samedi 18 juin 2022

Là où la terre rencontre la mer

Avant le voyage, il y a le rêve et la réalité.
À 70 ans (et plus), le rêve, c’est vouloir revivre des moments heureux ou revoir des lieux aimés. De voir la mer, de rouler lentement en se racontant des histoires, de flâner dans les villages, de déguster les produits du terroir, de se promener à pied, à vélo.

La réalité, pour nous, c’est que nous n’avons plus de véhicule récréatif, qu’on n’a plus le dos ou les genoux pour la tente, c’est que nous ne passons plus l’hiver dans le sud. Donc des voyages ou plutôt des escapades au printemps ou à l’automne. Parce que l’été, il fait chaud, il y a du monde sur les routes, il faut de plus en plus réserver.

La réalité aussi que même si on a encore le goût du camping, de la table à pique-nique, du petit feu lors les soirées fraiches, il y a le budget. On déplore que les prêts à camper (parfois sans toilette pour la nuit) soient plus dispendieux que des hôtels ou des « cottages ».

La réalité c’est qu’on voit moins loin, mais on choisit plutôt de séjourner plus longtemps à un endroit et de rayonner autour.

La réalité c’est qu’on ne veut plus visiter, mais on veut vivre. Une expérience, une atmosphère.

Où aller?
États-Unis, encore les douanes, passage stressant et anxiogène! Non.
Gaspésie? Côte-Nord? Louer un petit chalet à Tadoussac? Cape Cod? L’Ontario? Pointe-Pelée pour les oiseaux? La péninsule de Bruce qu’on n’a jamais vue?
Entre lac, fleuve et mer, on choisit la mer.
Retour vers un lieu aimé : Île-du-Prince-Édouard (1973), Terre-Neuve (2006), les Îles-de-la-Madeleine (2004)?

On choisit l’Ïle-du-Prince-Édouard.
Le voyage est déjà commencé.
En auto cette fois. Départ prévu : lundi 30 mai.



Et puis, la réalité.
Celle du samedi 21 mai 14 heures 15.
Celle qui a failli faire avorter le voyage.
Celle qui a modulé l’intensité de nos réactions.

D’abord sentir le besoin
D’abord en rêver
D’abord partir

Parce que le « derecho » nous a obligées à attendre la coupe des arbres, la réparation du toit, le retour de l’électricité
Parce que quatre ans auparavant, le VR avait refusé de partir
Parce qu’aucune réservation n’a été payée
Cette semaine à l’Île-du-Pince-Édouard a bien failli ne pas être.

Pour qui demeure en Outaouais, il faut souvent prévoir traverser la province.
Pour qui aime le fleuve, il y a les amies à visiter à Saint-Casimir, à Notre-Dame-du-Portage, à Québec.
Pour qui aime les îles, il est facile de retrouver des lieux communs avec les peintres jadis côtoyés.



Remplacer le vacarme des arbres tombés par la grandeur du lac Témisoucata, la beauté du fleuve Saint-Laurent.
En contre-bas, sur la route transcanadienne, être surprise par le fleuve Saint John.
À Saint-Léonard, arrêter au pays de Clarence Bourgoin.
Écouter les chutes de Grand-Sault.
Saluer de loin la sœur d’une amie à Fredericton.
Traverser les treize kilomètres du pont de la confédération.
Arriver à l'île, chez les frères Jakes and Jos, à Brackley Beach.
Être reçue par Shirley, leur sœur.


Être là-bas, mais encore un peu dans les conifères d'ici.
Ne plus savoir les mots en anglais, les comprendre de moins en moins parce qu’on ne les entend plus.
Pourtant, aimer l’ailleurs, certains ailleurs.
Là où il y a la mer et le vent.
Là où la terre rencontre la mer.
Là où il y a les arbres comme les miens.
Là où il y a le poisson différent des miens.
Là où le vent brise les arbres.
Là où la terre rouge s’étend jusqu’au sable blond.
 

Ce n’est pas un grand voyage, encore moins le voyage de ma vie.
Ce n’est pas le voyage de l’oubli ou celui de la fuite
C’est le voyage des petits plaisirs, des sourires retrouvés au creux d’une falaise, au pied d’un phare, au bout d’un quai.
Le voyage des mots a écrire.
Tant de mots se font sérieux dans les revues.
Tant de phrases se font légères dans les histoires.
Tant de poésie dans les chansons.
Les miens ont besoin de solitude et d'horizon.

Ce n’est pas tant l’île qui permet les mots
Ni le chant de la grive ou du goéland
Ni les fleurs blanches de cerisiers ou mauves des lilas
Ni les couleurs des couchers de soleil
Peut-être seulement l’ailleurs, une fois le calme revenu après la violence d’un trois secondes traumatisant.  

J’allais voir la mer et la tranquillité.
J’ai vu des goulets, des bras de mer, des rivières et de la tranquillité.
J’ai vu d’immenses champs de terre rouge et des dunes de sable blond... et la tranquillité.
Et Charlottetown, à dimension humaine, à l'architecture victorienne et aux couleurs des îles.

 

Partout, il est question d’Anne aux pignons verts et d’Avonlea.
Partout, il est question de homard et d’huîtres.
Partout, il est question de plages et de phares.
Mais, moins publicisés, moins affichés, ce que j’ai cherché partout, trouvé souvent, aimé chaque fois, ce sont les petits ports de pêche et les pittoresques et colorées cabanes de pêcheurs.
North Rustico, Cavendish, French river, New London, Fortune Bay, Souris, Summerside, Covenhead.


Quelle distance me sépare de l’horizon?
Qu’y a-t-il à l’horizon pour tant le chercher?
À tant vouloir y noyer mes peines, à tant vouloir oublier le bruit.
Sans doute veux-je que le temps soit comme l’horizon : sans fin.

Des matins lents, égayés de babillages.
Des jours entre terre rouge et sable blond
Des soirs entre bruit de pluie et couleurs de soleil
Des nuits à oublier le derecho et à rêver de climats réconciliés
À nouveau des matins de soleil, de corps tendres, de bras accueillants, de mots doux.
 

Il faut le silence pour que la parole s’invite.
Il faut le vent du large pour que les arbres s’inclinent
Il faut le temps de flâner pour découvrir les lupins dans les fossés, les phares au fond d'une route.


Et puis vint un matin où je quitte l’île.
En emportant avec moi les mots venus s’y nicher quelques jours.
En espérant retrouver l’horizon et ses vertus.
En gardant en mémoire les images, les sons, les odeurs que je puisse les faire surgir les jours plus difficiles.

Le voyage s’est poursuivi chez une cousine à Notre-Dame-du-Portage, près de Rivière-du-Loup.
À Montmagny où on a assisté au spectacle de Guylaine Tremblay qui nous a fait rire et nous émouvoir à travers les chansons d’Yvon Deschamps.
À Québec et à Saint-Casimir.
Longer le fleuve, voir des amies, raconter l’île, la terre rouge, les fruits de mer les cabanes de pêcheurs.

Après 3000 kilomètres,
Après 17 jours ailleurs,
Il y a le retour à la maison
Avec de la patience, de la bonne humeur accumulées,
Il y a la promesse d’un bel été.
 
Après les mots un peu de chiffres
Le pont : on ne paie qu’à la sortie (50 $ pour notre CRV)
Belle surprise : on a eu deux cartes cadeaux de 100 $ chacune. La plupart des commerçants l’acceptaient. On a surtout bouffé nos 100 $!
Distances : l’île s’étend sur 224 kilomètres et varie entre 4 et 60 kilomètres dans sa largeur.
Prix de l’essence du 2 au 9 juin : 2,13 $
Prix moyen des « lobster roll » ou des « fish and chips (aiglefin) : 17,95 $
Un cornet chez Cow’s : 5 $
Plus belle trouvaille de casse-croûte : Richard’s Fresh Seafood, celui de Covehead (dans le parc national de l’Île-du-Prince-Édouard), le verre de vin blanc, 7 onces, à 7,95 $ était le meilleur qualité/prix.
Cottage : pour une semaine (en juin/hors-saison) : 627,90 $ (taxes incluses)
Entrée parc national : gratuit parce qu’ouvert après notre séjour.

Lien vers le site de Tourisme Île-du-Prince-Édouard >>>

9 commentaires:

  1. Comme tu écris bien et j'adore ce coin de pays, merci pour tes belles photos. Au plaisir de se recroiser au détour d'une route.

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    1. Un indice pour savoir qui je croiserais.

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  2. Tres intéressant et j’aime lire ta façon d’écrire. Merci pour me faire revivre ce beau voyage.
    Brigitte Carter

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  3. J'ai revécu à travers le tien, un très plaisant voyage que j'ai fait il y a plus de 25 ans à l'Île du Prince Edouard. Lors de ma lecture, j'entendais le bruit des vagues et j'ai même cru sentir une odeur d'air salin. Merci pour tes mots, merci pour ton blog.

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  4. Quel beau texte...Je comprends tellement ta passion pour le fleuve... J'aimerais énormément aller à l'Ïle du Prince Edouard, pour Anne, bien sûr, mais pour la mer et pour les dunes...Merci de me faire rêver!

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  5. Hélène Quesnel20 juin 2022 à 19 h 52

    Superbe! Bien sûr, j’ai un à priori: ma maison à L’île du Prince Édouard est mon havre de paix et d’écriture. Vous avez raison tout y est calme méditatif, accueillant. J’y ai pondu La Bonté du rémora dans un état de grâce…et mon prochain roman se laisse bercer par la douceur des lieux pour naître bientôt. L’écriture pour moi, c’est le vent dans les cheveux et l’infini comme respiration pour attirer à soi le sens et les mots. Merci pour ce texte!

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    1. Merci de ce commentaire.
      Vous me permettez de m'aventurer dans votre monde que je ne connaissais pas.

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