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vendredi 18 octobre 2019

Les Foley, c'est...

Les Foley
C’est un format que j'aime et une couverture invitante.

Les Foley, c’est Annie-Claude Thériault que j’ai connue sur Le Bateau-Livre de 2017. J’avais lu La fille de l’Allemand, elle voulait lire mes Têtes rousses. Parce que l’Irlande justement. Elle voulait déjà en parler. C’était déjà Les Foley.

C’est une histoire qui commence à Micsou, au Nouveau-Brunswick en 2019 et qui se termine au même endroit.

C’est l’Irlande. Pas vraiment l’Irlande le pays, quoique oui aussi, mais un portait de cinq femmes, de mère en fille.

Les Foley, c'est une plante, la Sarracenia purpurea, prétexte génial et lien entre les générations :
« Parce qu’au-delà de la Sarracenia purpurea, c’était quelque chose de ma mère que je souhaitais retrouver. N’importe quoi.
Mais au moins un sillon. »
Plus encore que la plante, Les Foley, c’est aussi un coléoptère, un doryphore.
« un minuscule insecte beige, éclatant. Beige, scintillant. Beige presque orange. Avec des lignes noires sur le dos. »
Un doryphore que je connais bien puisque, là où je vis, je suis entourée de champs de pommes de terre. Comme mon ancêtre Bridget Bushell. Comme Evelyne Foley.

Un doryphore qui représente « la guigne » pour Evelyne Foley, cette grand-mère qui fera partir fils et petits-fils en Amérique. En 1847. Parce que la famine, la misère, la mort, la « guigne ». Elle aurait voulu que sa petite-fille parte elle aussi, mais cette petite ne veut quitter ni tantes, ni grand-mère ni l’Irlande.

Les Foley, ce sera ensuite le Nouveau-Brunswick, l’Acadie, l’histoire d’Evangéline. Mais aussi les pères absents, les hommes violents. La cruauté de la vie. Les enfances blessées.

Les Foley, cinq générations, cinq descendantes qui cuisinent le stew et le caramel pendant que les pères et les frères boivent du whisky. Beaucoup d'odeurs et de couleurs dans Les Foley.

Les Foley, c’est encore plus un style tout à fait contemporain dans la répétition des mots, le martèlement des phrases courtes, des phrases sans verbe ou seulement un verbe. L'atmosphère qui en résulte « évoque Emily Dickinson ou les sœurs Brontë » selon la journaliste Manon Dumais dans Le Devoir

Et puis, toujours il y a les mères, les femmes, le manque.
« Je me suis levée complètement obsédée arc cette Clara qui connaissait ma mère. C’était clairement ce que j’avais espéré en venant ici : retrouver quelque chose d’elle. Une trace. Un nom. Mon récit. Son sillon. Je ne sais pas. Elle ne m’avait rien laissé, ma mère, ni d’elle, ni de son histoire, ni de mes grands-parents. »
Et Laura apprendre l’histoire des femmes Foley. Elle aura trouvé son rivage. « C’était un accostage ».

Une fois le livre refermé, je pars marcher sur le chemin bordé de champs de pommes de terre. Temps de la récolte, temps des rouges et des orangés si beaux si forts cette année. Très peu de doryphores cette année.

Les Foley m’ont rappelé tous ces Irlandais venus en Amérique pour vivre mieux, pour ne pas disparaître. Qui, comme moi, veulent laisser des sillons.

mardi 26 septembre 2017

Autour d' Annie-Claude Thériault

Carnet de roman

Autre refus d’éditeur, un de ceux que je voyais bien publier mon histoire. Un éditeur qui, il me semble, ne jure pas que par une écriture jeune, une facture contemporaine, des éclats de voix.
Je passe.


Carnet du jour

Comme si nous étions en hiver et qu’il faisait moins 28, ressenti – 38, ce qui serait tout à fait plausible, je demeure à l’intérieur. Sauf que ce n’est pas moins 28 mais plus 28 et nous sommes le 26 septembre. Record battu. Une journée à l’intérieur pour moi, c’est un enfermement, un confinement qui me désole.

Tout juste si j’ai été au village en vélo. Le temps d’aller chercher quelques prospectus inutiles et trois tomates pour le diner.

Mais je refuse de me plaindre. Chaque matin, je me lève et je suis heureuse d’être en vie, un jour sans rendez-vous médical, sans obligation professionnelle. Un matin où je peux rester au lit, à lire sur ma tablette. Un matin où je pourrai me vêtir négligemment… et courtement puisque je ne sors pas. Me lever, pieds nus sur un plancher frais, c’est jouissif. Prendre mon temps. Possibilité de baignade.

À 20-30-40 ans, dès le réveil j’étais impatiente, prompte, jeune biche impulsive. Aujourd’hui, en comparaison, je suis d’un calme désarmant, d’une lenteur suspecte. Est-ce l’explication de mes manuscrits qui ne trouvent pas preneur. Mes textes transpirent-ils à ce point l’ennui, une voix empâtée, comme mon corps vieillissant? Je ne me sens pas vieille jusqu’à ce que je lise les romans des auteurs primés ces années. Ne peut-on pas vivre côte à côte? Nous demande-t-on le même ton (et le même vocabulaire mixte), la même vitalité, celle qui se vend, celle qui plaît, qui s’exporte, qui se filme?


Carnet de lecture

Les filles de l'Allemand, Quelque chose comme une odeur de printemps

Parlant jeunesse et livres, j’étais certaine d’avoir parlé d’Annie-Claude Thériault.

Lors de l’événement Bateau-livre, début septembre, j’ai revu Raymond Ouimet que je connais et dont j’ai lu les histoires dans lesquelles la mort n’est jamais bien loin. Il y eut Mélanie Rivet que je connaissais de nom, rencontrée une fois ou deux, entendue lors du symposium In situ à Namur, mais à qui je n’avais jamais adressé la parole. Ce fut fait. Et il y eut Annie-Claude Thériault, dont le prénom, évidemment, m’a intriguée. Mieux encore, elle enseigne la philosophie, ma matière préférée à l’école normale.

Comment l’oublier, ce roman Les filles de l’Allemand, dont elle a lu un extrait, publié en août 2016, il m’avait laissé une marque assez forte. Je me souviens avoir cru pendant quelques instants que les filles de l’Allemand ce serait un peu comme les enfants de mes Irlandais. Rien à voir sinon que c’est tout de même inspiré de ses ancêtres acadiens. C’était une histoire de jumelles séparées. Le genre d’histoire qui me touchera toujours sans que je n’en comprenne jamais la raison. Alors je les lis toutes au cas où un jour mon subconscient se souvienne.

Entre le Nouveau-Brunswick et la France, entre le cirque et l’espionnage, des enfances brisées, des croisements de temps, de lieux. Des personnages originaux (et détraqués?), des secrets déchirants. Un peu compliqué parfois. Inutilement selon moi, mais un style contemporain comme en recherchent les éditeurs, ces années-ci.

Après la rencontre sur le bateau, je me suis demandé ce que j’avais bien pu en dire sur mon blogue. Et si elle allait lire… Mais voilà, après une recherche minutieuse de tous les billets publiés depuis l’été 2016, rien. Je n’ai rien trouvé, peine perdue.

Certaine d’avoir tenu un exemplaire dans mes mains parce que c’est un format et une texture de papier que j’aime vraiment beaucoup, j’ai cherché dans ma bibliothèque. Peine re-perdue. L’aurais-je prêté? J’ai cherché dans mes notes. Peine re-reperdue. J’ai dû l’emprunter à la bibliothèque de mon village puisqu’il n’est pas en numérique à la BANQ.

Cessons de chercher des traces, et repartons à zéro. Quitte à avoir l’air d’en parler parce que j’ai rencontré l’auteure. Ce qui est quand même le cas.

Brève d’introduction… Heureusement que je n’écris pas un article pour un journal, je peux digresser à mon goût. En fait, je rôde autour, je raconte les circonstances qui entourent la lecture des romans. Comme Catherine Mavrikakis dans la revue LQ, « je suis une lectrice qui écrit ».

Au retour de Bateau-Livre donc, plus de quinze jours après, je goûte encore à ce plaisir d’avoir été voulue, choisie, je flotte encore dans le ravissement de savoir que j’existe en tant qu’auteure. Et dans le plaisir d’avoir entendu des extraits de livres, ce qui ne me déplaira jamais.
Alors j’ai voulu lire Quelque chose comme une odeur de printemps, d’Annie-Claude Thériault.

Ce qui est fait.

Encore une fois, les relations sont au cœur de l’histoire. Entre frère et sœurs, entre « une Chinoise qui n’en est pas une et qui peint de grotesques personnages, et de Monsieur Pham, le charismatique Vietnamien du dépanneur »
Annie-Claude Thériault a fait de son personnage principal Béate (pauvre petite fille qui doit porter un tel prénom) une amoureuse des odeurs, des saveurs.

À preuve, le roman commence par la cannelle et se termine par un parfum de printemps.
« C’est un mélange de cannelle et de clous de girofle. »
« Ça sentait les fleurs. Ça embaumait l’iris, un parfum de jacinthe, une touche de rose et un soupçon de marguerite. Il faut me croire, on se serait crus au milieu d’un jardin de géraniums, entre un hibiscus et un petit jonc fleuri, sous un magnolia, à l’ombre d’un vinaigrier caché par des cèdres.»
Et ça se termine par la phrase : 
« Ça sentait l’hiver, encore, mais l’hiver tout jeune et tout frais; un hiver aux parfums de printemps. »
En 2013, le roman a remporté un prix envié, le Prix littéraire Jacques-Poirier-Outaouais.

Le ciel, autant que les montagnes à l’horizon, est toujours bleu, d’un bleu gris à cause de l’humidité. J’attends un jour plus frais, bientôt, pour marcher dans la forêt et espérer des feuilles plus rouges que brunâtres et brûlées. Sous la pluie peut-être.