samedi 12 novembre 2016

De mots et de chiffres

Pour moi, les mots seront toujours plus significatifs que les chiffres. Les chiffres, pour qu’ils représentent quelque chose, doivent être comparés. Je suis de celles qui croient qu’on peut faire dire ce qu’on veut aux chiffres. Employés seuls, ils ne m’impressionnent pas vraiment. 

Huit ans.
215399 pages vues.
643 messages.
71 abonnés.

Je ne dis pas que je ne les utilise ni ne les regarde, mais comme la bourse, je ne les consulte pas tous les jours. Le seul chiffre qui me dit quelque chose, c’est le « huit » dans « huit ans ». Repère du temps. Comparaison : huit ans, âge de ma petite-nièce = jeune. Huit ans pour un blogue dont on donne la moyenne de publication à cinq ans = pas trop mal. Huit ans dans ma vie personnelle, si je recule en 2008, j’étais encore dans la cinquantaine, mon père était décédé, mais pas ma mère. Je n’avais pas eu le cancer, sujet que j’ai refusé de laisser filtrer sur mon blogue. Je travaillais à l’écriture de ma trilogie irlandaise, je travaillais fort à la faire publier. C’aurait été si facile de la publier comme un blogue, en auto-édition. En cinq minutes, elle aurait été sur la blogosphère. Je ne regrette pas d’avoir attendu l’éditeur.

Les pages vues, le nombre de messages, faudrait que je compare avec d’autres blogueurs pour savoir si j’en ai plus ou moins. Et même là, qu’est-ce que ça change dans mon plaisir de tenir ce blogue? Rien. Je continuerai à mon rythme. Bien sûr si je n’avais vraiment plus de lecteurs du tout, aucun commentaire jamais (sur Facebook, parce que sur nos blogues, ils ont considérablement diminué depuis l’arrivée des réseaux sociaux), je repartirais peut-être en croisade pour m’en trouver quelques-uns. Quant aux abonnés, certains datent du début et je les soupçonne de m’avoir oubliée depuis belle lurette, d’autres que je ne connais même pas. Passée de mode, cette méthode d’inscription.

Donc, on laisse tomber les chiffres. Même les images passent avant eux. Quand je rêve, je rêve des images, des phrases. Des chiffres, jamais.

Les mots alors. Quels chemins ont-ils empruntés? Qu’ont-ils voulu dire au début et quels sujets les intéressent maintenant?
Au début, il y eut De nos pinceaux et de nos stylos publié sous le nom de domaine falstrault-lamarche.blogspot. Nous devions écrire à quatre mains ou en tout cas ratisser le secteur de l’écriture et celui de la peinture. Et comme autant Louise Falstrault que moi avions rédigé et produit pendant de nombreuses années le Guide touristique de la Petite-Nation, nous comptions bien continuer à parler des événements et des créateurs de notre région bien aimée.

Finalement, peu à peu, même si à l’occasion je parle de l’artiste ou du Centre d’action culturelle de la MRC Papineau dont elle fait partie, seuls mes intérêts personnels pour l’écriture, la lecture, la généalogie sont devenues les principaux sujets des billets. Et j'ai changé le titre, je ne sais trop en quelle année… Laisser des traces. Et j’ai acheté mon nom de domaine claude-lamarche.com.

Au début, je pensais m’en tenir au langage web : contenu informatif, liens hypertextes, utilisation de mots-clés, visuel agrémenté de photos ou d’illustrations. Comme j’avais vingt ans d’infographie dans le corps, je n’ai pas eu trop de difficulté avec ces « règles ». Je me suis même familiarisée assez rapidement avec le langage html (j’en suis encore là d’ailleurs!) ne serait-ce que pour ne pas avoir ces très laids « leave a comment » « leave a reaply » « read more » que Wordpress laisse sans honte, mais que Blogger nous permet de corriger facilement. Mais pour ce qui est des sujets d'informations, pour ce qui est d’éviter que le blogue ne devienne un journal d’états d’âme, j’ai failli. Et je m’en porte très bien. Après tout, je ne tiens pas ce blogue pour grossir mes revenus, pas de patron à qui plaire. J’écris ce que je veux, comme je veux et quand je veux. D’autant que je ne suis pas la seule, ce qui me conforte dans mon choix.

L’avenir? Un avenir que je ne chiffre évidemment pas. Ce qui me titille depuis quelques mois : je voudrais n’avoir qu’un site-blogue. Le mettre au goût du jour aussi. Combien de fois ai-je changé le « look » en huit ans? Souvent. Et si je m’étais écoutée, plus souvent encore. Le graphisme de mon site et de mon blogue sont vraiment obsolètes. Pour l’instant, j’ai un site : despagesetdespages.com que j’ai monté bien avant le blogue. Au temps où Sympatico nous donnait 5 Mo gratuitement et ça nous suffisait. Au temps où ma connexion Internet me permettait tout au plus d’envoyer une photo de 800 octets. Combien m’en faut-il aujourd’hui? Je ne saurais dire. Au temps où je montais quelques pages avec Frontpage qui me permettait en même temps de me familiariser avec le langage html. Il y était question des Éditions de la Petite-Nation pour lesquelles je travaillais, de la région. En passant au logiciel WebCreator (qui n'est pas parfait, mais lequel l'est?) j’y ai ajouté mes recherches en généalogie, mes comptes-rendus de voyage et finalement mes publications.

Mais pour n’avoir qu’un seul site qui soit à la fois site et blogue et même plus blogue-actif que site-qui-ne-bouge-plus, Wordpress conviendrait mieux. Il me faudrait soit une formation de deux-trois jours, soit un technicien capable de jumeler les deux noms de domaines, migrer le blogue sans rien perdre de ces huit ans de billets, de photos et si possible de commentaires. Bref, refaire la structure. Étant donné la vitesse à laquelle la technologie évolue, je ne me sens pas la compétence pour y réussir. J’aurais bien trop peur de créer un embrouillamini monstre, duquel je ne saurai me dépêtrer. Et même si je préfère les mots aux chiffres, je ne voudrais pas non plus que ça me coûte les yeux de la tête, cette refonte. Donc, pour l’instant, je cherche, j’étudie et j’attends la bonne personne. 

En conclusion, je commence ma neuvième année. Bon d’accord c’est un chiffre, il ne veut rien dire, mais écrit en lettres, est-il plus significatif? J'écoute la musique du mot... comme dans neuvième de Beethoven. Joli, non?

Et pour votre blogue, comptez-vous les années, les abonnés, les pages vues?

samedi 29 octobre 2016

Le blogue: danger d'accoutumance
ou écrire pour le simple plaisir
de publier un billet aux dix jours

Émotion d’auteure en lisant la première impression de Dominique Fortier quand elle a reçu le Prix du Gouverneur général pour son roman Au péril de la mer :
« Chaque fois que je termine un livre, je suis certaine que c’est le dernier. Ou qu’il n’intéressera personne. » 
Parce que je sais fort bien que mes romans n’auront jamais la qualité, ni la promotion, ni le tirage, ni les prix que les siens ont depuis quelques années. « Je connais ma classe, je connais mon rang » disait Flore dans le téléroman Le parc des Braves. Alors comment peut-on à ce point, Dominique Fortier et moi (déjà, apposer son nom à côté du mien!) ressentir la même chose, avoir déjà dit les mêmes mots? Comme si justement nous étions de la même classe et du même rang. Il faut croire que je n’ai pas encore compris (que je ne comprendrai peut-être jamais) que j’ai tout faux en termes de comparaison. Classerai-je toujours, jusqu’à la fin de ma vie, les gens, les créateurs surtout, comme si j’étais encore à l’école : premier, deuxième, dixième et dernier? À toute évidence, ce que l’on ressent n’a rien à voir avec la quantité, la visibilité ou la qualité d’une œuvre.

Pourtant, en théorie, je le sais que tous les êtres humains, où qu’ils vivent, quoi qu’ils fassent, peu importe leur âge, leur race, leur couleur peuvent ressentir la même chose. Peut-être que cette phrase de Dominique Fortier m’a frappée encore plus ces jours-ci parce que 1 — je révise mon manuscrit, donc je suis auteure toute la journée. Même quand je ne suis pas devant mon écran, j’y pense. La nuit, je me réveille, avant même de regarder l’heure, je replonge dans mon roman et je trouve des phrases, je cherche la métaphore ou un meilleur enchaînement. Le soir en regardant la télévision, telle phrase prononcée par un acteur me fait sauter d’un bond de mon fauteuil. Une idée vient de surgir, une phrase s’impose, je dois la consigner. Auteure vingt-quatre heures je dis. Tou-te-s les auteur-e-s deviennent donc membres de ma famille auxquels je m’identifie, auxquels je me compare, avec qui j’entre presque en relation.

Parce que 2 — mon roman Les têtes bouclées est finaliste au Prix Coup de cœur littéraire de l’Outaouais. Deuxième fois seulement que je suis confrontée (je sens que ce n’est pas le bon mot à employer, mais c’est le premier qui m’est venu à l’esprit, inconsciemment je serais « aux prises avec une situation difficile »?) à ce genre de situation. En 2011, Le roman Les têtes rousses était finaliste au prix littéraire Le Droit (journal de l'Outaouais et Est Ontarien), pas gagné. Cette année, Les têtes bouclées n’ont pas été finaliste au prix du Droit, mais le roman a été retenu par un jury pour le Prix Coup de cœur littéraire de l’Outaouais décerné par l’Association des auteurs et auteures de l’Outaouais. Comme disent tous les finalistes de tous les concours, j’ai déjà ma récompense d’avoir été choisie par un jury. Flattée, encouragée. Grand sourire.
Le gagnant ou la gagnante sera choisie par les votes des lecteurs dans les bibliothèques. 
Le résultat du vote sera connu le 18 novembre.

De plus, ce prix (du public en quelque sorte) sera remis lors des Culturiades de l’Outaouais (soirée de reconnaissance pour les créateurs professionnels et les organismes artistiques et culturels de l’Outaouais) où d’autres prix seront également remis, mais eux, par vote d’un jury. De quoi mêler tout le monde. Mais de quoi avoir une plus grande visibilité également.

D'ici là, quoi? Attendre? Même pas. Inviter les lecteurs et les lectrices à aller voter? Mais encore? Insister? Pas mon genre. Donc rester soi-même. Oublier. Vaquer à mes habituelles occupations. 

Si, entre la nomination et le résultat du vote, il n’en était plus question, je l’oublierais presque, mais de voir son nom (à côté de tous les finalistes des Culturiades) chaque semaine dans un journal, dans un hebdomadaire, dans une infolettre, sur Facebook de l’entendre par des amis, de leur dire que non, je n’ai pas gagné, je suis « juste » finaliste, de voir la petite boite de vote à la bibliothèque, de voir les gens s’approcher, demander c’est quoi cette boite, cette affiche… bref, ça donne de l’importance au prix. Ça ravive… ça ravive quoi en fait? C’est ce que je ne sais pas vraiment. Pas clairement. 

J’en parle pour en parler. Pour écrire un billet parce que ça fait une dizaine de jours. Comme un manque. Pour donner des nouvelles. En réalité, je ne sais pas quoi en penser. Je ne sais pas vraiment ce que je ressens. Et est-ce si important de savoir?

J’ai mieux à faire en poursuivant la révision de mon roman. Ma priorité. Même si, souvent, écrire non plus je ne sais pas trop pourquoi!

Avez-vous déjà été finaliste? Qu'avez-vous ressenti? 

mardi 18 octobre 2016

Walt Disney, il y a dix ans!

Il y a dix ans, quelques jours avant l’Halloween, donc fin octobre, j’étais à Walt Disney, une des premières grandes sorties de mon Pruneau, ce véhicule récréatif dont je n’aimais pas la couleur ni la forme, mais que j’ai adoré pour ce qu’il m’a permis de voir, de vivre. 

Ce matin, un caravanier me rappelait ce voyage et voulait voir mes photos. Oups, photos disparues sur mon site de voyage. Sans doute bien d’autres liens obsolètes (avant les noms de domaines, vous rappelez-vous les geocities.com, les 5 Mo gratuits de Sympatico?). À cette époque (dix ans en technologie équivalent bien à trente ans de vie), j’utilisais Picasa. Bien occupée à vivre un bel été, je n’ai pas vu passer l’avis disant que Picasa-album-web fermait en mai 2016. Archives paraît-il dans Google-photos. Sauf qu’entre-temps, toujours technologie oblige, mon courriel de xittel n’est plus fonctionnel et je m’embrouille dans mes comptes Google. Bref, plus de photos. Rien ne se perd, paraît-il, sur ce web universel, sauf que je ne retrouve rien. Heureusement, j’ai mis en pratique ce que je n’ai jamais cessé de dire à tout le monde : tes photos d’abord sauvegardées chez vous. Sur disque dur, CD, clé USB, qu’importe, mais en ta possession, pas dans les nuages. 

Fouille intensive, je finis par trouver. Pas le texte, pas les légendes, mais au moins les photos. 

Pendant le tri et le redimensionnement, je m’attarde à revivre ces beaux moments. Dix ans! physiquement, je n’ai pas trop changé. De lunettes, de couleur de cheveux, mais le reste, assez semblable. Comme je pense descendre dans le sud bientôt, peut-être pourrais-je y retourner, à ce Walt Disney enchanteur, qui représente les vacances, le plaisir, l’oubli, le laisser-aller? 

J’aimerais bien. 
Femme de devoir, je travaillerai plutôt mon manuscrit. Mais je me suis fait plaisir, le temps d’un après-midi venteux et pluvieux. Voici donc un album sans paroles d’une semaine en octobre 2006.

Lien vers le site de mes voyages>>>
Si vous voyez d'autres liens inactifs, n'hésitez pas à me les mentionner.

jeudi 6 octobre 2016

Octobre: mois de récolte

Pendant des années, des douze mois de l’année, ce fut le mois d’avril qui retenait mon attention, qui embellissait mes meilleurs souvenirs, ne serait-ce que parce que je suis née au mois d’avril. Mais depuis quelques années, je dirais plutôt que c’est octobre. Le 7 encore plus particulièrement. Des événements, dont un au moins aurait pu être plus joyeux, mais tous furent forts, marquants.

L’adage qui dit jamais deux sans trois, dans mon cas serait plutôt, cette année du moins, jamais deux sans cinq. Et le mois n’est pas fini.

Un mois de récolte. Abondante cette année.

1er octobre : annonce dans un journal que mon roman Les têtes bouclées est finaliste au Prix Coup de cœur littéraire.
3 octobre : Dans le bulletin de l’Areq Petite-Nation, septembre 2016, Irénée Monfils a écrit un petit billet sur mes deux romans.
3 octobre : nouvelles de l’éditeur au sujet du prochain roman Les têtes dures, rendez-vous pris, le 14, avec la directrice littéraire qui me suggérera des corrections. Révision et peaufinage en vue.
5 octobre : message privé sur Facebook d’une blogueuse qui veut me rencontrer pour ses premiers billets sur Les têtes bouclées, finaliste au Prix coup de cœur. Rendez-vous au téléphone pris pour le 11.
6 octobre, conférence au Centre d'archives nationales de l'Outaouais sur mes recherches qui ont mené à la publication des deux romans.
Si je retourne en arrière, le 7 octobre 2011 : sortie en librairie des Têtes rousses (et biopsie au sein, mon cerveau a plutôt retenu cette dernière nouvelle qui m'ôtait toute envie de  fêter)
Le 8 octobre 2015 : sortie en librairie des Têtes bouclées.

Je ne cherche pas l’explication à cette accumulation de dates autour de mes romans, mais je constate.
                    « Le hasard, ce sont les lois que nous ne connaissons pas. »
Émile Borel 
Et alors que je croyais avoir mis un point final à mon dernier roman et passer à autre chose que l’écriture stressante de fiction, je vois bien que cela ne signifie pas pour autant le point final des livres. Ils ont une vie propre ces petits fruits!

Les lecteurs qui désirent voter — et peut-être gagner 500 $ — pour le Prix Coup de cœur, rendez-vous à votre bibliothèque municipale. Vous y verrez une belle affiche (illustrateur: Christian Quesnel, celui-là même qui a aussi illustré Les têtes bouclées) et les coupons de participation sont déjà rendus, me dit-on.

Personnellement, mon panier de récolte est déjà bien rempli. 

mercredi 5 octobre 2016

Louise Falstrault: vingt ans de passion

Lors de son souper-bénéfice, le samedi 5 novembre 2016, le Centre d’action culturelle de la MRC Papineau présentera, entre autres activités, une rétrospective de la carrière de Louise Fasltrault.


Vingt ans. Si on considère que sa première présence publique a eu lieu en décembre 1996, à la une du journal La Petite-Nation, cahier des Fêtes, cela fera vingt ans en décembre.

Mais bien sûr, elle avait commencé à peindre avant. L’artiste, qui n’a jamais souhaité se mettre de l’avant, ne considérait pas ses tableaux du dimanche comme des œuvres vendables. À peine montrables. Vingt ans plus tard, il lui arrive encore de le penser. Mais elle ne regrette rien de ses choix, elle ne renie rien de son parcours qui l’a menée bien loin de sa Petite-Nation inspirante.

Avant même d’écrire, comme tous les enfants, elle dessinait ou plutôt, elle coloriait. Jouer avec les couleurs, sa force, son plaisir. Peintre d’atmosphères plus que de lieux, l’artiste a toujours su comment les mêler pour créer des clairs-obscurs. Au pinceau d’abord, à la spatule ensuite, mais à l’huile, toujours. Sauf pour ses tableaux abstraits.

Dès qu’elle a fait construire son atelier, en 1996 justement, elle a senti qu’elle quittait l’amateurisme et acceptait enfin de montrer ses tableaux. Et même de les vendre. Elle se joint à d’autres artistes peintres de la région comme Louis Boekhout, Marthe Blain, Jean-Yves Guindon, Lise Poirier. Elle multiplie les expositions et, en même temps, elle se sent un devoir de communauté, elle cherche à faire connaitre la région de la Petite-Nation. Aller ailleurs, mais aussi faire venir les intéressés, les amoureux de l’art. Louise Falstrault sera dans les fondateurs des Créateurs de la Petite-Nation, dont les tournées ont eu leurs jours de gloire avec souvent plus de 2000 visiteurs pendant la seule fin de semaine de la fête du Travail. 

Les meilleures années, elle peint plus de 150 tableaux qu’elle expose sur les cimaises des galeries d’art d’Ottawa, de Montréal, de Baie Saint-Paul et même de Calgary. Elle participe au symposium de Montebello, de Port-au-Persil, de Kamouraska, et surtout celui qu’elle n’oubliera jamais, dont elle parle encore, celui de Baie-Comeau. En compagnie d’artistes peintres, elle apprend, elle partage. Elle se fait des ami-e-s. Et elle peint encore et toujours. 

Depuis quelques années, l’artiste a ralenti le rythme, elle est rentrée chez elle. Son sens du communautaire, son besoin d’aider la collectivité et de participer au développement des arts, la conduit à s’engager au Centre d’action culturelle de la MRC Papineau.

En une dizaine de tableaux et en quelque quatre-vingts photos numérisées (diaporama ci-dessous), les convives présents au souper-bénéfice du Centre d’action culturelle pourront prendre connaissance des vingt ans d’une carrière qui, comme toute celle des créateurs, ne finit jamais. Un parcours qui bifurque, qui va ça et là, en plus petits pas, qui va moins loin, mais pas moins passionnée. Tout aussi colorée, toujours.

Pour prendre part au souper-bénéfice du Centre d’action culturelle de la MRC Papineau, on peut se procurer, les billets par courriel à centreculturel@videotron.ca ou par téléphone au 819 983-2027.

Les vingt ans de carrière de Louise Falstrault

jeudi 29 septembre 2016

Du style, de la ponctuation et des jugements

Quand donc ces virgules sont-elles devenues des points? Par quelle glissade les pronoms ont-ils disparu? Quand donc, les écrivains ont-ils passé outre les règles qu’ils ont apprises au primaire : sujet-verbe-complément. Une virgule et non un point avant mais-ou-et-donc-car-ni-or?

Je n’ai rien vu venir. Où est-ce arrivé en premier? En France, au Québec? Sûrement pas aux États-Unis. Quoique je ne lis je n’ai lu que des traductions, genre John Grisham, Jeffrey Archer. Qui fut le premier ou la première qui a osé? Qui a choisi la liberté comme le jour où on a décidé de « reconstruire » un dessert, qu’il soit pouding chômeur ou savarin. 

Je ne suis ni professeur ni étudiant à la maîtrise. Lectrice et observatrice seulement. Je tire donc aléatoirement, tout en ratissant large. Aussi large que mes lectures me mènent. Comme je ne suis plus à l’âge d’un cours universitaire pour étudier l’évolution du style littéraire, je folâtre ou feuillette dans plus accessible, là où je me fais croire que je n’ai pas d’âge : sur Internet. Je lis ailleurs, je cherche, je farfouille, je lis autre.

J’ai eu un haut le cri quand j’ai lu voulu lire Le jeune homme sans avenir de Marie-Claire Blais sans point aucun pendant des centaines de pages. Ou sans paragraphes.
Ce serait donc toujours ainsi, l’émergence de ces sons, ces images, quand, pensait Daniel, tout spectacle de la douleur vous pénètre, fût-elle celle que subissait un moineau, un poussin appelant sa mère quand le balayait la poussière des rues, tout enfant, si petit soit-il, de cet univers souvent en détresse, réclamait le cœur aussitôt perforé de Daniel, son regard haletant, cette patience bien qu’inutile, laquelle semblait sans limites, de voir et de souffrir par l’autre, même l’infiniment petit dans sa lutte, ainsi dans cet aéroport dont on venait d’annoncer la fermeture, les vols sans départs ni arrivées, on ne savait encore pour combien de temps,
À ne point pouvoir lire du Marie-Claire Blais, j’ai appris plus sur la lectrice que j’étais (et que je suis encore un peu) que l’auteure qu’elle est devenue. Et je m’en désole. 

Et puis quelques années plus tard, j’ai lu facilement La dévorante de Lynda Dion qui a utilisé le même processus. Je comprends donc qu’on ne peut pas aimer toutes les musiques.

Si je comprends bien l’écriture a suivi la musique : on écrit comme on joue. Comme on l’entend, comme on lit. Visiblement.

D’autres, comme Marie NDiaye dans Les trois femmes puissantes, jouent encore selon la méthode classique. Et appassionato.
Était-ce parce que cet homme débraillé avait perdu toute légitimité pour porter sur elle un regard critique ou déçu ou sévère, ou parce que, forte de ses trente-huit ans, elle ne s’inquiétait plus avant toute chose du jugement provoqué par son apparence, elle se dit en tout cas qu’elle se serait sentie embarrassée, mortifiée de se présenter, quinze ans auparavant, suante et fatiguée devant son père dont le physique et l’allure n’étaient alors jamais affectés par le moindre signe de faiblesse ou de sensibilité à la canicule, tandis que cela lui était indifférent aujourd’hui et que, même, elle offrait à l’attention de son père, sans le détourner, un visage nu, luisant qu’elle n’avait pas pris la peine de poudrer dans le taxi, se disant, surprise : Comment ai-je pu accorder de l’importance à tout cela, se disant encore avec une gaieté un peu acide, un peu rancuneuse : Qu’il pense donc de moi ce qu’il veut, car elle se souvenait de remarques cruelles, offensantes, proférées avec désinvolture par cet homme supérieur lorsque adolescentes elle et sa sœur venaient le voir et qui toutes concernaient leur manque d’élégance ou l’absence de rouge sur leurs lèvres.
Et puis il y a écrire comme on parle. La déesse des mouches à feu de Geneviève Pettersen.
C’était toujours pareil : ma mère sautait sur mon père, il la laissait s’énerver pis fesser un peu, pis il l’accotait dans un mur pour l’arrêter. Là, elle devenait encore plus folle. Elle lui crachait souvent dans les yeux pis elle le traitait de noms. Après une couple de minutes, elle finissait par se calmer. C’est là que mon père la lâchait. Il la laissait aller tranquillement parce que des fois elle faisait semblant d’être calme pour pouvoir lui en recrisser une.
Je ne conclus rien, je ne juge point, j’observe, je l’ai déjà dit. Nous (les auteurs québécois) n’en sommes plus à chercher notre identité, nous nous sentons universels, même si quelques Français – académiciens, libraires, éditeurs, journalistes — nous jugent encore à l’ère folklorique et croient que nous sommes mi-américains mi-français dans notre écriture, comme en tout. On n’a plus de preuves à fournir. On peut écrire comme on veut pourvu que les éditeurs veuillent bien nous publier et les lecteurs nous lire.

Quant à moi, même si j’ai quitté les bancs d’école il y a une bonne quarantaine d’années, je vois bien que je traîne encore ce préjugé défavorable pour tout ce qui n’est pas classique et soigné.

Mais justement, je me soigne, comme on dit. En cherchant des extraits pour ce billet, je vois que la lecture est encore la meilleure guérison : plus je lis, plus j’accepte les styles familiers, moins je classe, moins j’étiquette. Le plaisir seul guide mes choix et j’oppose à mes vieux jugements un peu d’ouverture d’esprit. Et je ne ferme plus un roman seulement parce que j’ai vu le mot « canceller », pas plus que je fermerais le livre si un jour j’aperçois « kiffé la teuf! » (aimer la fête, m’a appris Anne-Marie Beaudoin-Bégin dans La langue rapaillée) ou de lire les jeunes jouer au « gouret de salon » dans un livre étasunien traduit en France.

Je ragerais, je soupirerais, je sourcillerais, mais je poursuivrais. Ce que je n’aurais pas fait il y encore quelques années.

Et puis, dans mes recherches, j’ai constaté, une fois de plus, que d’autres ont déjà réfléchi à la question. Là>>> Ils ont même abordé les nouvelles technologies en abordant l’écriture du web et ces raccourcis des gazouillis dit twits : # et @ auxquels je m’habitue mal, faute de les utiliser. C’est comme les textos à la télévision : comme si je portais mes lunettes toute la journée. Grrr….

Et pourquoi pas une fin ouverte, sans conclusion. Parce qu’il n’y en a pas. L’écriture est sans fin.

dimanche 25 septembre 2016

Huston, Didierlaurent et Ouellette: bonheur de lire

Commencer la lecture d’un livre est toujours un acte qui me remplit de bonheur. C'est choisir de voyager vers un pays dont on a plus ou moins entendu parler, mais qu’on n’a jamais visité. 

Anticipation.

Il y eut d’abord la curiosité insatiable, la joyeuse fébrilité, la savoureuse attente.
Il y eut même avant l’écoute : quelqu’un — une blogueuse, un lecteur, un critique, qui en a dit du bien. Si la personne n’avait pas aimé, j’aurais quand même été intéressée de me faire ma propre idée.
Un couteau à deux tranchants que cet avis d’aimer ou ne pas aimer. On risque d’être déçu, de se demander ce que l’autre a bien pu trouver dans ce roman.
Il y a les préparatifs : où on le lira, quand, comment. Un café ou un cahier de notes sur la table. Ou les deux. La lecture de la quatrième de couverture, peut-être même un petit coup d’œil dans Google pour connaitre l’auteur-e. 
Et finalement on plonge. Soit les premières pages sont un délice et me voilà partie pour un temps que je ne verrai pas passer, soit les premières pages me laissent plus songeuse que ravie et déjà les questions surgissent et le doute s’infiltre : je poursuis ou j’abandonne?

En ce qui concerne Le liseur de 6 h 27, j’ai délaissé après le premier chapitre. Mais seulement parce que L’empreinte de l’ange de Nancy Huston a gagné en intérêt. Je croyais l’avoir lu il y a une bonne dizaine d’années. Il faut croire que non. Je n’aime pas tous les livres de Nancy Huston ou plutôt — parce que tout ne se résume pas à j’aime ou pas —, ils ne m’intéressent pas ou ne me touchent pas tous au même degré. Je bute sur certains, tel Les variations Golberg, et je plonge délicieusement dans d’autres, dont Bad Girl, Instruments de ténèbres. Et L’empreinte de l’ange.

Mon propos dans ce billet, ce n’est pas de résumer ce que je lis ni de rédiger une critique. Il suffit de «googler» un titre pour avoir des centaines de critiques très bien faites par des lecteurs, des blogueurs et quelques journalistes. Personnellement, je me sers de mon blogue pour essayer de comprendre ce que je ressens. De dire ce qui me passe par la tête, tout simplement. Un blogue d’états d’âme, j’avoue. Bien égoïstement.

Donc l’histoire : Safie, la bonne Allemande qui, paf, comme ça, tombe en amour d’un seul regard (un peu invraisemblable, non? Mais qu'est-ce que j'en sais moi... ce n'est pas parce que ça ne m'est jamais arrivé...), le flûtiste voyageur Raphaël qui, lui aussi, désire la jolie blonde aussitôt engagée, et le luthier hongrois Andras. Une femme silencieuse, un homme patient, un amant juif.
Je lis rarement pour l’histoire, mais si le style me happe, me retient, m’entraîne. Et écriture rare, me semble-t-il, l’auteure-narratrice parle de l'histoire dans l'histoire, et la fin surprend en ce sens.
«Mais, si c’est le cas, ça s’est passé en dehors de l’histoire. La vérité de l’histoire, c’est qu’elle [Safie] a disparu.»
L’important c’est que si les émotions sont présentes, l’histoire m’intéresse. Ce fut le cas. 

Et je suis revenue au deuxième chapitre du Liseur de Jean-Paul Didierlaurent. Nouvel auteur pour moi. Éloge d’une membre de mon Cercle de lecture. Une fois passée l’impression de décousu entre des courts textes lus à haute voix dans un transport en commun et la longue description d’une machine qui détruit des livres, c’est l’originalité des personnages qui m’a captivée. Un gardien qui parle en alexandrin, un ex-employé qui cherche — et trouve — ses jambes coupées ont été plus intéressants que le liseur lui-même. Humour léger qui fait du bien. Lecture pour laquelle on n’a pas besoin de se casser la tête ni même d’avoir du silence autour de soi. Lecture très agréable.

Normalement, j’aurais dû passer au troisième livre emprunté à mon Cercle de lecture : Survivre, survivre de Michel Tremblay. Ce fut sans compter la rentrée littéraire qui annonce la venue prochaine du tome 5 de la série Feu de Francine Ouellette. « Je le veux, je le veux, j’ai tellement aimé les quatre précédents. Fais-le venir à la bibliothèque » entendis-je aussitôt l’annonce faite. 

Ah! mémoire, mémoire, tu me fais défaut. Oui, je me rappelle d’en avoir parlé. Je me rappelle qu’il s’agissait d’une saga historique qui se passait dans ma région, qui remontait au temps de Champlain et des Algonquins. Mais c’est tout. 
Je m’empresse donc d’aller voir à la BANQ pour rafraîchir cette mémoire défaillante. Les quatre tomes sont réservés jusque tard en octobre. Il reste la bibliothèque municipale. Oh! bonheur (toujours ce bonheur de trouver un livre comme un cadeau de fête), les deux premiers tomes y sont. 
Je feuillette, je consulte les cartes, je vois des noms, tels Tessouat, Oueskarini, Kichesippi, Petite-Nation, La lièvre, l’Outaouais bien sûr. Depuis longtemps, ces noms me sont familiers parce que mon père a écrit sur l’histoire de la Petite-Nation. 

J’aime beaucoup l’écriture de Francine Ouellette : riche, fluide, soignée. Le lecteur entre dans la tête et le cœur des personnages. Rien à voir avec l’Histoire apprise à l’école: les bons Hurons d'un côté, les mauvais Iroquois de l'autre et surtout, les Robes noires qui possèdent LA Vérité. Un roman, mais très documenté, très fouillé, très réussi. Qui me donne envie de canoter sur la rivière du Lièvre et celle de la Petite-Nation pour suivre les traces de Loup-Curieux ou Lynx-des-Neiges.

Tout comme L’empreinte de l’ange, je croyais avoir lu. Peut-être le premier tome seulement? Réussirai-je à lire les quatre tomes avant la sortie du cinquième?

Écriture-facile va se taire un peu et va retourner à sa lecture.

lundi 19 septembre 2016

Eh! oui, en parler encore!
Du livre bleu, des Lynch, des Deguire, de l'Irlande


Ce n’est pas ma première, mais ça fait longtemps. Ma première avec fichier Power Point, oui. Pour parler devant un groupe, je suis plutôt de la génération du tableau noir. 

Donc, dans le cadre des « Belles soirées du CRAO (Centre régional d’archives de l’Outaouais) », je donnerai une conférence le jeudi 6 octobre 2016 à 19 heures, à la Maison de la culture de Gatineau.

Le sujet : De l’Irlande en 1847 à Notre-Dame-de-la-Paix, en Outaouais

Résumé :
De l’Irlande à Grosse-Île à Saint-Henri, de Saint-Laurent jusqu’à la Petite-Nation en Outaouais, il sera question des Irlandais Bushell et Lynch, des sœurs de Sainte-Croix et des Deguire, patronyme de la mère de Claude Lamarche. Celle-ci, plus romancière qu’historienne, présentera ses recherches qui l’ont conduite à la rédaction des romans Les têtes rousses et Les têtes bouclées. Le troisième, Les têtes dures, est en cours d’écriture.
Je suis prête. J’ai visionné mes diapositives sur un grand écran, elles sont de bonne résolution. Dix-neuf pages de texte que je relirai une fois ou deux pour les apprendre plus ou moins par cœur. En m’efforçant de ne pas parler trop vite — vilaine habitude prise depuis ma toute petite enfance comme si en parlant plus vite j’allais dire plus de phrases —, je devrais m’adresser à l’auditoire au moins quarante-cinq minutes.

Et puis, honorée qu’on me l’ait demandé. Toujours agréable de sentir qu’on vous apprécie, que quelqu’un pense qu’on peut être intéressante. C’est Raymond Ouimet qui en a parlé au Centre d’archives, organisateur des « Belles soirées ». Sauf que Raymond, lui, ce soir-là, ne pourra pas venir vérifier s’il a bien fait de proposer mon nom. Il sera lui-même conférencier dans le cadre du programme « Écrivain en résidence à la bibliothèque de Gatineau ». 

Une conférence, c’est écrire encore un peu. Écrire pour parler. Et puis, parler des recherches qui ont mené à l’écriture de romans, c’est replonger dans ses souvenirs, fouiller dans les boîtes d’archives. Dans ces papiers que l’on a pu avoir envie de jeter après usage. Surtout après que les livres aient été publiés. Parce qu’on croit que ça ne servira plus. J’ai bien fait de n’en faire rien. La mémoire, la mienne en tout cas, est un placard dans lequel, sans m’en rendre compte, je fais souvent et rapidement du ménage pour laisser place à de nouvelles informations, de nouvelles lectures, de nouveaux souvenirs.

Alors, j’ai remonté des boîtes rangées depuis longtemps, j’ai replongé dans les arbres généalogiques établis en 2004, dans les images, dans l’histoire de l’Irlande. Quand j’ai commencé à écrire sur mes ancêtres, je ne pensais pas que la publication tarderait tant à venir, mais je pensais encore moins que douze ans plus tard, je parlerais encore du livre bleu de ma grand-tante, de Bridget Bushell et de Denis Lynch. De l'Irlande. Quand je l’ai sillonné cette Irlande, en vélo, que je n’ai pas vraiment trouvé verte alors, je ne me doutais nullement que ce voyage, j’en parlerais encore quarante-cinq ans plus tard. 

Comme j’ai fini par croire ce que j’ai imaginé pour mes romans, j’ai quelque peu oublié la vraie histoire. Mais je ne suis pas là pour rappeler la vérité. Je ne suis pas historienne. Seulement retrouver le chemin qui m’a mené à l’écriture. Mais pas le temps des doutes, des questionnements ou les embûches d’édition, non, plutôt ranimer cette curiosité qui ne me quitte jamais. 

Et si possible,Du livre transmettre l’amour de la recherche, le plaisir de la découverte.

Lien vers le Centre d'archives de l'Outaouais >>>

mercredi 14 septembre 2016

À la manière de...

Dans mon salon, il y a des œuvres d’artistes peintres de la région. Des tableaux précieux, qui ont chacun leur histoire, leur raison d’être là. Ils ne sont pas à vendre. Il y en a deux qui sont encore moins à vendre parce que ce sont des « à la manière de ». Parfois, rarement, mais à l’occasion, à ses débuts surtout, l’artiste peintre de la maison, quand elle explorait, quand elle regardait ce qu’elle aimait, il lui arrivait de s’inspirer de tableaux d’autres artistes. Pas pour les sujets ou la composition, toujours pour les couleurs. Pour se faire plaisir, pour essayer, pour s’améliorer. Ce fut le cas pour ces oiseaux à la manière de Louise Lefebvre. C'est bien indiqué derrière les tableaux, pour qu'il n'y ait pas de confusion.

J’aimerais écrire à la manière de. 

Comme les jeunes auteurs qui écrivent comme ils parlent, comme ils pensent.
Comme ça vient. Ce n’est pas très littérature académique, mais ça punche, ça va direct à l’émotion. Comme j’aime.
Comme dans Chaque automne j’ai envie de mourir de Véronique Côté. Entre autres.
Je le fais déjà dans ces billets. Je crois. Un peu.

Aujourd’hui, il serait question de discipline.
Ce serait le mot du jour. Le mot du mois. Pour moi en tout cas. Discipline comme dans c’est le mois de septembre, le mois qui signifie la fin de l’été, les vacances sont finies, même si je suis plus ou moins en vacances à l’année. Je pense que mes années d’école ont laissé une empreinte chronobiologique sur mon comportement. L’esprit follet en moi sent le besoin d’être dompté. Ramasser mes jouets d’été. Revenir aux tâches domestiques délaissées les derniers mois.

À la manière du personnage de l’Euguélionne de Louky Bersianik, j’écrirais :
La lunde, tu époussettes, tu passes l’aspirateur, tu laves les planchers.
La marde, tu tonds le gazon, tu ramasses les aiguilles de pin.
La mercrède, tu fermes la piscine, tu sors la poubelle bleue.
La jeude, tu vas chercher les légumes d’Équiterre et la viande à l’épicerie.
La vendrède, tu nettoies le four de la cuisinière et tu sors à l’extérieur pendant deux ou trois heures pour ne pas respirer l’odeur désagréable. Tu pars la hotte et le ventilateur parce qu’infailliblement le détecteur de fumée va te casser les oreilles.
La samède, tu budgètes et tu laves les vêtements.
La démanche, tu prends congé après avoir sorti la poubelle verte.

Discipline aussi dans mes lectures. Me restreindre à un livre à la fois, finir un avant d’entamer un autre, comme il fallait finir notre assiette avant le dessert. Moins courir après les nouveaux titres. Au besoin, délaisser les réseaux sociaux et les médias pour ne pas se laisser tenter. Surtout en septembre quand la manne est abondante.
Faire mes devoirs. Noter mes impressions sur les livres lus (ou plutôt ouverts, feuilletés, parfois délaissés) les six dernières semaines. 
Pour le club de lecture de ce soir, me restreindre à un ou deux : Le ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras et L’araigne de Henri Troyat. Ou peut-être Le mystère Henri Pick de David Foenkinos. Pas seulement improviser et me limiter à quelques impressions. Penser à résumer et en parler de façon positive. À la manière de Nathalie Gagnon, blogueuse de Madame lit. Elle sait si bien rendre ses lectures intéressantes.

Oui, à la manière de.

mercredi 7 septembre 2016

Premières lectures de septembre

Après un voyage trépidant sur et près de la mer québécoise, après une fête familiale réussie, après une sortie culturelle pendant la fin de semaine de la fête du travail, ce qui m’a rappelé les quinze tournées endiablées des Créateurs de la Petite-Nation, je rentre dans mes terres. Retour à la tranquillité, à la normale, aux activités routinières, et donc à la lecture.

Avant la ruée vers les nouveautés, le difficile choix. Tout me tente. Comme une première année dans une nouvelle école où toutes les options sont possibles, toutes les avenues sont invitantes. 

Parce que la mer n’est jamais bien loin dans mon esprit et pour prolonger mon voyage d’août: Chroniques au long cours d’Isabelle Autissier. Des mots de mer, des voiles qui claquent, de folles sarabandes, le vent qui «chante, sifflote, gronde, grogne». Des images de vagues, d’îlots, de mouettes et de goélands. 

Et puis dans La Presse+, quelqu’un dit avoir aimé Le ravissement de Lol V Stein de Marguerite Duras. Une auteure qui m’intrigue. Quitte à passer pour complètement béotienne (j’exagère comme toujours, question de trouver entre deux extrêmes, une position mitoyenne), je confonds encore Marguerite Yourcenar et Marguerite Duras. Et comme j’ai été incapable de terminer la seule œuvre que j’ai lue de la première, Mémoires d’Hadrien, j’hésite, je dois me concentrer pour me souvenir que j’ai bien aimé la seule œuvre que j’ai lue de la deuxième, L’amant. Cette confusion n’a pas disparu même si j’ai lu des biographies de l’une et de l’autre. Mais chaque fois qu’on nomme un titre de l’une ou de l’autre, qu’on dit avoir aimé ou détesté, je me laisse à nouveau tenter. Au moins feuilleter. Ainsi, après avoir lu les premières pages, j’ai téléchargé la version numérique de Lol V. Stein. Et j’aime bien. Je reconnais cette écriture « nouveau roman », que j'ai vu aussi chez Annie Ernaux. «Une écriture brève, sans grammaire, une écriture de mots seuls. Des mots sans grammaire de soutien. Egarés. Là, écrits. Et quittés aussitôt.» comme l’écrit Duras elle-même.

Des phrases heureusement courtes parce qu’avec toutes les virgules et les incises, on pourrait s’y perdre facilement. Et je sais alors que c’est Duras et non Yourcenar à qui j’associe un style plus essayiste, plus distancié, plus recherché. Retiendrai-je cette fois que Duras se lit facilement et rapidement, d'autant que les « je » et les « dit » sont redondants?

Mais dans La Presse+ aussi, je lis la chronique cinéma. J’ai lu que Léa Pool est en train de faire un film avec le roman de Sophie Bienvenu, Et on pire on se mariera. J’ai donc relu quelques extraits pour me rafraîchir la mémoire. Me suis souvenu avoir lu, avoir aimé. Ouf, je peux passer au suivant! Dans le même journal, il était question du roman Réparer les vivants de Maylis de Kerangal. «Une splendeur» d’après Marc-André Lussier, le journaliste. Il ne m’en faut pas plus pour me précipiter, une fois de plus, vers la BANQ. Exemplaire disponible. Exemplaire téléchargé.

Tout le contraire de Marguerite Duras.

Cette fois, en deux pages, l’auteure a utilisé plus de mots — nouveaux pour moi —, des noms et des adjectifs surtout, que je n’utiliserai probablement jamais dans toute ma vie.
« Il se retourne vers la côte comme il aime toujours le faire avant de s’éloigner davantage : la terre est là, étirée, croûte noire dans des lueurs bleutées, et c’est un autre monde, un monde dont il s’est dissocié. La falaise dressée en coupe sagittale lui désigne les strates du temps, mais là où il se trouve le temps n’existe plus, il n’y a plus d’histoire, seul ce flot aléatoire qui le porte et tournoie. »
Mais j’aime aussi comme on peut aimer deux musiques fort différentes, opposées, une minimaliste, l’autre polyphonique. Chacune nous emmène dans des contrées plus ou moins étrangères. Je m’aperçois une fois de plus que je lis souvent plus pour le style que pour l’histoire. C’est l’écriture qui me décidera à poursuivre ou non. Rarement l’histoire, puisque de ce côté-là tout ou presque a déjà été abordé. Et tout ne m’intéresse pas, mais par le style, l’auteur peut ou non m’amener dans des zones où je n’irais pas spontanément.

Dans les résumés, il est écrit que Réparer les vivants, c’est l’histoire d’une transplantation cardiaque. Il suffit de lire les premières pages ou feuilleter et lire quelques extraits pour comprendre que c’est tellement plus, qu’on est loin d’une simplr salle de chirurgie. Le cœur devient un personnage avec son propre voyage, son propre questionnement. Et je le répète, pour qui aime les mots, une richesse de vocabulaire qui offre un style imagé comme j’en ai rarement vu-lu.
« Le cœur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d’autres provinces, ils filaient vers d’autres corps. Que subsistera-t-il, dans cet éclatement, de l’unité de son fils? Comment raccorder sa mémoire singulière à ce corps diffracté? Qu’en sera-t-il de sa présence, de son reflet sur Terre, de son fantôme? »
Si au début, j’alternais entre les trois romans, j’ai dû calmer mes ardeurs et mes envies. J’ai finalement délaissé les Chroniques au long cours dont la lecture n’était qu’un prolongement de mon voyage au bord de la mer. D’autres horizons se dessinaient. Un moment, il faut bien cesser de regarder les photos et quitter les plages de galets. Étant donné le style aéré, Le ravissement de Lol V Stein a vite coulé entre mes mains, et il me reste donc le plaisir jubilatoire d’une lecture lente du roman de Maylis de Kerangal. 

Tout juste le temps de le terminer avant le vent des nouveautés. 
Déjà Autopsie de l’enfance disloquée me tente, après avoir lu le billet de Dominique Blondeau.


jeudi 1 septembre 2016

Reflux de vague

En vue d’une conférence, je remonte dans le temps, je tentais alors
désespérément,
en tout cas, de toute ma petite expérience,
bon, ne soyons pas trop humble, disons moyenne,
de faire publier mes histoires chez un éditeur reconnu.
Reconnu au Québec à tout le moins,
Je visais Montréal pour tout dire.

Comme dans mon roman, il était question d’histoire et de généalogie, Septentrion était tout indiqué.
C’était avant la collection Hamac,
et avant mon blogue.

C’était en 2006.
Dix ans plus tard, j’ai réussi à publier mon histoire.
Pas à Montréal, mais qui le sait?
Qui sait où les éditeurs établissent leurs bureaux.
L’important, c’est la distribution des livres.
Qu’on les retrouve partout.
À Montréal, à Amos, en Gaspésie.

Dix ans plus tard, j’ai aussi un blogue.
Mais comme pour mon roman, ai-je les mots
suffisamment intéressants,
judicieusement choisis,
forts
percutants
joyeux ou tristes
un style, un thème?
Pour qu’une maison d’édition s’y intéresse?

En fait, le rêve de tout artiste, tout créateur…
Enfin je pense,
je pense que tout le monde pense comme moi
C’est d’être désiré, remarqué, voulu, choisi.
Pour mon roman, un éditeur a voulu.
Je lui en suis encore reconnaissante.

Septembre, le mois des rentrées.
J’ai l’impression de regarder
les élèves, les professeurs entrer à l’école.
J’ai déjà été de ceux-là.
De regarder aussi
les auteurs annoncer fièrement, fébrilement, timidement leur lancement
les éditeurs faire la promotion de leurs nouveaux titres.
Septentrion ou plutôt la collection Hamac-carnets sort Une fille qui louche de la blogueuse Sylvianne Blanchette.
Un blogue qui n’a pas quatre ans.
Un blogue qui n’a pas de nom de domaine.
Ah! l’apparence!
Comme s’il y avait une recette gagnante : si tu es sous Wordpress, si tu as un nom de domaine, si, si, si…
Non, le texte d’abord. Le propos. Tant mieux. C’est l’important.
Enfin je suppose.
Il faut.
Je lirai, j'ai déjà commencé. J'aime.

J’ai l’impression d’être sur la touche.
J’ai pris un coup de vieux, de vieille.
J’ai les cheveux blancs de l’auteure qui écrit depuis bien longtemps.
Nostalgique, envieuse un brin même si je n'ai pas de raison de l'être.
Le sourire d’un clown triste.
La baraque sous un jour gris. On m'a planté un clou dans le coeur.
Reflux de vague, après dix-sept jours de mer azurée.
Chavirement.


De l’autre côté de la clôture.
De l’autre côté du banquet.
Ce n’est pas vendeur, c’est dépassé, ça n’intéresse personne.

Pourtant
j’ai une conférence à préparer.
j’ai une fête du livre à organiser.
Déjà une date retenue en mai pour aller parler de mes livres.
Et un courriel bientôt m’apprendra peut-être
qu’on aime mon troisième tome,
qu’on veut le publier.
Le temps ne s’arrête pas qu’en septembre.
Et puis, il y a tous ces livres à lire. Les librairies débordent.
C’est la rentrée, c’est l’abondance.

vendredi 26 août 2016

Après le Bella Desgagnés encore la mer

Après une semaine qui nous a paru le double tellement nos sens (note de 200% pour la vue, et 200% pour le goûter) ont été flattés, nous n'avions aucune intention de rentrer dans le train-train quotidien. À défaut d'avoir encore un service de trois repas gastronomiques par jour, nous avons goûté à la mer en faisant un tour rapide de la Gaspésie, au pays de l'épilobe aux teintes rosacées. Ce n'était ni la première ni la dernière fois. Se lasse-t-on de la mer, des vagues parfois paresseuses, parfois furieuses, de l'odeur du varech, de la brume matinale, des oiseaux et des mammifères marins? Pas moi qui vis entre forêt et champs.

jeudi 25 août 2016

Croisière sur le Bella Desgagnés

Du lundi soir 8 août au lundi matin 15 août, j’étais sur le navire ravitailleur Bella Desgagnés

Voyager, c’est découvrir et admirer de nouveaux paysages.
C’est entendre des accents tantôt chantants, tantôt rudes comme les galets.
C'est rire avec les autres voyageurs.
C’est écouter les histoires et les plaintes des gens de la place. Essayer de comprendre leur parcours, leurs espoirs, leurs revendications.
C’est comparer avec nos propres opinions, et finalement les trouver parfois semblables, ces opinions sur la politique municipale, provinciale ou fédérale.
C’est dormir au son des vagues, mais aussi au bruit des moteurs.
C’est se gâter, se reposer.

Et rêver. Mais cette fois, je n'ai pas eu le temps ni le loisir de rêver. J’aurais voulu que la poésie des lieux m’inspire des mots jolis. Des mots de mer, d’îles, de tourbières et de vents.
Ne vinrent que ceux du pratique, du réel, de la conversation sociale. Pourtant, des mots affluèrent, des nouveaux ou rarement employés dans mon Outaouais agricole, comme chicoutai, crâbe, timonerie.

Pendant le voyage, j’ai écouté, vu, ressenti. Je fus émerveillée de tout parce que tout était nouveau.
C’est au retour quand je viens pour commenter, pour écrire les légendes des photos que je m’aperçois que je n’ai pas tout retenu. Que je ne sais pas tout. Que je ne sais rien. Que je ne peux pas parler à la fois de l’histoire, de la culture, de la langue, de la géologie, des pêches.

Donc, ci-après un album photo qui ne dit que le survol de cette croisière sur un bateau qui ravitaille la Basse Côte-Nord et Anticosti. Des impressions. Que le beau. D’ailleurs nous avons eu beau temps. Un petit dix minutes de pluie à Blanc-Sablon. Qu’une petite nuit de roulis, presque un bercement. Pas de mal de mer ni de vagues fracassantes.
Et pas de photos des repas alors que ce fut une des principales attractions du voyage. Un régal offert à des yeux ébaubis, une fête visuelle et gustative trois fois par jour.
Et pas de photos du personnel au sourire charmant, à l'accueil chaleureux, au travail professionnel.

C'est maintenant que l'imaginaire prend la relève et tout ne semble que rêve.

Pour en savoir plus, plusieurs sites donc ceux-ci:

Après la croisière, nous avons poursuivi notre voyage par un rapide tour de la Gaspésie, ce qui fera l'objet d'un prochain album.
Veuillez excuser la largeur de cet album, mieux adapté à mon site de voyages.



jeudi 4 août 2016

L'attente, quarante ans plus tard

Le manuscrit Les têtes dures est parti chez l’éditeur.
Après la solitude de l’écriture, la collaboration pour les corrections, vint l’attente.
En bon bélier ou en bon tempérament bilieux, je déteste détestais attendre.
Mais je n’ai plus cet âge pressé de vivre qui n’a pas de temps à perdre.

Radotons un peu pour qui connait ma vie. À 26 ans j’ai voulu voir si je pourrais devenir écrivain. Je pris donc un an de congé sans solde (qui s’est avéré être deux, finalement) et j’ai écrit. Quand je réussis à envoyer un premier manuscrit, au lieu d’attendre les réponses des éditeurs sans rien entreprendre d’autres projets, je retravaillai un premier manuscrit écrit à dix-neuf ans. Puis coup sur coup, la deuxième année, je passai ces temps d’attente en rédigeant deux livres jeunesse. Les quatre livres parurent et eurent un certain succès, mais je dus quand même retourner travailler. 

Puis, pendant vingt ans, je suis devenue graphiste et monteuse en page. Tout en écrivant dans mes temps libres. Et comme je publiais en auto-édition (ou plus précisément chez une maison d’édition que ma famille avait fondée), finie l’attente. Au moins dans ce domaine précis.

En recommençant à vouloir publier chez des éditeurs reconnus, j’acceptai ce stress supplémentaire. Mais dès que la signature du contrat pour Jacques Lamarche, un homme, une époque, trop heureuse de renouer avec la publication, c’est avec enthousiasme que j’entrepris les recherches pour ce qui allait devenir ma trilogie irlandaise. je n'eus donc pas l'impression d'attendre.

Et là, j’ai frappé un mur. Une muraille de Chine d’attente et de patience, de doutes et de questionnement. C’était en 2004. Je cherchais un éditeur, j’ai attendu des commentaires, des lettres, des appels, des courriels, des corrections, des commentaires encore. J'attendais surtout un contrat.

Nous sommes en 2016 et le troisième tome ne paraîtra vraisemblablement pas avant 2017 minimum. Et cette fois, je n’ai pas d’autres projets de livre à écrire. Et je n’en veux pas. 

Quarante ans plus tard, je n’ai plus les mêmes besoins ni les mêmes rêves d’auteure. Et j’ai prouvé que si je n’ai pas le tempérament pour attendre, j’ai celui de la patience, de la persévérance, voire de l’entêtement.

Alors, ce ne sera plus réellement de l’attente, pas stressante en tout cas, ni remplie de doutes, ni les yeux rivés sur mes courriels ou, pis, sur le répondeur comme lorsque nous attendons l’appel d’un hôpital. Cette attente-là aussi je l'ai connue, bien pire que toutes les autres, mais là n'est pas mon propos d'aujourd'hui.
Je retournerai à ma liseuse qui n’est jamais bien loin. Je voyagerai, j’irai voir la mer. Je profiterai de ma piscine encore quelques semaines. Le 12 août j’achèterai un livre québécois. J’irai au restaurant avec des amies. Je fêterai quelques vierges de ma famille. Je discuterai passionnément de littérature, de lecture et de langue française avec les membres du Cercle des mots écrits.

Et quand la directrice littéraire m’écrira pour me dire qu’elle est prête pour la correction des Têtes dures, je dirai simplement « prête ». Et mon cœur ne battra pas à cent trente à l’heure. Peut-être un peu plus que mon soixante-douze habituel!

Et vous, comment trompez-vous l'attente?

vendredi 29 juillet 2016

La fin du roman

Version bêta. Lecteur-lectrice bêta : je ne m’attarderai pas à cette drôle d’utilisation du mot « bêta » qui, utilisé seul, comme nom ou adjectif, signifie « un peu bête » alors que collé sur « version » ou « lecteur » se change en réviseur, testeur, donc qui demande une certaine intelligence.

Toujours est-il que pour mon futur roman Les têtes dures (soyons confiante que le titre tienne jusqu’à la parution), j’ai fait appel à une nouvelle lectrice bêta. Elle achève de lire le manuscrit. Déjà, à vingt pages de la fin, je l’ai entendu me dire : 
J’en veux encore. 
Triste, ça achève. 
On sent que tu précipites la fin. 
On dirait que tu veux en finir. 

Et tutti quanti.
J’ai déjà entendu un éditeur me passer les mêmes remarques.
Mais bien sûr que je veux en finir.

Les premières fois, je paniquais un peu. Je le prenais comme un reproche. Comme une correction à apporter, comme une amélioration à prévoir. Si trois personnes notaient les mêmes observations, je me disais qu’elles devaient avoir raison. Je me creusais la tête : comment allonger, quoi ajouter? Et pourquoi imaginer d’autres intrigues, je les ai toutes résolues. Quant à aligner des mots pour la seule satisfaction de l'insatiable appétit des lecteurs... 

En tant que lectrice, il m’arrive moi aussi d’en vouloir encore, de trouver que c’est précipité. Je sais maintenant que l’auteur a fait le tour, a bouclé la boucle. Comme un bon repas, il ne faut pas s’empiffrer, il faut se laisser un temps de digestion et qu’il nous reste cette impression d’en vouloir encore. Le repas n’en est que meilleur dans notre souvenir. Rester sur son appétit n’est pas nécessairement mauvais. D’autant que mes romans ne sont pas des policiers, je n’ai pas de meurtriers à livrer. Que des intrigues à clore. C’est fait.

En tant qu’auteure, maintenant, je me dis bravo tu as réussi : ils en veulent encore, ils voudraient que ça ne finisse pas. Ils continueront l’histoire dans leur tête. Ainsi, leur plaisir de lecture perdurera quelques jours. Pour les deux tomes précédents, je pouvais toujours donner l’excuse qu’il y aurait une suite. Pas cette fois. 

Reste à savoir si aux prochains commentaires de bêta-lecteur ou d’éditeur, je saurai m’affirmer.

Je me rappelle l’admiration vouée à Simone de Beauvoir à la question de l’éditeur « pouvez-vous le réécrire »? Elle a tenu le coup, elle a répondu « Non » et l’éditeur a publié tel quel. C’était L’invitée, son premier roman publié. Quelle hardiesse!

Si l’éditeur me demande de rallonger la fin, d’ajouter quelques scènes, saurais-je dire : non. Ou au moins : « si vous trouvez que c’est précipité, c’est que, selon moi, c’est réussi ».

Je ne suis pas Simone de Beauvoir. En revanche, ce n’est pas mon premier roman. Mon dernier plutôt.

lundi 18 juillet 2016

Impressions de lectures

Long billet, mais vous pouvez ne lire que ce qui vous intéresse.

Pendant l’écriture d’un roman, j’essaie de moins lire pour que, devant la beauté et la richesse de l’écriture des auteurs lus, je ne sombre pas dans le doute. 
Mais une fois le roman écrit, même s’il reste révision, correction, peaufinage, je me permets un peu plus de lecture. 
Visiblement la fin du printemps et le début de l’été m’ont apporté l’occasion de butiner dans plusieurs plates-bandes : du conte, aux nouvelles en passant par l’essai. Tiens, tiens, plus d’auteurs français que québécois, choix surprenant de ma part.

Je n’ai jamais prétendu faire de la critique littéraire. Sur Babelio (lien à la fin), et sur de nombreux blogues (voir mon dernier billet pour connaître ceux que je consulte régulièrement), vous en trouverez plusieurs, et des très pertinentes.
Personnellement, je dirais que j’écris mes impressions.
Donc, les voici.


Trois femmes puissantes, Marie NDiaye
Auteure : complètement nouvelle pour moi. À voir la couverture et le patronyme, je croyais à une Africaine. Mais non, l’auteure est de mère française et de père sénégalais, elle est née en France et y a vécu. Donc aucune comparaison avec d’autres écrits d’elle. Que la recommandation d’un membre de mon Cercle des mots écrits.

Lu en entier ou en partie : le livre est divisé en trois, trois personnages, j’ai lu en entier la première et la dernière partie. En diagonale la deuxième. 

Genre : longues nouvelles qui n’ont pas de réel rapport entre elles sinon que ce sont trois Africaines qui s’efforcent de rester elles-mêmes dans un monde patriarcal et macho.

Impressions : Ce que j’ai aimé, ce sont les longues phrases. Tellement différentes du style du 21e siècle, qui bien souvent n’ont même pas de verbes et qu’un paragraphe tient en une ligne. Donc un plaisir fou de retrouver un souffle lent et une musique moins saccadée. 
La force du récit réside dans le caractère des femmes. La dernière surtout. Le choix de répéter son nom à maintes reprises permet de comprendre que le personnage tient à son identité, peu importe ce qu’elle devient, peu importe les souffrances qu’on lui inflige. 
Des portraits de femmes réussis. Qui résistent. 

Soie, Alessandro Baricco
Auteur : Je me souvenais qu’il était italien, je n’avais lu de lui que Mr. Gwyn que j’avais aimé sans plus. Mais, toujours au cercle des mots écrits, nous avons convenu de lire Les barbares de cet auteur pour ensuite en discuter en groupe. J’ai tenu à lire un autre livre de cet auteur.

Lu en entier ou en partie : lu en entier. Un petit 120 pages dont certains chapitres tiennent en quelques lignes. 

Genre : il est écrit roman sur la jaquette, mais on dirait un conte. Qu’importe l’histoire est jolie.

Impressions : L’histoire d’Hervé Joncour qui se rend périodiquement au Japon pour acheter des vers à soie et les rapporter dans son village. Il aime sa femme Hélène avec qui il vit, pas de doute, mais il se passionne pour une belle geisha qui ne dit pas un mot. C’est l’écriture qui nous porte à continuer, parce que l'intrigue, elle, est assez mince. Si vous pensez trouver des descriptions ou des odeurs du Japon, oubliez ce récit. Mais les petites deux heures que vous prendrez à lire ne seront pas perdues, et j’ai bien aimé ce petit livre tout plein de silences.

Une fille, qui danse, Julian Barnes
Auteur : Je ne connaissais pas. Le fait qu’il soit Anglais n’est pas pour me déplaire, j’aime bien voir si tel ou tel roman est d’un style différent selon le pays d’origine de l’auteur.

Lu en entier ou en partie : Lu en entier, mais suivant mes bonnes habitudes, les premiers chapitres, la fin et retour au milieu.

Genre : roman

Impressions : Une de mes amies m’a fait remarquer la virgule et depuis, elle me dérange, je ne vois qu’elle et la questionne. Si on met une virgule dans un titre aussi court et, de plus, sur deux lignes, ce qui à mon sens suffit à séparer les éléments, pourquoi pas un point à la fin alors? Une virgule bien inutile qui n’ajoute rien. 
Qu’importe. 
Une histoire d’amour, d’amitié. Trois gars, une fille. J’aime bien lire la version masculine d’une histoire d’amour. Son côté de la médaille à lui. Comment il voit les choses, les relations. Ce qu’il pense et ressent. J’ai été servie. Tony et Veronica en 1960, période que j’ai connue, même si ce n’était pas en Angleterre. À 60 ans, ce Tony reçoit une lettre notariée lui annonçant que la mère de Véronica — qu’il n’a vue qu’une seule fois —, lui léguant le journal intime d’un de ses copains. Suffisant pour revoir toute sa jeunesse et cette relation entre les trois amies… et Veronica. Une introspection détaillée, sentie où les regrets sont moins nombreux que les questions.

Mourir, mais pas trop, Agnès Gruda 
Auteure : Pour lire régulièrement La Presse, je connaissais cette auteure-journaliste. J’avais lu Onze petites trahisons, nouvelles que j'avais bien aimées.
Lu en entier ou en partie : En partie. Je commençais et si je n’accrochais pas trop, je sautais à la suivante. 
Genre : nouvelles qui ont toutes le lien de la mort… ou presque.
Impressions : Tiens là aussi une virgule dans le titre! J’ai trouvé certaines nouvelles très originales. Comme la dame qui va chez une notaire pour faire son testament et la notaire s’aperçoit que sa cliente lègue tous ses biens à… son propre compagnon de vie. Ou dans Rouge betterave, la vieille dame qui trouve que son petit-fils est tellement gentil, lui trouve toutes sortes d’excuses alors qu’il ne l’est vraiment pas, gentil!
Dommage que j'oublie rapidement les histoires, mais au moins je me souviens si j'ai aimé ou non.

La langue rapaillée, Anne Marie Beaudoin-Bégin
Auteure : Connue en tant que blogueuse, mais comme elle ne publiait plus de billets, je l’avais perdue de vue.

Lu en entier ou en partie : au complet, carnet de note à la main. Et même si j’avais déjà lu certains de ces textes dans son blogue, j’ai relu avec grand plaisir.

Genre : essai sur l’insécurité linguistique des Québécois

Impressions : ce fut un véritable coup au cœur, coup de poing, coup de massue, effet domino en ce qui concerne mes préjugés, mes certitudes. J’adhère à tout ce que Louis Corneillier a écrit dans le journal Le Devoir (lien à la fin).
Je retiens surtout qu’à l’oral, on peut se permettre bien des mots jugés familiers, ou néologismes ou carrément des mots d’une autre langue (comprendre l’anglais surtout) pourvu qu’on se comprenne. Le langage soigné, écrit, c’est autre chose. 
L’auteure émaille son essai de nombreux exemples et de savants raisonnements qui rend le texte accessible à tout le monde. 
De puriste fatigante qui voit des fautes partout, qui ne jure jurait que par le Multidictionaire de Marie-Éva De Villers, que l’insolente linguiste (son pseudonyme sur Facebook) va même jusqu’à contredire, eh bien, je vais calmer mes ardeurs et juger la langue française de mes compatriotes d’un autre œil. D’autant que finalement je la connais si peu. Ne plus demander que l’oral soit aussi soigné que l’écrit. 
Même si certains écarts de langage me hérissent le cœur, je serai plus tolérante, et je vais essayer de ne pas crier à la disparition de ma langue au moindre anglicisme. Elle évolue seulement. Et il faut qu’elle puisse le faire en toute liberté. 

Room, Emma Donoghue
Auteure : Le titre m’était plus connu que l’auteure qui est une Canadienne anglophone, née en Irlande.

Lu en entier ou en partie : Lu en trois coups. Premier coup, version numérique sur tablette, les nombreuses majuscules des noms que le petit bonhomme donnait à toute chose me dérangeaient visuellement. Comme quoi souvent, c’est un détail matériel, graphique qui me fait aimer ou non un livre. Deuxième coup, version papier, je recommence du début, mais décidément je ne parviens pas à passer outre le langage du garçonnet. Cette manie de nommer Monsieur Mur, Madame Table, Madame Lampe, etc. rend la lecture ardue. Le fait d’avoir lu sur l’événement qui a inspiré le roman, ça ne suffit pas à me faire poursuivre ma lecture. Troisième coup : après que d’autres lectrices m’en aient parlé de manière dithyrambique, je récidive, version numérique sur liseuse, et cette fois, je réussis à dépasser les pages agaçantes et je l’ai terminé en quelques jours.

Genre : roman

Impressions : Style original, vocabulaire particulier et tellement près de la réalité (des verbes conjugués comme seuls les enfants le font, exemple : « je m’ai fait mal ». Félicitations à la traductrice). Le fait que ce soit un petit garçon de cinq ans qui raconte donne toute la force au récit. Et ce qui m’a intéressée, ce n’est pas tant l’histoire du kidnapping et comment la mère et l’enfant s’en sortiront, mais c’est leur relation. Comment l’enfant pense, vit, réagit, enfermé depuis sa naissance dans cette toute petite cabane et que deviendra-t-il une fois au dehors, dans la vraie vie.

Mémoire de fille, Annie Ernaux
Auteure : Connue puisque j’ai lu Écrire la vie

Lu en entier ou en partie : en entier, mais des grands bouts en diagonale.

Genre : Autobiographie ou mémoires

Impressions : Ayant lu Écrire la vie qui comprend une douzaine de ses écrits les plus connus, je savais que je lirais surtout par curiosité. Je connaissais l’épisode choisi, cette année 1958, mais cette fois, elle a décidé de détailler, de fouiller, de regarder comme on regarde des vieilles photos et d’essayer de retrouver cette jeune fille qu’elle a été. Si elle, elle considère qu’elle n’a pas encore fait le tour d’elle-même, moi, je considère en avoir assez lu. Si un jour elle écrit sur quelqu’un d’autre, je lirai probablement parce que j’aime sa façon d’étudier les gens, mais sinon, je préfère connaître d’autres auteurs.

Le mystère Henri Pick, David Foenkinos
Auteur : Je connaissais ce nom puisque j’ai lu Charlotte.

Lu en entier ou en partie : en entier, mais, comme souvent, après quelques chapitres, j’ai été voir la fin avant de revenir pour le lire au complet.

Genre : roman

Impressions : Ce n’est pas parce que j’avais lu Charlotte que j’ai voulu lire celui-là, si, un peu. Ce n’est pas non plus parce que ses romans remportent des prix qui laissent supposer que sa prose est hautement littéraire. Simplement parce que j’ai lu (ou vu ou entendu, je ne me rappelle plus trop) cette phrase : « On croit que le Graal est la publication. Tant de personnes écrivent avec ce rêve d’y parvenir un jour, mais il y a pire violence que la douleur de ne pas être publié : l’être dans l’anonymat le plus complet. »
Sachant que c’était l’histoire d’un roman refusé, il est certain que déjà, je me sentais concernée. 
Les deux trois premiers chapitres ne m’ont pas convaincue : trop de noms, trop de détours. Et ces petites notes en bas de page, complètement inutiles selon moi, ont failli m’achever (je l’ai dit parfois, un détail de mise en page qui m’agace et c’en est fini de ma lecture). Mais une fois la phrase qui m’a attirée est arrivée dans le récit, j’ai lu le reste avec grand intérêt. 
Mais je ne suis pas certaine que les lecteurs et lectrices qui n’ont pas d’intérêt dans le monde de l’édition ou de l’écriture vont aimer connaître les doutes et les vicissitudes des écrivains.

Avez-vous lu certains de ces livres? Avez-vous aimé?

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