Carnet de roman
Autre refus d’éditeur, un de ceux que je voyais bien publier mon histoire. Un éditeur qui, il me semble, ne jure pas que par une écriture jeune, une facture contemporaine, des éclats de voix.
Je passe.
Carnet du jour
Comme si nous étions en hiver et qu’il faisait moins 28, ressenti – 38, ce qui serait tout à fait plausible, je demeure à l’intérieur. Sauf que ce n’est pas moins 28 mais plus 28 et nous sommes le 26 septembre. Record battu. Une journée à l’intérieur pour moi, c’est un enfermement, un confinement qui me désole.
Tout juste si j’ai été au village en vélo. Le temps d’aller chercher quelques prospectus inutiles et trois tomates pour le diner.
Mais je refuse de me plaindre. Chaque matin, je me lève et je suis heureuse d’être en vie, un jour sans rendez-vous médical, sans obligation professionnelle. Un matin où je peux rester au lit, à lire sur ma tablette. Un matin où je pourrai me vêtir négligemment… et courtement puisque je ne sors pas. Me lever, pieds nus sur un plancher frais, c’est jouissif. Prendre mon temps. Possibilité de baignade.
À 20-30-40 ans, dès le réveil j’étais impatiente, prompte, jeune biche impulsive. Aujourd’hui, en comparaison, je suis d’un calme désarmant, d’une lenteur suspecte. Est-ce l’explication de mes manuscrits qui ne trouvent pas preneur. Mes textes transpirent-ils à ce point l’ennui, une voix empâtée, comme mon corps vieillissant? Je ne me sens pas vieille jusqu’à ce que je lise les romans des auteurs primés ces années. Ne peut-on pas vivre côte à côte? Nous demande-t-on le même ton (et le même vocabulaire mixte), la même vitalité, celle qui se vend, celle qui plaît, qui s’exporte, qui se filme?
Carnet de lecture
Parlant jeunesse et livres, j’étais certaine d’avoir parlé d’Annie-Claude Thériault.
Lors de l’événement Bateau-livre, début septembre, j’ai revu Raymond Ouimet que je connais et dont j’ai lu les histoires dans lesquelles la mort n’est jamais bien loin. Il y eut Mélanie Rivet que je connaissais de nom, rencontrée une fois ou deux, entendue lors du symposium In situ à Namur, mais à qui je n’avais jamais adressé la parole. Ce fut fait. Et il y eut Annie-Claude Thériault, dont le prénom, évidemment, m’a intriguée. Mieux encore, elle enseigne la philosophie, ma matière préférée à l’école normale.
Comment l’oublier, ce roman
Les filles de l’Allemand, dont elle a lu un extrait, publié en août 2016, il m’avait laissé une marque assez forte. Je me souviens avoir cru pendant quelques instants que les filles de l’Allemand ce serait un peu comme les enfants de mes Irlandais. Rien à voir sinon que c’est tout de même inspiré de ses ancêtres acadiens. C’était une histoire de jumelles séparées. Le genre d’histoire qui me touchera toujours sans que je n’en comprenne jamais la raison. Alors je les lis toutes au cas où un jour mon subconscient se souvienne.
Entre le Nouveau-Brunswick et la France, entre le cirque et l’espionnage, des enfances brisées, des croisements de temps, de lieux. Des personnages originaux (et détraqués?), des secrets déchirants. Un peu compliqué parfois. Inutilement selon moi, mais un style contemporain comme en recherchent les éditeurs, ces années-ci.
Après la rencontre sur le bateau, je me suis demandé ce que j’avais bien pu en dire sur mon blogue. Et si elle allait lire… Mais voilà, après une recherche minutieuse de tous les billets publiés depuis l’été 2016, rien. Je n’ai rien trouvé, peine perdue.
Certaine d’avoir tenu un exemplaire dans mes mains parce que c’est un format et une texture de papier que j’aime vraiment beaucoup, j’ai cherché dans ma bibliothèque. Peine re-perdue. L’aurais-je prêté? J’ai cherché dans mes notes. Peine re-reperdue. J’ai dû l’emprunter à la bibliothèque de mon village puisqu’il n’est pas en numérique à la BANQ.
Cessons de chercher des traces, et repartons à zéro. Quitte à avoir l’air d’en parler parce que j’ai rencontré l’auteure. Ce qui est quand même le cas.
Brève d’introduction… Heureusement que je n’écris pas un article pour un journal, je peux digresser à mon goût. En fait, je rôde autour, je raconte les circonstances qui entourent la lecture des romans. Comme Catherine Mavrikakis dans la revue LQ, « je suis une lectrice qui écrit ».
Au retour de Bateau-Livre donc, plus de quinze jours après, je goûte encore à ce plaisir d’avoir été voulue, choisie, je flotte encore dans le ravissement de savoir que j’existe en tant qu’auteure. Et dans le plaisir d’avoir entendu des extraits de livres, ce qui ne me déplaira jamais.
Alors j’ai voulu lire
Quelque chose comme une odeur de printemps, d’Annie-Claude Thériault.
Ce qui est fait.
Encore une fois, les relations sont au cœur de l’histoire. Entre frère et sœurs, entre « une Chinoise qui n’en est pas une et qui peint de grotesques personnages, et de Monsieur Pham, le charismatique Vietnamien du dépanneur »
Annie-Claude Thériault a fait de son personnage principal Béate (pauvre petite fille qui doit porter un tel prénom) une amoureuse des odeurs, des saveurs.
À preuve, le roman commence par la cannelle et se termine par un parfum de printemps.
« C’est un mélange de cannelle et de clous de girofle. »
« Ça sentait les fleurs. Ça embaumait l’iris, un parfum de jacinthe, une touche de rose et un soupçon de marguerite. Il faut me croire, on se serait crus au milieu d’un jardin de géraniums, entre un hibiscus et un petit jonc fleuri, sous un magnolia, à l’ombre d’un vinaigrier caché par des cèdres.»
Et ça se termine par la phrase :
« Ça sentait l’hiver, encore, mais l’hiver tout jeune et tout frais; un hiver aux parfums de printemps. »
En 2013, le roman a remporté un prix envié, le Prix littéraire Jacques-Poirier-Outaouais.
Le ciel, autant que les montagnes à l’horizon, est toujours bleu, d’un bleu gris à cause de l’humidité. J’attends un jour plus frais, bientôt, pour marcher dans la forêt et espérer des feuilles plus rouges que brunâtres et brûlées. Sous la pluie peut-être.