jeudi 31 août 2023

Dernier jour d'août





Dernier jour d’août.
Dernier jour doux, plutôt dernier jour fou!
La pleine lune gruge mon énergie de nuit d’abord, de jour inévitablement.
La tête aussi pleine que la lune. Je ne contrôle plus rien, tout se défait.
Sept jours sans eau, probablement sept jours encore. S’organiser, penser. Annuler. Laisser aller.
Rendez-vous, Montréal, trafic.
Maison cocon, maison symbole du moi.
Rentrer, rester, ne plus bouger,ne plus penser.
Que la force de mots, pas de phrases. Pas de compléments, pas de compliments.
Énergie, où es-tu?
La nuit lire Salomé Assor. Un et Nue. Se laisser aller dans une autre.
Le jour, chercher le temps. Chercher l’eau.
 
Dernier jour d’août. Derniers jours des fleurs.
Le sentier sera ravagé. Vers le puits, vers l’eau.
Temps perdu.
Pourtant si bien chez nous, devant l’orme.
Pour combien de temps encore?
Pour combien de mois d’août?
De mois doux.
De moi doux.

jeudi 24 août 2023

Ah!

Ah! quel bonheur ce fut!

Le bonheur de lire toute la journée.
Livre acheté à l’occasion de l’événement «le 12 août, j’achète un livre québécois». J’avais choisi trois carnets littéraires. Mon genre préféré.

Dans Mission : les possibles de Danielle Marcotte, dès la page 13 :
«Une rencontre avec un écrivain devrait toujours avoir lieu dans l’écrin intime de la lecture. Et en rester là.»
Tout comme elle, je ne sens pas le besoin d'attendre dans une file, demander une dédicace, ni même de jaser avec l'auteur.e. Le livre me comble. J'admets que quelques lignes dans un message privé... juste entre nous, ça je veux bien. 

Un livre miroir : c’était moi que je voyais, que je rencontrais. Moi qui écrivais.
« Je voudrais être “une”. Espoir d’en finir avec mes tiraillages. Je suis partagée entre ma famille, mes soucis maternels, mes obligations professionnelles, mes aspirations ma soif d’écrire Peur de devenir blasée avec l’âge, de découvrir que rien ne vaut vraiment la peine.»

Ah! Comme dans ah! ben!. En lisant «blasée avec l’âge», j’ai voulu savoir l’âge de l’auteure. Tablette, Google... tiens, tiens avril 1950! Comme moi.

«Qu’est-ce que j’attends de tous ces écrivains dont je lis les autobiographies, les journaux, les carnets? Une clé, peut-être, qui ouvrirait sur leur mystère, qui m’aiderait à comprendre le mien?»
Idem, idem et encore idem.

Comme dans tout bon carnet, l’auteure relate ses lectures, cite des passages. J’ai lu plusieurs des livres mentionnés... sauf Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar. Pas faute d’avoir essayé. Pas faute d’admirer la célèbre écrivaine... jusqu’à chercher (et trouver) sa maison La Petite-Plaisance à Northeast Harbor (je sais, je l'ai déjà écrit dans un de mes billets de blogue). Me donne le goût de réessayer, comme si nous nous ressemblons sur tellement de points («Je viens des livres. De Kamouraska d’Anne Hébert et de Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy »), pourquoi pas celui-là? Pourtant, elle écrit aussi : « tous les livres ne sont pas pour moi. Dans la lecture, je cherche une voix qui murmure, qui se confie, loin, bien loin de la démonstration ou de la mise en scène.»

Ah! comme dans Ah! la chanceuse! Camp littéraire Félix + Robert Lalonde = (en tout cas pour elle) publication de son carnet chez Lévesque éditeur. Contente pour elle, contente pour moi qui me délecte de ces carnets d’auteur.e.s. J’essaie très fort de ne pas prendre mon propre passage à ce camp/atelier d’écriture comme un échec puisque la semaine n’a pas abouti à un manuscrit qui, en le retravaillant, aurait enfin été accepté par un éditeur reconnu, raison pour laquelle j’y allais.

Ah! comme Ah! je n’en reviens pas: sa fille s’appelle Claude.

Comme j’ai eu l’impression de passer la journée avec Danielle Marcotte, et après avoir lu sa phrase : «[...] solitude de l’écrivain — qui n’obtient jamais (ou rarement) d’écho à son travail», je l’ai trouvée sur Facebook et je me suis permis de lui écrire sur Messenger : « Ne l’entendez-vous pas cet écho aujourd’hui?»

Ah! comme:  Miroir, miroir, merci d’avoir écrit qui je suis, qui nous sommes, nous qui avons ce besoin insatiable d’écrire.

Écrire, c’est peut-être comme l’amour: dévorant et inassouvissable. Mission impossible!

Ah! quelle belle journée ce fut!

samedi 12 août 2023

Voilà ce que j'avais envie de raconter

Écrire trois mots, trois lignes. Hésiter, réfléchir. Les trouvant banals et surtout inutiles, les effacer. Que veux-je dire? Que veux-je tant écrire? Ne suffit-il pas d’y penser quitte à ressasser? La nuit surtout. Pour laisser aller, oui, jeter sur le papier, taper sur le clavier, mais dès lors, je me connais, je voudrai ordonner, nuancer et pire encore, corriger.

Je connais pourtant un plaisir plus grand parce que la dernière approbation ne me revient pas : travailler sur les textes des autres. Ce que finalement, j’aurai fait une bonne partie de ma vie. Les textes de mon père, les textes et les annonces d’un hebdomadaire, les dépliants d’organismes, les guides touristiques, les livres des autres qui veulent publier en auto-édition. Comme ma mère, travailler dans l’ombre et en retirer beaucoup de satisfaction.
Et pourtant, certains jours, quand je ne suis pas trop occupée, quand les obligations ralentissent, quand les rendez-vous médicaux ou les longues routes (enfin, pas tant longues que souvent : deux heures aller parfois trois au retour, huit fois en deux mois) quand je n’ai plus à faire plaisir à quiconque, me revient cette envie d’écrire un billet de blogue, une page de carnet.
Comme aujourd’hui.

Écrire sur ce que j’ai vu le 12 août :

J’ai vu qu’en Suisse — où j’ai de la famille —, il y a un Guiness Iris Festival et sur leur site, des mots comme parking, sponsors, news, about, Institutional partners, here we are.

En ce jour de l’événement « le 12 août, j’achète un livre québécois », j’ai vu un nouveau livre, Madame Full of shit, présenté ainsi : « Madame full of shit est le recueil coming-of-age d’une millennial relatant sans fla-fla les oscillations louvoyantes menant à l’adulting. »
Vous dire que je me sens d’un autre âge, d’un autre siècle, d’un autre monde!

Personnellement, pour ce jour devenu tradition, j'ai acheté:

                                  

Écrire sur ce que j’ai vu le 8 août :

À l’hôpital Rosemont-Maisonneuve, j’ai vu une ophtalmologiste — enfin, je pense, peut-être une étudiante de... ou une technicienne, mais une immigrante assurément. Pas le voile qui me dérangeait, mais le fait qu’elle parlait et comprenait difficilement le français. Comprenait-elle nos nombreuses questions? En tout cas, ses réponses ne nous rassuraient pas. Son sourire, sa gentillesse oui, au moins. La vraie chirurgienne de la greffe de la cornée — une Grecque qui parlait très bien le français —, est passée en coup de vent. Bonjour, je regarde... tout est beau. Deux heures de route, trois heures d’attente, deux heures trente au retour pour... moins de deux minutes.

Écrire sur ce que j’ai vécu le 1er août :

Il fallait coucher à Montréal. Réservation faite à la Maison des greffés, 1989 R. Sherbrooke E, Montréal. 80$ et souper compris. Oui, vous pouvez aller voir sur Google maps : rue Sherbrooke, près du parc Lafontaine.
Oui, mais bon, avant vous dire que j’ai appris à conduire à la campagne. Même si j’ai étudié deux années à Montréal même, je demeurais plutôt à ville Saint-Laurent, je ne connais donc pas vraiment ce coin.
Avant encore, vous dire dans quelles dispositions d’esprit j’étais.
La veille, 31 juillet, jour de l’opération de Louise, deuxième greffe de cornée, la première ayant été rejetée en 2021.

5 h debout

6 h
départ pour la Clinique médicale Angus, 2601 Rue William-Tremblay, Montréal

7 h 40 arrivée, stationnement sous-terrain, prise de billet code QR, insertion de billet (comment ça s’ouvre, cette fichue barrière?), descente au 3e sous-sol (faut pas être claustrophobe), 1 ascenseur pour le rez-de-chaussée, un autre pour le 4e étage, toilettes

8 h
inscription, formulaire

8 h 45 entrée dans le cubicule 14, jaquette, activant, signes vitaux, soluté, questions. Repos. Fait très... frais

10 h pour Louise, départ pour la salle d’attente préparatoire. Pour Claude, retour au rez-de-chaussée, achat de café trop fort que je ne finirai pas, croissant au beurre. 5 $, trouve un endroit tranquille pour boire mon café. Retour dans la grande salle d’attente : lecture, jeux sur tablette, relecture et coup d’œil par la fenêtre qui me rappelle mes années au secondaire quand je trouvais le temps long.

11 h 30 Louise revient dans le cubicule, demande Claude à 12 h. Je la rejoins.
Jasette, sourire qui indique que tout a bien été, moins souffrant que la première fois dit-elle, elle somnole, veut un café (latte un peu plus buvable 4,25 $). Attente. Lecture.

15 h 30 sort du lit, fauteuil roulant et examen pour Louise. Et... recouchée.

16 h 30 congé, consignes (ne doit pas rouler plus d'une heure pour ça qu'on ne retourne pas chez nous, on couchera à Montréal), habillement. Je dois donner une carte d’identité pour être certaine que je remonte le fauteuil roulant. Descend 1 ascenseur, arrêt à la pharmacie, commande d’un médicament,
1 autre ascenseur, descend Louise dans l’auto, s'étend, je remonte le fauteuil roulant, 2 ascenseurs, reprend ma carte d’identité, scanne le code QR pour le prix spécial des opérés, 1 ascenseur, attend à la pharmacie, prend l’autre ascenseur. Installe le téléphone/GPS pour aller à la maison des greffés. Pas d’internet au 3e sous-sol.

17 h 15 on sort enfin, me tasse sur le côté, vérifie le GPS pour route, conduis lentement, Louise, couchée, peut pas vraiment m’aider.

Voilà donc dans quelle disposition d’esprit j’étais.

Suite :
Passe devant la Maison des greffés, rue Sherbrooke, tourne sur la rue suivante, stationne vite faite sur une petite rue de côté sans savoir si j’ai le droit, Pancartes partout. Marche, entre à la Maison des greffés demander où stationner. Explications bizarres qui ne me disent rien de bien. Seuls noms de rue donnés : Sherbrooke et Bordeaux. Dois dans l’ordre : trouver stationnement public payant, trouver borne sur rue voisine pour payer 8 $ avec un code. Mais quand déposer Louise qui ne peut pas marcher longtemps et doit se coucher dès que possible? File au nord parce que sens unique, tourne à droite et encore à droite, rue Bordeaux. Pas vu de stationnement public ni de borne. Continue vers le sud. Près d'Ontario, demande à 2 cyclistes... qui ne savent pas trop non plus. On tourne en rond dans des petites rues étroites à sens unique.

On réfléchit. Option B : aller chez quelqu'un qu'on connaît, mais chien et pas reposant. Option C : trouver hôtel. Je cherche encore stationnement payant. Louise voudrait y aller à l’œil (ou au pif c'est selon!) en allant vers l'est, vers Place Versailles qu’elle connaît mieux (elle a vécu dans l’Est mais il y a 50 ans!). Je m’arrête et je cherche sur GPS, vois rapidement hôtels tout près, genre 250 $. Fatiguées, découragées. Trouve auberge Versailles sur GPS en même temps que Louise insiste pour que je longe Sherbrooke, en lui nommant toutes les rues. « On trouvera bien », dit-elle les yeux à moitié fermés.

18 h je vois l'auberge Royal Versailles. Grand stationnement gratuit. Me rend à l'accueil (habituellement la tâche de Louise). Paie 230 $, demain rabais, ce sera 155 $ plus taxes. Pas le goût de discuter. On me demande sorte d’auto. CRV Honda. On me donne une barre de volant antivol. Rassurant! Gentil, après lui avoir parlé de la condition de Louise, le préposé me dit où stationner et me donne première chambre près du stationnement.

18 h 20 enfin dans la chambre. On s’installe. Louise se couche.

19 h vais chercher souper au Harveys à côté. Attente même si personne. 17$

21 h dernières gouttes. Dernières pilules.

21 h 30 on ferme les lumières.

Mardi 1 août
8 h réveil de Claude, lecture de La Presse

8 h 45 réveil de Louise. Gouttes, pilules, habillement. Elle se recouche, Claude lit.

11 h gouttes aux deux heures, départ, déjeuner-dîner Chez Cora. Délicieux 44 $

Et c’est ici que commence le plus beau, ce qui me et nous fera oublier tout le reste.

12 h 30 rue Lebrun. Parc Bellerive. Stationnement plein et on ne voit pas le fleuve. On continue, on prend rue Desmarteau, rue de l’enfance de Louise. Stationnement facilement trouvé. Ça fait un bien fou en comparaison à la journée d’hier. Louise dodo, moi je pars marcher au bord du fleuve. Je prends des photos pour montrer à Louise ce que le bord de l’eau est devenu.

13 h 30 : gouttes, Louise me conte (encore) son enfance et la chaloupe de son père.

15 h 15 on part vers l’hôpital, pour le suivi du lendemain de l’opération

15 h 30 : enregistrement, pas la bonne carte, autre carte, hésitation du préposé, pas le bon ophtalmologiste. Attente dans la grande salle.

16 h : gouttes, appel, une ophtalmo qui n’est pas Docteur Choremis. Voilée. Ricaneuse, parle peu et comprend mal français, mais très gentille. Tout est beau dit-elle, donne prochain rendez-vous : le 10 août, 10 h

16 h 15 : retour à l’accueil pour enregistrer rendez-vous l’ophtalmo revient : changement ce sera le jeudi 3 août donc après demain!

16 h 30 : départ

18 h arrivée, gouttes, souper, télé

21 h : dans le lit, gouttes, télé, tablette

22 h : dodo.

Voici en photos le récit qui raconte le bord du fleuve du temps de mon enfance et ce qu’il est devenu, un super beau parc.
Louise raconte :
« Je suis née sur la rue Lebrun en 1947 et à six ans, nous avons déménagé rue Desmarteau. Mon père a acheté une chaloupe et, à pied, il traversait la rue Notre-Dame, arrivait à la rue Bellerive très peu achalandée, passait sur une voie ferrée et se rendait au bord du fleuve. Il se faufilait à travers une brèche, lançait un trident pour récupérer sa chaloupe.

Jusqu’en 1966-1967 je dirais, il a pêché de la barbotte, de la perchaude, du brochet et quelquefois du doré. Plusieurs fois, ma mère a été vraiment inquiète. C’était en mai, l’eau était encore froide, c’était le soir, le vent se levait parfois et une fois il a réussi à accoster sur une des îles, en face (les îles de Boucherville) et il a attendu que le vent diminue. Pas de cellulaire à cette époque. “Priez pour votre père, qu’il revienne!” nous disait-elle. »

 De voir ce que le bord du fleuve de son enfance est devenu rend Louise émotive et fière. « Si je devais un jour demeurer à Montréal, ce serait ici, dans une de ces maisons. C’est beau, c’est tranquille. Bien sûr dans les années 50, ce n’était que de grands champs. Je jouais un peu plus loin, dans le parc Jeté. C’est tellement beau ce que Montréal a fait avec le parc de la Promenade-Bellerive. »

Voilà ce que j’avais envie de raconter en ce jour du 12 août, jour du livre québécois.