(Source: Centre d'action culturelle de la MRC Papineau) |
Arrivée en plein drame de village : la rivière déborde, le pont est fermé, le village scindé en deux, je venais pour les livres, j’ai craint de voir la peine, la tristesse, d’entendre la colère. Au village, j’ai vu l’entraide, j’ai vu la solidarité. À l’intérieur du complexe Whissell, dans la grande salle où se tenait le troisième Festin de livres, comme dans une bulle, j’ai senti l’enthousiasme, j’ai vu l’amour des livres.
En une heure seulement, j’ai vu aussi combien les organisatrices et bénévoles ont travaillé fort, qu’elles avaient dû prendre des décisions difficiles quant aux salles qui devaient accueillir le Festin de livres parce que l’armée appelée en renfort a besoin de locaux, parce que les personnes évacuées viennent attendre leur famille, parce que les Fermières s’affairent à préparer des repas chauds.
Je les ai vu.e.s Émilie, Catherine, Yves, Francine, Kathy, Guillemette, Mireil, Laurence et plusieurs autres à l’œuvre dirigeant, organisant, animant, réagissant, être partout, efficaces. Toujours le sourire aux lèvres, les yeux rougis par les longues heures, la voix un peu éraillée, mais debout, fières.
Trois jours à tâter les livres, les feuilleter, les caresser, les choisir, leur demander de nous aimer, de nous distraire, de nous nourrir, nous, les épargnés des inondations. J’en ai rapporté un neuf, quatre d’occasion. J’ai parlé des miens, du prochain à venir, j’ai écouté d’autres parler des leurs.
J’ai écouté Raymond Ouimet nous parler des meurtres de l’Outaouais, je n’ai pas manqué une seule parole de Marjolaine Beauchamp qui nous a slamé des pans de sa vie. J’ai eu la gorge nouée en entendant Laurence Bietlot, la gagnante adulte du concours d’écriture, lire son texte. La discussion sur les prisons en Syrie et au Canada fut très enrichissante. J’ai appris l’existence de La note verte, une maison d’édition et école de musique à Maniwaki. Claude Larouche m'a donné envie de relire Rimbaud pour développer la métaphore. J’ai revu Marie Paquette qui présente ses livres avec sa fougue habituelle. J’ai connu Raymond Aubry qui a vu plus de pays que je ne visiterai jamais. Je me suis pâmée devant quelques petits « livres libres » créés dans le cadre d’un projet présenté par une Francine Letourneux très à l’aise sur scène.
En ce qui me concerne, ce ne fut qu’embrassades, jasettes, et même confidences et secrets.
Je serais bien restée dans cette bulle amicale et joyeuse, mais dehors, la réalité crue m’attend, celle d'un printemps éprouvant.
Heureusement, j'ai eu un hiver si bleu qu'il me permet d'être patiente et compatissante.