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samedi 16 avril 2016

Une autre façon de publier

Au Salon du livre de l'Outaouais 2016 (emprunt au site http://matv.ca/)
La ronde des Salons du livre se poursuit. Mi-avril, celui de Québec. Ronde, tournée, tourner en rond, ronde folle, y aller ou non. Jouer le jeu ou non. Le monde du livre est un jeu de hasard. Comme gagner à la loterie. 

Rien à voir avec écrire. 

Un jeu pour les grands. Les grands éditeurs, les grands auteurs. Grands dans le sens de gros, de connus, de ceux qui ont les moyens. Pour leur assurer une certaine visibilité ou présence, les petits éditeurs se rabattent sur le distributeur, comme Prologue. Les auteurs moins connus investissent de leur poche pour se payer l’hôtel, les repas, l’essence. D’autres ne jouent plus. Fréquentent plutôt les bibliothèques, donnent des conférences à des groupes ciblés, se rendent dans des expositions régionales. Ou restent chez eux.

Rien à voir avec écrire.

Parce que ceux qui écrivent, ce qu’ils veulent, eux, c’est écrire. Mais ce qui les épuise bien souvent c’est d’attendre, d’espérer. Attendre après l’éditeur, après l’acceptation de leur manuscrit. Espérer être découvert, être aimé, être lu, être vu. Et ils voudraient bien en vivre, ne faire que ça, parce qu’ils aiment ça, écrire. Le reste, c’est du social, du collatéral, du promotionnel. Quelques-uns voudraient bien être comme Elena Ferrante qui a dit à son éditeur : « De tous vos écrivains, je serai celle qui vous importunera le moins. Je vous épargnerai jusqu’à ma présence. » Mais ici au Québec, nos livres peuvent-ils être lus si l'auteur reste chez lui?

Je connais des auteurs qui jouent autrement. Et qui, en apparence du moins parce que sait-on jamais s’ils ne se sont tout simplement pas résignés à emprunter cette voie, faute de rouler sur l’autoroute — pourtant raboteuse comme toutes les routes — majeure de l’édition.

Certains, des plus jeunes, s’aventurent dans le numérique, dans le epub, ils sont à l’aise avec les logiciels et l’Internet. D’autres, des plus vieux, se sont frayé un autre chemin dans cet univers aux multiples avenues.

Le 30 avril j’assisterai au lancement d’un livre. Lors de la petite fête, tout aura l’air d’un lancement ordinaire : des invités, des amis, d’anciens collègues professeurs. Il y aura des fleurs, du vin et des petites bouchées, peut-être. Et surtout, un livre à fait normal : ISBN en page 4 ou 6, couverture soignée, reliure allemande, imprimé chez un professionnel.

On a pu ou pourra voir l’auteure au Salon du livre de l’Outaouais parce que l’auteure est membre de l’Association des auteurs et auteures de l’Outaouais.
Mais tout de même ce sera différent des autres événements du genre.
Un, l’auteure a 86 ans.
Deux, c’est un livre autoédité.
Trois, le lancement ne se fait ni dans une bibliothèque ni dans un restaurant ni dans un Centre culturel, mais à sa résidence de personnes autonomes.

Le livre ne sera pas en librairie, quoique l’auteure réussira sûrement à convaincre quelques libraires indépendants de mettre son livre sur les tablettes. Peut-être même plus longtemps que le trois mois habituel. Mais pas dans toutes les librairies du Québec parce que le livre n’est pas publié chez un éditeur reconnu.

L’auteure aura tout payé : le montage, l’imprimerie, la livraison, les affiches. Elle aura tout orchestré du début à la fin. Elle aura demandé à une amie de faire le montage, à d’autres d’écrire des présentations, aura fait imprimer son livre, aura été le chercher à l’imprimerie, aura envoyé des communiqués de presse aux journaux de la région, aura eu une belle couverture dans l’hebdomadaire régional. Elle ira porter son trésor dans quelques librairies, aura envoyé des courriels, lancé les invitations. Et au final, les huit livres écrits dans les quinze dernières années lui rapporteront probablement plus que les deux ou trois publiés chez un éditeur reconnu, parce qu’elle a un bon réseau parce que si elle a eu toutes les dépenses, elle aura eu aussi tous les revenus. 

Elle sera fatiguée, mais fière. Heureuse d’avoir publié son huitième livre, tous autoédités. Heureuse d’écrire encore, de publier encore, de réaliser ses rêves, d’avoir des lecteurs et lectrices. Combien? Qu’importe, l’important pour elle c’est d’écrire, de laisser sa trace, de raconter ce qu’elle a vécu à ses enfants et petits-enfants.

Et moi, je suis heureuse de la connaître, elle me rappelle sans cesse que point n’est besoin de jouer dans la cour des grands, de courir après tous les Salons, de vouloir son nom dans tous les médias, de voir son visage sur de grandes affiches. De toujours vouloir plus : après la famille, le village, après la région, la province, puis la France et les traductions, les voyages en Europe, la télévision, le monde entier. 

Rien à voir avec l’écriture finalement.

À chacun son parcours, mais le mien ressemble de plus en plus à celui de mon amie de 86 ans : je laisserai ma trace. Qu’importe la profondeur du sillon, qu’importe le temps qu’elle restera visible. 

vendredi 13 janvier 2012

Un dinosaure à l'ère du numérique


Je n’ai pas de liseuse, je n’ai pas encore acheté de livre numérique, je m’attarde dans les bons vieux livres imprimés et publiés chez des éditeurs reconnus. Pourtant, je connais l’auto-édition depuis belle lurette. Bien avant qu’on en parle en mal, bien avant que l’impression numérique permette de petits tirages ou que le livre numérique attire l’auteur qui veut à tout prix publier sans vivre les longues étapes de l’édition traditionnelle. 

En 1979, mon père fondait les Éditions de la Petite-Nation. Ce qui lui a permis de mettre son expérience à profit et en plus des quatre ou cinq livres d’auteurs de l’Outaouais, il pouvait publier les livres qu’il écrivait et qui étaient refusés par les éditeurs. Le premier portait sur l’histoire de la Petite-Nation, celle de la seigneurie de Louis-Joseph-Papineau, du manoir du célèbre député. Pendant des semaines, des mois, il avait faisait des recherches au Manoir, au Château Montebello, au chef-lieu du comté. 

Les Éditions étaient une histoire de famille : mon père écrivait, ma mère corrigeait et tapait sur une énorme photocomposeuse, je cirais les longues épreuves en galés et je montais le livre sur des feuilles à carreaux bleus non reproduisibles (on disait non-repro). Nous faisions imprimer. Mon père préparait un article pour l’hebdomadaire local, y joignait un bon de commande. Mon frère s’occupait de l’administration. 

Quand les livres furent épuisés, mon père fit une mise à jour, des ajouts autant de textes que de photos, surtout au sujet du Château Montebello construit en 1930. En 2003, une troisième édition voyait le jour et s’ajoutait également une version légèrement différente, en anglais, qui raconte surtout la vie du Seignory Club

Même quand les Éditions de la Petite-Nation ont cessé leurs activités, mon père et moi avons continué de faire imprimer ce livre qui changeait de titre chaque fois. Il y eut donc Le manoir Louis-Joseph-Papineau, Rêves et splendeurs, La fascinante histoire du Château Montebello et La fascinante histoire du Fairmont Château Montebello, Les Seigneurs du ChâteauDreams in a Castle. Après 1980, les techniques ont évolué, j’ai numérisé toutes les photos, j’ai monté les deux versions, française et anglaise, avec mon bon vieux logiciel PageMaker qui date de Mathusalem, mais que je connais comme le fond de ma poche et comme il me permet d’exporter en fichier pdf, je n’ai pas l’air trop dinosaure. 

Mon père est décédé en 2006, mais ces deux livres lui survivent. C’est donc en auto-édition que je m’en occupe : toutes les dépenses, toutes les étapes, sauf l’imprimerie, mais tous les revenus. Certains jours, je n’ai pas l’air d’écrire, on me demande à quoi je travaille, eh bien ces temps-ci, sur ces deux montages : nouvelles couvertures, nouveau graphisme, un autre ISBN, mise à jour des événements qui sont survenus depuis la dernière édition. 

Ainsi, je demeure dans le monde du livre, même si ce n’est pas dans celui de l’écriture. Les deux livres seront prêts pour la Saint-Valentin et je pourrai aller porter les livres tout frais sortis de l’imprimerie dans la seule boutique qui me les prend tous : celle du Fairmont Château Montebello. 

Et qui sait si un jour, ce n’est pas par ces livres que j’entrerai dans l’ère du numérique. Ce serait grâce à mon père qui, pourtant, n’a jamais été capable d’utiliser un ordinateur! 

(illustrations: en primeur, les deux prochaines couvertures des livres auto-édités)

mercredi 31 août 2011

Être un auteur, ce n’est pas qu’écrire

La lecture des messages et des commentaires d’un groupe d’auteurs m’ébranle vraiment beaucoup. Il est question des réels problèmes et questionnements d’auteurs : chercher un éditeur, promouvoir son livre, organiser un lancement, payer pour les séances de dédicace dans les salons du livre, s’intéresser à la traduction. Pourtant, je ne peux pas croire qu’avec l’expérience que j’ai dans ce domaine, j’ai vraiment cru, naïvement, qu’un auteur pouvait se contenter… d’écrire. 

Parce que j’ai vu mon père publier chez Jacques Hébert et Pierre Tisseyre, où il n’avait pas besoin de s’occuper de rien d’autre que d’assister aux prestigieux lancements et d’accepter quelques entrevues dans les médias d’alors… 

Parce que je l’ai vu remplir avec succès tant et tant de demandes de subventions pour continuer à écrire… 

Parce que je l’ai vu fonder plusieurs sociétés qui, toutes, étaient dans le but de publier ses écrits ou ceux des autres… 

Parce qu’une fois adulte et en âge de travailler, je me suis jointe à lui pour divers projets : livres scolaires, dictionnaire, essais… et que j’ai ainsi connu les dessus et les dessous de l’édition… 

Parce que je l’ai beaucoup déçu, même s’il ne me l’a jamais dit, en refusant de prendre la direction de la maison d’édition qu’il avait fondée, tout en acceptant de demeurer graphiste-monteuse-en-pages… de journaux, livres, dépliants, ce qui m’a permis de garder des contacts dans le monde de l’imprimerie et celui de journaux hebdomadaires… 

Parce que de 26 à 30 ans, j’ai écrit, j’ai été publié chez des éditeurs reconnus, sans avoir à m’occuper de promotion, de ventes, ni de lancements. Je m’assoyais et j’écrivais… 

Parce que, par la suite, j’ai connu l’autoédition et décelé mes faiblesses en promotion et en demandes de subventions, j’ai donc cherché à renouer avec les éditeurs « reconnus », force fut de reconnaître que les entreprises ne sont pas toutes d’égale force, il y a les lignes majeures et les petites lignes presque de garage... 

Alors, j’ai peut-être cru qu’avoir la chance que son manuscrit soit accepté par un éditeur faisait de moi un auteur satisfait qui n’aurait plus qu’à écrire… comme à mes débuts. 

Devant les efforts que les plus jeunes déploient pour être publiés, pour vendre leurs livres, pour trouver la perle rare d’éditeur, j’essaie de secouer cette léthargie des dernières années qui n’était en fait qu’attente et réécriture du même manuscrit, je veux retrouver l’enthousiasme et la confiance en moi qui va de pair, comme des vases communicants, avec la confiance que je dois mettre dans un éditeur. 

Tout en restant lucide, réaliste. Mais participante. Qui sait, je recommencerai peut-être à écrire, quitte à ce que le titre de mon livre soit : Comment j’ai arrêté d’écrire à 60 ans.