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samedi 27 janvier 2024

26-17

Ce qui devait être, ce qui sera


J’aurais dû être en train de préparer le dernier souper.
Le frigo devrait être quasi vide.
Les bagages déjà dans l’auto.
Le vélo accroché sur son support.
La glacière prête à être remplie.

Je devrais être en train de regarder les conditions routières de l’autoroute 81 : Watertown, Syracuse surtout, Wilkes-Barre. Le cœur battant, hésiter à partir demain. On annonce plus beau lundi.
Je devrais être train de préparer des phrases en anglais pour le dounier de Lansdowne, en Ontario, mais aussi voir plus loin, voir notre arrivée à Myrtle Beach. Voir notre hôtel et surtout le balcon.

Un balcon avec vue sur la mer.
Un balcon où je lirais mon cadeau de Noël : Inventer le désir de Camille Laurens.

Oui, jusqu’à mardi dernier, c’était ça : passer deux mois à Myrtle Beach, à marcher sur la plage, pédaler sur le boardwalk, manger des fruits de mer, photographier les oiseaux des mers et les aussi fabuleux que célèbres levers de soleil, et... bien sûr, lire sur le balcon.

Je suis plutôt à attendre que le cassoulet soit cuit à point.
À voir le ciel gris et brumeux, les arbres un peu givrés.
À croire que le grand champ blanc vaut bien la longue plage de sable blond.
À chercher comme un chien ou un chat le meilleur coin où faire mon nid, faire ma couche pour les deux prochains mois et à le lire ce fameux livre de Camille Laurens.

Et surtout... à être heureuse, tellement heureuse d’être ici, de rester chez nous.
De penser à demain où, au lieu de stresser en pensant à la douane, j’écrirai un texte qui raconte mon village. Ce village qui, il y a 350 ans, lors de la naissance de la seigneurie de la Petite-Nation, n’avait pas encore de nom. Oui, je veux en parler de ce village où j'habite depuis plus de 50 ans, qu’il soit nommé, qu’il ne soit pas oublié. Mieux encore, qu’il soit aimé.

Mardi dernier, jour semblable au 19 novembre 2019, quand je titrais le billet de blogue : 42-32. Cette fois, je pourrais écrire 26-17. Je vis toujours avec cette personne dont le glaucome joue au yoyo. Cette fois, l’œil gauche. À 26, c’était trop instable pour une greffe de cornée. À 17, ça pourra aller, faut croire. Mardi dernier donc, l’ophtalmologiste l’a inscrite en priorité pour une greffe de cornée. Sa troisième. Deux pour l’œil droit et cette fois, l’œil gauche.

Le choix n’était pas difficile : on ne part plus. Les yeux d’abord.
Soulagement. Autant en 2019, c’était l’enthousiasme d’enfin partir après deux mois d’opérations, de suivis, autant cette fois, c’est le soulagement de rester.

Et puis, quatre ans plus tard, ce n’est plus le même emballement. Depuis qu’on voyage, on a vu Myrtle Beach huit fois, la Floride sept fois. On n’a plus de véhicule récréatif. Le vélo... bof! Le fleuve de mai à octobre, c’est très bien aussi. Et puis, j’aime bien l’hiver, moi! Bref, les deux mois prochains, je surveillerai les conditions routières des autoroutes québécoises pour conduire Louise à ses rendez-vous médicaux... et c’est dans une chaise berceuse, bien au chaud, que je lirai Camille Laurens.

dimanche 29 mars 2020

Un hiver bien différent de celui prévu

 petit album photos pour ce bizarre d'hiver.
Cliquez sur la photo pour atteindre l'album photo

Pendant près de quatre mois, j’ai vécu en groupe. Un groupe de treize, puis un de huit. J’ai vécu dans un parc (le nom qu'on donne parfois à un RV Resort qui n'a pas tout à fait l'air d'un "Resort" ni d'un camping) de Québécois, dans une communauté francophone. Rarement « Je », plus souvent « Nous ». Même assise à la table de ma caravane à sellette, même couchée dans mon lit, j’étais avec tous ces joyeux lurons. Chaque jour, on s’écrivait (oui, oui, sur Messenger, même si on était à quelques pas les uns des autres), on se visitait, on se voyait, on s’aidait, on se parlait, on buvait, on chantait, on sortait, on riait, on a même pleuré.
Nous avons été sur les plages de l'est et de l'ouest, dans des casinos et souvent dans des restos.
Nous nous sommes déguisés, nous avons participé à des soirées thématiques, à des karaokés, nous avons joué dans des sketches. La vraie vie des snow-birds.

Et puis, un virus a fait tout éclater. Autant nous étions ensemble, autant on s’est retrouvé retrouve seul.e. À décider si on reste ou si on remonte. Fini le beau projet de remonter, début avril, lentement en longeant la mer, en campant dans des lieux aimés et connus, à vouloir fêter mes 70 ans devant un buffet de fruits de mer.

On vit seul. e la plus grande bataille de notre vie collective. Comme ça, du jour au lendemain, on se retrouve de l’autre côté du miroir. Sur pause. Une pause mondiale. Je ne suis plus dans un groupe de huit, mais de sept milliards. Je suis seule dans une maison isolée à distance d’un kilomètre de tout voisin, pour le bien-être de sept milliards de personnes, pour le bien de la terre, de la vie.

De cet hiver 2019-2020, je retiendrai tout autant le début difficile parce que des opérations aux yeux nous retenaient au Québec, que les presque quatre mois souvent joyeux, parfois éprouvants vécus avec des personnes que je ne suis pas près d’oublier.

Je ne connais pas l’avenir, mais je sais que je ne serai plus tout à fait la même.

Oui, oui, je suis en quatorzaine.
Mon héros: Éric Ménard qui, dès le lundi 16 mars, nous a bien informés et mis en situation au sujet du virus et des précautions à prendre. 

mardi 19 novembre 2019

42-32

42-32.
Ça pourrait être le titre d’un roman ou d’une nouvelle.
Ce sera… c’est le titre d’un billet de blogue.

Je vis avec une personne qui fait du glaucome depuis des années. Examen annuel, examen du champ de vision. Trois sortes de gouttes depuis une bonne dizaine d’années. Bien contrôlé faut croire. Rien pour l’empêcher de conduire, de voyager, de lire. De vivre normalement. Elle aurait cru que les problèmes seraient plutôt venus du côté de son arthrite psoriasique dont elle souffre depuis plus de trente ans et qui lui gèle les mains dès qu’il fait 0 degrés dehors.

Tellement heureuse de son séjour de quatre mois en Floride l’hiver dernier, elle en voulait cinq cette année. Pour éviter le stress des routes enneigées au nord, pour vivre le plaisir, la vie de groupe, être dehors, chanter, rire, surtout rire, le départ prévu:  le 4 novembre.

En juin, examen annuel chez son ophtalmo de Gatineau (oui, retenir qu’elle est de l’Outaouais, cette région collée sur l’Ontario).
Rendez-vous sera pris en septembre chez un spécialiste du glaucome… à Ottawa.
Ça doit pas être trop grave si ce n’est que dans trois mois, qu’elle se dit.

24 septembre : Ottawa, donc. À 75 minutes de la maison. Examens. Champ de vision 60 %. Plus de noir que de blanc dans l’illustration. Pas fameux. Bonne nouvelle, le nerf optique pas trop atteint. Il faut opérer. Pratiquer une petite ouverture pour que l’humeur aqueuse s’évacue. L’humeur prend une débarque.
— Puis-je partir en Floride et me faire opérer dans six mois?
— Non, pas avant Noël c'est certain, c’est urgent, si on ne fait rien, à votre retour, vous aurez perdu votre œil. En attendant de vous opérer, je vous prescris du Diamox (tout le monde l’appelle Diamant comme si c’était la pilule précieuse, magique qui règle tout).

Mauvaise nouvelle : l’ophtalmologiste se fait taper sur les doigts parce qu’il opère trop de Québécois à l’hôpital Monfort d'Ottawa. Il voudrait bien opérer à Gatineau, mais il faut qu’il renouvelle d’abord sa licence. Donc impossible de fixer une date pour l’opération.
Dès que possible d’ici deux mois. Calcul rapide : 24 octobre, 24 novembre. Trop tard. Elle veut partir début novembre. Ah! si le rendez-vous avait été en juillet, mais voilà, le système public, c'est ça: long de temps, long d'attente, long de doute.

Pas de panique. Tout un mois pour trouver une solution avant de partir.
Elle regarde du côté privé. Cherche et trouve sur Internet. Obtient un rendez-vous rapidement.
Quant au Diamox qui lui donne des effets secondaires, genre confusion (elle se mêle dans les jours, elle répète des phrases qui n’ont jamais été dites, en plus de la fatigue et de la somnolence), la pharmacienne lui obtient une diminution de la dose.

Mercredi 2 octobre : 90 minutes par la 15 quand la circulation est fluide. Quand la circulation est-elle fluide sur la 15? Ou sinon, deux heures par la 40, ville Saint-Laurent, aucune attente. Examens, rencontre avec le spécialiste, explications des traitements : drain dans un, laser dans l’autre. Et oubliez le Diamox. Yé!
Jeudi 3 octobre : opération, pose d’un implant de drainage.
Vendredi 4 octobre : suivi de l’œil gauche et laser dans l’œil droit.
Lundi 7 octobre : le drain a bougé, retour à la salle d’opération.
Mardi 8 octobre : troisième opération, nouvel implant… cette fois c’est réussi.
— Pourrai-je partir pour la Floride début novembre.
— Y a des bonnes chances, oui.

Mercredi 9 octobre : suivi, pression trop basse
Jeudi 10 octobre : tout redevient stable
Vendredi 11 octobre : encore stable
Espoir.

Mercredi 16 octobre : la pression a remonté dans un, stable dans l’autre.
— Pourrai-je partir pour la Floride début novembre?
— on va voir dans une semaine.

Lundi 21 octobre : humeur aqueuse instable, humeur tout court variable aussi. On change de gouttes.
— Pourrai-je partir pour la Floride début novembre?
— Je pars en vacances pour deux semaines, je veux vous voir avant mon départ, on verra alors.

Mercredi 23 octobre, Saint-Lambert (deux heures par la 30). Bien au-dessus du 21 recherché.
— Je ne peux pas vous laisser partir.

Prescription de Diamox (Oui, oui, ce médicament qui la rend confuse et somnolente. Demi-dose alors).
— On se revoit le 13 novembre, à mon retour de vacances.

On fait un x sur le départ du 4 novembre. On averti ami. e. s et famille. On garde le moral, qu’est-ce que c’est dix jours! L’an dernier on était parti le 24 novembre.

Le 7 novembre, il tombe 12 cm de neige. Ouf! pas de rendez-vous.
Matin blanc, matin beau. Belle lumière.
Mais tout de suite, inquiétude : dans l’espoir de partir pour le sud, je n’ai pas fait poser mes pneus d’hiver. Le stress monte d’un cran.
On commence nos bagages. On remplit l'auto. On regarde les conditions routières de l’Ontario et de l’état de New-York. Si on a l’accord du docteur, on vise le jeudi ou le samedi. Les routes devraient être sèches.

Mercredi 13 novembre :
— Ça s’améliore, je veux vous revoir dans deux mois.
— Pourquoi pas cinq mois? Et le Diamox?
— Si ce n’est pas stable, il faudra penser à une autre petite opération.

Alors, avec ce médecin collaborateur et même la technicienne super efficace, on se met à jaser, comparer les gouttes, discuter des problèmes possibles, penser à passer un examen en Floride, trouver un « Eye Center » près de mon RV Resort, prendre l’avion, revenir à Montréal une ou deux semaines.

— Arrêtez le Diamox, essayez ces nouvelles gouttes, et revenez lundi matin avec tous vos bagages, vous pourriez partir de Ville Saint-Laurent…

On distribue (encore) nos au revoir, on assiste à des funérailles d’une amie très chère. On se dit qu’il faut vivre chaque moment. On se dit que le glaucome n’est pas la mort.

Lundi 18 novembre, 11 heures : 42-32.
Mon cœur arrête de battre. Je sais. On part pas.
— Je vais vous opérer à nouveau. Une petite fistule (ouverture) pour que le liquide s’échappe.
On ne pose plus de questions. On ne demande plus combien de temps.

De retour à la maison, on parle, on pleure un peu, on communique (encore) avec nos ami. e. s, ceux et celles déjà rendu. e. s en Floride, ceux et celles du Québec. Par courriel, par Messenger, par téléphone. Mon frère se réjouit : on pourra assister à la fête de dimanche prochain.

On essaie de se convaincre que le bonheur n’est pas qu’en Floride. Qu’on a des ami. e. s aussi au Québec. Qu’on peut rire et chanter aussi au Québec. Même à moins 15!

On marche sur le chemin blanc, on écoute le geai bleu, on regarde les feuilles des hêtres qui s’accrochent.

Demain, mercredi 20 novembre, 8 h 30 : opération
Et ensuite suivi. s.

Hâte d’entendre 21 partout, c'est beau. 
Entendre : on se revoit dans x mois.
Et sinon.
Je suis née dans un pays de quatre saisons, de neige en novembre, de chaleur en juillet. De ciel bleu, de nuages noirs et de grands champs blancs.
Je vis dans un temps où les ami.e.s sont au bout de mes doigts sur le clavier, peu importe qu'il y ait palmiers ou érables.

(Mise à jour: finalement nous sommes parties le vendredi 29 novembre. Nous devions rester jusqu'au 15 avril... mais avec la Covid, nous sommes revenues le 23 mars.)

dimanche 1 septembre 2019

Finis les petits voyages tranquilles à deux

Vue de notre site loué à Rimouski
Tu pars pour une dizaine de jours, tu roules dans ton HRV bien rempli, tu penses que tu ne vas qu’à Rimouski, tu crois n’être que deux, tu as l’impression de ne pas avoir pris de photos, tu as bien l’intention de lire et d’écrire.

Finalement tu es partie dix-neuf jours.
Tu reviens avec un CRV. 
Tu as bourlingué de Saint-Casimir à Rimouski, oui, mais en passant par LaMalbaie, Sainte-Luce-sur-Mer, Sainte-Flavie, et au retour, tu t’es perdue dans les cônes de Montréal, tu as retrouvé ton chemin grâce à tes souvenirs de ville Saint-Laurent où tu as déjà habité. 
Tu as jasé, mangé, bu pendant deux jours avec quatre amis caravaniers de longue date.
Tu as joué, chanté, jasé et tellement ri pendant deux jours avec une trentaine de snowbirds rencontrés en Floride l’hiver dernier.
Tu as aidé deux nouvelles amies à peinturer un toit, recouvert des bouchons.
Tu as revu des membres de la famille de ta plus vieille amie qui vient de perdre son mari.
Tu as lu un livre et demi, écrit trois lignes.

Et ça fait deux heures que tu tries tes 174 de photos (ah! ces téléphones à portée de main!) en rêvassant aux belles journées que tu as vécues, aux émotions que tu as éprouvées... et aux nouveaux livres qui seront bientôt en librairie. Sans compter que tu espères que ce blogue ne mourra pas faute de l'alimenter, tellement ta vie sociale est mouvementée.

Quelques photos des lieux.

Quai de Grondines
Domaine Forget à La Malbaie

La Malbaie
La Malbaie

Port-au-Persil, doux souvenir au temps des symposiums de peinture

Parc du Bic
Notre résidence pour quelques jours, à Rimouski





mercredi 3 avril 2019

Je vous raconterai mon hiver bleu


En trois jours sur chaussée sèche et ciel plus ou moins couvert,
En deux dodos dans des hôtels, une nouveauté pour nous, habituées aux campings ou cours de Walmart
En 2710 kilomètres
Nous sommes passées du vert et bleu au gris de terre et de ciel.

Quand mes esprits auront retrouvé leurs repères du nord, ce qui peut prendre plusieurs jours, je vous raconterai en mots et en photos mon hiver bleu.
Quatre mois de soleil, de chaleur et d’oiseaux
de sourires, de rires et d’entraide
de musique et de lectures,
de bières et de vins,
parfois d’émotions intenses et de vive amitié,
mais jamais de regrets ni d’ennuis.

vendredi 21 décembre 2018

Rêves de Noëls

Rêver. Vivre nos rêves. Vivre le moment présent. N’est-ce pas contradictoire : les rêves supposent de penser à ce qu’on n’a pas vécu dans le passé et qu’on voudrait bien vivre à l’avenir?

Enfant, Noël, jour de l’An, le temps des cadeaux, des vacances, des fêtes de famille. Voir les cousins et les cousines. Voir le film Fantasia. Écouter les grands-tantes raconter leurs vie d’autrefois. Jouer dans les manteaux de fourrure sur les lits. Recevoir un nouveau Club des cinq. Lire tard le soir, se lever tard le matin. S’empiffrer des bonbons-de-la-visite. Fouiller dans les tiroirs de sa mère à la recherche de trésors, essayer ses bagues et ses colliers. Jouer dehors pendant des heures, avec son papa qui est en congé.

Adulte, les rôles sont renversés: à notre tour de donner des cadeaux, son temps. Chercher, acheter, emballer, décorer, cuisiner. Recevoir les neveux, les nièces, leurs conjoint. e. s. Se coucher tôt, fatiguée. Avoir hâte de lire le roman reçu en cadeau. Dehors, pelleter, déglacer, espérer le beau temps pour sortir, aller voir la famille. Boire, manger, rire, s’embrasser, écouter de la musique, des chants, voir les mini-spectacles des petits.

Dans les blogues ou les forums de campeurs, Dumoulin part après les fêtes. Kiki et Normand et quelques autres sont déjà rendus en Floride. Hélène-et-Jean ont choisi le Mexique. Normand est déjà rendu au bord de la mer.

Plusieurs écrivains aussi choisissent de passer les fêtes et parfois tout l’hiver ailleurs. Michel Tremblay écrit à Key West. Camille Bouchard au Texas ou au Mexique. Suzanne Aubry, au Nouveau-Mexique. Marie Laberge dans le Maine.

Rêves de voyage. Les miens n’ont plus les mêmes couleurs qu’à 20 ans, sac à dos et tente légère. Ni à 30 en auto et sans beaucoup de congés pour m’évader bien loin. Ni à 40 quand je voulais partir six mois en VR et faire le tour des États-Unis. De 50 à 65 ans, j’ai eu trois véhicules récréatifs, j’ai vu toute la côte est du Maine à la Floride; le nord-ouest du Canada et des États-Unis; les îles de la Madeleine et Terre-Neuve; une bonne partie du Québec : d’Amos à Natashquan, de l’Outaouais à Percé; le Texas et l’Arizona; le grand canyon; le Yukon et l’Alaska.

Et depuis 65 ans, ce qui est de l’aventure au début devient parfois problème. Les imprévus se transforment en inquiétudes, en petites peurs, en désagréments, en irritations : la chaussée doit être sèche de novembre à avril, la moindre petite lumière qui passe du vert au jaune et pire, au rouge accélère les battements de cœur, se cogner le nez sur un state park « full », devoir réserver, téléphoner. Sans compter les ennuis de santé. Quand c’est rendu que tu guettes où est la pharmacie et même la clinique d’urgence en arrivant dans une ville…

Alors, oui, après 65 ans, je rêve encore de voyage, de septembre à juin, j’en fais encore, mais je sais qu’ils deviennent de bons souvenirs à condition que les irritants se changent en anecdotes. Que mon ange du jour soit plus fort que le diable de mes insomnies. Que je sois à la maison au Québec, en camping en Gaspésie ou en Floride, en hôtel en Tunisie ou en Espagne, je dois vivre plus d’espoir de jours meilleurs que de rêves inaccessibles.

Bref, vivre le moment présent. Remercier la vie de chaque petite joie qui ressemble à mes Noëls d’enfant.

Et vous, comment rêvez-vous de vivre votre Noël cette année?

vendredi 31 août 2018

« Je n’ai pas mon voyage »

Photo prise lors d'un voyage en 2016 parce que celle d'hier, je n'ai pas pensé à la prendre!
J’aurais pu être contrariée, c’est mon genre. Tout ce que j’aurais fait, je l’aurais fait en grognant, en rouspétant. À vingt ans, j’aurais tapé du pied, j’aurais boudé, je me serais enfermée dans ma chambre.

À vingt ans par contre, je me débrouillais, je savais changer un pneu, je savais quand et comment mettre de l’huile dans une auto, comment faire démarrer un moteur « noyé », comment vérifier des bougies, comment « booster » un char avec des câbles. J’aimais avoir les mains dans la graisse.

Aujourd’hui, je connais les mots en français, mais c’est tout.

Donc, je n’étais pas contente, mais pas contrariée.
Il faisait beau, frais, on respirait bien, les poumons dégagés, les sinus libres.
J’avais bien dormi, la tête lavée, le déjeuner pris, la vaisselle du matin rangée, la Van remplie, les portes et fenêtres de la maison verrouillées.
Je ne dépassais ma prédiction d’horaire que de vingt minutes.
Même le GPS indiquait l’heure d’arrivée : 13 h 45. J’ajoute toujours une bonne heure pour le trafic, les haltes routières. Ce serait très bien.

Ça y est, c’est le départ.
La clé dans le contact. Toc-toc, toc-toc. Pas gnigne-et-gnigne, non, toc-toc, toc-toc.
La batterie complètement à plat.
Pourtant, dimanche, j’ai reculé la Van près de la maison, tout allait bien.
La semaine dernière, au garage, vidange d’huile, changements de bougies, permutation et pression des pneus. 664 $. J’avais confiance.

Pendant qu’une appelle notre mécanicien, l’autre sort le bloc d’alimentation justement rempli la semaine dernière aussi. On ne peut pas dire qu’on n’est pas prévoyantes!
Essaie les lumières, oui, elles fonctionnent. Batterie? Starter?
Petit banc, parce qu’un 3500, c’est haut. Branche le bloc d’alimentation, un 700 watts. Le rouge d’abord, le noir. Essai. Le toc-toc devient gnigne-et-gnigne, mais pas assez longtemps, pas assez fort. Éteins. Attends. Nouvel essai. Un tout petit gnigne-et-gnigne et retour définitif au toc-toc. L’icône jaune du « check-engine » reste allumé. Revérifie, débranche, rebranche, repart… Toc-toc, toc-toc. Le bloc d’alimentation est déjà à plat.

Aux grands maux, les grands remèdes. On ne paie pas notre assurance pour rien. Appel, assistance-routière. Nous n’avons droit qu’à un seul service : survoltage ou remorquage. On ne prend pas de chance, ce sera remorquage.
On est jeudi, longue fin de semaine de trois jours. Décision, même si la Van est réparée, on ne part plus avant la semaine prochaine. Et encore, on verra. En attendant la dépanneuse, on vide la Van. Ordre inversée d’entrée: le frigo, le congélateur, l’ordinateur, les tablettes, les armoires, les vêtements, les livres.

Trop occupée pour penser, pour réagir, pour bouder. Ou pour se sentir nulle. Ou pour regretter mes vingt ans quand la mécanique automobile était à la portée de tout le monde.
La dépanneuse arrive.
Le camionneur-préposé-technicien sort un « gros » bloc d’alimentation, la batterie vrombit du premier coup, mais on sent l’effort. L’icône jaune du « check-engine » s’éteint. La batterie tient le coup, le moteur a de grands soupirs hésitants, mais la Van pourra monter sur la dépanneuse toute seule.
Bye-Bye Van qui s’en va chez notre mécanicien averti.

On entre dans la maison, on tourne en rond. On range les vêtements. On jase. On n’a pas l’air du tout de filles déçues de ne pas être parties. Pas l’impression de manquer notre voyage. Ou quelque chose d’exceptionnel. Sommes-nous désabusées? Plus le goût de partir? Jamais plus? Nulle part?
Pourtant si. L’hiver, quand il fait froid et qu’on préférerait avoir chaud. Pas jusqu’à 30 degrés, ressentis 40, mais dans les 20-25, c’est très bien. Comme aujourd’hui.

Bientôt l’heure du diner.
Zut on a oublié les médicaments dans la Van.
On n’hésite pas, on part en auto. On roule lentement, on voit une mère chevreuil et ses deux petits dans un champ de soya. On ralentit. On sourit. Ils nous regardent. Décidément, une belle journée.

Au garage, les hommes sont absents, partis diner sans doute. Notre Van n’est pas verrouillée, on prend les médicaments, mon casque de vélo.

À Chénéville, on arrête à un nouveau bistro qui annonce des paninis. Petite table et chaises à l’extérieur. On décide de se gâter. Sauf que dehors, et à l’intérieur, musique trop forte, trop rock. Je demande poliment si c’est possible de baisser la musique. Non, c’est la marque du resto. Contrariée la madame. Pas moi, la serveuse (ou propriétaire, je ne saurai jamais)! Bon, bien, c’est dommage. Non, la musique trop forte, trop rock and roll, qu’on s’entend pas penser, pas pour nous. On est peut-être deux vieilles fatigantes, mais on assume.

Achats de pains et jambon fumé chez Metro, retour à la maison. Diner sur notre galerie terrasse à nous. Bière, panini, salade et… le doux silence de la nature (les écureuils partis diner aussi?).

Finalement, pourquoi serais-je contrariée? C’est une très belle journée.
On partira un autre jour. Ou pas du tout.
N’empêche j’aimerais avoir encore vingt ans. Quand je savais, quand je me débrouillais. Mais quand je boudais aussi?

jeudi 21 juin 2018

Au fil des jours, au fil de l’eau


Lundi 11 juin

Jour bleu 
Arrêt à Berthieville
Pour diner avec une amie de longue date
à qui on écrit souvent
à qui on parle rarement
mais qu'on aime toujours autant.
En route
Vent frais
Oiseaux joyeux
Iris en fleur
Lundi tranquille au camping de Beaumont
Le fleuve à nos pieds
Un cadeau.

Mardi 12 juin

Jour de vent
Fleuve brun
Moutons blancs
Passereaux et chevaliers
Lilas et rosiers
Belles maisons ancestrales
À Saint-Vallier
Amours et passions
De nature et de saison
Un mardi heureux.

Mercredi 13 juin

Jour noir et blanc
On retrouve Rivière-du-Loup
Là-bas, à l’horizon, une lumière blanche
Le blanc du ciel, libre de nuages
Le noir du fleuve
Presque le soir
À l’avant, un rocher, une île entre lumière et ombre
Je serais là, assise sur les roches
J’aurais froid à cause du vent
Au bout d’une heure, dans un cahier tout neuf peut-être, j’écrirais
Ce serait facile
Ce serait beau
Ce serait noir et blanc.

Jeudi 14 juin



Jour d’éclaircies
Jour de promenade
De crabes-crevettes et turbot
De fine pluie
De terre imbibée d’eau, la nuit
De feuilles gorgées d’eau, elles aussi
De douces marées
Le soleil, soudain, près du clocher
Venu nous rendre le sourire
Sécher les larmes des arbres
Un jeudi de mots trouvés
De regards tendres
De repos mérité.

Vendredi 15 juin

Jour de fleuve
Un aller-retour entre Rivière-du-Loup et Saint Siméon
Une allée de goélands
Dans un long sillon d’écume
De vent sur les joues
De sourire aux lèvres
Une frite au retour
Au bord du fleuve
Près de l’Indien
Et puis la belle surprise, l’admiration
Presque l’envie
D’une seconde vie
Une petite famille française
En vélo et remorques
Panneaux solaires pour charger leurs batteries au lithium
Raphaël Favrat, c’est son nom
Valérie, sa conjointe
Manon et Lison, les deux fillettes
Il écrit, il publie ses voyages
Je les suivrai jusqu’en Argentine
Sur Facebook du moins.
Un autre jour heureux.


Samedi 16 juin


Jour de soleil
Jour de déplacement
À Sainte-Flavie cette fois
Jour de vaguelettes à nos pieds
De goélands à manteau noir sur un rocher
D’une marche sur la plage
Parfums d'algues
Ramassage de verre poli, de bois d'échouerie
De reconnaissance des lieux si souvent visités
Toujours aimés.

Dimanche 17 juin

Jour de pluie
Un douze degrés frisquets
Promenade le matin
Les oiseaux absents du Gros ruisseau
Quelques cormorans sur les rochers, fidèles et vaillants
Plage déserte
Camping délaissé
La météo nous joue des tours.
Musso aussi : j’aime moins son Appartement à Paris que son Central Park.
Je préfère cent fois mieux Noces de sables de Rachel Leclerc
Qui convient au bord de mer.

Lundi 18 juin







Jour de brume
D’un phoque sur une roche
Jour de dedans
Dans le VR
Dans les magasins
Dans les livres
Et quand enfin, vers 17 heures, le ciel se clairsème de bleu
On peut sortir
Un peu moins fâché contre lui
En guise de pardon, le brouillard se lève en nous offrant
Un arc-en-ciel
et un coucher de soleil exceptionnel.

Mardi 19 juin

Jour de visite à Luceville
De vins et de parlures
De souvenirs, de partages et d’amitié
D’au revoir et à bientôt
C'est sûr.

Mercredi 20 juin

Jour de route
De pluie et de soleil
Jour de traversée de villes
De patience et de panique
De doigts engourdis
D'estomac contracté
De fleuve à rivière
De retour à hier

mardi 16 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (10)

La remontée, du 2 au 6 janvier

Après un tableau comparatif des pourcentages de neige et des températures sur la 81, à partir d’Hagerstown, plus Ottawa et chez nous, on décide de partir le 2 janvier. Il n’y a que Syracuse qui est à 40 % de chance de «flurries». Il fera froid, mais la chaussée sera sèche, c’est l’important.

Et comme on annonce plus frais et nuageux aussi dans le sud, on a moins de peine de partir.
Échanges de courriels, embrassades, conseils de prudence et souhaits de bon hiver.
Rangement de pare-soleil, de tapis de sol, de vélo et quadriporteur.
La vidange d’huile a été faite, la pression des pneus a été réglée. Le gentil mexicain du garage du coin a même ajouté du lave-glace. Du lave-glace? Valide pour combien de degrés? +32 Farenheit, ça fait combien en Celsius? J’en achèterai du plus approprié en route, plus au nord.
Dernière vérification de l’itinéraire. Je connais par cœur celui de la 95-17-66-81-401-416-417 et 50, mais pour rejoindre la 95? 

Le mardi 2 janvier, mon GPS en fait encore à sa tête, je comprends trop tard qu’il me fait passer par Orlando… et Walt Disney. Pas une très bonne idée en ce temps de congé. Un monde fou d’autos remplies de petites familles.
En fin d'après-midi, nous parvenons tout de même à Brunswick.

Dans toutes mes vérifications, j’aurais dû regarder la température dès la Georgie. On annonce de la pluie verglaçante (j’ai appris à me méfier du mot « Frizzy ») et de la neige autour de Savannah. On décide de coucher deux soirs au Coastal RV de Brunswick (60,66 $ CAN). À moins 3 degrés C, la chaufferette fonctionne toute la nuit.
Le 3 janvier, la pluie verglaçante a gelé les serrures de mes coffres. Encore heureux, les rues de Brunswick sont mouillées, mais praticables, je trouve du De-ice au Flying J. Et j’entends les petits clics qui confirment que mes deux coffres sont bien fermés. Quand il ne pleut plus, nous en profitons pour hiverniser le VR. Achat également de lave-glace de -22 F, conversion -28 C, ça devrait aller. J’essaierai de vider le réservoir dès que possible.

Le 4 janvier, beau soleil, on part tôt, certaines de nous rendre au moins à Roanoke Rapids. Peu après Savannah, congestion. On n’avance pas, arrêt complet pendant deux heures. On écoute la radio : un grave accident impliquant un camion-remorque. La 95 est fermée. Pas bloquée, pas déviée, FERMÉE. Puis, on avance un peu, probablement des autos ou des camions qui sortent et deux autres arrêts complets d’une heure. Cinq heures en tout. Pourtant le ciel est bleu, la glace de la veille est fondue. Les enfants ont le temps de jouer dans la neige, les parents d’aller griller une cigarette et même le paquet au complet. On se compte chanceuses : nous avons la toilette, la bouffe, la chaleur.

Coucher à Manning (au sud de Florence) seulement. Hôtel parce que -7 degrés et je ne voulais plus ouvrir mon coffre pour sortir la rallonge électrique.
Le vendredi 5 janvier, debout à 6 heures, départ avant 7 heures, bien décidées à rattraper notre retard. Ce qui sera le cas. Même s’il y a de la neige dans les champs, les routes sont bien dégagées. Nous coucherons à Hagerstown. Petite crainte que la batterie ne parte pas à -14, achat d’un bloc d’alimentation, mais non, ma Van est forte.

Le 6 janvier, nous espérons arriver chez nous le soir, quitte à rouler à la noirceur, ce que je ne fais pas dans des villes inconnues. Au Flying J de New-Milford, au grand vent, je remarque que mon grand coffre s’ouvre, la serrure ne barre plus, le tiroir s’ouvre d’un côté, je m’arrête trois fois, rien à faire, le coffre s’ouvre toujours. Je décide d'utiliser du ruban adhésif noir Gorilla (acheté en mai dernier après notre « rencontre » avec un chevreuil) et une corde que j’attache à l’intérieur de ma portière. Ça tiendra le coup.

Je savais également que seul le 40 % de « flurries » à Syracuse aurait pu poser problème. Ce fut le cas. «Lake effect snow». Sorte de brouillard, chaussée mouillée, lave-glace requis. Et puis en pleine ville, plus de lave-glace. Zut, j’ai oublié d’ajouter celui que j’ai acheté. Impérativement arrêter. Je sors à la sortie suivante, bretelle très enneigée, petite côte, feu rouge, tournant, station-service. Je freine lentement, je stationne sur le côté du garage. Je sors en souliers dans trois pouces de neige. Il fait moins 17. J’emplis le réservoir. Il s’agit maintenant de revenir sur la 95. Re-tournant, re-feu rouge, re-petite côte, re-bretelle enneigée. Je serre le volant de mes deux mains gantées, j’appuie lentement mais sûrement sur l'accélérateur, mais ma copilote me dit quoi faire au millionième de seconde, comme si j’étais dans une côte de Charlevoix ou de Grande-Vallée. Et nous (la pilote, la copilote et la Van forte et fiable) avons repris la 95.

Dès après Syracuse, le ciel se dégage, la chaussée sera sèche jusque chez nous.

Cadeau : la douanière aux Mille-Îles parle en français.
Arrivée à la maison à la noirceur un peu après 19 heures.

Voilà comment nous aurons passé les Fêtes cette année.

Une fois le stress de la route passé, une fois le quotidien routinier retrouvé, je pourrai me remettre à la lecture et à l’écriture, mes deux autres passions un peu délaissées pendant ces deux mois.
Je retrouverai alors la neige avec plaisir.
Je l’aime quand elle est bleutée, quand les cristaux brillent au soleil.
J’aime quand, derrière les pins rouges et les branches chargées de neige, j’entends le clapotis du ruisseau caché au bout de ma terre.
J'apprécie la noirceur des nuits et le silence des jours.
Et les mots pour les dire. 

Pluie froide et verglaçante à Brunswick




lundi 15 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (9)

Les fêtes dans le sud

Déjà plus de jours et de semaines derrière nous que devant en cette terre floridienne.
Déjà bien plus de soleil que de pluie, déjà plus de cieux étoilés que de matins voilés.
Et pour la petite sauvageonne solitaire qui aime la noirceur et le silence, elle trouve dans ce RV park plus de bien-être que d’irritants.

Premier Noël loin des miens. Premier Noël sans mon frère. Je n’y avais jamais pensé. Depuis ma naissance, il n’y a pas eu un Noël sans lui. Devrais-je en être triste ou nostalgique? J’écrirais ça dans un roman et le personnage devrait ressentir quelque chose. Je ne ressens rien de particulier. Peut-être parce qu’ici, sur le gazon vert, sans tuque ni mitaines, la Nordique élevée dans les sapins et non les palmiers ne sent pas que c’est Noël, malgré la mini-parade, malgré les quelques décorations. Pas de neige, pas de froid pour me sentir en décembre. Seul le calendrier me le dit.

Les plus beaux jours de ma vie, mes plus belles émotions ne me viennent pas des Noëls passés, donc je ne m’accroche pas à tout prix à cette fête. Je ne me sens même pas obligée de la célébrer. Ma famille, je suis liée à elle, à jamais. Et puis, nous avons été élevés dans la liberté. Comme mon frère le dit souvent : liberté de choix, liberté de pensée, liberté d’action.

Bref, je ne regrette rien. Je suis bien là où je suis.
J’écris les mots Noël, Jour de l’an. En les écrivant, j’essaie de réveiller des images, des souvenirs.
Une fois dans le sud de la France, en famille.
Cette fois dans le sud des États, sans famille.
Je n’ai ni ennui, ni nostalgie, ni chagrin.
Sensible aux sons, aux bruits de foule, je n’ai entendu bien souvent que le chant de la paruline au petit matin.
Noël est beau
Parce que ce n’est pas Noël, c’est une belle journée
De cœur et d’amitié.
« Une île, à la fin d’une route, au bout d’un continent. Je suis venue ici pour écrire sur les liens, écrire sur les ruptures, comme si, faisant bouger les lettres, je trouvais dans l’île l’image même de ce que nous sommes, des êtres de liens. »
L’étreinte des vents, Hélène Dorion

J’ai vu les îles au bout de la route. J’ai vu Ave Maria, au bout d’un rang.
J’ai vécu au milieu des gens, de la lumière artificielle et des bruits de ville.
Mais j’ai surtout vécu en compagnie de nouveaux « êtres de liens ». Je suis devenue liée.

Des amis, rencontrés lors de rassemblements de caravaniers, viennent séjourner à l’emplacement 38 pour quinze jours. Randonnées en vélo, un 5 à 7 (ou plutôt des 4 à 6) presque chaque jour, une virée à Ave Maria et… le jour de Noël ensemble.

Au « club house » du RV park, lieu de tous les rassemblements, de toutes les activités hormis celle de la pétanque, il y aura souper -- au menu traditionnel-- le 24 décembre. Les billets à 17 $ US seront vendus, une semaine avant, à partir de 12 h 30. Avec nos amis du 38, nous nous mettons en ligne à 11h45 derrière une dizaine de personnes rassemblées depuis 9 heures le matin. Sachant fort bien que face aux habitués du système, nous avons très peu de chance d’avoir des billets, certaines sont désignées pour acheter plus d’une douzaine de billets. Mais oh! surprise, nous aurons les derniers… croit-on. Parce qu’une fois les tables complètes, il ne reste pas quatre places ensemble. À quoi bon si nous sommes tous séparés.

Plan B (j’ai toujours un plan B et même C, de nature inquiète, je passe mes nuits à inventer d’inutiles scénarios) prévu depuis l’arrivée de nos amis : le 25 même, nous nous offrirons une fondue. Mousseux, fondue à l’orignal et au caribou, vin rouge, salade de fruits, fromage et chocolat. Une bien belle journée à jaser de tout et de rien, à rire, à parler voyage et VR. À se conter nos plus beaux et nos pires cadeaux de Noël.
Et tout ça, en sandales et en shorts!

Ave Maria

Nos amis du 38 sur la piste cyclable du lac Okeechobee: Estelle et Réal
Nos amis du 38 nous amènent à Ave Maria.À une heure de route, à travers les orangeraies et les champs de canne à sucre, la ville mariale a ouvert son église et son université en 2007. Une curiosité pour les touristes de passage que nous sommes. On y trouve même quelques bistro sympathiques. La bière et la pizza sont délicieuses. Toujours quand on est en bonne compagnie.

Le jour de l’An

Au « club house », le souper du 31, la traditionnelle fondue des propriétaires, coûte 25 $ US. Comme on a déjà eu notre fondue, et comme il y a vraiment beaucoup de bruit lors de ces soirées, nous préférons rester « à la maison ». Nos voisins, ceux-là mêmes qui nous conseillent, nous renseignent, nous fournissent outils, nous offrent le transport, nous invitent à nous joindre à eux au restaurant.

Nous déclinons leur généreuse offre parce que nous avons la tête ailleurs.

La tête au départ 

Depuis une semaine qu’on surveille la météo du nord. Au départ, pour nos assurances et nos médicaments, la date limite du retour était fixée au 15 janvier. Réservation au RV park jusqu’au 3 janvier. D’autres « snow-birds » entrent le 6 sur notre emplacement. Nous avions pensé remonter tranquillement, passer par Wekiwa springs et Salt springs. Et peut-être un autre arrêt en Georgie.

Il fera froid, même au sud. Il neigera presque chaque jour au nord. Chaque matin, je prends une heure au « club house » pour me connecter au wi-fi (j’avais choisi de ne pas payer Comcast pour avoir le wi-fi à mon emplacement) et vérifier les sites de conditions routières des états de Pennsylvanie, New-York ainsi que la région d’Ottawa. Une plage de deux jours semble favorable à notre retour. Mais pour espérer arriver les 5 ou 6 janvier, il ne faudrait pas s’attarder en Floride.

En voyage, qu’il soit de deux mois ou de deux semaines, il y a des étapes.
Celle de la hâte du départ.
Celle de l’enthousiasme et l’émerveillement du début.
Celle du premier tiers, où on commence à voir quelques irritants.
Celle de l’habitude, de la routine confortable.
Celle où on voudrait rester encore un peu, encore longtemps, prolonger ce bien-être, ce plaisir, où on se promet de revenir l’année prochaine.
Celle, parfois (pas connue cette fois), où les irritants sont plus nombreux que les plaisirs et où on décide d’écouter le séjour.
Et puis celle où il faut se résigner, celle où on se voit déjà à la maison, où on pense à ce qui nous attend
Celle alors du départ parce qu’il est inutile de prolonger le rêve impossible.

Décision fut prise : départ le mardi matin 2 janvier.


Ave Maria

dimanche 14 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (8)

Les Keys, 10,11,12 décembre


J’allais voir un archipel d’îles sablonneuses très fréquentées, des cayes, les Keys.
J’allais voir le Bahia Honda de l’ami Guy qui l’aime tant qu’il réserve son emplacement un an à l’avance.
J’allais voir Key West en essayant de comprendre pourquoi et comment Michel Tremblay et Marie-Claire Blais (et Ernest Hemingway ou Alison Lurie et quelques autres) peuvent écrire dans un tel environnement de soleil et de mer.

Comme souvent avant ou pendant la visite d’un lieu, j’aurais voulu lire ou relire quelques passages de ces auteurs. J’ai presque tout lu Michel Tremblay, mais le lire, c’est trouver Montréal, c’est trouver les années 1960 et non pas les Keys, ni même la mer. Quant à Marie-Claire Blais (Chantal Guy du journal La Presse+ en parle encore dans l’édition du 13 janvier), il faut du souffle pour entrer dans son monde et aimer les personnages qui se promènent entre le boulevard Atlantique et la rue Duval.



Petites Cendres descendait vers la mer en courant, […] s’arrêtait parfois, s’appuyant sur les remparts de pierre qui bordaient les trottoirs, boulevard de l’Atlantique, s’essoufflant vite, il se disait qu’il lui faudrait toujours fuir la persécution, qu’il en était ainsi depuis le jour de sa naissance, mais fuir où et comment quand Yinn, comme s’il eût été Dieu, lui commandait de vivre, le transperçant de sa fulgurance, comme s’il eût été ce rayonnant soleil dispersant sa lumière sur l’océan vers lequel courait, courait Petites Cendres
                                                                     Aux Jardins des Acacias, Marie-Claire Blais 

Curieuse, j’allais voir tout simplement.Mais après avoir traversé Homestead, et toutes ses pépinières, au bout de la 997, une belle route double en construction, une fois sur l’archipel, sur la route 1, je n’ai vu que désolation. Pendant 160 kilomètres. Ça serre le coeur.
Bien avant de voir la mer, de voir les bâtiments colorés, les marinas, les bateaux de plaisance, j’ai vu les débris. De chaque côté de la longue route, des monticules de branches mortes, de souches encore pleines de terre, du bois, de l'aluminium.
L’ouragan Irma a frappé les Keys le 10 septembre. Trois mois plus tard, les traces sont encore très visibles. C’est dimanche, des centaines de bénévoles accompagnés des policiers travaillent à ramasser, à replanter, à aider. Devant les amas de branchages, des affiches : « défense d’en rajouter, amende de 2,000 $ ». Nous verrons aussi des terrains entiers où sont entassés matelas, électroménagers, planches, des restes de roulottes et de bateaux.

Avant de partir, j’avais fait mes devoirs : recherche de campings, recherche de stationnements, recherche d’attraits. Nous avions cherché un RV park pas trop cher, sachant qu’il serait difficile de coucher pour moins de 100 $ US (il ne faut jamais oublier les taxes et autres frais), j’avais bien cherché s’il y avait de la place dans les State park, mais je n’avais rien trouvé. Arrêt tout de même au Long Key State park, on ne sait jamais… on apprend que les campings des state park de l’archipel sont tous fermés pour deux ans. Sauf celui de John Pennekamp Coral Reef… qui évidemment est plein pour la fin de semaine.

J’avais repéré Jolly Roger à Marathon, à mi-chemin entre Key Largo et Key West. Presque vide, on n’a aucune difficulté à obtenir un emplacement avec vue sur la mer : 131,90 $CAN Très propre, à part les algues au bord du quai, rien n’y paraît. Le côté golfe du Mexique a visiblement été moins touché.

Les nombreux abris aux toits faits de palmes (Thatch Palms) qui semblent avoir mieux résisté aux grands vents et le resto sympathique près d’une marina ainsi que le coucher de soleil nous redonnent espoir de voir les vrais keys.

Key West


Le lendemain, en route vers Key West, bien décidé à faire abstraction des débris, on se concentre sur les couleurs. Le turquoise de la mer, les pastels des petits bâtiments à l’architecture à la fois mexicaine et louisianaise. Et le bleu du ciel qui nous accompagne encore pour notre plus grand plaisir.
Sur mon GPS, j’avais programmé le « Visitor Center » de Key West, je m’étais dit : on va stationner là et prendre le Trolley pour visiter la ville. Ou encore, se rendre là où stationnent les autobus de touristes. Quelle illusion! Quelle naïveté! Key West est fait pour les petites autos, les voiturettes de golf, les vélos et les piétons. Et ces centres d’information se fondent dans la masse des bâtiments colorés, on peut passer trois fois devant sans les voir. Quant à stationner notre VR de 25 pieds… on se retrouve en plein centre-ville au milieu de la foule bigarrée d’un dimanche d’été.
Plan B, j’avais lu aussi qu’on (on étant des petits VR, je dirais 25 pieds sur 6 pieds max) pouvait stationner au Fort Zachary Taylor. Heureusement, il est bien indiqué, on y parvient sans trop de difficulté. Pour 7,50 $ US, on peut visiter, pique-niquer, stationner, sortir dans la ville, et y revenir.

Au lieu du trolley, on choisit le vélo et le quadriporteur pour visiter la mythique Key West qu’Irma semble avoir épargnée.
Et nous voilà touristes dans la ville. Touristes, nous resterons avec nos yeux, nos oreilles et notre esprit. Il y a fête au village en permanence. Il y a musique, foule, couleurs. Il y a terrasses remplies, cafés originaux, boutiques envahies et galeries d’art presque désertes. Il y a guides qui expliquent l’architecture et l’histoire.
Et il y a les coqs panachés qui s’égosillent. Jadis élevés pour les combats, ils sont libres maintenant.
On termine par un pique-nique à la plage du Fort Zachary Taylor. Les deux pieds dans l’eau, à profiter du « rayonnant soleil dispersant sa lumière sur l’océan », je me demande bien comment Michel Tremblay et Marie-Claire Blais réussissent à écrire dans une telle ambiance de souk.
Il faut sans doute y vivre, pour y trouver son âme et sa voix.

Sortir de la ville fut aussi périlleux que d’y être entré : au coin des rues Southand et Whitehead : une camionnette au feu rouge et à notre droite, là où il faut tourner, une grosse camionnette Red Bull qui dépasse largement… et longuement l’emplacement de stationnement du coin. « On passe pas, arrête, avance pas, ça ne tourne pas. » Impossible de reculer et trop engagé pour continuer tout droit. Heureusement, les conducteurs sont patients, celui qui attend le feu vert grimpe son véhicule sur le trottoir, avance légèrement, descend sa fenêtre et indique à Louise d’avancer lentement pendant que je vérifie dans le rétroviseur si le derrière n’accroche pas le pitbull, non le Red bull. Ouf, on passe!

Au retour, nous couchons à Key Largo (RV Largo campground and marina : 103,73 $ CAN). Un très bel endroit pour qui possède un bateau. Situé côté Atlantique, donc camping vraiment plus touché par Irma. D’autant qu’il y a des maisons de parcs, des vérandas, des quais, des abris au toit de chaume. Les quelques saisonniers qui sont arrivés réparent, ramassent, rénovent.

Le lendemain, à notre arrivée à Okeechobee Landings, bel accueil des voisins. Les uns inquiets de ne pas nous avoir vus pendant trois jours. Les autres, avertis, curieux de nos impressions sur notre escapade.
Nous sommes déjà des habitués, de vrais « snow-birds » qui vivent en bon voisinage.
Bientôt Noël. Pour la première fois sans famille. Un essai, un test.
À suivre.









samedi 13 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (7)

Okeechobee Landings, Clewiston, Floride, 1er décembre au 2 janvier


Notre pied à terre pour le mois de décembre. Trente-trois jours au même endroit. Emplacement 91 du RV Park Okeechobee Landings: 620,11 $CAN

Pourquoi celui-là plutôt qu’un autre? Pour en avoir connu d’autres, des plus beaux, des plus grands, et aussi des plus chers, pour avoir déjà séjourné 43 jours dans ce RV park, pour connaitre nos besoins et nos moyens, pour savoir combien il est difficile de trouver un camping sans avoir réservé au printemps précédent, pour l'environnement rural, pour avoir reçu une réponse positive quelques jours après notre départ, nous avons choisi de revenir à Clewiston.

Le voyage se termine ici, le séjour commence. Un temps d’arrêt pour que dure l’enthousiasme, pour que les jambes se dégourdissent, pour que les nuits de sommeil s’allongent.
Ne plus avoir à chercher où coucher, où arrêter, quoi voir.
Je n’aime plus autant rouler qu’à vingt ans. Pas cinq heures ou plus. Me lever tôt, partir avant l’heure de pointe, conduire pour arriver avant la noirceur. Se rendre ailleurs. Recommencer le lendemain ou le surlendemain. De moins en moins.

Alors oui, s’installer. Apprivoiser son environnement. Établir une routine. Lente et nôtre.

La grandeur du terrain nous convient, notre VR est petit. Deux palmiers délimitent l’arrière. Des fleurs rouges s’accrochent aux arbustes. Un bougainvillier?
Côté services : électricité 30 ampères, égout, eau, le câble. Inutile de brancher le câble et le 20 ampères, ils ne fonctionnent pas nous dit notre voisin ontarien et francophone.
Côté auvent : deux rosiers, un fouillis de broussailles. L’autre voisin qui, comme tout bon caravanier, nous a regardé reculer notre VR à notre arrivée, nous offre pelle et gants si on veut désherber la petite plate-bande qui sépare nos deux terrains. En souvenir de son père qui avait si joliment aménagé son terrain en Floride dans les années ’80, et qui l’avait invitée à séjourner un mois, Louise décide de laisser sa marque, en Floride également, en plantant un croton.

Vivre dans un parc de VR, c’est accepter de vivre avec des voisins. Les voir, leur parler ne serait-ce que dire bonjour, s’entraider, partager, écouter, être généreux, être reconnaissant, et rire. Surtout rire, souvent.
Vivre au grand jour, à la lumière naturelle le jour et artificielle le soir.
Vivre avec les bruits ambiants : les camions sur la route 27, les trains qui charrient la canne à sucre. Parce que la région sud du lac Okeechobee, c’est « La US Sugar Corporation est une grande entreprise agricole privée basée à Clewiston, Floride. La société exploite plus de 760 km2 de terres dans les comtés de Hendry, Glades et Palm Beach. » C’est donc voir parfois, même à Noël, des nuages gris formés par le brûlage de la canne à sucre. Une odeur occasionnelle à laquelle on s’habitue… ou pas.

S’installer dans un parc de VR, ne serait-ce que pour un mois, c’est prendre son temps. Oublier le GPS et Google maps. Oublier les nouvelles de 18 heures. Se réveiller avec le chant des oiseaux, attendre que la brume se lève et se pâmer devant le ciel (encore) bleu. Et même s'il y a des nuages, il pleut rarement. Vivre comme en été : dehors. Marcher en sandales ou pieds nus, se baigner, autant qu’on veut, pédaler. Comme nous n’avons pas d’auto, nous pédalons pour aller faire des achats. Quitte à ce que ça prenne deux heures. On n’a que ça à faire. Plaisir du jour. On longe les canaux, on cherche les tortues, on reconnait facilement les ibis, on a la chance d'apercevoir un iguane. On traverse les parcs, on s’arrête au Tiki-bar de la marina, on surveille les bateaux.

En profiter pour aller acheter un nouveau pneu et une chambre à air et changer le pneu arrière de son vélo à assistance électrique, ce qui n’est pas une mince affaire. Et être fière d’y parvenir sans l’aide de personne. Dommage, cette année la partie ouest de la piste cyclable sur la digue qui couronne le lac Okeechobee est en rénovation. Reste la partie est, un bon 20 kilomètres aller-retour. Jouer à la pétanque, si on veut. Assister au « Happy Hour » mensuel.

Pouvoir fermer les yeux en plein cœur de l’après-midi.
Pouvoir terminer le Ken Follett commencé avant mon départ. Hésiter entre le Journal de Joyce Carol Oates et Captive de Margaret Atwood. Finalement, lire les deux de front.

Et puis, après dix jours, décider d’aller voir les Keys.