vendredi 31 août 2018

« Je n’ai pas mon voyage »

Photo prise lors d'un voyage en 2016 parce que celle d'hier, je n'ai pas pensé à la prendre!
J’aurais pu être contrariée, c’est mon genre. Tout ce que j’aurais fait, je l’aurais fait en grognant, en rouspétant. À vingt ans, j’aurais tapé du pied, j’aurais boudé, je me serais enfermée dans ma chambre.

À vingt ans par contre, je me débrouillais, je savais changer un pneu, je savais quand et comment mettre de l’huile dans une auto, comment faire démarrer un moteur « noyé », comment vérifier des bougies, comment « booster » un char avec des câbles. J’aimais avoir les mains dans la graisse.

Aujourd’hui, je connais les mots en français, mais c’est tout.

Donc, je n’étais pas contente, mais pas contrariée.
Il faisait beau, frais, on respirait bien, les poumons dégagés, les sinus libres.
J’avais bien dormi, la tête lavée, le déjeuner pris, la vaisselle du matin rangée, la Van remplie, les portes et fenêtres de la maison verrouillées.
Je ne dépassais ma prédiction d’horaire que de vingt minutes.
Même le GPS indiquait l’heure d’arrivée : 13 h 45. J’ajoute toujours une bonne heure pour le trafic, les haltes routières. Ce serait très bien.

Ça y est, c’est le départ.
La clé dans le contact. Toc-toc, toc-toc. Pas gnigne-et-gnigne, non, toc-toc, toc-toc.
La batterie complètement à plat.
Pourtant, dimanche, j’ai reculé la Van près de la maison, tout allait bien.
La semaine dernière, au garage, vidange d’huile, changements de bougies, permutation et pression des pneus. 664 $. J’avais confiance.

Pendant qu’une appelle notre mécanicien, l’autre sort le bloc d’alimentation justement rempli la semaine dernière aussi. On ne peut pas dire qu’on n’est pas prévoyantes!
Essaie les lumières, oui, elles fonctionnent. Batterie? Starter?
Petit banc, parce qu’un 3500, c’est haut. Branche le bloc d’alimentation, un 700 watts. Le rouge d’abord, le noir. Essai. Le toc-toc devient gnigne-et-gnigne, mais pas assez longtemps, pas assez fort. Éteins. Attends. Nouvel essai. Un tout petit gnigne-et-gnigne et retour définitif au toc-toc. L’icône jaune du « check-engine » reste allumé. Revérifie, débranche, rebranche, repart… Toc-toc, toc-toc. Le bloc d’alimentation est déjà à plat.

Aux grands maux, les grands remèdes. On ne paie pas notre assurance pour rien. Appel, assistance-routière. Nous n’avons droit qu’à un seul service : survoltage ou remorquage. On ne prend pas de chance, ce sera remorquage.
On est jeudi, longue fin de semaine de trois jours. Décision, même si la Van est réparée, on ne part plus avant la semaine prochaine. Et encore, on verra. En attendant la dépanneuse, on vide la Van. Ordre inversée d’entrée: le frigo, le congélateur, l’ordinateur, les tablettes, les armoires, les vêtements, les livres.

Trop occupée pour penser, pour réagir, pour bouder. Ou pour se sentir nulle. Ou pour regretter mes vingt ans quand la mécanique automobile était à la portée de tout le monde.
La dépanneuse arrive.
Le camionneur-préposé-technicien sort un « gros » bloc d’alimentation, la batterie vrombit du premier coup, mais on sent l’effort. L’icône jaune du « check-engine » s’éteint. La batterie tient le coup, le moteur a de grands soupirs hésitants, mais la Van pourra monter sur la dépanneuse toute seule.
Bye-Bye Van qui s’en va chez notre mécanicien averti.

On entre dans la maison, on tourne en rond. On range les vêtements. On jase. On n’a pas l’air du tout de filles déçues de ne pas être parties. Pas l’impression de manquer notre voyage. Ou quelque chose d’exceptionnel. Sommes-nous désabusées? Plus le goût de partir? Jamais plus? Nulle part?
Pourtant si. L’hiver, quand il fait froid et qu’on préférerait avoir chaud. Pas jusqu’à 30 degrés, ressentis 40, mais dans les 20-25, c’est très bien. Comme aujourd’hui.

Bientôt l’heure du diner.
Zut on a oublié les médicaments dans la Van.
On n’hésite pas, on part en auto. On roule lentement, on voit une mère chevreuil et ses deux petits dans un champ de soya. On ralentit. On sourit. Ils nous regardent. Décidément, une belle journée.

Au garage, les hommes sont absents, partis diner sans doute. Notre Van n’est pas verrouillée, on prend les médicaments, mon casque de vélo.

À Chénéville, on arrête à un nouveau bistro qui annonce des paninis. Petite table et chaises à l’extérieur. On décide de se gâter. Sauf que dehors, et à l’intérieur, musique trop forte, trop rock. Je demande poliment si c’est possible de baisser la musique. Non, c’est la marque du resto. Contrariée la madame. Pas moi, la serveuse (ou propriétaire, je ne saurai jamais)! Bon, bien, c’est dommage. Non, la musique trop forte, trop rock and roll, qu’on s’entend pas penser, pas pour nous. On est peut-être deux vieilles fatigantes, mais on assume.

Achats de pains et jambon fumé chez Metro, retour à la maison. Diner sur notre galerie terrasse à nous. Bière, panini, salade et… le doux silence de la nature (les écureuils partis diner aussi?).

Finalement, pourquoi serais-je contrariée? C’est une très belle journée.
On partira un autre jour. Ou pas du tout.
N’empêche j’aimerais avoir encore vingt ans. Quand je savais, quand je me débrouillais. Mais quand je boudais aussi?

dimanche 26 août 2018

Le dernier chalet d'Yvon Rivard


Qu’importe qu’Alexandre, écrivain dans la soixantaine avancée, soit l’alter ego d’Yvon Rivard, qu’importe que cet Alexandre ait déjà été le personnage, à des âges différents, de livres précédents : Le siècle de Jeanne (2005), Le milieu du jour (1995), Les silences du corbeau (1986), qu’importe que ce soit un roman ou un carnet, ou de l’autofiction, je l’ai écouté tout au long des 200 pages dans Le dernier chalet. Délicieusement. Avidement. Intellectuellement.

Je vivais avec lui, dans la nature, près d’un renard, les yeux rivés de l’autre côté du fleuve, là où Gabrielle Roy écrivait, marchait, vivait ses derniers jours. Je l’ai écouté me parler de son voisin, le fermier Gilbert, de son père, bûcheron, de sa Marguerite qui écrit le matin qui marche avec lui l’après-midi, de ses ex, Clara et de Françoise, de ses petits-enfants qui lui rappellent sa jeunesse. Il est intellectuel, Alexandre, il passe ses journées à réfléchir, mais il coupe aussi du bois, il entretient un potager, il nourrit les oiseaux, il répare le chalet.

Il m’a fait voir Champlain sous un jour nouveau. Comme s’il revenait, pagaie à la main, au 21e siècle, nous dire de prendre soin de notre pays.

Il lit beaucoup, Alexandre. J’ai bien aimé que les citations de Gabrielle Roy, Virginia Woolf, Friederich Holderlin, Rainer Malker Rilke, Rimbaud soient intégrés au récit, sans notes en bas de page comme si c’était un travail universitaire.

J’ai revu les chalets de mon enfance, les baignades, les jeux, les vacances, mes grands-parents qui venaient nous voir. Doux souvenirs.

Ses longues phrases m’ont entraînée dans les méandres de mon esprit. Je me suis vue à 19 ans, quand j’aimais follement la philosophie, que j’engloutissais L’être et le néant comme si, enfin, le monde, le sens de la vie et de la mort allaient m’être révélés. Yvon Rivard le fait de manière beaucoup plus concrète, moins théorique.

Bien sûr je me suis identifiée à l’écrivain, mais autant à l’homme qui aime la nature, le fleuve, la retraite, et qui n’a pas peur de la solitude. En lisant qui il est, je comprends mieux qui je suis, qui ma mère a été, une solitaire dans l’âme. Ce qui m’a permis, à mon tour, de mieux circonscrire mes personnages de roman, de les déculpabiliser de ne pas être des porte-drapeaux de cause sociale.
« Le monde serait moins stagnant si tous les retraités étaient conscients que leur oisiveté n’est pas inutile, que leur solitude n’est pas une malédiction, que l’une et l’autre sont une chance d’être plus grands que leurs destins. »

« Le secret des solitaires à qui rien ne manque c’est de ne rien désirer d’autre que la vie et de s’isoler pour ne pas étioler ce désir. »
Pour ce qui est de la mort qu’il regarde en face, comme un coucher de soleil, disons que je n’ai pas entrouvert la porte aussi grande. Pas comme lui. Ce n’est pas elle que je voie dans le fleuve, ni dans mon âge qui avance, bien sûr, trop rapidement.

Dans Le dernier chalet, comme dans la plupart des livres, c’est soi-même qu’on cherche à comprendre, à accompagner. C’est aussi l’autre qu’on cherche à comprendre, à aimer. Yvon Rivard, dans Le dernier chalet, a réussi à me faire aimer cette vie de nos soixantaines avancées.

Et qu’importe si on n’écrit plus ou qu’on ne fait que lire au bord du fleuve.
Délicieusement. Avidement. Intellectuellement.
On a le droit.


jeudi 23 août 2018

Carnet de roman (15)


Jeudi, 23 août 2018,
19 h 30,
90 jours après la fin de « mon » Camp littéraire Félix, j’ai terminé la réécriture de mon roman.
Satisfaction du devoir.
Fébrilité joyeuse.
Sentiment d’accomplissement.
Entêtement récompensé.

Il reste au moins deux relectures, une à voix haute, une sous la loupe d’Antidote.
Il reste à maintenir la confiance.
Surtout avec la rentrée littéraire qui me fait déjà voir la publication de romans d’auteurs chevronnés, la plupart plus jeunes que moi. Alors le mien, fera-t-il un jour partie de cette cohorte? Rejoindra-t-il enfin ses deux petits frères de 2011 et 2015? Plaira-t-il aux éditeurs?

Travailler encore. Mais avec les épaules plus légères et le cœur apaisé.
Comme un exercice plus relaxant après le marathon.
Avant, partir un peu comme une récompense, une pause avant de replonger.

Retourner à la lecture, l’esprit concentré sur d’autres histoires que la mienne.
Lire Yvon Rivard, Dominique Fortier, Martine Delvaux.
Ne pas me sentir intimidée par leurs romans, leurs noms.

Repenser à ma mère qui me disait que la reine Élisabeth allait à la toilette comme elle et moi.
Ma mère, elle l’invoquait souvent la reine Élisabeth :
mariée en 1947 comme elle
premier fils en 1948 comme elle
deuxième enfant, une fille en 1950, comme elle.

Ces points en commun devaient me faire comprendre que nous étions tous égaux, que nous vivions les mêmes choses. Que je ne devais pas me laisser impressionner par un titre, par une couronne, par un château.
Que le soleil brille pour tout le monde.
Chez moi, ce soir, il était éclatant. Annonciateur de beaux jours à venir.

dimanche 19 août 2018

Encore l'été



Encore l’été. Le matin, le jaune du champ de maïs. Souvent la brume venue de la rivière Petite-Rouge. Les montagnes bleutées. Le soir, le soleil couchant, de plus en plus au sud-ouest. Rond, orangé vif. Cette semaine, un chevreuil qui me regarde, qui se demande, qui attend et qui finit par partir vers la réserve Kenauk.

Encore l’été. Le matin, j’écris dans mon bureau ensoleillé. L’après-midi, je lis. Dehors, à l'ombre. 

J’ai terminé L’autre saison de Louise Simard. Un livre écrit dans les règles de l’art : intrigue à résoudre, personnages bien définis, émotions décrites par les cinq sens, sentiments bien sentis. J’ai tout lu, c’est dire que j’ai aimé. Surtout que j’ai senti cet amour des promenades, cette passion pour la nature. Mais… eh oui, il y a un mais… son Thana, la fille-rivière était tellement, mais tellement plus riche, plus beau, plus fort. Il ne faudrait pas que je compare. Chaque livre m’amène dans un temps et un lieu nouveaux. Il y en a des plus beaux, des où je demeurerais plus longtemps, des qui me chavirent plus que d’autres. Mais toujours il me permet de devenir un peu plus l’écrivaine que je veux être. Que je suis.

Parce que je ne lis plus pour me distraire. Je ne veux pas qu’on me raconte une histoire, je veux qu’on me raconte une vie.
Ce fut le cas pour L’autre saison de Louise Simard.

Et ce l’est également pour Le dernier chalet d’Yvon Rivard.

Depuis 2004, je lis pour mieux écrire. Avant aussi peut-être, mais je n'en avais pas conscience.Quand je lis, je ne distingue plus la lectrice de l’écrivaine-qui-lit. Lire pour moi, c’est presque étudier comment le livre est écrit. C’est écouter la musique d’un autre pour mieux entendre la mienne, une fois devant mon écran. C’est aller dans « ce temps plus grand dans lequel nous entrons lorsque nous écrivons », comme l'écrit Yvon Rivard.

En lisant ses longues phrases de quinze lignes, je ne dirais pas que Yvon Rivard est de la génération des cours classiques ou des « vieux », parce que dernièrement, j’ai lu un extrait de Belle-mère, écrit en 1995 et quand j’ai vu les phrases courtes souvent sans pronom, parfois sans verbe, qui commencent par une conjonction, j’ai été surprise de voir que l’écrivaine française, Claude Pujade-Renaud (avec un tel prénom, vous comprenez tout de suite pourquoi j’ai jeté un coup d’œil) est née en 1932.

Donc, Yvon Rivard préfère et contrôle très bien la longue phrase. Il faut en lire de temps à autre pour ne pas oublier, pour que notre esprit, habitué aux raccourcis, soit capable de suivre le fil.

J'achève son livre, je prends mon temps, je relis, je déguste, je note. Il y est question de Gabrielle Roy, du fleuve, d’écriture. J’adore, bien évidemment. Je m’identifie. Mes propres souvenirs de chalet, d'enfance et d’été refluent. On dirait presque un carnet. Le carnet d’un écrivain qui écrit de moins en moins, mais qui a peur qu'en cessant d'écrire, la mort vienne. Il se pose des questions en regardant la rivière se jeter dans le fleuve, en pensant à ses petits-enfants qui vieillissent et n'ont plus besoin de lui.

Encore l’été. Bientôt un voyage. Voir d’autres couleurs, entendre d’autres sons, sentir d’autres parfums. Il fera moins chaud, il y aura moins de monde sur les routes. Je lirai sur une plage. J’écrirai dans un cahier.

Toujours ces trois passions qui m’habitent, que je vis.

lundi 6 août 2018

Autre suggestion pour le 12 août:
Reste encore un peu de Loïse Lavallée

Son premier roman.

Récipiendaire du prix Jacques-Poirier en 2008 pour son recueil de nouvelles 13 malentendues, La part manquante des Évangiles, Loïse Lavallée a écrit des nouvelles, des récits, des livres pour les enfants, mais c’est son premier roman. « Il faut du souffle » dit-elle dans un article du journal Le Gatineau Express de juillet dernier.

L’histoire se passe en Outaouais, l’auteure y tenait, mais comme elle a vécu une résidence d’écrivain à Vezelay, en France — comme plusieurs autres écrivain. e. s de l’Outaouais — elle a profité de son expérience pour y envoyer un de ses personnages.

C’est l’histoire d’un triangle amoureux. Qui pourrait être la nôtre. Ce que j’ai aimé, c’est d’entendre la voix de chacun : l’épouse, la mari et la maîtresse. Et même celui de l’adolescente hargneuse. Chacun a sa façon de voir leurs relations. Des choix difficiles, des attentes forcément déçues. Un séjour à l’hôpital qui remet tout en cause. Des scènes d’amour très bien écrites. Et une fin assez surprenante.

La richesse du vocabulaire, le style imagé de l’auteure nous permettent d’entrer dans l’intimité de chacun. Et une si belle couverture nous invite à prendre ce livre, le toucher, le feuilleter... et le talent de l'auteure fait le reste: on lit. J'ai lu, j'ai aimé.

Versions papier ou numérique, disponibles sur les sites des librairies, et on peut l’emprunter à la BANQ.

jeudi 2 août 2018

Le 12 août, j'achète un livre québécois




Le premier c’est certain, quant aux deux autres, ce sera plutôt commander parce qu’ils ne seront disponibles qu’à la fin du mois.

Raisons qui m’ont conduite à ces choix :

L’autre saison

Parce que c’est Louise Simard. J’aime son écriture, ses sujets, souvent liés avec l’histoire d’une région. C’est elle qui a écrit La querre des autres et de Père en fille où il est question des mercenaires allemands venus en Amérique pour la révolution américaine. Pour qui s’intéresse aux descendants d’Allemands, c’est fort intéressant. Et puis, comme moi, elle aime les oiseaux et la nature. C’est une raison suffisante à mon goût.

Thelma, Louise et moi

Parce que c’est Martine Delvaux et qu’elle a déjà écrit : 
« Je ne sais pas tirer le fil d’une histoire. Je ne sais pas inventer. Je ne sais que noter, toutes ces choses que je prends aux autres et que je fais tourner. »
Ce qui me rappelle quelqu’un.

Et dans Thelma, Louise et moi, c’est déjà imprimé :
« Et au moment où les mots arrivent, avec le frémissement dans le ventre qui indique que ça y est, que je peux enfin me mettre à écrire, alors d’un coup je me détourne, aller chercher (sic) un verre d’eau, attraper un livre, noter quelque chose dans un carnet. Je m’éloigne du clavier, muette devant les mots. J’ai peur de lever les yeux sur ce qui me guette. »
Et que dans ce livre, elle parle du film Thelma et Louise. Que j’ai tant aimé également.

Les villes de papier

Parce que le résumé me dit qu’il y sera question d’Emily Dickinson. J’aime quand on me parle des écrivains. Vu de l’intérieur surtout.

« Si, comme elle l’écrit, l’eau s’apprend par la soif et l’oiseau par la neige, alors Emily Dickinson, elle, s’apprend par la mer et par les villes. Figure mythique des lettres américaines, celle que l’on surnommait « la dame en blanc » demeure encore aujourd’hui une énigme. Elle a toujours refusé de rendre sa poésie publique et a passé les dernières années de sa vie cloîtrée dans sa chambre ; on s’entend pourtant maintenant à voir en elle un des écrivains les plus importants du dix-neuvième siècle. Les villes de papier explore son existence de l’intérieur, en mode mineur, à travers ses livres, son jardin et ses fantômes. »  
Et vous, votre choix est-il arrêté?