Bien des raisons font qu’on choisit de lire tel ou tel livre. Cette fois, j’ai lu Les passeurs de Nicole Balvay-Haillot (éditions Vermillon) pour la seule raison que j’ai connu l’auteure lors d’ateliers d’écriture. Elle a lu mes histoires d’Irlandais, je lisais ses histoires de France, de Tunisie.
J’ai parlé d’elle à quelques reprises dans mon blogue et même sur Voir.ca. Son roman Dérives m’a touchée parce que la relation mère-fille m’émeut toujours. Son livre de nouvelles, Fenêtre sur vies, a obtenu une mention au Prix Jacques-Poirier en 2009.
Celui-ci, Les Passeurs, même si je ne l’avais pas su, je l’aurais senti à la lecture, a demandé beaucoup de recherches et du temps et du silence et de l’obstination. Ce livre, elle le portait depuis plusieurs années, c’est l’histoire de toute une vie, la sienne, celle de ses parents séparés, celle de la seconde guerre mondiale.
Pour sa recherche, cette Française d’origine qui vit au Québec depuis quarante-quatre ans, a choisi un jour d’aller passer trois mois à Vezelay, à deux heures de route des événements relatés dans son récit. Elle entreprit de continuer à fouiller son passé, de retrouver des membres de la famille, à écouter des témoignages des descendants de passeurs, ces personnes qui prenaient bien des risques en faisant passer des personnes ou des messages ou des lettres de la zone occupée à la zone libre. Sans la famille Tillier qui permit à ses parents d’être réunis, l’auteure n’aurait pas vu le jour.
La résidence d’auteure, la maison Jules-Roy, à Vézelay commence à être connue des auteurs de l’Outaouais. Sur le site Internet, je reconnais là quelques bénéficiaires, dont Loïse Lavallée, Michèle Bourgon, mais je suis certaine que pour Nicole Balvay-Haillot son séjour là-bas n’a pas représenté la même charge émotionnelle. Pour elle, c’était pays de souvenirs d’enfance et même d’amoureuse.
Donc je connaissais l’auteure, j’avais entendu parler de Vézelay, je savais que Nicole était née en 1942, en plein pendant la guerre 39-45 dont j’ignore à peu près tout, étant née après et surtout étant venue au monde dans un pays que nulle bombe n’a jamais atteint. L’auteure a su m’apprendre beaucoup sur ce temps de l’Occupation allemande, mais ce que j’ai aimé par-dessus tout dans la lecture de ce roman, c’est l’histoire personnelle.
Elle a su, méthodiquement, clairement, en mettant sans doute beaucoup d’ordre dans ses émotions retracer la route de son père, soldat, pendant ces années de séparation. Pas de véritable montée dramatique comme dans un film américain, pas besoin, mais lettre après lettre, village après village, rencontre après rencontre, elle nous raconte ses démarches et ses trouvailles. Toujours en nommant les gens, de vraies personnes qui l’aident, qui cherchent, qui témoignent, même après toutes ces années.
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Je me suis amusée à situer quelques-uns des villages et hameaux dont il est question dans son livre. Dans son livre, l’auteure a eu l’heureuse idée de faire imprimer quelques cartes aussi. Comme des centaines de Québécois qui ne savent rien de la guerre de 1939-1945 (et même les autres), j’ai été très surprise de voir la ligne de démarcation autour de laquelle toute l’action de son roman se situe : je la croyais presque droite, au sud de la France, entre Bordeaux et Lyon, mais non…
Pour Nicole Balvay-Haillot, née d’un père soldat qui a passé la ligne de démarcation pour rejoindre son épouse délaissée, le 11 novembre n’aura jamais la même importance que pour moi qui n'a guère de lien avec les soldats, mais maintenant, au prochain Jour du souvenir, je sais que je penserai à Nicole Balvay-Haillot qui a réussi à boucler la boucle en écrivant Les Passeurs.
Vous pouvez lire un extrait du livre sur le site des Éditions du Vermillon >>>