dimanche 19 mars 2023

Encore le livre bleu des Deguire


Le matin, avant même de me lever, je me sens capable de tout.
Je vois grand, je vois beaucoup.
Tout me tente.

Ces jours-ci, comme c’est encore l’hiver, ce sont surtout des activités à l’intérieur qui m’attirent. Ça tourne autour de la recherche sur ordinateur.
Je prépare des escapades à Cape Cod et dans le Rhode Island, le tour de l’Abitibi Témiscamingue. Je cherche quoi faire, où coucher. Je prends des notes manuscrites. J’adore toujours écrire à la main dans des cahiers.
J’ai des cahiers pour la généalogie, les voyages, mon journal. D’ailleurs que ferai-je de tous ces cahiers? Je les jette? Qui pourrait bien les lire, je ne les relis pas moi-même?

Aussi le « Livre bleu », comme je l’appelle, m’obsède. Ce « Livre généalogique de la famille » qu’a tenu ma grand-tante à partir du 1er janvier 1918. Livre qui m’a beaucoup – énormément — servi dans mes recherches pour l’écriture de mon roman Les têtes rousses. En 2004.
Je croyais en avoir fini de ce livre, je voulais le donner au Musée des Sœurs Sainte-Croix, mais je ne parvenais pas à les joindre. Jusqu’à la semaine dernière.
J’étais toute enthousiaste en recevant leur courriel. J’avais même pris rendez-vous.

Et me voilà prise d’un doute. D’un questionnement comme moi seule sait y faire :
Est-ce que je fais bien? Suis-prête à y renoncer? Est-ce le meilleur endroit? Ne serait-il pas mieux dans une société de généalogie? Qu’adviendra-t-il? Servira-t-il à quelqu’un? Contient-il de si précieux renseignements? Et les droits de consultation? Et les droits d’auteurs? N’importe qui pourra publier les photos, réécrire les pages sans mentionner la source?

C’est comme laisser aller le fruit d’un travail ou un peu donner au suivant. Mais aussi peut-être le regretter si j’éprouve un jour le besoin de trouver des info que je sais n’être que dans ce livre.

C’est comme nos sites Internet, que deviennent-ils après notre mort?
Le site Internet de Gilles Deguire, www.mesancetres.ca, est encore sur le Web. Si précieux pour qui cherche des informations sur les Deguire. Comment savoir combien de temps encore?

D’une idée à l’autre, je me demande si, à partir des informations contenues dans le « Livre bleu » je ne devrais pas écrire une monographie sur MES Deguire. Même que dans ma fébrilité du matin, je pense même des monographies, au pluriel. Sur les Deguire, les Falstrault, les Nantel, les Lamarche. Mais je retombe les pieds sur terre. Le peu d’informations que j’ai sur ces derniers patronymes est déjà tout sur mon site Internet. Que pourrais-je en dire de plus?

Toujours contribuer à une certaine pérennité. De ma vie, par une trace. Sans en juger l’utilité ou l’importance.

Après tout, je fus très heureuse de trouver la monographie des Lynch à la Société canadienne-française. Société intéressée elle aussi à acquérir le livre de mon aïeule.
Re-doute, re-questions. Suis-je prête à le laisser aller? 
Avant de prendre une décision, j’ouvre à nouveau le livre bleu. Précautionneusement, délicatement. Après tout le livre a plus de cent ans. Sera-t-il numérisé? Comment le contenu sera-t-il sauvegardé?

Ai-je bien gardé toutes les photos? Et toutes les pages importantes?
Plusieurs de ces photos sont déjà sur mon site >>>.

Je relis encore quelques lignes de cette « Biographie de Papa & Maman » écrite en 1915 par Annie Deguire, alors sœur Marie de Saint-Philéas. Adolescente, je pleurais chaque fois en lisant cette histoire d’orphelins.

Retour à la case monographie écrite. Et si je transcrivais cette histoire?

Et comme chaque matin, l’esprit s’essouffle, la fébrilité s’apaise.
Aujourd’hui, je m’habille en mou, je ne sors pas, j’écris.

vendredi 17 février 2023

Je suis de neige et de mots

Je ne suis pas du chemin Roxham
Je ne suis pas de Colombie ni d’Algérie
Ni de guerre ni d'agression
Je ne suis pas de Paul Daraîche ou d’Elvis Presley
Ni du temps de Balzac ou de Mozart
Ni même des Beothuks ou d’Évangéline

Seulement d’avril 1950
D’un vendredi saint qui reviendra cette année
Des sœurs Sainte-Croix et des sacrements de l’Église
De cette province que mes parents auraient voulu pays
De cette Petite-Nation que j’ai choisie

Je ne peux parler au nom de personne
Tout juste du mien
Dois-je pour autant me taire?
N’ai-je pour autant rien à dire?

Devant mes yeux, la plupart du temps des grands pins rouges
Et le blanc de la neige ou les érables colorés
Parfois un renard, souvent des mésanges et des écureuils

Comme Claude Gauthier, je suis de lacs et de rivières
Je suis un beau voyage 
 
Mes ami·e·s et ma famille sont de nature et de battures
De mer et de terre
De livres et de cahiers
D’art et de musique

Mon amour est de corps et d’esprit
De mes mots et de ses tableaux
De rires et de larmes
Du meilleur et du pire
Du temps et des silences
D'espace et de voyages
De toujours et à jamais
Je l’espère chaque jour.

mercredi 15 février 2023

Entre ciel et terre

L’automne dernier j’avais vu ce concours :
Concours «Écrire l’arbre»
Un appel de textes invite les personnes à célébrer un arbre qu’elles affectionnent particulièrement.
«Des professeures et professeurs du Département d’études littéraires organisent un concours d’écriture ouvert à toutes et à tous, consistant à soumettre «un texte consacré à un arbre réel qui pousse sur le sol québécois et avec lequel on entretient un lien privilégié, ou que l’on souhaite spécialement mettre en valeur.»
Pour ce concours, sans hésiter, j’avais choisi d’écrire sur les pins rouges avec lesquels je vis depuis cinquante ans.
Mes pins.

Je n’ai pas gagné.
Bien hâte de lire le texte primé.
Je publie donc le mien, ici.

Entre terre et ciel

Ils m’arrivaient à l’épaule.
Ils avaient cinq ans, j’en avais vingt.
Ils grandissent encore. Une couronne de branches par année. Des branches qui, faute de lumière, deviennent moignons après quelques saisons.
Et je les ai aimés tout de suite.

Ces petits cônes déjà élancés sont tous nés la même année : 1967.
Je reconnais des pins, j’ai appris qu’ils étaient rouges. Plus petits que leurs cousins, les pins blancs. Une plantation encouragée par le gouvernement, aménagée par une famille et un mouvement 4H.

Les palmiers et les figuiers du sud m’ont tenu compagnie certains hivers, les arbres géants de l’Ouest canadien m’ont impressionnée, les tuckamores sauvages de Terre-Neuve m’ont attendrie.

En revanche, mes pins rouges, oui, mes pins — nous nous sommes apprivoisés —, sont devenus mes amis, mes amours. À la fois apaisement et admiration depuis cinquante ans.

Pendant mes convalescences solitaires, je leur ai confié mes peurs et mes larmes. Mes mains sur l’écorce rude, les yeux fixés sur les aiguilles jumelles qui cherchent le ciel, le calme est revenu. Chaque fois.

Ils m’ont enveloppé de leur courage, de leur force et m’ont parlé de leur longévité. Leurs cimes m’ont bercée de leurs valses rassurantes.

Ils me protègent du soleil trop ardent l’été, et des violentes bourrasques de neige, en hiver.

Ils enveloppent maison, remise et atelier. Lors d’expositions, on accroche des tableaux sur les fûts, et on installe des sculptures sur des troncs. En marchant dans les allées, les visiteurs ont l’impression d’entrer dans le chœur d’une cathédrale. Je conte l’histoire de ce cloître et j’explique les embranchements des pins.

Ceux plus exposés au soleil surveillent le grand champ de pommes de terre d’en face et rougeoient lors des plus beaux couchers de soleil. Ils accueillent les geais bleus, les phébis et les mésanges qui viennent parfois s’aimer. En croassant, les mainates se perchent sur les cimes. Les écureuils bruns s’offrent un buffet de cônes à volonté. J’aime tout d’eux même si je n’ai encore goûté aux jeunes pousses doubles ni distillé leur résine, parait-il bienfaisante.

Mes grands pins n’ont jamais connu les champignons ou les papillons nocturnes. Laqués de pluie ou lourds de givre, ils resplendissent de santé. Depuis quelques années, dans les rares éclaircies, des bouleaux et des érables, le rouge et l’ocre colorent le décor forestier dans une magie de clair-obscur.

En cinquante ans, j’en ai fait couper quelques-uns. Les plus près des bâtiments. J’en ai vendu. M’en ont-ils voulu? Je ne les ai jamais connus revanchards. Je les ai coupés pour ne pas étouffer, pour respirer. Dociles, ils ont servi de charpente pour un atelier d’artiste.

Ils m’ont fait peur le 21 mai 2022, à 16 heures 13. Sous la force du vent, certains ont craqué, cassé. Dans le sol sablonneux, leurs racines étalées n’ont pas suffi à les retenir. Cruel destin, pourquoi ce vent violent -- nommé derecho nous a-t-on appris -- vous a-t-il abattu en trois secondes? Vous, les pins rouges, les résistants. Pourquoi vous, plus que tout autre espèce, plus que les feuillus fluets? Pourquoi vous, mes amours, mes fidèles? Vous deviez me survivre un bon 150 ans encore. Je vous voyais en maisons, en sculptures, au moins en poteaux de ligne. Finir en copeaux de bois, en bois de chauffage, quelle déchéance!

Chez nous en tout cas, plusieurs d'entre vous avez supporté l'épreuve.
Vous m’avez montré votre vulnérabilité. Je sais maintenant votre fragilité à l’enracinement.

Je vieillis, vous êtes encore jeunes.
Bientôt, je m’endormirai à vos pieds.
Je vous regarderai grandir encore.

D’en haut cette fois.



mardi 14 février 2023

De l'amour des mots




14 février
Je devrais parler d’amour.
Je vais parler de l’amour des mots alors.

Comme souvent quand je suis seule, devant la mer, la nuit, en auto, à vélo, les mots affluent.
Pour raconter, pour me questionner, pour revoir les scènes, l’événement. Pour évacuer les émotions. Pour reformuler les phrases que je n’ai pas dites ou celles que je n’aurais pas dû dire.

Lors de mon retour de Gatineau, seule dans mon auto, j’avais déjà un titre de blogue : Hier. Peut-être Hier encore. Comme la revue du Centre régional d’archives de l’Outaouais.

J’ai vu Michèle Bourgon, elle lançait son livre Rendez-vous!
J’ai reconnu Raymond Ouimet — justement un des rédacteurs et responsable de la revue Hier encore.
Puis, j’ai croisé Claude Larouche du Comité du patrimoine de Ripon à qui j’avais parlé le matin même puisque je m’occupe de monter leur bulletin L'écho des montagnes..
Et belle surprise, j’ai reconnu Lysette Brochu que je n’avais pas vu depuis... belle lurette.

Avec moi : cinq écrivains, cinq retraités, trois ex-professeurs. Je les connais tous. Ils ne se connaissent pas tous.
C’était hier.
Quand nous nous réunissions dans des ateliers d’écriture.
Quand nous nous voyions au Salon du livre, en tant qu’auteur. e. s.
Quand les éditions Vents d’Ouest et les éditions Vermillon existaient.
Quand on était publiés en Outaouais. Quand on espérait l’être pendant des années.
Avant que Michel Lavoie et Jacques Flamand ne décèdent et que les maisons d’édition ferment.
Avant.

Aujourd’hui, on écrit encore. Pour soi bien souvent.
On envoie parfois nos manuscrits chez des éditeurs reconnus. On attend. On espère. On réussit parfois.
Sinon, on envisage le plan B : l’auto-édition.
Ils s’informent, me questionnent sur les étapes, le prix. Je leur réponds : révision, montage, impression, distribution. Je peux m’occuper du montage. Leur donner des noms d’imprimeurs.

Hier, je les côtoyais comme auteure.
Aujourd’hui je les rencontre en tant que graphiste et lectrice.
Hier, c’était le lancement de Rendez-vous!, un livre de nouvelles écrites par Michèle Bourgon.
Demain, peut-être celui de Claude Larouche ou celui de Raymond Ouimet.
Dans dix jours, le Salon du livre, si je les rencontre à nouveau, ce sera comme visiteurs.
Nous parlerons de livres, du français, de l'édition en Outaouais.
Parce qu’hier, comme aujourd’hui, nous sommes des amoureux des mots.

Site de Lysette Brochu >>>
Blogue de Raymond Ouimet >>>
Blogue de Michèle Bourgon >>>
Page Facebook de Claude Larouche >>>

mardi 7 février 2023

Janvier en couleurs


En janvier, la Floride. Encore une fois. Une dernière fois?

À quinze minutes de la mer. Le boardwalk en vélo. Un « studio Pet friendly » sympathique. Des restaurants avec terrasses, des vraies.

La ville aussi.




Quand même des petits coins plus tranquilles.





Et puis une visite au RV Resort où nous avons passé quelques mois d’hiver. Le plus beau coucher de soleil du mois.

  

Un retour au pays blanc. La froidure mais aussi l’émerveillement. Encore.