vendredi 12 août 2022

Mon 12 août 2022

 


Je n’ai jamais entendu ou lu le nom de cette auteure. Et la poésie n’a jamais été mon premier choix, mais depuis quelques années, je tente un rapprochement par l’avenue de la prose poétique.

Aussi quand Hugues Corriveau dans Le Devoir du 10 juillet a écrit un article à propos de Quand je ne dis rien, je pense encore de Camille Readman Prud’homme...
quand Daniel Guénette, dans Le blog de Dédé-blanc-bec — un titre qui ne dit pas tout le sérieux des billets — parlait aussi de l’intelligence de ce livre...
et sur le site leslibraires.ca, l’icône « OUI » est apposée...

Je n'ai plus hésité.
Quant au deuxième livre, cette fois ce fut le nom des auteures et le sujet qui m’ont guidée.

C’est le choix de mon « 12-août-j’achète-un-livre-québécois ».
Commandés à la Librairie Rose-Marie de Buckingham (Gatineau).



vendredi 5 août 2022

Depuis 50 ans

Même si je n’ai jamais tenu à souligner les anniversaires — le mien en tout cas —, je retiens tout de même quelques dates importantes.
Comme celle du 5 août 1972 quand je suis entrée par une fenêtre.

Mes maisons, mon histoire
Je devrais dire les maisons. Les treize premières sont les maisons de mes parents et non les miennes, mais elles forment tout de même la trame de ma vie. Elles disent mon enfance, mon adolescence. Les lieux habités, la langue parlée, les personnes aimées et... quittées.
Elles me servent encore de repère pour situer certains événements de ma vie.

Treize maisons, trois chalets en vingt-deux ans.
(Les photos proviennent soit d'archives personnelles soit de Street View)


Mes parents se sont connus et se sont mariés à Saint-Eustache-sur-le-Lac (devenue Deux-Montagnes). Après leur mariage, ils sont restés un temps au chalet paternel, vieux chemin Oka.
En 1948, ils ont déménagé sur la 30e avenue.
Quand je suis née, en 1950, ils étaient sur la 18e avenue.
En 1952, nous vivons quelques mois sur la rue Fleury, à Montréal
De 1952 à 1954 : au moins une maison à Niagara Falls, Ontario
Et puis ensuite...













En regardant les photos...
Pour chaque maison (sauf pour les deux premières dont je n’ai aucun souvenir), je pourrais écrire les rires et les larmes, les peurs et les audaces, les succès et les défaites, mais je me contenterai d’une image ou d’une scène marquante.

Niagara Falls : tout est en noir et blanc, une silhouette, quelqu’un passe rapidement devant la fenêtre. On me dira qu’un voleur est entré dans la maison.

Rue Saint-Germain : J’ai avalé un Life Saver. Je m’étouffe. Je tousse. L’ambulance m’emmène à l’hôpital Pasteur. Scarlatine. Au bout de vingt jours, par la petite vitre de la porte, mon père me fait signe. Bien avant la fin de la quarantaine, il me ramène à la maison, il n’en pouvait plus de me voir toute petite dans ce grand (et haut) lit blanc, m’a-t-il dit souvent.

Rue Du Collège : Mon frère et moi jouons à nous lancer une balle bleu blanc rouge. Commandant, le chien de mes grands-parents court après la balle. Dans la rue, je le vois se faire écraser. J’en rêve encore.

Chalet de Baie de l’ours : les longues baignades, les jeux sur la plage, les cousin.e.s, la messe à Montpellier, le magasin général Gagnon à Chénéville.

88e avenue : septembre, au retour d’un été au chalet. Sur le mur gauche de la maison, mon premier bicycle. Le premier d’une longue série.

Rue du Parc : Pâques. Chez les guides, j’ai gagné le gros lot : un gros lapin, quatre moyens, huit petits et une centaine de petits cocos. On casse, on choisit, on mange, on emballe, on congèle. Nous en aurons jusqu’en juin.

Chalet à Saint-Michel-de-Bellechasse : la longue plage à marée basse, tellement longue tellement bouetteuse que je renonce souvent à la baignade.

Rue Sainte-Marie : Une maison imposante. Les oreillons de mon frère. Ma mère pleure, la mort de mon grand-père.  

Rue Deguire : Ma mère est une Deguire, elle me rappellera que le grand-père de mon grand-père avait une belle terre à ville Saint-Laurent. Que deux de ses tantes étaient religieuses au couvent (collège Basile-Moreau). Encore aujourd’hui, je dis que je viens de ville Saint-Laurent : dix ans de ma vie quand même.

Chalets du Père Caron : les nouveaux amis du bout du chemin, les pique-niques aux chutes Lookbows, la descente de la rivière Petite-Nation en canoë (je ne savais pas alors que tout ça se retrouverait dans mes romans).

Rue Côte-Vertu : là où j’avais une grande chambre (mon frère et moi alternions à chaque déménagement, c’était mon tour, j’ai été chanceuse, je l’ai eue cinq ans), là où j’ai transformé mon garde-robe en bureau d’études et d’écriture, là où j’ai eu un piano pendant un an.

Baie de l’Ours : après une longue nuit de questions, j'ai dit oui au lac, oui à la campagne, oui à l’enseignement, mais aussi non à l’université, non aux bibliothèques municipales, non au théâtre. 


Les fenêtres : une ouverture vers l’imaginaire, la liberté, la fuite parfois.
Entrer par une fenêtre.
Une fois, à Lévis, rue du Parc, aujourd’hui avenue Arthur-Fafard, été 1963. Je suis en punition dans ma chambre. Trop choquée pour lire. Je veux m’enfuir, partir loin, m’évader. Maison à paliers, fenêtre à coulisse, je l’ouvre facilement, je sors, je cours, je m’éloigne. Je ne reviendrai qu’à l’heure du souper en entrant par la même fenêtre que j’ai laissée entrouverte. Ni vu ni connu ni entendu parler.

Une autre fois, à ville Saint-Laurent, Côte-Vertu, été 1966. Mes parents sont au chalet, j’ai manqué le train pour les y rejoindre, je décide de coucher à la maison. Je n’ai pas la clé. Je grimpe sur la selle de ma bicyclette, je m’accroche au long tuyau qui renferme les fils d’électricité (le rouge sur la photo), et je grimpe sur la galerie. Je réussis à ouvrir la fenêtre et je pénètre dans la maison. Le lendemain matin, je manquerai encore le train, mais c'est une autre histoire.

Et la dernière fois. Le 5 août 1972.
Après un voyage au Mexique, après un simple (et ingrat quand j'y repense) au-revoir-merci-pour-tout-je-vous-invite-bientôt à mes parents, je suis partie du lac Simon avec tout bagage ma couverture-doudou. Hâte de m’installer chez une amie qui veut bien de moi comme coloc. (« Soit j’ai un chien, soit j’ai une colocataire » m’a-t-elle dit. Elle a eu les deux!)
Sauf qu’elle n’a pas encore la clé de la maison qu’elle vient d’acheter. Elle pas pressée, moi si. Qu’à cela ne tienne, je lui offre d’entrer par la fenêtre (sur la photo d'hiver, la petite à gauche de la porte).
Ce que je fis.

L’adulte devenue a continué d’aimer le lac, et d'aller voir le fleuve.
L’adulte devenue n’a pas choisi, n’a pas acheté la maison.
En entrant par la fenêtre, en choisissant ma chambre, je n’ai pas senti que c’était dans cette maison que ma vie commençait.
Mais peu à peu ...
la maison que j’ai rénovée 
la bibliothèque que j’ai créée
la galerie et le terrain où j’ai installé des chaises de jardin
le ruisseau Sam dans lequel je me suis baignée
les pins rouges que j’ai vu croître, que je vois plier sous le vent, parfois sous les rafales
les oiseaux que j’ai nourris
le vent d’ouest omniprésent que certains jours je crains
les silences de l’hiver
la quiétude des merveilleux couchers de soleil
sont devenus mon havre, mon refuge, ma stabilité. Ma vie.

Là où je calme mes peurs. Là où je confie mes secrets. Là où j'ai écrit mes livres. Là où j'ai connu l'amour. Depuis cinquante ans. 

Et pour vous, que représente la maison, votre maison?

jeudi 14 juillet 2022

En attendant



Attendre.
Dans les files celles aux douanes celles au marché d’alimentation. Souvent la mauvaise.
Dans les salles de CLSC de cliniques d’hôpitaux.
Mais ce matin dans l’auto un plaisir du temps pour lire.

Montréal coin Rouen et De la Salle. À l’ombre des arbres qu’il faudra bien un jour apprendre à identifier.
Lecture de D’autres font du vitrail d’Isabelle Dionne. L’éditeur Hamac que j’aime depuis leurs tout débuts publie des carnets des blogues des fragments un de mes styles littéraires préférés ces années-ci.
Entre deux paragraphes je lève les yeux je prête l'oreille je n'en ai qu'une de toute façon qui entend. Rue tranquille mais par les fenêtres ouvertes je perçois les babils d’enfants qui passent en rang deux par deux. Sur le trottoir opposé un homme au téléphone : « C’est une affaire de marde, je vais devoir rappeler tout le monde, tout annuler. » Il tourne sur Rouen. En attendant le vent le silence revient.

Attente mais sans impatience. Ce n’est pas moi qui suis chez l’ophtalmologiste. Pas moi qui aurai une greffe de la cornée, une deuxième.
Dans l’auto je me sens à l’aise. Presque à l’abri. Pas d’idées noires. À quinze ans j’avais peur de marcher seule sur la rue. La bicyclette me protégeait des obsédés. Aujourd’hui l’auto. Quand donc cessera cette peur d’être agressée pire violée? Mes rides et mes cheveux blancs me garantissent-ils l’indifférence des passants?

« La souffrance en chacun tente de sortir » Isabelle Dionne parle de mort du suicide d’un frère.
Devant la souffrance des autres je m’enfuis « au pays des pages perdues ». Lire les mots des autres fait moins mal que d’écouter les paroles des personnes aimées. La lâcheté me mène vers l’écriture. Vers la solitude aussi.

Dans le livre la narratrice « cherche un exemple d’ellipse ». Je n’ai pas le wi-fi ni de données mobiles pour chercher ce qu’est une ellipse. Je ne sais plus rien sans Google. Mon cerveau saturé d’informations ou paresseux.

Un homme et une femme marchent bras dessus bras dessous. Lui avec une canne blanche. Freiner mon esprit ne pas le laisser aller vers un scénario pire qu’une greffe de cornée la perte d'un oeil.
Retourner à Isabelle Dionne toujours plus facile de vivre la vie des autres que la sienne. Je pense bien que j’en fais des ellipses. Du pastiche c’est certain par pure admiration du style d’un·e auteur·e. Vous permettez Isabelle Dionne? Ma façon de vous dire mon admiration. Ma façon de dire que j'adore votre livre. Ressemble à ceux de Lynda Dion que vous remerciez à la fin. 

Dernier fragment : « Le geai bleu » un geai bleu renfermé, un geai bleu libéré.
Chez moi aussi le geai bleu est devenu un symbole. Pendant mes convalescences, il est venu souvent me visiter. Me tenir compagnie. Me libérer?

Fin du livre. Merci Isabelle Dionne. Merci Hamac.

Début de la véritable attente. Un début d’inquiétude aussi. Deux heures. Habituellement pas si long. Hâte de savoir. Hâte d’être à la maison. L’été n’est pas si chaud. La piscine est laiteuse. Saura-t-on jamais si les nitrites et nitrates des champs autour de chez nous causent nos maladies? Cinquante ans que je reste en face d’un champ de pommes de terre/maïs/soya, ça laisse des traces.

Tiens, prochain billet : mes maisons, ma maison.

Et vous comment supportez-vous vivez-vous les attentes?


dimanche 10 juillet 2022

Souvenir de framboises

 

Devant la maison, quelques traces encore du derecho. Derrière, le vert des feuilles omniprésent. Les rares framboises rouges contrastent, mais s’harmonisent au décor. Elles sentent l’été, elles disent juillet.

J’ai 8 ans, j’ai 13 ans, j’ai 16 ans, j’ai 20 ans, je marche dans le chemin Caron qui mène à la baie de l'Ours (lac Simon), à la recherche de framboisiers.
Le 16 juillet, ce sera la fête de ma mère. Je lui offrirai son fruit préféré. Certaines années, une poignée tout au plus. Je comblerai par un bouquet d’épervières et de marguerites.

Ma mère aurait eu 98 ans cette année. Elle est morte il y a dix ans. Et pourtant, en voyant l'unique framboise rouge (que le geai bleu s’est empressé de manger), c’est elle qui m’est tout de suite venue à l’esprit.

Est-il vrai qu’en vieillissant ce sont les événements de notre enfance qui surgissent le plus souvent? Où est-ce moi qui exalte ma mémoire? Ce moi qui pense tout le temps, ce moi qui cultive les associations d’idées?
Ce moi qui, ce matin, en lisant Blonde de Joyce Carol Oates, revoit encore sa mère. 
« Blonde n’est pas une biographie de Marilyn Monroe. Blonde est un roman sur ma mère, sur la vôtre, sur toutes nos mères un peu spéciales. » 
Justine Lévy dans la préface de Blonde
Je me rappelle de l’endroit où j’étais à l’annonce de la mort de Marilyn Monroe. En août 1962, nous sommes en Europe, à Paris je crois, sans doute attablés à un café terrasse, après avoir acheté des livres dans une librairie (mon frère un Tintin, et moi, un livre d’Enid Blyton sûrement). Après un long et sombre « Ah non! », mon père passe un journal à ma mère. Celle-ci, moins expressive que mon père, fut quand même surprise de voir que l’actrice avait à peine deux ans de moins qu’elle. Ils sont un peu tristes, je le sens. Je leur demande pourquoi.

J’ai douze ans, et j’aime bien que mes parents me racontent leur première rencontre. C'était à Saint-Eustache-sur-le-lac, dans une salle de cinéma. Ils avaient 16 et 18 ans. Le cinéma, c’était leur jeunesse, leurs sorties, leurs étés, leurs amours. La mort de Marilyn Monroe, ce devait signifier la fin de quelque chose pour eux. Comme toutes les morts.

Comme il est trop tôt pour cueillir des framboises, je retourne à la lecture de Blonde... Mille pages quand même, je risque de m’interrompre pour aller les ramasser ces framboises si les geais bleus veulent bien m’en laisser. Sinon, j’aurai mes souvenirs.

Et vous, que vous rappelle le temps des framboises... ou les années soixante?

dimanche 26 juin 2022

Des noms, des titres?

 

« Quand il ne reste plus rien
Il reste encore à l’écrire. »
Vif oubli, David Goudreault

Des mots qui me confortent, me réconfortent, me donnent le droit d’écrire à mon tour.
Depuis quelques années, je lis moins de romans.
Peut-être par paresse, peut-être par manque d’effort.
Je serais bien mal venue de dire par manque de temps quoique... le temps devant raccourcit, si je puis dire.
Sûrement la concentration qui diminue avec l’âge, pourrait-on me dire! Ne le dites pas.

Chaque matin, Facebook me promène d’un groupe à un journal, à une revue, à un livre.
Je commence Un livre sur Mélanie Cabray que déjà Les noces barbares de Yann Quéffelec m’appelle. Pour rien au monde de Ken Follett me rebute alors que j’ai déjà pris tant de plaisir à lire Les piliers de la terre.

Depuis trois ans je dirais, je lis plus court.
Corollaire, j’écris plus court, et différemment.
Le slam, le rap, la poésie en prose et la prose poétique m’intéressent. M'intéressent davatage quand je peux lire et relire et non pas seulement écouter. Ah! lire les "Lettres à" de David Goudreault!
J’apprends à différencier ces genres.
Alors, curieuse comme toujours, mais néophyte, je cherche, je farfouille, j’attrape au vol, je délabyrinthe les textes. Je me sens une étudiante à l’université, assise à une grande table d’une vaste et riche bibliothèque, une petite lampe devant une pile de livres savants.
Je lis des extraits d’études, des thèses de doctorat, avec des petites notes en bas de pages.
Des textes qui, tels des dominos, me mènent à d’autres textes sur l’inventivité, l’esthétisme.
J’effleure tout au plus.
Parfois, je me demande si je ne cherche pas les notes de cours d'un professeur en création littéraire!
Comme du temps à rattraper, du temps que je n'ai pas connu.

Je ne cherche pas nécessairement le texte militant, ni le parler populaire, ni l’effet théâtral, ni même une intrigue. En fait, je ne cherche même pas un genre littéraire.
Mais toujours une émotion.
« La prose est celle qui raconte quelque chose, alors que la poésie exprime directement l’état d’âme de l’auteur »

 Tania Collani

Le Charlotte de David Foenkinos a probablement été un des premiers textes de cette écriture incisive qui m’a frappée.
Les adieux de René Lapierre m’a comblée.
Wikipédia m’a appris le nom de Grand Corps malade.
Je relis encore Les Villes de papier de Dominique Fortier.
Comme les livres de Kim Thuy, comme La femme qui fuit.

Avez-vous des noms, des titres?

samedi 18 juin 2022

Là où la terre rencontre la mer

Avant le voyage, il y a le rêve et la réalité.
À 70 ans (et plus), le rêve, c’est vouloir revivre des moments heureux ou revoir des lieux aimés. De voir la mer, de rouler lentement en se racontant des histoires, de flâner dans les villages, de déguster les produits du terroir, de se promener à pied, à vélo.

La réalité, pour nous, c’est que nous n’avons plus de véhicule récréatif, qu’on n’a plus le dos ou les genoux pour la tente, c’est que nous ne passons plus l’hiver dans le sud. Donc des voyages ou plutôt des escapades au printemps ou à l’automne. Parce que l’été, il fait chaud, il y a du monde sur les routes, il faut de plus en plus réserver.

La réalité aussi que même si on a encore le goût du camping, de la table à pique-nique, du petit feu lors les soirées fraiches, il y a le budget. On déplore que les prêts à camper (parfois sans toilette pour la nuit) soient plus dispendieux que des hôtels ou des « cottages ».

La réalité c’est qu’on voit moins loin, mais on choisit plutôt de séjourner plus longtemps à un endroit et de rayonner autour.

La réalité c’est qu’on ne veut plus visiter, mais on veut vivre. Une expérience, une atmosphère.

Où aller?
États-Unis, encore les douanes, passage stressant et anxiogène! Non.
Gaspésie? Côte-Nord? Louer un petit chalet à Tadoussac? Cape Cod? L’Ontario? Pointe-Pelée pour les oiseaux? La péninsule de Bruce qu’on n’a jamais vue?
Entre lac, fleuve et mer, on choisit la mer.
Retour vers un lieu aimé : Île-du-Prince-Édouard (1973), Terre-Neuve (2006), les Îles-de-la-Madeleine (2004)?

On choisit l’Ïle-du-Prince-Édouard.
Le voyage est déjà commencé.
En auto cette fois. Départ prévu : lundi 30 mai.



Et puis, la réalité.
Celle du samedi 21 mai 14 heures 15.
Celle qui a failli faire avorter le voyage.
Celle qui a modulé l’intensité de nos réactions.

D’abord sentir le besoin
D’abord en rêver
D’abord partir

Parce que le « derecho » nous a obligées à attendre la coupe des arbres, la réparation du toit, le retour de l’électricité
Parce que quatre ans auparavant, le VR avait refusé de partir
Parce qu’aucune réservation n’a été payée
Cette semaine à l’Île-du-Pince-Édouard a bien failli ne pas être.

Pour qui demeure en Outaouais, il faut souvent prévoir traverser la province.
Pour qui aime le fleuve, il y a les amies à visiter à Saint-Casimir, à Notre-Dame-du-Portage, à Québec.
Pour qui aime les îles, il est facile de retrouver des lieux communs avec les peintres jadis côtoyés.



Remplacer le vacarme des arbres tombés par la grandeur du lac Témisoucata, la beauté du fleuve Saint-Laurent.
En contre-bas, sur la route transcanadienne, être surprise par le fleuve Saint John.
À Saint-Léonard, arrêter au pays de Clarence Bourgoin.
Écouter les chutes de Grand-Sault.
Saluer de loin la sœur d’une amie à Fredericton.
Traverser les treize kilomètres du pont de la confédération.
Arriver à l'île, chez les frères Jakes and Jos, à Brackley Beach.
Être reçue par Shirley, leur sœur.


Être là-bas, mais encore un peu dans les conifères d'ici.
Ne plus savoir les mots en anglais, les comprendre de moins en moins parce qu’on ne les entend plus.
Pourtant, aimer l’ailleurs, certains ailleurs.
Là où il y a la mer et le vent.
Là où la terre rencontre la mer.
Là où il y a les arbres comme les miens.
Là où il y a le poisson différent des miens.
Là où le vent brise les arbres.
Là où la terre rouge s’étend jusqu’au sable blond.
 

Ce n’est pas un grand voyage, encore moins le voyage de ma vie.
Ce n’est pas le voyage de l’oubli ou celui de la fuite
C’est le voyage des petits plaisirs, des sourires retrouvés au creux d’une falaise, au pied d’un phare, au bout d’un quai.
Le voyage des mots a écrire.
Tant de mots se font sérieux dans les revues.
Tant de phrases se font légères dans les histoires.
Tant de poésie dans les chansons.
Les miens ont besoin de solitude et d'horizon.

Ce n’est pas tant l’île qui permet les mots
Ni le chant de la grive ou du goéland
Ni les fleurs blanches de cerisiers ou mauves des lilas
Ni les couleurs des couchers de soleil
Peut-être seulement l’ailleurs, une fois le calme revenu après la violence d’un trois secondes traumatisant.  

J’allais voir la mer et la tranquillité.
J’ai vu des goulets, des bras de mer, des rivières et de la tranquillité.
J’ai vu d’immenses champs de terre rouge et des dunes de sable blond... et la tranquillité.
Et Charlottetown, à dimension humaine, à l'architecture victorienne et aux couleurs des îles.

 

Partout, il est question d’Anne aux pignons verts et d’Avonlea.
Partout, il est question de homard et d’huîtres.
Partout, il est question de plages et de phares.
Mais, moins publicisés, moins affichés, ce que j’ai cherché partout, trouvé souvent, aimé chaque fois, ce sont les petits ports de pêche et les pittoresques et colorées cabanes de pêcheurs.
North Rustico, Cavendish, French river, New London, Fortune Bay, Souris, Summerside, Covenhead.


Quelle distance me sépare de l’horizon?
Qu’y a-t-il à l’horizon pour tant le chercher?
À tant vouloir y noyer mes peines, à tant vouloir oublier le bruit.
Sans doute veux-je que le temps soit comme l’horizon : sans fin.

Des matins lents, égayés de babillages.
Des jours entre terre rouge et sable blond
Des soirs entre bruit de pluie et couleurs de soleil
Des nuits à oublier le derecho et à rêver de climats réconciliés
À nouveau des matins de soleil, de corps tendres, de bras accueillants, de mots doux.
 

Il faut le silence pour que la parole s’invite.
Il faut le vent du large pour que les arbres s’inclinent
Il faut le temps de flâner pour découvrir les lupins dans les fossés, les phares au fond d'une route.


Et puis vint un matin où je quitte l’île.
En emportant avec moi les mots venus s’y nicher quelques jours.
En espérant retrouver l’horizon et ses vertus.
En gardant en mémoire les images, les sons, les odeurs que je puisse les faire surgir les jours plus difficiles.

Le voyage s’est poursuivi chez une cousine à Notre-Dame-du-Portage, près de Rivière-du-Loup.
À Montmagny où on a assisté au spectacle de Guylaine Tremblay qui nous a fait rire et nous émouvoir à travers les chansons d’Yvon Deschamps.
À Québec et à Saint-Casimir.
Longer le fleuve, voir des amies, raconter l’île, la terre rouge, les fruits de mer les cabanes de pêcheurs.

Après 3000 kilomètres,
Après 17 jours ailleurs,
Il y a le retour à la maison
Avec de la patience, de la bonne humeur accumulées,
Il y a la promesse d’un bel été.
 
Après les mots un peu de chiffres
Le pont : on ne paie qu’à la sortie (50 $ pour notre CRV)
Belle surprise : on a eu deux cartes cadeaux de 100 $ chacune. La plupart des commerçants l’acceptaient. On a surtout bouffé nos 100 $!
Distances : l’île s’étend sur 224 kilomètres et varie entre 4 et 60 kilomètres dans sa largeur.
Prix de l’essence du 2 au 9 juin : 2,13 $
Prix moyen des « lobster roll » ou des « fish and chips (aiglefin) : 17,95 $
Un cornet chez Cow’s : 5 $
Plus belle trouvaille de casse-croûte : Richard’s Fresh Seafood, celui de Covehead (dans le parc national de l’Île-du-Prince-Édouard), le verre de vin blanc, 7 onces, à 7,95 $ était le meilleur qualité/prix.
Cottage : pour une semaine (en juin/hors-saison) : 627,90 $ (taxes incluses)
Entrée parc national : gratuit parce qu’ouvert après notre séjour.

Lien vers le site de Tourisme Île-du-Prince-Édouard >>>

jeudi 16 juin 2022

Neuf jours

Après le trois secondes du samedi 21 mai...

Dimanche 22 mai
5 h
Le sommeil était venu tard, le réveil est venu tôt.
Non seulement pas d’électricité, pas d’eau, mais plus de réseau cellulaire, donc point de données mobiles.
Rien. On est peut-être des milliers dans notre cas, mais on se sent seules au monde.

8 h
On sort notre équipement de camping : réchaud au butane, popote.
On entre une chaudière d’eau (on a trois barils avec eau de pluie) pour la toilette. Des bouteilles d’eau pour le café.
On ouvre le frigo, rapidement, on prend le nécessaire. On pense aux denrées : combien de temps encore le lait, la viande, le fromage, la laitue?
On pense au verglas de 1998. Nous avions été relativement épargnées.
On pense aux Ukrainiens. Il y a toujours pire. Et on ne veut pas que ce soit nous.

12 h
Le réseau cellulaire revient. L’internet aussi, vitesse de tortue.
« Votre appel est important pour nous » chez Hydro-Québec.
« Your call is important to us » chez notre assureur.
Ouvert 24 heures, 7 jours, vraiment?

À l’extérieur, je fais le tour de la maison, j’examine encore le désastre.
Dire qu’on venait de laver toutes les fenêtres. La gomme de pin nous donnera du plaisir, c’est certain!
Dans l’auto, je vérifie le niveau de l’essence : aux trois quarts. Mais à quoi bon la gaspiller pour aller voir ailleurs. Je branche le téléphone pour le recharger, j’écoute la radio. Peu de nouvelles de notre région.

14 h
Fait rarissime, on joue aux cartes.
La concentration n’y est pas. Elle n’est nulle part.
Il est question de génératrice, de bloc d’alimentation. Comme quand nous avions un VR.
On attend.
Comme à l’hôpital, on se demande si on ne nous a pas oubliées.

16 h 30
Petit tour d’auto. Pas loin, seulement autour du village.
Pas trop de dégâts, on semble être les plus touchées.  
Meilleure réception pour les données mobiles, on apprend que les stations services ne sont pas ouvertes et celles qui le sont n'ont plus d'essence. Les épiceries/dépanneurs fermés aussi.
On écrit aux ami·e·s sur Messenger.

Je communique avec mon frère à Saint-André-Avellin. Je me dis que si la panne dure, j’irai porter le contenu de mon congélateur chez lui. Mais voilà que j’apprends — fait rarissime — pas d’électricité non plus à Saint-André-Avellin.

18 h
Pour souper, on a réchauffé un plat de pâtes qu’on avait congelé.

21 h
On est couché. On lit un peu avec lampe frontale.

Lundi 23 mai
7 h
On rejoint enfin Hydro. Bien sûr, ils sont au courant, mais on signale l’arbre tombé sur les fils du voisin.

8 h
Sur l'application d'Hydro-Québec, on surveille, on espère, on patiente. Sur Facebook, on voit les dégâts chez une amie de Ripon. Vraiment pire que chez nous. On essaie de la rejoindre. Pas de réponse.

10 h
On rejoint la conjointe de l’élagueur déjà venu abattre des arbres chez nous. Selon elle, pour notre Petite-Nation, c’est pire que le verglas.

Ça fait 42 heures. Tant d’heures pour trois secondes! Il n’y a pas eu de « pendant ». Le « pendant » se résume à un bruit. Un coup de vent et nous étions dans cet « après » qui dure encore.

12 h
Notre amie de Ripon vient nous raconter son « derecho » (le mot commence à circuler). La route bloquée, les arbres arrachés, les poteaux tombés. Les pompiers, les bénévoles, l’entraide déjà.

14 h
Une voisine se promène à la recherche du réseau, arrête chez nous. On jase, on échange.
Le voisin d’en arrière qui ne vient que les week-ends vient nous voir. Son électricité provient du poteau installé sur notre terrain. Un des arbres tombés est appuyé sur « ses » fils.

16 h
Électricité revenue chez mon frère à Saint-André-Avellin, je vais porter le contenu de mon congélateur.
Embrassades, échange de nouvelles, reconnaissance.

17 h
Notre municipalité lance un avis par téléphone : la salle est ouverte pour eau, douches, branchement de téléphones ou tablettes. On va y brancher notre glacière de camping. On ira chaque jour. Un grand merci aux employés pour leur accueil.

21 h
On est déjà au lit.
Meilleure journée, plus de communication, un peu d’espoir.
Fin du long week-end.

Mardi 24 mai
8 h
On rejoint (enfin) notre assureur. En anglais d’abord, en français finalement.
Une agente rappelle, on a un numéro de référence. Ce sera une compagnie de Gatineau qui traitera notre réclamation.
On sent que ça avance.

9 h 30
Notre homme de confiance, venu pour poser une gouttière, réalise les dégâts. Muni d’une lampe frontale, il répare un tuyau de plomberie qui avait éclaté justement le matin du jour fatidique. Quand l’électricité reviendra, au moins, on aura de l’eau.

15 h
Nouvelle de l’entreprise de Gatineau. Un évaluateur viendra jeudi ou vendredi.
Sur l’application Hydro-Québec, ça bouge un peu plus. Pas d’indication de retour à la normale pour notre municipalité. On apprend que plusieurs tours de notre fournisseur Internet sont pliées ou tombées.

Mercredi 25 mai
4 h du matin
Une odeur de poussière me réveille. Les plinthes électriques. J’ouvre les yeux. Des chiffres rouges qui clignotent.
L’électricité est revenue.
Mais pas de wi-fi.
Je ne me rendors pas. Je guette. J’espère.
Toujours pas de camions d’Hydro. Ni de nouvelles de l’assureur.
On hésite à préparer nos bagages pour le départ prévu vers l’Île-du-Prince-Édouard le lundi suivant. En fait, on songe à tout annuler.

Jeudi 26 mai
8 h 12
J’entends un petit clic! Hélas, nouvelle panne. On espère du délestage.

10 h 30
L’électricité revient et surprise, le wi-fi.

Vendredi 27 mai
12 h 30

Le voisin arrive pour le week-end, vient nous confirmer, que lui, il n’a toujours pas d’électricité.
L’évaluateur stationne dans notre entrée, se promène sur tout le terrain, examine les dégâts, évalue les travaux, monte sur le toit, trouve un trou causé par une grosse branche. Il nous explique les étapes : qui va venir, qui va réparer et quand...

20 h
Un père et ses enfants arrivent, coupent les arbres, dégagent les fenêtres, ramassent les branches. On retrouve notre devanture. Cependant, pas le droit de couper l’arbre appuyé sur les fils d’Hydro.


Samedi 28 mai

Toute la journée, on ramasse des branches.
Personne ne vient : ni le couvreur, ni le ramasseur de bûches, ni Hydro.
Bien décidées à ne partir vers l’Île-du-Prince-Édouard que si l’Hydro est venue couper l’arbre.

Dimanche 29 mai
11 h 30

Deux employés d’Hydro, venus de Blainville, passent nous voir, notent les travaux à effectuer pour dégager les fils qui mènent à la maison du voisin.

17 h
Deux camions bleus d’Hydro longent la rue (où il n'y a que quatre résidents, je précise), et s'arrêtent chez nous. On sort de la maison comme pour accueillir le père Noël.  Un premier homme, équipé d’une scie, d’une tronçonneuse et de cordage, débarque, se dirige aussitôt vers un arbre situé à proximité de l’arbre tombé, grimpe comme un alpiniste, et s’assoie sur une branche, les petites pattes ballottantes, et attend. Il nous dit qu’il attend que le courant soit enlevé pour qu’il puisse marcher sur les fils. Alpiste et funambule? On veut voir ça.

Les pieds sur le fils électrique, une main sur le cordage et l'autre qui scie. Chapeau!

D’autres hommes arrivent, s’affairent autour de la nacelle. Peu de temps après, le petit homme retenu par une longue corde bleue marche effectivement sur le fil, se tient d’une main après une corde et de l’autre, avec sa tronçonneuse, coupe la branche qui causait le problème. Trois minutes et tout est réglé, il descend en se laissant glisser sur la corde bleue.

Il est 18 heures, leur longue journée de travail est terminée. Demain, ils iront ailleurs recommencer et faire d’autres heureux.

Le soir, on décide de partir le lendemain.

Lundi 30 mai
9 h

Des couvreurs viennent poser une membrane sur le toit.

11 h
Départ pour une petite vacance bien méritée.
Il reste la gouttière, la rampe, le ramassage. Ça peut attendre notre retour.
Pour nous, le derecho commence à s’estomper.


Il aura fallu neuf jours pour trois secondes.
Prochain billet : 3,000 kilomètres pour se remettre de ces trois secondes... et neuf jours.

samedi 28 mai 2022

Trois secondes

Avant
Le samedi 21 mai, une journée très humide. Et venteuse. Des jardiniers plantent leurs légumes, des pêcheurs cherchent l’achigan, des enfants heureux du long congé.

Puis, vers 16 heures, des vents forts, la pluie d’abord légère, puis un horizon blanc de pluie torrentielle. Un orage terrible. Les gens quittent les lacs, d’autres s’arrêtent au bord de la route, d’autres encore, dont moi, entrent dans la maison.

Je m’assieds au salon, les fenêtres derrière moi. Je n’aime pas le vent. Je ne veux pas voir la valse des grands pins.

16 h 15
À peine trois secondes.
Chez nous.
Les jours suivants, nous verrons que ce n'est pas que chez nous.

Un bruit. Pire que le tonnerre. Pas un boum, pas un crac, un gros — jamais entendu — scroumphhh!
Trois secondes qui allaient changer notre vie (et la vie de bien des Québécois allions-nous apprendre plus tard) pour plusieurs jours à venir.
Dans la Petite-Nation (en Outaouais, pour ceux et celles qui ne savent pas) ce fut pire que le verglas.

16h18
L’« après » de ce présent si court venait de commencer.
Nous vivons dans une plantation de pins — gris et rouges —, hauts de 55 pieds, vieux de 55 ans. En face, à l’ouest, deux immenses champs où le vent peut prendre son élan.

Je me lève d’un bond. Je vois tout de suite un rideau de branches dans les vitres du devant de la maison. En même temps, je réalise que les branches n’ont pas cassé les fenêtres. Je n’ai rien. Je crie. « Louise, où es-tu? » Elle est debout dans la galerie arrière. Je la vois. Nous sommes saines et sauves.
Elle veut aller dehors. Voir si la vieille piscine hors terre a tenu le coup.
Je lui crie « pas tout de suite, il vente encore, il pleut encore, d’autres arbres peuvent tomber ».
Je suis la mère qui veut protéger l’enfant en lui interdisant d’aller jouer dehors par temps d’orage.
Je suis aussi la petite fille qui ne veut pas rester toute seule à l’intérieur.

On s'abrite sous un encadrement. On se colle. On respire. Louise voit ce que j'ai vu: les arbres tombés.  



16 h 40
Le vent a cessé, la pluie est intermittente.
On ouvre la porte, on enjambe les branches sur la galerie. On regarde le désastre.
Quatre énormes branches, six ou huit pouces de diamètre je dirais, sont tombés sur la gouttière. Aucun arbre déraciné. Par contre, une des branches est appuyée sur des fils électriques.

Déjà, noter les heures, déjà appeler Hydro-Québec, penser aux assurances.
C’est samedi, c’est longue fin de semaine de congé. Personne ne répond.
« Votre appel est important pour nous » chez Hydro-Québec.
« Your call is important to us » chez Aviva.

Pendant trois jours.
Noter le jour, noter l'heure. Commencer un carnet. 
Si possible des noms, des numéros de téléphone.
Ça deviendra une histoire après.
Un message dans Facebook peut-être quand j’aurai du réseau. Peut-être un billet sur mon blogue.
Chacun raconte son histoire.
J'ai écrit la mienne.

À suivre...

mardi 17 mai 2022

Lire François Blais

Je lis (ou je relis puisque la couverture me dit quelque chose?) Sam de François Blais. Parce qu’il est mort avant-hier. Parce que la curiosité me mène chaque jour dans des dédales parfois tortueux, où je trouve plus de questions que de réponses. Je me rends compte que je peux simplement énumérer lesdites questions parce que je ne connais, et à l’âge que j’ai, je ne connaîtrai sans doute jamais le fonctionnement du cerveau, encore moins toutes les ramifications qui mènent aux choix que nous faisons dans la vie.

Et de plus en plus souvent, cette réflexion sous-jacente :
« Ce n’est que ça la vie? ».

Pour ne pas m’embourber dans des interrogations, disons moins philosophiques, je bifurque vers Google. Donc, dès les premières pages de Sam, je cherche si Marie Bashkirtseff a vraiment existé. Réponse oui. Elle n’a vécu que 25 ans et elle est dans Wikipedia. Je ne comprendrai jamais ce qui fait qu’un·e tel·le soit connu·e du monde entier (façon de parler puisque je ne la connaissais pas), alors que tant de monde, dont moi ou en tout cas (est-ce que ça se chiffre la notoriété?), n’aura jamais leur nom imprimé où que ce soit.

Je cherche aussi de quoi a l’air un cahier Quo Vadis ligné Duo Habana Smooth bleu. Oui, il existe, oui, j’en ai eu comme celui-là ou des semblables. Je m’identifie. Écrire son journal. Sam se demande bien pourquoi:
« Hier encore, je me disais à quoi bon, hein à quoi bon, ma petite S***, consacrer chaque jour deux de tes seize heures d’éveil à raconter les quatorze autres? ». 
Si j’ai cessé d’écrire mon journal sous une forme classique, je n’ai jamais cessé d’écrire dans des cahiers ou même dans des fichiers Word. Des petits bouts. Parfois une page, parfois plus. Pas comme un agenda pour me souvenir des dates et des rendez-vous. Et puis il y a eu mon blogue que j’ai tenu pendant plus de dix ans. Mais ce n’est pas comme un journal.

Et me voilà à écrire comme François Blais, en digressant, en parenthétisant.

En arrêtant surtout de lire Sam comme on interrompt quelqu’un qui parle. Sans même m’excuser de ne pas laisser François Blais finir sa phrase, les miennes s’imposant. Comme si je voulais crier plus fort que lui qui vient de se taire. Je viens à peine de le découvrir que déjà, je l’empêche de me raconter, à travers ses écrits, ce qu’il avait à dire. Comme si ce que j’ai à dire, moi, presse tant. Ou plus important. Et avant de me demander encore : quel intérêt d’écrire mes pensées? À quel besoin réponds-je? Bref, pourquoi? Tu as publié dix livres, tu as écrit 821 billets sur ton blogue. Qu’as-tu encore tant à dire? Et surtout, laisse au moins les autres parler. Et aujourd’hui, écoute François Blais. Lis François Bais. Cherche dans la vie des autres, toute fictive soit-elle, des raisons de poursuivre la tienne le plus sereinement possible.

vendredi 22 avril 2022

C'est à cause de Guy Lafleur...


Guy Lafleur est mort ce matin.

Tous ceux et celles qui l’ont connu racontent des anecdotes, apportent leur témoignage. Et pas que les gens du hockey. Ceux de l’Outaouais, ceux de la Petite-Nation, ceux de Thurso.

Et même moi, ce matin, en apprenant la nouvelle, ma première pensée fut :
« Si je demeure dans la Petite-Nation depuis cinquante ans, c’est à cause de Guy Lafleur. »

Septembre 1970, j'ai vingt ans, je suis au lac Simon (j’y viens l’été depuis 1956), je me prépare à entrer à ville Saint-Laurent où j’habiterai avec mon frère, puisque nos parents ont décidé de s’installer définitivement dans la baie de l’Ours. Armés d’un baccalauréat en pédagogie, nous décidons tous deux de poursuivre nos études à la nouvelle Université du Québec.

Mon père revient de Saint-André-Avellin où il a commencé à enseigner et nous donne des nouvelles de ses nouveaux collègues. Il se désole du départ de l’un deux, un professeur de français.

École à Saint-André-Avellin
Toute la nuit, je réfléchis à mon avenir et le matin, je décide de tenter ma chance. J’accompagne mon père à l’école, je rencontre le directeur Fernand Lauzon. Devant mon brevet A, il semble rassuré, il m’enjoint de me présenter à Buckingham où sont les bureaux de la commission scolaire régionale Papineau (ancien nom de Centre de services scolaire au Cœur-des-Vallées).

Je signe mon contrat l’après-midi même.

Je rencontre celui que je remplace, je dirais plutôt celui dont je prends la suite: Normand Chouinard. Devant mon inexpérience, il a la gentillesse de m’offrir tous ses documents, sa «préparation de classe» pour plusieurs mois.

Tout juste le temps d’apprendre qu’il part et devient l’agent de... Guy Lafleur.

En tout cas, c’est le mot que mon souvenir a retenu. Mais j’ai beau chercher, Normand Chouinard ne semble pas avoir été son agent, mais son professeur privé. Celui qui lui a dit : « un jour, tu ne t’appartiendras plus, tu appartiendras au public. »

Qu’importe, c’est ainsi qu’à cause de Guy Lafleur, je demeure dans la Petite-Nation, depuis 1970.

jeudi 17 mars 2022

Le 17 mars, pour moi, c'est...


C'était en 2005, au pied du Mémorial-des-Irlandais,
à Grosse-Île. J'avais les cheveux teints en roux
pendant que j'écrivais Les têtes rousses.
Le 17 mars, c’est la fête de Saint-Patrick. Petite, ma mère en parlait parfois. À 21 ans, pour moi, l’Irlande fut la Guinness, le vélo, l’amitié.
Cette année, pas de défilé dans les rues. Les bars viennent de rouvrir, on pourra déguster une Irish Stout. Ou rêver ou même préparer un voyage en Irlande.

Quant à moi qui lis moins mais qui lis encore, je cherche les romans québécois où il est question d’Irlande.

J’ai déjà lu tous les Fanette de Suzanne Aubry, Les Foley d’Annie-Claude Thériault.

J’ai feuilleté le James Joyce de Victor Lévy Beaulieu (vous savez le genre de livre que vous n’avez pas réussi à lire en entier).

Je me rappelle vaguement avoir lu L’Été de l’île de Grâce de Madeleine Ouellette Michalska et Le salut de l’Irlande de Jacques Ferron.

Je crois bien que je vais lire Les orphelins irlandais de Micheline Dalpé, décédée en avril dernier.

J'irai jeter un coup d'oeil sur Les Irlandais de Grosse île de Christiane Duquette, Mary l’Irlandaise de Mary Rouy et La chance des Irlandais de Frederic Latreille.

Donc, pour moi, me souvenir des Irlandais, ce ne sera pas qu’aujourd’hui, mais bien un bon mois!

Tout en lisant, me reviendra l’air de When Irisn eyes are smiling que ma mère fredonnait — plus que chantait — en repassant la quinzaine de chemises de ses deux hommes.

Me reviendront aussi quelques images quand, en 1971, j’ai sillonné l’Irlande en vélo. J’étais jeune, j’étais amoureuse, j’avais cinquante livres en moins!

Pendant que je lirai, ressurgira tout ce qui m’a permis d’écrire sur mes ancêtres Bridget Bushell et Denis Lynch et leurs descendants : le plaisir des recherches en généalogie, l’escapade à Grosse-Île, les entretiens avec ma mère qui m’a raconté son enfance et sa jeunesse. Ma vie.

Et vous, le 17 mars signifie-t-il quelque chose pour vous?

Et si vous ne connaissez pas encore ma trilogie, c'est par là >>>

dimanche 23 janvier 2022

Réminiscence

« Il y a des phrases qu'on entend un jour pour ce qu'elles sont. Vraiment. Elles sont restées au fond de notre mémoire, intactes. On les a prononcées un jour, sans bien savoir.

Elles attendaient.

Comme si notre propre parole nous attendait toujours.

Une phrase lancée en l'air, pas entendue vraiment. Remisée dans ces limbes étranges où flottent les paroles gelées. Un jour, on ne sait pas pourquoi, elles reprennent vie. De toute leur force. Elles atteignent notre attention profonde, celle qu'on ignore la plupart du temps, et c'est le bon moment.
[...] Il fallait juste attendre d'avoir la force de les entendre. »

Extrait de La patience des traces, Jeanne Benameur


Il est des phrases qui résonnent en écho. Un écho qui ne cesse de se répéter. Ne cessera sans doute que lorsque je n'aurai plus « la force de les entendre ». Un écho entre deux silences. Ce que je crois être des silences. Seulement une accalmie entre deux vagues.

J’entends de moins en moins l’écho. La vague est de moins en moins agitée. Forcément puisque je lis moins!

Bientôt, je me résoudrai à jeter tous les mots écrits depuis cinquante ans. À quoi bon les garder? Les archives sont pleines de mots que personne ne réclame ou ne réclamera.

J’attends de ne plus ressentir cette impression de jeter ma vie. Déjà, il y a deux ans, je m’y préparais (billet Les vieux papiers de juin 2019 >>>).

Et depuis deux ans aussi, rien de nouveau à dire. Pourtant de nouvelles expériences, mais qui font surgir les mêmes réactions. Aux nouvelles personnes rencontrées, après quelques mois d’enthousiasme, je me lasse moi-même de répéter les mêmes histoires.

Certains soirs d’hiver, je me persuade que je ne suis pas blasée ni en hibernation, juste en paix, le cœur tranquille. Enfin.

Jusqu’à ce que les mots des autres réveillent en moi un refrain déjà entendu, mais accrocheur. Et me montre... la patience des traces.

Et vous, quel écho retentit en vous aujourd'hui?

dimanche 19 décembre 2021

Mon Noël sera froid et blanc


Deux photographies. Telles quelles, sans retouches.
À gauche, ce que je voyais de ma fenêtre, le matin en déjeunant. En Floride.
Des arbres du sud.
Vert et bleu presque chaque jour.

La semaine dernière, j’ai quitté les palmiers, les figuiers et la chaleur. Je suis remontée au nord. Chez nous.
Et ce matin, de ma fenêtre, la neige, le blanc, les grands pins qui valsent, désordonnés, par grand vent. Mes arbres. Le gris souvent. Le froid. L’hiver, le vrai.

Sans regret.
Par choix.

J’ai connu Okeechobee Landings en 2014, j’y suis retournée en 2017, j’ai acheté une caravane à sellette. Un projet de cinq ans, croyais-je. Et puis, il y a eu la Covid. Il y eut (surtout?) mes 70 ans.
La frustration s’est changée en résilience. La neige et le froid sont et seront toujours dans mon ADN de Québécoise.

Même avec la réouverture des frontières terrestres, en novembre 2021, j’ai hésité. Ai-je encore envie de partir? De passer l’hiver dans le sud? Entretenir la caravane? Qui retrouverions-nous dans le parc? Quelles activités aurions-nous? Et si je tombais malade?
On a décidé d’aller voir... et préparer la caravane pour la vente.

Il a suffi d’un mois, un tout petit mois.
Quand on a eu une offre, on a hésité : on vend tout de suite et on remonte au Québec ou on vend pour la saison suivante? Il a suffi de cinq minutes. On remonte.
J’étais prête. Avant même de partir, j’étais prête.

Une autre étape de ma vie de voyageuse.
Quelle sera la prochaine? Je ne sais trop. Une croisière? Des prêts à camper à Myrtle Beach, au Québec? La pandémie limite mes choix. Mes capacités physiques aussi.

Et puis, je suis si bien chez nous.
Dans le blanc, dans ma maison, dans ma langue.
Entourée de mes ami·e·s (même à distance), entourée des grands pins, même quand les branches s’entrechoquent.

Mon Noël sera froid et blanc.





jeudi 2 septembre 2021

Les petits bonheurs de septembre

Même si je ne suis plus ni élève ni professeur, septembre représentera toujours pour moi la rentrée scolaire.

Trois des écoles que j'ai fréquentées:
trois ans à Regina Mundi comme élève,
un an à J.-M.-Robert et quatre ans
à Adrien-Guillaume comme professeur.
Étudiante, j’ai fait toutes mes études dans des villes. Parfois un vent frais et j’enfilais le veston marine règlementaire avec bonheur. Parfois des journées encore chaudes et je regrettais d’avoir quitté le chalet.
En septembre 1970, il y a donc cinquante et un ans, j’ai choisi d’enseigner à la campagne. Le jour où je suis revenue de l’école et que j’ai pu enfiler mon maillot de bain et plonger dans les eaux encore chaudes du lac, dans la baie de l’Ours, je pensais à mon oncle qui aimait tant se baigner et qui devait enseigner encore quelques années à Montréal.

J’ai connu des personnes que je côtoie encore cinquante ans plus tard. J’ai connu celle qui est devenue ma belle-sœur.

Aujourd’hui, autour de 17 degrés à peine, c’est un jour de veston plutôt que de maillot. Mais encore en sandales.

Des odeurs douceâtres de fin d’été. Les forêts commencent à changer de couleur. Bientôt la récolte des pommes de terre. Abondance de tomates.

La gaieté bruyante des enfants — tellement heureux de se retrouver, encore plus cette année — dans les cours d’école.
Et puis, surtout et encore, même si j’ai quitté l’école, le bonheur d’avoir des cahiers neufs, de découvrir de nouveaux livres. Je change la rentrée scolaire pour la rentrée littéraire. Je délaisse la plage et le canot pour la galerie couverte où je pourrai lire sans craindre la chaleur. Ou je rentre sans culpabilité dans cette « chambre à moi » où j’ai envie d’écrire.

Que septembre est beau.
Et pour vous aussi?

(Constat: j'écris plus court depuis que je publie moins, c'est comme marcher: en vieillissant, le pas est plus lent et mène moins loin.)

vendredi 16 avril 2021

Trois auteures, même besoin


Trois livres, trois auteures.
En commun : des livres autoédités, des femmes à la retraite, le besoin impératif d’écrire. Et bien sûr l’espoir d’être lue.

Ces trois auteures n’ont pas le même bagage littéraire, n’ont pas le même vécu, ni la même expérience professionnelle, et non plus les mêmes connaissances du monde de l’édition.

Pour Chantal Guimond, c’est son premier roman qu’elle retravaille depuis dix ans, pour Colombe Turpin, c’est son septième livre, et, pour Michèle Bourgon, on ne compte plus ses publications autant dans des revues que chez des éditeurs « reconnus ».

Mais toutes se posent sans doute les mêmes questions, affrontent les mêmes difficultés, vivent les mêmes problèmes : la pandémie, les lancements impossibles, la distribution, la promotion. Et... le prochain livre.

Quels sont ces rêves qui nous (parce que je m’inclus dans ce monde fou de l’édition et cette passion pour l’écriture) poussent dans ce labyrinthe? Quelles forces obscures nous retiennent dans cet univers compliqué? S’il ne suffisait que d’écrire!
Pourquoi vouloir plus?
Pourquoi la comédienne veut-elle être Sarah Bernard ou Monique Mercure?
Pourquoi la chanteuse de Karaoke veut-elle signer avec Audiogram ou avoir 15 millions de « j’aime » ou se voit-elle au Centre Bell?
Pourquoi l’auteure envoie-t-elle son premier roman aux chroniqueurs culturels des grands quotidiens? Pourquoi croit-on qu’Amazon est la panacée miraculeuse?
Pourquoi les gens pensent-ils qu’être écrivain, c’est être riche?
Parce qu’on ne sait pas. Parce qu’on ne connait pas ce monde avant d’y mettre les pieds et le corps entier.

On pense être capable. On nous encourage. On nous dit qu’on a du talent. Il est loin le temps où écrire un livre n’était réservé qu’à une élite universitaire. Il est loin aussi le temps où n’étaient valorisés que les premiers de classe, que les métiers intellectuels (en fait, les professions) étaient plus payants que les métiers manuels (je ne parlerai pas de la facture pour un plombier venu chez nous un petit 45 minutes!) Au besoin, dans un temps de déprime ou de simple questionnement, on nous requinquera en nous mettant sous le nez, le succès des romans de J.K. Rowling refusé quatorze fois, ou celui aussi de John Kennedey Toole publié après son suicide, grâce à sa mère qui a fortement insisté auprès d'un éditeur.
Donc tout le monde peut rêver d’écrire aujourd’hui.

Avec le numérique (imprimer 50 exemplaires au lieu de 3000 en Offset), c’est accessible. Avec les logiciels de mise en page, on peut monter son livre ou demander à un graphiste. Avec les réseaux sociaux, on peut se faire connaitre, vendre ses livres.
Donc, tout le monde peut rêver de voir son livre imprimé.

Je dirais même que les Québécois ont été élevés avec l’idée qu’on « peut en faire du pareil ». Au lieu d’acheter des tableaux, d’assister aux concerts, d’acheter des livres, on prend des cours de peinture, on crée des tableaux, on en vend. On joue de la guitare, « c’est facile », on crée un groupe... Et on écrit.

Mais même si on savait que les écrivains n’ont que 10 % quand leurs livres sont publiés chez des éditeurs, qu’il faut attendre trois et même six mois avant de savoir si un éditeur acceptera notre manuscrit, qu’il y a le distributeur avant le libraire, que les livres ne demeurent que trois mois sur les tablettes, à moins de s’appeler Janette Bertrand ou Michel Tremblay, qu’il faut ensuite attendre un an avant de recevoir des redevances... écrirait-on moins?
Non, parce que le rêve et le besoin sont plus forts que tout.

Leurs livres sont bien différents et, à la limite, n’ont rien en commun et pourtant Chantal Guimond, Colombe Turpin et Michèle Bourgon se posent mille questions, doutent du moindre mot, ont peur des jugements, sachant pourtant qu’on ne peut pas plaire à tout le monde. Elles avancent, foncent, continuent à lire, à écrire, à apprendre, à publier, à élargir leur lectorat...
Parce que c'est plus fort que tout.

Et vous, quels désirs vous poussent à écrire?
Quelques-uns par là >>>

Lien vers le site de Chantal Guimond >>>
Lien vers le site de Colombe Turpin >>>
Lien vers le site de https://leshumeursdelameremichele.wordpress.com/

samedi 10 avril 2021

Un mois d'avril bien différent (encore)

Je cherche le mot ou l’expression juste pour décrire ces envies récurrentes de :
sirop d’érable au printemps
framboises en juillet
bleuets en août
et... de crabe en avril.



Comme je ne suis pas née au bord du fleuve ou de la mer, je n’ai découvert le crabe que tardivement. En 2004, lors de mon premier séjour à Myrtle Beach. Avant, c’était plutôt le homard du Maine ou, pour le crabe, c'était à Tadoussac, mais beaucoup plus tard,en juin ou juillet, il me semble.

Le goût et le besoin m’étaient un peu passés les dernières années parce qu’après quatre ou cinq mois en Floride, une fois revenue au Québec, je ne sentais pas le besoin de repartir. Mais cette année... depuis quelques jours...

J’ai vérifié : sur les dix-huit fois que je suis partie camper en mars-avril, six fois à Myrtle Beach. Les autres fois, quand même à Assateague, Cape Hatteras, St-Augustine, Fort de Soto.
La mer, les vagues, les aigrettes, les azalées en fleurs, les levers de soleil.
Le camping, le vrai : manger à une table à pique-nique, faire un feu le soir, être dehors toute la journée.
Et puis visiter : les petits villages, les boutiques, les galeries d’art.

 

Et bien sûr, les repas qui ne ressemblent en rien à ceux préparés sur une cuisinière électrique. Quant aux rares restaurants : le moins possible les fast-foods qui abondent et qui de toute façon ne nous dépaysent pas de ceux que nous avons au Québec. Alors ceux qui offrent des fruits de mer, les « Seafood ». Plus précisément les buffets gargantuesques. Pour le choix diversifié. Pour comparer avec les « fish and chips » de Terre-neuve, avec les « lobster roll » de Sainte-Flavie. Et dans mon cas, pour le crabe frais parce que tout simplement, aller camper en Gaspésie en avril pour avoir du crabe frais... disons que ce serait possible, mais sûrement pas toute la journée dehors!

Heureusement, je sais que cet appel saisonnier n’est que passager. Parce qu’ici, chez moi, les gloussements, les cris variés des bernaches me ravissent et me ramènent à ce printemps qu’il fait bon vivre. Entre champs et rivières.


Et vous, souffrez-vous de ce... quand même pas un syndrome? Ni réminescence, ni nostalgie. Une mémoire affective? Et en fait, le mot souffrir aussi est exagéré. Le fait que les mots ne me viennent plus aisément, est-ce signe que la pensée n’est pas claire ou plutôt un indice que je ne lis ni n’écris plus assez souvent?

Bref, en cette année de pandémie qui bouscule toutes nos habitudes et nos projets, mais qui n'empêche pas la mémoire ou les sens de nous proposer leurs souvenirs, comment se passe votre mois d’avril?

jeudi 1 avril 2021

« Qu’est-ce que tu veux pour ta fête ? »

Avril : le mois de mon anniversaire. Un mois de printemps, de dehors. Sortir son vélo, gratter son terrain. Entendre les outardes. S'assoir sur la galerie.

Et la fameuse question qui commence dès le 1er, tout de suite après le poisson d’avril : «Qu’est-ce que tu veux pour ta fête?». Je n’ose pas répondre «rien». Alors je cherche.

C’est un peu comme les enfants nés le 23 décembre, leurs cadeaux et les cadeaux de Noël sont un peu mêlés. Alors moi, qui suis née un Vendredi saint, on m’a souvent fêtée en même temps que Pâques. Comme mon frère en même temps que la fête des Mères. Et c’est bien correct comme ça. Je suis moins le centre d’attention. Et je n’ai pas à répondre à la fichue question.

Comment dire aux gens que je les aime bien, mais que j’aime la tranquillité. Pas la solitude complète. Je n’ai jamais vécu toute seule pour vrai. Tout au plus une semaine ici et là. Mais je dois admettre que ça m’énerve de la visite. Aller chez les gens, quelques heures, ça va, c’est même divertissant, mais recevoir, ça me stresse. Si je le dis, les gens ne viendront plus. Je passerai pour misanthrope, asociale.

C’est avec le trop que j’ai de la misère.
Trop de choses à penser, à gérer. Trop de bruits en même temps, tout le monde parle, de la musique ou la télé ouverte pendant qu’on jase. Toutes les émotions de tout le monde. Ça devient une tempête.

Une personne à la fois, c’est mieux.
Et s’il vous plaît, pas d’appels téléphoniques. Pas trop, un ou deux. Pas trop longtemps non plus, quelques minutes, ça peut aller. Pas des heures.

Mais je ne peux pas dire ça non plus, je vais passer pour...
Pour moi toute seule, je m’en fous de mon image. Je sais qui je suis et je m’entends bien avec mon moi-même. Je suis habituée depuis l’temps. Je peux bien me parler sèchement. Mais ça me fait de quoi quand je vois la réaction des gens : tu veux pas me voir? Tu veux pas de party? Ce sont eux qui sont déçus. Ce sont eux qui veulent un party, une rencontre, fêter, manger, boire, rire, chanter. Alors ce qui me peine, c’est de ne pas leur faire plaisir. Et j’aime bien faire plaisir. Je suis pas une faiseuse de party, mais pas une casseuse non plus.

Je ne sais plus quoi faire. J’hésite. Je n’aime pas décider. Je jongle à la façon de plaire à tout le monde y compris moi-même. J’y arrive rarement. Et bien souvent, j’accepte la fête. Et puis, oui, j’y prendrai plaisir. À voir les sourires, à recevoir les cadeaux et les câlins. À apprécier le vin et le gâteau au chocolat. À écouter les dernières nouvelles de chacun. J’aime entendre leurs histoires, c’est comme lire des biographies. Je raffole des confidences. C’est sûr qu’une fois tout le monde parti, la vaisselle lavée, la maison redevenue silencieuse, je repasserai tout ce qui s’est dit, je me poserai mille questions, je referai les phrases que j’aurais voulu plus claires. Et c’est sûr aussi, je ne regretterai rien.

Je vous le dis, j’ai tout de l’hypersensible. Je n’aime pas le mot. Ni le hyper ni le sensible. Hyper signifie supérieur. Veux pas. Sensible, c’est comme émotif. Quand quelqu’un est émotif, il chasse rapidement ce trouble. Pas le montrer, comme si c’était niaiseux ou dérangeant. Plusieurs personnes ne savent pas quoi faire avec les émotions des autres et probablement pas avec les leurs. Elles me croient malheureuse d’être ainsi affublée de cette personnalité. Tout de suite le psychologue, le médecin, les anti-dépresseurs. Comme si j’étais malheureuse, malade, dépressive.

« Finalement, que veux-tu pour ta fête? » (Bon, je comprends que j’ai encore pris un long détour avec beaucoup de mots pour répondre à une question qui avait l’air pourtant simple.)

Heu... Rien. Et puis, tiens, oui, je veux ne rien faire : pas de repas, pas de ménage, pas de monde.

Et si vous voulez me faire plaisir : écrivez-moi (non, non pas obligé d’écrire une longue épitre). J’adore lire.

Note: Si c'est la première fois que vous entendez parler d'hypersensibilité... c'est tout plein sur Internet.
Dont là >>>

dimanche 10 janvier 2021

Janvier 2021

 


Quand je regarderai la date

je verrai le bleu du ciel   la neige légère   le temps doux

Cette heure   Le sourire

Les autres heures seront floues

tellement celle-là émergera

de la longue secousse