoptent plusieurs auteurs depuis quelques années. Et pas que des jeunes qui carburent à l’internet. Des phrases courtes, sans sujet, parfois sans verbe. Paragraphes courts, comme un exercice de Twitter peut-être. Chapitres de deux ou trois pages. Mais surtout : énumération, répétition. Sans transition apparente, sans description (de toute façon, fait belle lurette que je ne m’y attarde plus). Direct à l’émotion. 

Dernièrement, je lisais Papillons d’Annie Loiselle, Monstera Deliciosa de Lynda Dion : même style « punché ». Donc, autant au Québec qu’en France. Chez les auteurs étatsuniens, je ne sais pas, je ne lis pas beaucoup.

Quant au sujet, j’aime aussi. Écrits au je, au présent, ces romans sont plus directs, plus aujourd’hui, plus personnels. Facile de m’identifier aux personnages parce que ça pourrait être la vie de bien des gens. Parce que ce n’est pas de l’action, ni du policier, ni de la science-fiction, du fantasy. Non, que des pensées, des souvenirs, des fragments de vie. Des réactions, des histoires avec des parents, des enfants, nos relations, nos amours. Une biographie. 

En ce qui concerne plus précisément On ne voyait que le bonheur, c’est triste par exemple. Sombre. Réaliste, mais à la longue, à force de répétitions, de martèlement de la lâcheté du personnage, de ses ressentiments, de son manque d’amour maternel, le besoin de bras ouverts, à force de rapprochements, je ne me suis pas contentée de regarder par la fenêtre, je suis entrée dans la maison. J’ai oublié de me protéger, j’ai oublié de penser à ne pas me noyer avec le personnage. 

C’est le prix à payer pour l'acceptation, l'abandon à qui joue avec mes émotions, avec mon cœur.

En espérant seulement que je surnage avant d’écrire mon tome trois des Têtes rousses, sinon, je me connais, je ne retrouverai pas mon style, si tant est que j’en aie un. Il faudrait tout de même que les trois tomes aient un petit air de famille. Comme des triplés. Sinon… je ne suis pas digne de porter le titre d’auteure. Seulement de caméléon.

Site et blogue (que les français continuent d'écrire blog) de Grégoire Delacourt: 

dimanche 15 mars 2015

Traces fraîches

Où ai-je donc laissé des traces ces derniers jours? Comme je porte plusieurs chapeaux, que plusieurs passions m’animent, petit tour d’horizon.
Photographie : Comme je trouvais que mes photos n’étaient pas aussi belles ou claires ou lumineuses que celles d’il y a quelques années, je voulais nettoyer le capteur. Juste avant de faire une bêtise, j’ai eu la bonne idée de demander à un photographe professionnel comment procéder. Sa réponse rapide et précise :
— Tu ne touches pas à ça.
— Mais vous alors, vous pouvez me le nettoyer?
— Je confie ça à des spécialistes.
Fin du nettoyage, mes photos resteront ce qu’elles sont.

Généalogie : Le 19 avril prochain, j’assisterai à une conférence et visiterai l’exposition consacrée aux soldats de Carignan, dans le cadre du 350e anniversaire de leur arrivée (en savoir plus >>>). En tant que descendante de deux soldats de Carignan : Du côté de ma mère : François Deguire dit Larose, compagnie de Saurel et du côté paternel : Jean Lamarche dit Bricault, compagnie de Dugué. Si les Lamarche n’ont pas de regroupement, les Deguire en ont un et c’est avec lui que j’irai. Si ça vous intéresse, consultez la page Facebook  (voir>>>) créée pour les descendants de François Deguire dit Larose.
D’ailleurs, bientôt, j’aurai une petite surprise à ce sujet. Bien hâte de vous montrer.

Voyage : Je devais partir en Floride, le camping était réservé, le motorisé déneigé, les bagages commencés et voilà que le doute et les questions se sont faufilés dans mes nuits. Ça ne me tentait plus : de surveiller la météo pour m’assurer de la chaussée sèche les deux premiers jours, de rouler onze heures d’affilée pour atteindre la chaleur le plus vite possible, de laisser les travaux de la maison en plan, de chercher des campings lors du retour, de devoir réserver parce que tout est plein en janvier-février-mars, de rester plantée au même endroit, tout ensoleillé soit-il, pendant cinq-six semaines, simplement à attendre que l’hiver finisse. Voyager pour moi, c’est voir des paysages différents, être dans la nature, camper sur le bord d’un cours d’eau, marcher, pédaler, faire un feu le soir. Pas me dépêcher, pas voir du monde, entendre de la musique. Pas tous les jours en tout cas.
Donc, je suis restée. Et je ne le regrette pas.

Lecture : J’ai lu avec un grand plaisir Papillons d’Annie Loiselle (éditions Stanké).
Un style très à la mode depuis quelques années : parfois un mot pour une phrase, parfois une ligne pour un paragraphe, parfois une page pour un chapitre. De très rares dialogues. Même David Foenkinos dans sa Charlotte (Prix Renaudot 2014) a succombé à la tentation de ce style vif et incisif. Une musicalité et un rythme différents. Papillons, donc, l’histoire de quatre femmes : la mère et ses trois filles à la mort du mari-père. Leurs amours, leurs relations, leurs pensées, leurs présents et leurs chemins.
Deuxième lecture : Monstera delicisosa de Lynda Dion. Un roman court, vraiment court qui aurait pu être une longue nouvelle suivie de quelques autres. Je n’ai pas compris l’illustration de la couverture, pourquoi pas cette plante envahissante, ce faux philodendron qui sert de propos au roman? Mais comme j’avais aimé La maîtresse et dévoré… La dévorante, j’étais devenue une inconditionnelle. Le suis toujours malgré ma déception : j’en aurais voulu plus. Encore. L’auteure cultive elle aussi le style un mot - une phrase - une page. Ce qui donne vraiment du « punch » au texte. Un dynamisme, une énergie qui va droit au but, qui va direct au cœur.

Écriture maintenant, que je gardais pour la fin parce que c’est ce qui m’a procuré le plus de plaisir ces dernières semaines : la révision de mon roman Les têtes bouclées. Pour la première fois, la correction ne m’a pas menée sur le chemin du doute sur mon talent, de la mésestime de moi. Au contraire, comme un escalier dans lequel je montais, vers un grand ciel bleu, vers du meilleur. Grâce à ma réviseure, je dois le dire. Par ses remarques, ses suggestions, elle a su me montrer le chemin de l’amélioration, du peaufinage. Une route joyeuse, sans embûches. Que du plaisir.
De plus, en allant au Salon du livre de l’Outaouais, j’ai pu discuter avec le responsable du montage et nous avons convenu des dates à venir. Donc, du concret, du réel, du cette année, du bientôt.


Voilà donc les traces laissées ces derniers jours. 

dimanche 1 mars 2015

« Mon » Salon du livre de l'Outaouais 2015

La route était belle, sèche, le soleil réchauffait enfin cette terre québécoise, glaciale comme jamais en février 2015. Cette année, je pouvais y aller, je le voulais. Je n’étais pas dans le sud, la maladie ne me retenait pas à la maison, il n’y avait pas de tempête, donc je pouvais. Je n’y allais pas en tant qu’auteure qui irait attendre derrière une table pour présenter son dernier roman qui datait déjà de 2011, non juste comme lectrice. Comme amoureuse des livres, croyais-je. Et ce n’était qu’à une heure de chez moi, dans une ville dont je connais les rues, dans un bâtiment dont je connais les labyrinthes.

Salon du livre de l’Outaouais, donc.

En tant que membre de l’Association des auteurs et auteures de l’Outaouais, j’ai un accès gratuit. Déjà, à l’entrée, de se nommer, de voir son nom sur une liste de personnes autorisées, ça me donne une existence, une reconnaissance en tant qu’auteure.

J’avais noté quelques noms de personnes que je voulais rencontrer et les numéros des stands où elles seraient présentes. Comme je ne publie pas souvent des photos de moi, certaines personnes connues sur Internet ne me reconnaissaient pas. Mais quel plaisir de voir qui leur sourire, qui leurs grands bras ouverts, ou entendre de joyeux : ah ! Claude ! ou de sentir la chaleureuse accolade.

Photo qui servira à mon profil sur Facebook.
Ce fut donc un grand plaisir de parler à Corinne De Vailly, Suzanne Ouellette, Suzanne Roy, Évelyne Gauthier, Mylène Gilbert Dumas, toutes connues sur Facebook. D’ailleurs, à la suite de ces rencontres, j’ai finalement décidé de mettre ma photo sur Facebook. La dernière, laissée quelques semaines à peine, datait de 2009. Il serait temps que j’assume mes rides et mes cheveux gris et le fait que mon identité visuelle serait divulguée sur Internet.

Quant à Andrée Poulin, Loïse Lavallée et Michèle Bourgon, ce sont des auteures qui vivent en Outaouais et que je connais depuis plusieurs années. Je suis leur carrière, je lis leurs livres. Elles corrigent parfois mes textes. Je les admire et les aime. 

Au passage, on m’a fait connaître Paul-François Sylvestre de Toronto qui m’a beaucoup appris sur l’histoire franco-ontarienne et j’ai compris une fois de plus que ce n’est pas parce que je demeure en Outaouais que je connais mieux l’histoire de l’Ontario. Et j’aime toujours parler de la langue française, des accents, des idéologies. Jean-François Grosmaire, un Français d’origine, un Québécois de cœur, vantait l’authenticité, l’humour du livre de Michèle Bourgon, Y’a pas de soucis et voudrait bien que les Français le lisent. Ils éviteraient peut-être de colporter quelques clichés éculés au sujet du Québec ou des Québécois. 

J’aurais bien voulu rencontrer Lynda Dion, mais elle était retenue ailleurs. Ce qui ne m’a pas empêché d’acheter son dernier livre, Monstera deliciosa. Un petit livre qui ne fait pas 150 pages, dont j’essaie d’étirer la lecture. Moins roman au sens classique du thème que les deux précédents, mais texte qui m’inspire des mots, des phrases, qui m’entraîne vers mes propres écrits. Vers ma propre vie émotive.

Dernier plaisir du jour : discuter de mon prochain roman avec Vents d’Ouest : la publication des Têtes bouclées, prévue pour l’automne, mes petites idées au sujet du lancement que j’espère cette fois pouvoir célébrer, ce qui me fera oublier l’annulation de celui de 2011. 

Au retour, comme toujours quand je suis le moindrement seule, des mots, des phrases, des images de scènes pour mon prochain roman. Et de grands soupirs de satisfaction. Finalement, je me suis sentie plus auteure que lectrice.

Tout du bon. Une journée dans mon pays, dans mon monde. 

jeudi 26 février 2015

J'aime voyager, mais...

C’est la faute de mes parents ! Et peut-être un peu à ma carte du ciel très, très favorable à cette tendance : j’aime voyager. En revanche, pas n’importe où et pas n’importe comment. La Thaïlande ou l’Amérique du Sud ne m’attirent pas. Je suis une Nordique. La Scandinavie bien avant l’Asie. Et le camping bien avant l’hôtel. 

J’ai connu la tente par choix et pour le prix modique. J’ai essayé la tente-roulotte, mais j’ai su que reculer quelque véhicule tracté que ce soit, ce n’était pas aussi facile que la théorie me l’a laissé croire. Avec l’âge, vint le véhicule récréatif. Une petite caravane portée de sept pieds et demi pour commencer et depuis quelques années, un motorisé de classe B. 

J’ai voyagé pendant les vacances d’été. Une seule fois pendant les vacances de la construction et plus jamais, oh ! que non. Puis, quand j’ai pu, en septembre et en juin. Depuis quelques années, je peux partir à peu près toute l’année, ce sont plutôt les rendez-vous médicaux et le besoin quand même d’être dans ma maison, sur mon terrain, bref, chez nous qui limitent mes déplacements.

J’aime me sentir libre d’aller où je veux, quand je veux.

Mais ce qui m’amène à résumer ma vie de campeuse, c’est pour souligner que depuis quelques années, je ne voyage plus de façon aussi agréable. Aussi décontractée, aussi l’esprit libre. Est-ce l’âge ? Peut-être un peu. J’ai besoin de plus de sécurité, je m’inquiète plus facilement, bref, je stresse.

Pas que l’âge pourtant.

Depuis quand ? Depuis que les campeurs peuvent RÉSERVER. Majuscules et gras, parce que ça m’énerve, et tous les synonymes possibles : être sur des charbons ardents, s’alarmer, s’angoisser, s’en faire, s’inquiéter, se faire du mauvais sang, se faire du souci, se faire du tracas, se faire un sang d’encre, se mettre martel en tête, se morfondre, se ronger les moelles, se ronger les sangs, se soucier, se tourmenter, se tracasser.

Depuis que les campeurs peuvent réserver eh bien, ils réservent. Parfois un an à l’avance. Et pas à un seul camping, à plusieurs. Pire, ils oublient d’annuler ou le font la veille.

Je déteste réserver. Je ne sais pas un an à l’avance, même pas un mois à l’avance si je vais aller là ou là, à telle date ou telle autre. Et si j’ai envie de rester plus longtemps sur le bord d’un cours d’eau ? Et s’il y a une tempête qui me retarde en route ? Et si je n’aime pas ce camping et que je n’ai plus envie d’y aller ? (Déjà arrivé, ai perdu un dépôt de 100 $) Et si…

Exemple au Québec : la Sépaq. Je voulais aller au parc Mont-Tremblant, deux nuitées dans les très beaux et nouveaux chalets EXP. Nous étions le 20 janvier, pas dans la semaine de la relâche, juste en janvier. Et je voulais y aller dans la semaine, pas le vendredi, mais un lundi et un mardi. Je jette un coup d’œil sur le site. Il y a cinq chalets. Tous loués jusqu’à la fin mars, tous les jours. Ah ! non, un seul disponible, une seule journée, le 19 février. 130 $. Un mois plus tard. Commencèrent les « et si… » Et s’il y a tempête ? Et si ça ne me tente plus ? J’appelle et je demande comment le système d’annulation fonctionne. À un mois d’avis, pas d’annulation possible. Si, pour une raison ou pour une autre, je ne peux pas y aller le 19 février, je perds 130 $! Je n’ai évidemment pas réservé et n’y suis pas allée. Je ne sacre pas, mais il m'arrive de dire des gros mots.

Aux États-Unis, ce sont les State park qui sont réservés des mois à l’avance. Les plus près de la mer comme les plus reculés. Il y a un site, Reserva America, qui nous permet de réserver dans la plupart des State park et quelques RV park. Je connais des campeurs qui réservent à deux ou trois endroits. Je comprends que les Étatsuniens du sud puissent camper à l’année, donc ils ne se gênent pas pour partir camper presque chaque fin de semaine. Mais la semaine ? 

La réservation est devenue un système fort lent et déshumanisé. Il m’est arrivé d’être au Anastasia State park (St-Augustine, Floride) et aussi à Walt Disney, bien présente, devant un comptoir et je ne peux pas avoir d’emplacements. Il faut que je téléphone. Je suis là, devant une préposée qui pourrait me renseigner, me dire au moins s’il y a des emplacements disponibles, non, il faut que je téléphone à la centrale de réservations. En anglais, évidemment. Heureusement à Walt Disney, on a le droit d’avoir une traductrice. L’appel se fait à trois… au téléphone. Heureusement aussi, à St-Augustine, une fois que j’ai su qu’il n’y avait pas d’emplacements libres, la préposée a été assez gentille pour téléphoner à deux autres campings et depuis ce jour, je me rends directement au Indian Forest campground.

Il arrive que la communication entre le parc, la centrale de réservation et les ordinateurs de chaque partie concernée ne voyage pas à la vitesse de la lumière. Tu vois le camping à moitié vide et pourtant, à l’entrée, c’est indiqué « No vacancy ». Vers 11 heures, heure du « check-out », tu parles au préposé à l’accueil, il furète dans son ordinateur et parfois il te trouve un emplacement. Et si tu appelles directement à la centrale de réservation, tu cours encore plus la chance qu’elle t’en trouve, parce que les annulations arrivent sur leur écran en premier, au parc en deuxième et sur le site seulement 24 heures plus tard. Qu’on m’a dit.

Quand même du stress, de l’impatience, de l’incertitude. Du changement de camping, du changement d’emplacement : un jour sur le 48, un jour sur le 233. Tu ne peux pas partir visiter la ville, faut que tu déménages !

Je ne voyage plus aussi librement. Certains diront que c’est de l’aventure, que je ferai de belles découvertes. Ce n’est pas ce genre d’aventure que j’aime. Perdre des heures à chercher, à attendre, à m’inquiéter, à téléphoner, à espérer. Pas plus agréable des mois avant de partir que presque chaque jour si tu roules. 

Encore cette année, je voudrais pédaler sur la piste cyclable Pinellas Trail, en Floride, monter au nord et me baigner dans un ou deux « spring » et finir par la visiter cette Panhandle dont tout le monde parle avec un enthousiasme communicatif. Disons, trois campings sur neuf jours. Et bien pas évident, encore. Quelques possibilités très limitées. Si je réserve telle date à l’un, pas de place à l’autre. Si j’obtiens un mercredi à l’un, il n’y a plus de place le samedi à l’autre. Et même si j’avais toutes les dates voulues, ça m’obligerait à être là à ces dates fixées des mois à l’avance. La contrainte et moi ! Aussi stressant que de ne pas savoir où je vais coucher le soir. 

Je déteste réserver. Si ça continue, je vais détester voyager. Papa, maman, pourquoi vous m’avez donné le goût de voyager !

Pour lire ou visionner quelques-uns de mes comptes-rendus des voyages de ces dernières années, cliquez sur l’onglet « voyage », en haut du blogue.

dimanche 15 février 2015

Le désert mauve de Nicole Brossard

Un dimanche sans raquettes. Trop froid. Surtout trop venteux. Alors, écrire, corriger. Et pendant les pauses, question de prendre du recul, lire Le désert mauve de Nicole Brossard.

Je m’améliore : je suis capable de lire, d’admirer, d’aimer, sans être ravagée d’envie, sans tomber dans la mésestime de l’auteure que j’essaie d’être. Je sais, chaque fois, je me dis que je ne devrais pas lire pendant l’écriture , ni la réécriture, ni la révision. Mais voilà, une journée sans sortir m’offre d’autres possibilités durant mes pauses. Et aujourd'hui, c'est tout beau, question lecture. Plus que beau.

Le désert mauve, un livre écrit en 1987. En 1987 ! Il y a vingt-huit ans. Et déjà des phrases comme :

« Pourtant la nuit. » Oui, il y a bien un point, donc c’est une phrase.
« Le désert boit tout. La ferveur, la solitude. » 
« La nuit ! Oui, j’ai vu l’aube. Souvent. »

J’aurais dit une écriture du 21e siècle, pas de 1987. Alors avant-gardiste, précurseure, madame Brossard.

Des phrases courtes, qui, parfois, ne semblent avoir aucun lien. Pourtant, comme une chaîne aux maillons entrelacés. Un noir, un blanc, un bleu, un vert et on répète et on insiste. Les chaînes s'enchaînent. Exemple ? « Un homme vient s’asseoir près d’elles. Il entame la conversation en français. L’homme est mince. […] Je ne comprends pas ce qu’il dit. Elles rient. Il se lève et se dirige vers le bar. La lumière est vive. »

Un livre comme je les aime : sans histoire évidente, sans dialogues, presque sans intrigue. Où je n’ai absolument pas le besoin d’aller voir la fin parce qu’il n’y a ni questions ni réponses. Le bonheur est dans la lecture de chaque phrase, de chaque chapitre. Pour la musique. Que du bonheur du mot présent.

Sous prétexte de préface, aux allures d’étude universitaire, les dix-neuf premières pages de l’édition Typo rend hommage à ce livre, l’explique, le décortique, le résume. J’avais trop hâte de lire le livre, alors j’ai lu en diagonale. De toute façon, même étudiante, je n’ai jamais disserté de la sorte et je ne lis jamais avec ma tête qui cherche à circonscrire un sujet, quel qu’il soit. Je lis avec mon vécu émotif.

Et pour Le désert mauve, je me laisse bercer par le rythme. Et je jouis de lire pareil texte. Fascination pour cette auteure. Pourtant à cent lieues de mon univers littéraire, parce que je ne suis pas friande de poésie à laquelle elle est identifiée. Ne m’y sens pas à l’aise, ne m’attire pas. Comme la musique contemporaine de Jean Papineau-Couture ou les tableaux de Marcel Barbeau. Même si, à l’occasion, j’aime bien un Jean-Pierre Lafrance.

L’œuvre et la vie de Nicole Brossard m’attirent… depuis quarante-six ans, simplement parce qu’un certain été, nous avons partagé une baie, un lac. Et c’est à elle, à elle seulement, que j’ai osé montrer mon premier roman. Peut-être a-t-elle oublié, elle a sûrement oublié. Mais moi, pas.

vendredi 6 février 2015

De la musique intérieure pour écrire

Quand je suis dans l’organisation des jours à venir, des achats à noter, des voyages à préparer, mon esprit est rationnel. Froid. Mon langage direct. Mon cerveau, une armoire compartimentée. Et ça avance d’un pas assuré.

Mais je ne sais plus écrire. 

Pour écrire, pour imaginer, je dois m’abandonner au temps. L’oublier. M’en détacher. Ne plus être dans aucune organisation, aucun agenda, aucune obligation. Mon esprit doit flotter, ici et maintenant, se promener dans un ciel bleu pur et qu’aucun bruit ou nuage-obstacle ne viennent le déranger. Que naisse une petite musique au bout de mes doigts. Au moins les premières notes, et, avec un peu de chance, suivront quelques lignes ou peut-être même quelques pages. 

Écrire, c’est comme méditer. Il faut que viennent des souvenirs d’émotions et ensuite seulement, les voir, les sentir et les faire revivre dans des corps de personnages. En tout cas, c’est ma façon. 

Aujourd’hui, troisième tentative pour la quatrième de couverture : résumé et biographie.

Besoin d’aide, de temps, de silence. J’ai fait brûler de l’encens. Furent brûlés en même temps le doute, l’éparpillement. Furent fermés les tiroirs inutiles. Furent calmées mes propres émotions. 

Et la musique vint.

vendredi 23 janvier 2015

De la révision du manuscrit
Les têtes bouclées

Petite pause de corrections des Têtes bouclées (prochain roman à paraître à l'automne 2015 pour ceux et celles qui ne le savent pas).

Quand c’est rendu que tu veux redevenir le professeur que tu as déjà été plutôt que l’élève que tu ne cesseras jamais d’être, il vaut mieux arrêter, reposer tes neurones. À l’étape où j’en suis, c'est-à-dire relire posément les suggestions de la réviseure-directrice-littéraire (avec qui je m’entends super bien, que je respecte, que j’admire, faut-il le mentionner) et les appliquer ou non, c’est une perte de temps de vouloir lui expliquer, à distance qui plus est, comment je pense, comment j’ai construit mon roman. La phrase qui est en train de devenir un classique chez les auteurs : « si la réviseure n’a pas compris, le lecteur ne comprendra pas ». Et comme, au moment de la lecture, l’auteur n’est pas là pour expliquer comment il a raisonné au moment de l’écriture... Maladroit, reformuler, transition. C’est imprécis à la page 174, ce n’est pas à la page 182 qu’il faut lire l’explication. Et le lecteur, lui, ne sait pas que telle phrase est écrite parce qu’il y aura un lien dans le tome 3. Il n’a pas à le savoir. 

Alors, tu laisses l’ancien prof de côté, son orgueil compris. Tu redeviens l’élève qui doit recommencer son devoir. Penser autrement, recomposer ta petite musique, avec les mêmes notes, mais de façon plus harmonieuse. Trouver les fameuses transitions manquantes et en trouver des pas trop clichés.

Avant de sombrer dans le doute, prendre une pause. Ne pas lire surtout ni roman québécois ni aucun, même pas un de ces mauvais dont parle souvent Dany Laferrière. Reste concentrée. Et puis, si l’impatience te venait, regarde la couverture. Si belle, si réussie. Regarde le contrat signé. Pas de quoi déprimer, c’est certain. Encore un peu de temps et tu vaincras.

Ne pas t’attarder au fait que tu es une femme et que ton personnage principal est un homme. Ce n’est pas ce que tu avais prévu quand tu as commencé cette histoire, mais maintenant, il est là, il s’est imposé. Il aura la voix qu’il aura, il s’en est satisfait, lui, pourquoi pas toi ? Ne pense pas au lecteur qui le remarquera sûrement, ça le dérangera peut-être, peut-être non. Tu n’es pas Flaubert qui a réussi sa madame Bovary, et alors, tu n’as pas à l’être. Pense à la couverture que tu aimes tant, laisse-la t’inspirer. 

Cesse d’être avocat du diable. Utilise tes neurones pour trouver de nouvelles scènes. Allez, courage, tu as connu tellement pire. Le plus facile est derrière toi, certes : les fautes d’orthographe disparues, les rares anglicismes ont été vus et corrigés lors de la deuxième version, la déficiente concordance des temps et l’accord des participes passés sont moins flagrants qu’au premier roman et donc rapidement corrigés ? L’émotion a l’air de passer puisqu’il n’en fut pas question. Tu es passée du point A au point B. Encore un peu de temps, encore un peu d’efforts et tu te rendras au point C.

N’aimes-tu pas jouer avec les mots ? Va faire ce que tu aimes le plus : écrire. Bon, d’accord, c’est plus difficile de réécrire, mais ce n’est finalement qu’un déplacement des mêmes vingt-six lettres de l’alphabet ! Et puis, c’est une histoire d’amour, une relation père-fille. Ça te va comme un gant. Il suffit que tu joues avec les blocs et que tu les déplaces un peu, que tu y mettes de l’ordre. Pas l’ordre que tu as dans ta tête, en ordre pour que le lecteur, tous les lecteurs comprennent ou au moins se retrouvent un tant soit peu dans l’histoire, peu importe comment ils pensent, de quel sexe ou de quel âge ils sont. 

Bon, ça va mieux, la pause est finie ? On y retourne?

vendredi 16 janvier 2015

De la beauté de mon hiver... au Québec

Il y eut la tuerie à Paris, il y eut Je suis Charlie. J’ai regardé, écouté, j’ai ressenti l’injustice, la colère. La peur surtout. On ne peut pas réagir à tout, s’intéresser à tout, écrire sur tout. Ne me viennent que rarement des mots pour les morts, même proches. Pas plus pour les fêtés. Alors j’ai attendu. J’ai continué à vivre, à m’intéresser à la culture, aux voyages. 

Et à cet hiver que j’aime bien.

Malgré le vent glacial, malgré la neige à pelleter, je sors dehors presque chaque jour. En bas de la petite côte qui mène à une forêt d’aulnes, de bouleaux et d’épinettes, à l’abri du vent, je parcours les sentiers que j’entretiens avec amour depuis des années.

Et j’oublie l’injustice, la colère et la peur. Je respire. Je cherche la mésange et le lièvre. Je suis toute joie quand je trouve des baies rouges. J’admire les effets du soleil sur les branches glacées et enneigées. Je ne sens aucun besoin d'aller dans le sud... pour l'instant.

Je vis. Pendant que je peux. 

mercredi 14 janvier 2015

Nouvelle adresse

Petit billet court, plus de détails ultérieurement.
Vous ne verrez pas la différence à moins de regarder l’adresse URL en haut de votre écran.
Mon adresse falstrault-lamarche.blogspot.com est devenue www.claude-lamarche.com
C’aurait pu être facile, c’aurait pu prendre une petite heure, mais finalement deux jours plus tard, tout est revenu à la normale. 

Merci à Pierre H. Charron pour son aide, à Steve T de Funio mais aussi à J.-P. Casavant de Internet Papineau.

À bientôt. Parce qu’entre temps, j’ai reçu les corrections de la réviseuse pour mon roman Les têtes bouclées, alors il y a plus important qu’une simple adresse changée.

samedi 3 janvier 2015

Trois auteures pour une lectrice

Parce que je lis, parce que j’écris, parce que j’ai marché une heure — même si j’aurais bien aimé que ce soit en raquettes, au moins en forêt, ma forêt — parce que le silence est revenu après les chansons et les rires, je suis bien. Plus que bien, heureuse, de belle humeur. Plus que « Bonheur du jour », je voudrais trouver un titre plus révélateur de mon état. Une métaphore. Comme Lynda Dion dans son tout nouveau blogue. D’ailleurs cette écrivaine québécoise, c’est ma cerise sur le sundae, l’étoile en haut du sapin de Noël, mon sourire large et reconnaissant.

Le début de ce bonheur-du-jour a commencé fin novembre, dans une librairie. À l’achat de Bad girl de Nancy Huston. Voir billet du 28 >>>. Sauf qu’à la moitié du livre, j’ai dû me faire violence pour arrêter, pour lire des livres de bibliothèque — papier et numérique— délai de trois semaines oblige. J’ai repris le Huston après Noël, l’ai terminé, satisfaite, vaincue. En me pressant un peu parce que je savais — j’espérais— qu’au jour de l’An, Écrire la vie d’Annie Ernaux m’attendrait. Vaincue oui, parce qu’entre le livre et moi, entre la lectrice et l’écrivaine que j’essaie d’être, c’est souvent la bataille. Laquelle gagnerait, laquelle s’avouerait vaincue, laquelle reconnaîtrait que l’auteure n’aurait jamais pu écrire ce que la lectrice est en train de lire, même si elle aurait bien aimé tellement elle se sentit proche de cette écriture, proche du vécu du personnage. Que la lectrice fut tenue en haleine, émue bien souvent, et a réduit l’auteure au silence et à l’admiration. Sans juger, sans critiquer, sans chercher la petite bête noire. Sans non plus se sentir complètement nulle, sans non plus qu’elle soit tellement vaincue qu’elle renonce à jamais à écrire elle-même. Donc, j’ai fini de lire Bad girl, et j’ai même pardonné à Nancy Huston (et/ou son éditeur) ce titre anglais alors que « La mal-aimée » aurait très bien fait l’affaire, selon moi. C’est la seule petite voix qui s’est fait entendre, mais une fois le livre ouvert, pendant qu’elle tournait les pages, qu’elle était ravie de la mise en pages et bien concentrée dans l’histoire de Doritt (bizarrement, j’ai écouté la série La petite Dorrit de Charles Dickens à Radio-Canada entre Noël et le jour de l’An), la petite voix s’est tue, n’a plus rien dit. Conquise.

Alors, quand arrivèrent les mille pages d’Annie Ernaux, la vaisselle, le lavage, le budget furent rapidement expédiés, les émissions de télévision oubliées et la lectrice déjà bouche bée, les mains ouvertes, le cœur prêt à l’abandon se cala dans son fauteuil et partit à la découverte de cette auteure dont elle n’avait lu qu’Une femme et dont elle n'avait gardé — comme il arrive bien trop souvent — qu’un vague souvenir… d’avoir aimé ça.

La lectrice que je suis en était là de son plaisir encore ce matin, après la lecture du chapitre photojournal, après sa marche quotidienne quand sur Facebook, elle vit le nom d’une écrivaine québécoise dont elle a tant aimé les romans. Cherche vainement quand j’en ai parlé. Il est impossible que je n’en ai point dit un mot sur mon blogue. J’ai tellement aimé, me suis identifiée. Grâce à Louise Falstrault, artiste peintre, j’ai connu son père artiste peintre aussi, Eddy Dion. Ingrate. J’ai pourtant parlé d’Hélène Dorion, de Louise Dupré et elle, que j’ai lue à la même époque, au soleil, me semble-t-il, point de traces ? Je me reprends donc: sur Facebook, Lynda Dion, puisque tel est son nom, annonce qu'elle a créé son site et intégré un blogue. Depuis le temps que je cherche des blogues d’auteurs, féminins en plus, et Québécoises. Il y en a peu. Je me précipite, je dévore, je cherche les mots que j’ai aimés dans La maitresse et La dévorante. Je trouve. Différents, mais tout aussi personnels. 

Est-ce moi qui les cherche, est-ce moi qui les réunis, mais dans les mots de Huston, d’Ernaux et de Lynda Dion, le même "je", le même intime, le même personnel. Je ne dirai pas autofiction ni autobiographie, c’est au-delà. N’a plus d’importance de limite, de frontière et encore moins d’étiquette, de classe, de catégorie.

Trois auteures qui me parlent d’elles. Et moi, je suis devant un miroir qui me renvoie ma propre image, devant une plage où je vois mes traces, devant des pages où je me reconnais, devant un calepin où se mêleront des notes de lectures, des mots à écrire, à retenir, à publier peut-être. 

Alors Huston au revoir, au prochain, Annie Ernaux ma joie pour l’hiver et Lynda Dion, chaque fois qu’elle le voudra bien, je vous suis toute reconnaissance de me montrer qui vous êtes pour apprendre qui je suis.