Parce que je lis, parce que j’écris, parce que j’ai marché une heure — même si j’aurais bien aimé que ce soit en raquettes, au moins en forêt, ma forêt — parce que le silence est revenu après les chansons et les rires, je suis bien. Plus que bien, heureuse, de belle humeur. Plus que « Bonheur du jour », je voudrais trouver un titre plus révélateur de mon état. Une métaphore. Comme Lynda Dion dans son tout nouveau blogue. D’ailleurs cette écrivaine québécoise, c’est ma cerise sur le sundae, l’étoile en haut du sapin de Noël, mon sourire large et reconnaissant.
Le début de ce bonheur-du-jour a commencé fin novembre, dans une librairie. À l’achat de Bad girl de Nancy Huston. Voir billet du 28 >>>. Sauf qu’à la moitié du livre, j’ai dû me faire violence pour arrêter, pour lire des livres de bibliothèque — papier et numérique— délai de trois semaines oblige. J’ai repris le Huston après Noël, l’ai terminé, satisfaite, vaincue. En me pressant un peu parce que je savais — j’espérais— qu’au jour de l’An, Écrire la vie d’Annie Ernaux m’attendrait. Vaincue oui, parce qu’entre le livre et moi, entre la lectrice et l’écrivaine que j’essaie d’être, c’est souvent la bataille. Laquelle gagnerait, laquelle s’avouerait vaincue, laquelle reconnaîtrait que l’auteure n’aurait jamais pu écrire ce que la lectrice est en train de lire, même si elle aurait bien aimé tellement elle se sentit proche de cette écriture, proche du vécu du personnage. Que la lectrice fut tenue en haleine, émue bien souvent, et a réduit l’auteure au silence et à l’admiration. Sans juger, sans critiquer, sans chercher la petite bête noire. Sans non plus se sentir complètement nulle, sans non plus qu’elle soit tellement vaincue qu’elle renonce à jamais à écrire elle-même. Donc, j’ai fini de lire Bad girl, et j’ai même pardonné à Nancy Huston (et/ou son éditeur) ce titre anglais alors que « La mal-aimée » aurait très bien fait l’affaire, selon moi. C’est la seule petite voix qui s’est fait entendre, mais une fois le livre ouvert, pendant qu’elle tournait les pages, qu’elle était ravie de la mise en pages et bien concentrée dans l’histoire de Doritt (bizarrement, j’ai écouté la série La petite Dorrit de Charles Dickens à Radio-Canada entre Noël et le jour de l’An), la petite voix s’est tue, n’a plus rien dit. Conquise.
Alors, quand arrivèrent les mille pages d’Annie Ernaux, la vaisselle, le lavage, le budget furent rapidement expédiés, les émissions de télévision oubliées et la lectrice déjà bouche bée, les mains ouvertes, le cœur prêt à l’abandon se cala dans son fauteuil et partit à la découverte de cette auteure dont elle n’avait lu qu’Une femme et dont elle n'avait gardé — comme il arrive bien trop souvent — qu’un vague souvenir… d’avoir aimé ça.
La lectrice que je suis en était là de son plaisir encore ce matin, après la lecture du chapitre photojournal, après sa marche quotidienne quand sur Facebook, elle vit le nom d’une écrivaine québécoise dont elle a tant aimé les romans. Cherche vainement quand j’en ai parlé. Il est impossible que je n’en ai point dit un mot sur mon blogue. J’ai tellement aimé, me suis identifiée. Grâce à Louise Falstrault, artiste peintre, j’ai connu son père artiste peintre aussi, Eddy Dion. Ingrate. J’ai pourtant parlé d’Hélène Dorion, de Louise Dupré et elle, que j’ai lue à la même époque, au soleil, me semble-t-il, point de traces ? Je me reprends donc: sur Facebook, Lynda Dion, puisque tel est son nom, annonce qu'elle a créé son site et intégré un blogue. Depuis le temps que je cherche des blogues d’auteurs, féminins en plus, et Québécoises. Il y en a peu. Je me précipite, je dévore, je cherche les mots que j’ai aimés dans La maitresse et La dévorante. Je trouve. Différents, mais tout aussi personnels.
Est-ce moi qui les cherche, est-ce moi qui les réunis, mais dans les mots de Huston, d’Ernaux et de Lynda Dion, le même "je", le même intime, le même personnel. Je ne dirai pas autofiction ni autobiographie, c’est au-delà. N’a plus d’importance de limite, de frontière et encore moins d’étiquette, de classe, de catégorie.
Trois auteures qui me parlent d’elles. Et moi, je suis devant un miroir qui me renvoie ma propre image, devant une plage où je vois mes traces, devant des pages où je me reconnais, devant un calepin où se mêleront des notes de lectures, des mots à écrire, à retenir, à publier peut-être.
Alors Huston au revoir, au prochain, Annie Ernaux ma joie pour l’hiver et Lynda Dion, chaque fois qu’elle le voudra bien, je vous suis toute reconnaissance de me montrer qui vous êtes pour apprendre qui je suis.