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lundi 23 octobre 2023

Plaisir aux couleurs d'hydrangée

          

Je lis C’aurait pu être un film de Martine Delvaux.
« C'est l'histoire d'un film qui ne s'est pas fait. C'est l'histoire de trois artistes, Hollis Jeffcoat, Joan Mitchell et Jean Paul Riopelle, dont les vies ont été entremêlées. »
Je revois Sanibel Island.
Je revois l’île aux Oies.
Je revois mes amies artistes.
Dont certaines ne peignent plus. Dont on n’entend plus parler.
Combien de personnes doivent connaitre notre vie? Ça ne la rallongera pas.

Entre deux pages, aller recouvrir quelques arbustes. Pour l’hiver qui vient.
Pluie et vent du nord. Les mains froides.
Pourtant l’hydrangée si belle, si colorée. Des couleurs de tableaux d’artistes.

Entre deux pages aussi, lire Wikipédia et, bien sûr, faire un détour par Facebook.
Trouver la parution du prochain livre de Nicole Brossard.
Sur le site de Boréal, j’ai lu un extrait de L’entaille et la durée.
Une rétrospective, une anthologie. Du sérieux, de l’universitaire.
« Les mots identifiés en tant qu’outils, que moyens, s’éliminent peu à peu à l’intérieur d’un langage elliptique, langage qui n’implique en aucune façon la discontinuité, mode d’expression et d’agir qui semble nous cerner chaque jour davantage et qu’il serait sans doute intéressant de déchiffrer à l’intérieur d’une expérience littéraire. »
Plus à l’aise avec l’écriture de Martine Delvaux. Plus à la portée de mon cerveau.
Les mots de Nicole Brossard s’adressent à mon moi intellectuel qui a ses limites.
Ceux de Martine Delvaux se faufilent dans ma vie émotive, dans ce trou sans fond de mon affect.
« Tout est matière à écriture. Tout ce qui nous arrive ou qui arrive aux autres, tout ce qu’on observe et qu’on porte à l’intérieur de nous, tout ce qui retient notre attention. Tout. Toute la vie, même ce qui semble futile. »
Je revois Nicole Brossard, en 1969, sur le chemin Caron. Qui me remet mon manuscrit. Qui le commente sommairement.
Cette année-là, elle écrivait déjà :
« Il n’y a pas de plus grand risque que celui de l’écriture. Écrire, c’est-à-dire tracer noir sur blanc des mots qui nécessairement cachent (ou révèlent) sous leur mince couche d’encre une émotion, un sentiment, une intuition, un désir. »
Je me revois, pleine d’espoir de devenir écrivain.
Pas comme elle. Juste comme moi. Ce moi dont j'ignorais ce qu'il deviendrait. Me le demande encore parfois.
Il me vient en tête des titres :
C’aurait pu être un livre
Ou C’aurait pu être une vie. Une autre vie. Une vie encore. Parce que déjà, la mienne achève. Je suis dans l'acceptation de l'inévitable.

Je ne sens plus cette force qui pousse à écrire des centaines de pages, de raconter une longue histoire.
Je ne sens plus ce besoin d’aller voir ces lieux touristiques ou mystérieux ni ceux où ont vécu tel ou tel artiste, tel ou tel auteur.
Je ne regrette plus ces cours de littérature auxquels j’ai renoncé à 20 ans.
Je sais maintenant que ma paix n’est pas ailleurs.
Mais je sens toujours cet « étrange refus de vieillir, le désir d’échapper au temps malgré sa marque sur le corps. »

Déjà plusieurs petits deuils, mais aussi de plus en plus d’acceptations, de laisser-aller.
Pourtant, si on me l’offrait, j’y songerais sérieusement : non pas vivre encore longtemps, mais avoir deux ou trois autres vies :
une avec quelques millions de dollars,
une autre avec des facultés intellectuelles supérieures.

Pourtant, je suis de plus en plus dans cette paix que je cherchais déjà à 15 ans quand j’ai commencé à écrire dans ma grande garde-robe, la porte fermée. J’ai toujours cherché plus la paix que l’amour. J’aime croire que j’ai connu les deux. Que je connais les deux.
Je suis bien à lire un livre, à lire les vies des autres.
Je suis bien à regarder les hydrangées.
Plaisir et coeur tranquille aux couleurs d'hydrangée.

Si (me semblait aussi qu'il y aurait un "si"!) le champ d’épis de maïs peut être coupé que je retrouve les couchers de soleil flamboyants!
Que le gel vienne.


vendredi 12 juin 2020

Ces auteures que j'aime

Aveu facile. Plaisir même pas coupable. Depuis que j’ai une liseuse, depuis que les auteurs acceptent que leurs éditeurs publient des extraits, depuis que sur les sites des libraires, on peut en lire, je suis devenue accro. Avant c’était la quatrième couverture, mais c’était vite fait. Maintenant c’est l’extrait.

Je suis accro aux extraits. Dès que je vois un nouveau titre, que ce soit dans les journaux, les blogues ou sur Facebook (je ne suis pas très Twitter ni Instagram), je me précipite sur ma liseuse Koko ou sur les sites de la BANQ, de Biblio Outaouais ou sur celui de Libraires.ca. Parfois, l’extrait me donne envie d’emprunter le livre. Parfois non. 

Ou sinon, une amie me suggère Jean Désy ou Madeleine Chapsal. De belles heures. Je lis mais j’oublie dès la dernière page tournée.
Tandis que pour d’autres, comme on se promène comme sur une route ou le long du fleuve, je flâne, je rêvasse, je m’attarde. De baie en baie, de phrase en phrase. Parfois une odeur, une montagne, une vague. Une émotion, des petits bouts : « Lire, lier. Livre, livrer. Les mots se mêlent souvent. » (Marie-Ève Lacasse dans Autobiographie de l'étranger).

Si le silence se présente, si le banc m’invite, j’entends Clémence qui dit « je suis fatiguée de mes peines ». Je pense aux miennes. J’écris et, je suis comme Virginie Savard : « Je ne sais plus être autre chose que mon bouleversement. »

En ce qui concerne certain·e·s auteur·e·s, point besoin d’extrait, aucune hésitation, attente et amour inconditionnel. C’est certain que j’emprunte ou achète leurs livres.
Louise Dupré 
Hélène Dorion 
Catherine Mavrikakis 
Martine Delvaux 
Michèle Plomer 
Élise Turcotte 
Dominique Fortier
Marie-Sissi Labrèche 
Nancy Huston 

Elles ont entre 60 et 70 ans. Ce sont des femmes. Des écrivaines. Parfois professeurs à l’université, surtout poètes. Leurs romans ou récits ne m’ont jamais déçue. Je suis leur carrière comme d’autres suivent les spectacles de leurs chanteurs et chanteuses préférés. Elles parlent de leur mère, de leur écriture, de la littérature. Je m’identifie. Elles sont mon miroir. Leurs mots sont ceux que je voudrais écrire. Elles évoquent les lieux, les paysages, les livres que j’aime.

Aussi, j’ai emprunté deux fois Pas même le bruit d’un fleuve, d’Hélène Dorion. J’ai trouvé un peu longuette cette histoire de l’Express of Ireland, d’autant que je la connaissais déjà. La lecture des journaux dans un roman, la longue liste des morts alors qu’il n’y en a qu’un seul qui nous intéresse… Mais à ces auteures, je pardonne tout comme on pardonne à nos acteurs et actrices québécois parce qu’on les aime et qu’on veut qu’ils vivent encore de leur art, qu’ils nous nourrissent, qu’ils nous émeuvent. Et puis je ne me lasse pas des relations mère fille. Ni de tout ce vocabulaire qui déferle comme une vague. Ni de cette route entre Kamouraska et Rimouski.

Quant à Théo à jamais, le drame — une tentative de meurtre de Théo sur son père —, est bien ancré dans le réel des tueries, des violences familiales. Le sujet me touche moins, mais l’écriture, le style de Louise Dupré me font du bien. Comme une séance de thérapie. La colère se dissipe. La compassion refait surface.

Voilà, finalement, depuis de 13 mars qui a chamboulé toutes mes habitudes, qui m’a fait revenir rapidement au Québec où je croyais qu’après quatorze jours de confinement, j’allais retrouver mes vieilles chaussettes et mes bonnes habitudes de lecture, pour m’apercevoir que plus rien n’était comme avant… finalement, j’ai quand même réussi à lire trois livres au complet et de nombreux extraits de livres intéressants.

Qui sait, l’été sera peut-être beau!

mardi 10 octobre 2017

De l'écriture féminine

En essayant de comprendre pourquoi, ces temps-ci, je préfère les romans écrits par des femmes et aussi par des Québécoises plutôt que des Françaises ou Américaines,
en essayant de comprendre pourquoi, par exemple, je préfère le dernier roman de Martine Delvaux au premier de Stéphane Larue,
j’ai longuement navigué entre des sites de thèses, des blogues et des revues populaires.
Je sais à l’avance que je conclurai qu’il n’y a pas de conclusion définitive, tout au plus un cheminement qui se poursuit depuis mes premières lectures et s’achèvera à mon dernier souffle.

Dans Google, si on écrit « romans féminins » nous aurons des pages et des pages. Danielle Steel tout à côté de Simone de Beauvoir.
Si on écrit « romans masculins », Google ne nous renvoie qu’à des prénoms.
Je n’entrerai pas dans la polémique de savoir si on doit féminiser les titres, si on doit être écrivaine ou autrice ou dire madame le ou la ministre, mais la question d’écrire « autrement » me captive.

Est-ce que j’écris différemment parce que je lis différemment? Après tout c’est la même personne qui lit et qui écrit.
Est-ce que je corresponds aux statistiques?
«Quand on remonte le fil de l'histoire, on s'aperçoit qu'il y a toujours eu des genres littéraires associés aux hommes et aux femmes. Depuis toujours, les lectures dites "sérieuses" comme les ouvrages politiques et d'histoire sont associées aux hommes, alors que la littérature de divertissement, comme les romans, est associée aux femmes.»
                                                          Anthony Glinoer dans La presse du 19 juin 2015 
Les statistiques révèlent que les femmes lisent plus que les hommes, pourtant les hommes continuent d’être plus souvent publiés que les femmes. Et gagnent plus de prix.

Et alors?
auteures, écrivaines, langage familier
Ce que je sais en revanche, c’est que nous avons tous un principe féminin et un principe masculin. Nous avons des sensibilités différentes. Et même à chaque jour, je dirais que le pourcentage change comme le soleil qui n’a pas toujours la même couleur. Ces jours-ci, je suis orange brûlé, presque rouge vif. Comme l’automne. J’entre dans la maison. J’entre à l’intérieur de mon moi. Je fais du ménage, je me prépare un nid douillet et chaud. Toutes des activités féminines? D’où l’intérêt pour les mots féminins? Peut-être.

Sur mon passage sur Google, j’ai vu souvent le nom d’Hélène Cixous. Elle parle de son écriture.
«La pensée a ses rythmes, qui sont commandés par les escalades qu’elle est amenée à faire. Tantôt on procède par bonds, on saute sur une idée, par phrases courtes ; tantôt on est obligé de descendre ou de monter, à la façon de Dante faisant le tour d’une montagne. Il y a des lacets, on est épuisé. La pensée trace elle-même son rythme, étire ses fils. Ce qu’on apprend à faire, c’est à ne pas résister, à ne pas être un juge arbitraire disant « on doit écrire comme ci et pas comme ça »(1)
C’est comme ça que je pense. Je lis une histoire dans l’ordre que l’auteur a bien voulu me livrer, mais j’écris d’abord dans le désordre de ce que je ressens. le vu, le senti, le ressenti, le goûter, le rythme du cœur qui s’accélère comme s’il trouvait enfin le trésor longtemps cherché. Je sautille et je cherche ailleurs les mots pour exprimer ce cafouillis intérieur. Comme à 15 ans quand l’adolescente rebelle m’est sautée dessus sans permission. Ensuite, il faut que j’arrête, que j’interrompe le flux et que j’organise. Pour que mon cerveau comprenne. Je devrais peut-être faire du yoga pour apprendre à respirer mes mots et mes phrases. Je suis peut-être atteindre d’une TDA tardive.

En observant que ces temps-ci je lisais et j’aimais plus facilement les romans écrits par des femmes, en ayant du mal à aimer autant Le plongeur que la plupart des lecteurs et chroniqueurs, j’ai peut-être compris que ce n’est pas tant que Le plongeur soit écrit par un homme ou que le personnage soit un homme, mais, de ma part, c’est la difficulté à lire. Simplement parce que mon cerveau réagit négativement devant la langue trop familière utilisée jusque dans la narration. Comme s'il se sentait agressé, pire, injurié. Je croyais tout pardonner aux Québécois parce qu’en théorie, je les comprends, je les connais, je leur ressemble. Pourtant de moins en moins.
Je redeviens la juge snobinarde que j’étais à cet âge ingrat où on ne pardonne rien à nos parents. Maintenant que j’ai l’âge d’être parent, je ne pardonne rien aux jeunes. Je dois pourtant apprendre à leur laisser leur chance. Ils ont droit de vivre et d’essayer, eux aussi. Et d’écrire ce qu’ils veulent, comme ils veulent.
J’essaie de ne pas juger, mais j’essaie surtout de comprendre pourquoi je n’aime pas, pourquoi je ne finis pas le livre ou que je lis en diagonale. Et pourquoi tout le monde ne réagit pas comme moi.

Je crois bien que je vais mourir en cherchant encore le pourquoi de mon besoin d’écriture et de lecture. Et c’est normal, puisque je crois profondément — pour l’instant en tout cas, faute de preuves — que la vie n’a pas de sens tant qu’on ne saura pas pourquoi la mort. Ou vice-versa.

Le soleil se couchera dans un ciel orange brûlé pendant que je lis Hélène Dorion ou Michèle Lesbre ou…
Et demain sera un autre jour.

Avez-vous remarqué si vous lisiez plus féminin ou masculin?