lundi 20 novembre 2023

Je

Pour échapper au rêve absurde que tu appelleras cauchemar dans quelques minutes, tu te forces à rester éveillée. Tu regardes l’heure: 4 h 44. Contente d’avoir dormi presque sept heures de suite.

Encore dans ton rêve, tu es distraite. Des images te reviennent. La grande table du journal, les feuilles bleues non repro. Avant l’ordinateur. De longues galées. Que font-elles là? Le montage est pourtant parti à l’imprimerie. La gaffe, l’oubli. Tu as oublié d'envoyer deux pages. Le stress. Réveille-toi c'est un rêve. Ce n’est pas vrai. Tu ne travailles plus au journal depuis vingt ans.

Sous les couvertures, tu télécharges La Presse+.
Samedi. Jour des livres. Un plaisir dégusté lentement. Ce samedi il est question du prochain Salon du livre de Montréal. Te revient en mémoire cette année 2011 où tu devais y aller. Inscrite en tant qu'auteure. Des raisons de santé t'y ont fait renoncer.

Tu retiens les titres, les noms : Eric Chacour, Frederic Lenoir, Zachary Richard, Emmanuel Pierrot, Christian Quesnel.
Eric Chacour. Chantal Guy n’en dit que du bien.  Sur le site de la BAnQ, tu lis un extrait. Il faudrait que tu essaies de passer par-dessus le fait que ce n’est pas entièrement québécois ni écrit par une femme, ton dada ces années-ci.
Tu avais douze ans. Tu te méfierais désormais des questions simples. [...]Tu ne savais pas quand commencerait la vie. Petit, tu étais un élève brillant. Tu rapportais de bonnes notes à la maison et l’on te disait que ce serait utile pour plus tard. La vie commencerait donc plus tard.
Un livre au tu.
Tu devrais aimer. Tu adores depuis Le temps qui fuit, depuis Les Foley, depuis Lambeaux de Charles juillet.
Et puis, comme encore trop souvent, comme surtout la nuit, ce sentiment qui revient : une certaine tristesse. L’échec.

Eric Chacour a réussi là où tu as échoué : avoir écrit un livre au tu et avoir été choisi quelques jours après avoir envoyé son manuscrit.


Dans ton cas, c’était ton dixième livre, c’était le troisième tome des Têtes rousses (dont la couverture est de ce Christian Quesnel justement cité plus haut, ton presque voisin). Deux personnages : la fille au je et la mère au tu. Comme la maison d’édition où tu avais publié les deux premiers tomes l’avait refusé et qu’elle a fermé, tu as décidé de le publier à compte d’auteur. Cinquante exemplaires que tu as vendus rapidement. Assez critiqué en revanche. « mal écrit », « on ne comprend qu’à la centième page ». Cette histoire du « tu » pour la mère et du « je » pour la fille passait mal. Finalement, tu l’as tout réécrit pour que le livre ressemble aux deux tomes précédents et il traîne encore chez quelques éditeurs.

Vers 6 heures, tu finis par te rendormir sans retomber dans ton rêve.
Au lever, tu penses à écrire un billet sur le sujet. En écrivant la date : novembre 2023, tu vois que ce sera ton 15e billet de l’année 2023. Ton 852e depuis le début... en novembre 2008. Quinze ans, donc.
Et ça ne te fait rien, tu ne sens rien de particulier. Ni la fébrilité d’un anniversaire ni l’accablement du temps qui fuit. Ce sentiment d’échec du troisième tome pas vraiment publié, de ce Salon du livre de Montréal jamais vécu a disparu dans la nuit froide et noire.

Tu regardes par la fenêtre. Tu aperçois un grand pic. La journée sera belle. Non, ne pas vivre dans le passé, ni dans le futur. La journée est déjà belle. Je souris. Au Je.

lundi 23 octobre 2023

Plaisir aux couleurs d'hydrangée

          

Je lis C’aurait pu être un film de Martine Delvaux.
« C'est l'histoire d'un film qui ne s'est pas fait. C'est l'histoire de trois artistes, Hollis Jeffcoat, Joan Mitchell et Jean Paul Riopelle, dont les vies ont été entremêlées. »
Je revois Sanibel Island.
Je revois l’île aux Oies.
Je revois mes amies artistes.
Dont certaines ne peignent plus. Dont on n’entend plus parler.
Combien de personnes doivent connaitre notre vie? Ça ne la rallongera pas.

Entre deux pages, aller recouvrir quelques arbustes. Pour l’hiver qui vient.
Pluie et vent du nord. Les mains froides.
Pourtant l’hydrangée si belle, si colorée. Des couleurs de tableaux d’artistes.

Entre deux pages aussi, lire Wikipédia et, bien sûr, faire un détour par Facebook.
Trouver la parution du prochain livre de Nicole Brossard.
Sur le site de Boréal, j’ai lu un extrait de L’entaille et la durée.
Une rétrospective, une anthologie. Du sérieux, de l’universitaire.
« Les mots identifiés en tant qu’outils, que moyens, s’éliminent peu à peu à l’intérieur d’un langage elliptique, langage qui n’implique en aucune façon la discontinuité, mode d’expression et d’agir qui semble nous cerner chaque jour davantage et qu’il serait sans doute intéressant de déchiffrer à l’intérieur d’une expérience littéraire. »
Plus à l’aise avec l’écriture de Martine Delvaux. Plus à la portée de mon cerveau.
Les mots de Nicole Brossard s’adressent à mon moi intellectuel qui a ses limites.
Ceux de Martine Delvaux se faufilent dans ma vie émotive, dans ce trou sans fond de mon affect.
« Tout est matière à écriture. Tout ce qui nous arrive ou qui arrive aux autres, tout ce qu’on observe et qu’on porte à l’intérieur de nous, tout ce qui retient notre attention. Tout. Toute la vie, même ce qui semble futile. »
Je revois Nicole Brossard, en 1969, sur le chemin Caron. Qui me remet mon manuscrit. Qui le commente sommairement.
Cette année-là, elle écrivait déjà :
« Il n’y a pas de plus grand risque que celui de l’écriture. Écrire, c’est-à-dire tracer noir sur blanc des mots qui nécessairement cachent (ou révèlent) sous leur mince couche d’encre une émotion, un sentiment, une intuition, un désir. »
Je me revois, pleine d’espoir de devenir écrivain.
Pas comme elle. Juste comme moi. Ce moi dont j'ignorais ce qu'il deviendrait. Me le demande encore parfois.
Il me vient en tête des titres :
C’aurait pu être un livre
Ou C’aurait pu être une vie. Une autre vie. Une vie encore. Parce que déjà, la mienne achève. Je suis dans l'acceptation de l'inévitable.

Je ne sens plus cette force qui pousse à écrire des centaines de pages, de raconter une longue histoire.
Je ne sens plus ce besoin d’aller voir ces lieux touristiques ou mystérieux ni ceux où ont vécu tel ou tel artiste, tel ou tel auteur.
Je ne regrette plus ces cours de littérature auxquels j’ai renoncé à 20 ans.
Je sais maintenant que ma paix n’est pas ailleurs.
Mais je sens toujours cet « étrange refus de vieillir, le désir d’échapper au temps malgré sa marque sur le corps. »

Déjà plusieurs petits deuils, mais aussi de plus en plus d’acceptations, de laisser-aller.
Pourtant, si on me l’offrait, j’y songerais sérieusement : non pas vivre encore longtemps, mais avoir deux ou trois autres vies :
une avec quelques millions de dollars,
une autre avec des facultés intellectuelles supérieures.

Pourtant, je suis de plus en plus dans cette paix que je cherchais déjà à 15 ans quand j’ai commencé à écrire dans ma grande garde-robe, la porte fermée. J’ai toujours cherché plus la paix que l’amour. J’aime croire que j’ai connu les deux. Que je connais les deux.
Je suis bien à lire un livre, à lire les vies des autres.
Je suis bien à regarder les hydrangées.
Plaisir et coeur tranquille aux couleurs d'hydrangée.

Si (me semblait aussi qu'il y aurait un "si"!) le champ d’épis de maïs peut être coupé que je retrouve les couchers de soleil flamboyants!
Que le gel vienne.


vendredi 6 octobre 2023

Ah! les chiffres!



Habituellement, ce sont les mots qui me viennent. « Ce tiraillement dans le ventre qui signale le désir d’écrire. » (Martine Delvaux, Ç’aurait pu être un film)
Ou les images. Comme celles de la semaine dernière, dans le Bas-Saint-Laurent.
Pourtant, ces jours-ci, les chiffres, les nombres, les dates aussi.

3 octobre : 47. Ma nièce a eu 47 ans. Qua-ran-te-sept. Moi, il n’y a pas si longtemps. Il y a quelques années à peine. Le début de la fin de mes menstruations. Comme ma mère avant moi, quand je lui demandais.
Pourtant 73. Soixante-treize. Le temps, ce temps qui file. Pas le temps de vivre ma vie. Pas toutes mes vies en tout cas.

4 octobre : Montréal. La 50, la 15, la 40. Rendez-vous à 11 h 15, détour, retard. Pas vraiment. Attente, parfois 2 heures.
Le glaucome de Louise. Depuis 4 ans. Je me rappelle encore le 42-32 qui nous a empêchés de partir dans le sud à la date prévue. (lire>>>)
Il y a deux semaines, la pression dans son œil qui avait subi une trabéculectomie le 9 juin : 21. Trop haut, on coupe les petites cicatrices et ça retombe à 3. Aujourd’hui : 16. Prochain rendez-vous en janvier. On souffle un peu. Retour la 40, la 15, la 50. Arrêt chez McDo : 25 $.

5 octobre : Maxi. 133 $ pour 3 sacs, pas de viande, pas de vinier.
Regard sur notre budget. La bourse baisse, les placements baissent. Encore négatif, encre rouge.
Panique à bord. 76 et 73 ans, on n’a plus les moyens d’attendre que ça remonte.
Nous étions déjà passées de 60/40 à 70/30. On pense aux certificats de placement garanti qui offrent du 5%. Vaut mieux du 3 ou 4% plutôt que du moins 6%. On calcule, on multiplie, on divise par 10 ans, 15 ans... 86 ans, 91 ans... Où serons-nous?
Appel à notre conseiller... qui confirme : les certificats, ce serait une bonne idée. Petit choc. Hein? Quitter VMD? Fait 20 ans. Deuil quand même.

7 octobre, demain. 73 ans et demi.
21 ans que je me suis « unioncivilée ».
51 ans avec la même personne.
51 ans dans la même maison, moi qui en avais connu plus de 12 avant mes 20 ans.
(Déjà raconté >>>
)


Je ne suis plus (l’ai-je déjà été) une jeune poulette du printemps. À l’automne de ma vie (pas le titre d’une chanson, ça?). Les chiffres virevoltent comme les feuilles qui tombent. Tournaillent comme les oies blanches.
Je retourne aux mots et aux photos.
Qui ne ventent pas. Qui ne tombent pas.
Je les ferai belles. Hors du temps qui file. 

dimanche 10 septembre 2023

Septembre, je t'aime!



« Il y a les fleurs pour dire la beauté, l’amour.
Et il y a les fleurs blanches, les fleurs rouges
et bleues. Les fleurs d’encre ou de métal.
La fleur définitive, celle qu’on tient entre
les dents et qu’on échappe sans rien dire.
Puis les fleurs qui ont peur du vent, les fleurs
qui dansent et les fleurs qui refusent de danser.
Peut-être même les fleurs qui font tourner
les têtes, celles qui broient les cœurs ou
qui empêchent de dormir. Il y a celles qui
portent des mystères sans âge ni raison.
Soit la fleur de l’aveu, soit la fleur noire.
La fleur perdue, la fleur retrouvée.
Il y a les fleurs pour dire adieu,
et il y a la fleur de la faute
et du pardon. »
 La raison des fleurs, Michaël Trahan

Chez nous, encore quelques fleurs, celles qu’on espérait encore belles pour la tournée des Créateurs à la fête du travail. Celles d'en arrière qui allongent l'été. Celles d’en avant que les passants peuvent voir de la rue et — peut-être — dire « c’est beau chez eux ». Moi, je le dis.

Septembre, autour de moi, plusieurs fêté·e·s. Marthe, Louise qui voudraient qu’on oublie leur âge. Dany, Yves, Pierrôt, Zack, Augustin, Sylvie D. à qui je souhaite le meilleur.

Souvent, septembre fut le mois des voyages. Baie géorgienne, Côte-Nord, Gaspésie, Adirondacks et plusieurs fois Cape Cod. Partir parce qu’il fait moins chaud, moins de monde sur les routes, pas besoin de ces fichues réservations frustrantes. Pas cette année. Trop de tout. Un jour, écrire sur la maison, tout ce qu’elle représente.

Septembre, mois où je revenais à la ville. Finies les vacances, au revoir les ami. e. s au chalet, finis les lectures « légères », les Maigret, les Sylvie, les Club des cinq. Finies les baignades, fini. e. s les amours d’été. Allions-nous nous revoir? Nous écrire?

Où je rentrais à l’école, toujours aimée. En tant qu’élève, en tant que professeur. J’ai aimé, j’aime encore les crayons, les stylos, les cahiers tout neufs. Et les livres. Les livres « sérieux ». Lire et écrire. Ma vie, celle des autres, la mienne.

Ces jours-ci, ces mois-ci, ces années-ci, je lis des carnets. Encore cette semaine, ai trouvé La raison des fleurs de Michaël Trahan. Plus poésie que carnets, mais fragments tout de même. Et Carnet d’inventaire de Élisabeth Nardout-Lafarge. Avant les remières pages:
« [...] dans le faux désordre de l’ordre alphabétique, la liste incomplète, lacunaire, de ce qui a compté. »
Oui, les fleurs fanées, le soleil couché plus tôt, oui, le vert vire au rouge. Et oui, rentrer dans la maison, à l’école, au travail, en soi.

Septembre, je t'aime!

jeudi 31 août 2023

Dernier jour d'août





Dernier jour d’août.
Dernier jour doux, plutôt dernier jour fou!
La pleine lune gruge mon énergie de nuit d’abord, de jour inévitablement.
La tête aussi pleine que la lune. Je ne contrôle plus rien, tout se défait.
Sept jours sans eau, probablement sept jours encore. S’organiser, penser. Annuler. Laisser aller.
Rendez-vous, Montréal, trafic.
Maison cocon, maison symbole du moi.
Rentrer, rester, ne plus bouger,ne plus penser.
Que la force de mots, pas de phrases. Pas de compléments, pas de compliments.
Énergie, où es-tu?
La nuit lire Salomé Assor. Un et Nue. Se laisser aller dans une autre.
Le jour, chercher le temps. Chercher l’eau.
 
Dernier jour d’août. Derniers jours des fleurs.
Le sentier sera ravagé. Vers le puits, vers l’eau.
Temps perdu.
Pourtant si bien chez nous, devant l’orme.
Pour combien de temps encore?
Pour combien de mois d’août?
De mois doux.
De moi doux.

jeudi 24 août 2023

Ah!

Ah! quel bonheur ce fut!

Le bonheur de lire toute la journée.
Livre acheté à l’occasion de l’événement «le 12 août, j’achète un livre québécois». J’avais choisi trois carnets littéraires. Mon genre préféré.

Dans Mission : les possibles de Danielle Marcotte, dès la page 13 :
«Une rencontre avec un écrivain devrait toujours avoir lieu dans l’écrin intime de la lecture. Et en rester là.»
Tout comme elle, je ne sens pas le besoin d'attendre dans une file, demander une dédicace, ni même de jaser avec l'auteur.e. Le livre me comble. J'admets que quelques lignes dans un message privé... juste entre nous, ça je veux bien. 

Un livre miroir : c’était moi que je voyais, que je rencontrais. Moi qui écrivais.
« Je voudrais être “une”. Espoir d’en finir avec mes tiraillages. Je suis partagée entre ma famille, mes soucis maternels, mes obligations professionnelles, mes aspirations ma soif d’écrire Peur de devenir blasée avec l’âge, de découvrir que rien ne vaut vraiment la peine.»

Ah! Comme dans ah! ben!. En lisant «blasée avec l’âge», j’ai voulu savoir l’âge de l’auteure. Tablette, Google... tiens, tiens avril 1950! Comme moi.

«Qu’est-ce que j’attends de tous ces écrivains dont je lis les autobiographies, les journaux, les carnets? Une clé, peut-être, qui ouvrirait sur leur mystère, qui m’aiderait à comprendre le mien?»
Idem, idem et encore idem.

Comme dans tout bon carnet, l’auteure relate ses lectures, cite des passages. J’ai lu plusieurs des livres mentionnés... sauf Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar. Pas faute d’avoir essayé. Pas faute d’admirer la célèbre écrivaine... jusqu’à chercher (et trouver) sa maison La Petite-Plaisance à Northeast Harbor (je sais, je l'ai déjà écrit dans un de mes billets de blogue). Me donne le goût de réessayer, comme si nous nous ressemblons sur tellement de points («Je viens des livres. De Kamouraska d’Anne Hébert et de Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy »), pourquoi pas celui-là? Pourtant, elle écrit aussi : « tous les livres ne sont pas pour moi. Dans la lecture, je cherche une voix qui murmure, qui se confie, loin, bien loin de la démonstration ou de la mise en scène.»

Ah! comme dans Ah! la chanceuse! Camp littéraire Félix + Robert Lalonde = (en tout cas pour elle) publication de son carnet chez Lévesque éditeur. Contente pour elle, contente pour moi qui me délecte de ces carnets d’auteur.e.s. J’essaie très fort de ne pas prendre mon propre passage à ce camp/atelier d’écriture comme un échec puisque la semaine n’a pas abouti à un manuscrit qui, en le retravaillant, aurait enfin été accepté par un éditeur reconnu, raison pour laquelle j’y allais.

Ah! comme Ah! je n’en reviens pas: sa fille s’appelle Claude.

Comme j’ai eu l’impression de passer la journée avec Danielle Marcotte, et après avoir lu sa phrase : «[...] solitude de l’écrivain — qui n’obtient jamais (ou rarement) d’écho à son travail», je l’ai trouvée sur Facebook et je me suis permis de lui écrire sur Messenger : « Ne l’entendez-vous pas cet écho aujourd’hui?»

Ah! comme:  Miroir, miroir, merci d’avoir écrit qui je suis, qui nous sommes, nous qui avons ce besoin insatiable d’écrire.

Écrire, c’est peut-être comme l’amour: dévorant et inassouvissable. Mission impossible!

Ah! quelle belle journée ce fut!

samedi 12 août 2023

Voilà ce que j'avais envie de raconter

Écrire trois mots, trois lignes. Hésiter, réfléchir. Les trouvant banals et surtout inutiles, les effacer. Que veux-je dire? Que veux-je tant écrire? Ne suffit-il pas d’y penser quitte à ressasser? La nuit surtout. Pour laisser aller, oui, jeter sur le papier, taper sur le clavier, mais dès lors, je me connais, je voudrai ordonner, nuancer et pire encore, corriger.

Je connais pourtant un plaisir plus grand parce que la dernière approbation ne me revient pas : travailler sur les textes des autres. Ce que finalement, j’aurai fait une bonne partie de ma vie. Les textes de mon père, les textes et les annonces d’un hebdomadaire, les dépliants d’organismes, les guides touristiques, les livres des autres qui veulent publier en auto-édition. Comme ma mère, travailler dans l’ombre et en retirer beaucoup de satisfaction.
Et pourtant, certains jours, quand je ne suis pas trop occupée, quand les obligations ralentissent, quand les rendez-vous médicaux ou les longues routes (enfin, pas tant longues que souvent : deux heures aller parfois trois au retour, huit fois en deux mois) quand je n’ai plus à faire plaisir à quiconque, me revient cette envie d’écrire un billet de blogue, une page de carnet.
Comme aujourd’hui.

Écrire sur ce que j’ai vu le 12 août :

J’ai vu qu’en Suisse — où j’ai de la famille —, il y a un Guiness Iris Festival et sur leur site, des mots comme parking, sponsors, news, about, Institutional partners, here we are.

En ce jour de l’événement « le 12 août, j’achète un livre québécois », j’ai vu un nouveau livre, Madame Full of shit, présenté ainsi : « Madame full of shit est le recueil coming-of-age d’une millennial relatant sans fla-fla les oscillations louvoyantes menant à l’adulting. »
Vous dire que je me sens d’un autre âge, d’un autre siècle, d’un autre monde!

Personnellement, pour ce jour devenu tradition, j'ai acheté:

                                  

Écrire sur ce que j’ai vu le 8 août :

À l’hôpital Rosemont-Maisonneuve, j’ai vu une ophtalmologiste — enfin, je pense, peut-être une étudiante de... ou une technicienne, mais une immigrante assurément. Pas le voile qui me dérangeait, mais le fait qu’elle parlait et comprenait difficilement le français. Comprenait-elle nos nombreuses questions? En tout cas, ses réponses ne nous rassuraient pas. Son sourire, sa gentillesse oui, au moins. La vraie chirurgienne de la greffe de la cornée — une Grecque qui parlait très bien le français —, est passée en coup de vent. Bonjour, je regarde... tout est beau. Deux heures de route, trois heures d’attente, deux heures trente au retour pour... moins de deux minutes.

Écrire sur ce que j’ai vécu le 1er août :

Il fallait coucher à Montréal. Réservation faite à la Maison des greffés, 1989 R. Sherbrooke E, Montréal. 80$ et souper compris. Oui, vous pouvez aller voir sur Google maps : rue Sherbrooke, près du parc Lafontaine.
Oui, mais bon, avant vous dire que j’ai appris à conduire à la campagne. Même si j’ai étudié deux années à Montréal même, je demeurais plutôt à ville Saint-Laurent, je ne connais donc pas vraiment ce coin.
Avant encore, vous dire dans quelles dispositions d’esprit j’étais.
La veille, 31 juillet, jour de l’opération de Louise, deuxième greffe de cornée, la première ayant été rejetée en 2021.

5 h debout

6 h
départ pour la Clinique médicale Angus, 2601 Rue William-Tremblay, Montréal

7 h 40 arrivée, stationnement sous-terrain, prise de billet code QR, insertion de billet (comment ça s’ouvre, cette fichue barrière?), descente au 3e sous-sol (faut pas être claustrophobe), 1 ascenseur pour le rez-de-chaussée, un autre pour le 4e étage, toilettes

8 h
inscription, formulaire

8 h 45 entrée dans le cubicule 14, jaquette, activant, signes vitaux, soluté, questions. Repos. Fait très... frais

10 h pour Louise, départ pour la salle d’attente préparatoire. Pour Claude, retour au rez-de-chaussée, achat de café trop fort que je ne finirai pas, croissant au beurre. 5 $, trouve un endroit tranquille pour boire mon café. Retour dans la grande salle d’attente : lecture, jeux sur tablette, relecture et coup d’œil par la fenêtre qui me rappelle mes années au secondaire quand je trouvais le temps long.

11 h 30 Louise revient dans le cubicule, demande Claude à 12 h. Je la rejoins.
Jasette, sourire qui indique que tout a bien été, moins souffrant que la première fois dit-elle, elle somnole, veut un café (latte un peu plus buvable 4,25 $). Attente. Lecture.

15 h 30 sort du lit, fauteuil roulant et examen pour Louise. Et... recouchée.

16 h 30 congé, consignes (ne doit pas rouler plus d'une heure pour ça qu'on ne retourne pas chez nous, on couchera à Montréal), habillement. Je dois donner une carte d’identité pour être certaine que je remonte le fauteuil roulant. Descend 1 ascenseur, arrêt à la pharmacie, commande d’un médicament,
1 autre ascenseur, descend Louise dans l’auto, s'étend, je remonte le fauteuil roulant, 2 ascenseurs, reprend ma carte d’identité, scanne le code QR pour le prix spécial des opérés, 1 ascenseur, attend à la pharmacie, prend l’autre ascenseur. Installe le téléphone/GPS pour aller à la maison des greffés. Pas d’internet au 3e sous-sol.

17 h 15 on sort enfin, me tasse sur le côté, vérifie le GPS pour route, conduis lentement, Louise, couchée, peut pas vraiment m’aider.

Voilà donc dans quelle disposition d’esprit j’étais.

Suite :
Passe devant la Maison des greffés, rue Sherbrooke, tourne sur la rue suivante, stationne vite faite sur une petite rue de côté sans savoir si j’ai le droit, Pancartes partout. Marche, entre à la Maison des greffés demander où stationner. Explications bizarres qui ne me disent rien de bien. Seuls noms de rue donnés : Sherbrooke et Bordeaux. Dois dans l’ordre : trouver stationnement public payant, trouver borne sur rue voisine pour payer 8 $ avec un code. Mais quand déposer Louise qui ne peut pas marcher longtemps et doit se coucher dès que possible? File au nord parce que sens unique, tourne à droite et encore à droite, rue Bordeaux. Pas vu de stationnement public ni de borne. Continue vers le sud. Près d'Ontario, demande à 2 cyclistes... qui ne savent pas trop non plus. On tourne en rond dans des petites rues étroites à sens unique.

On réfléchit. Option B : aller chez quelqu'un qu'on connaît, mais chien et pas reposant. Option C : trouver hôtel. Je cherche encore stationnement payant. Louise voudrait y aller à l’œil (ou au pif c'est selon!) en allant vers l'est, vers Place Versailles qu’elle connaît mieux (elle a vécu dans l’Est mais il y a 50 ans!). Je m’arrête et je cherche sur GPS, vois rapidement hôtels tout près, genre 250 $. Fatiguées, découragées. Trouve auberge Versailles sur GPS en même temps que Louise insiste pour que je longe Sherbrooke, en lui nommant toutes les rues. « On trouvera bien », dit-elle les yeux à moitié fermés.

18 h je vois l'auberge Royal Versailles. Grand stationnement gratuit. Me rend à l'accueil (habituellement la tâche de Louise). Paie 230 $, demain rabais, ce sera 155 $ plus taxes. Pas le goût de discuter. On me demande sorte d’auto. CRV Honda. On me donne une barre de volant antivol. Rassurant! Gentil, après lui avoir parlé de la condition de Louise, le préposé me dit où stationner et me donne première chambre près du stationnement.

18 h 20 enfin dans la chambre. On s’installe. Louise se couche.

19 h vais chercher souper au Harveys à côté. Attente même si personne. 17$

21 h dernières gouttes. Dernières pilules.

21 h 30 on ferme les lumières.

Mardi 1 août
8 h réveil de Claude, lecture de La Presse

8 h 45 réveil de Louise. Gouttes, pilules, habillement. Elle se recouche, Claude lit.

11 h gouttes aux deux heures, départ, déjeuner-dîner Chez Cora. Délicieux 44 $

Et c’est ici que commence le plus beau, ce qui me et nous fera oublier tout le reste.

12 h 30 rue Lebrun. Parc Bellerive. Stationnement plein et on ne voit pas le fleuve. On continue, on prend rue Desmarteau, rue de l’enfance de Louise. Stationnement facilement trouvé. Ça fait un bien fou en comparaison à la journée d’hier. Louise dodo, moi je pars marcher au bord du fleuve. Je prends des photos pour montrer à Louise ce que le bord de l’eau est devenu.

13 h 30 : gouttes, Louise me conte (encore) son enfance et la chaloupe de son père.

15 h 15 on part vers l’hôpital, pour le suivi du lendemain de l’opération

15 h 30 : enregistrement, pas la bonne carte, autre carte, hésitation du préposé, pas le bon ophtalmologiste. Attente dans la grande salle.

16 h : gouttes, appel, une ophtalmo qui n’est pas Docteur Choremis. Voilée. Ricaneuse, parle peu et comprend mal français, mais très gentille. Tout est beau dit-elle, donne prochain rendez-vous : le 10 août, 10 h

16 h 15 : retour à l’accueil pour enregistrer rendez-vous l’ophtalmo revient : changement ce sera le jeudi 3 août donc après demain!

16 h 30 : départ

18 h arrivée, gouttes, souper, télé

21 h : dans le lit, gouttes, télé, tablette

22 h : dodo.

Voici en photos le récit qui raconte le bord du fleuve du temps de mon enfance et ce qu’il est devenu, un super beau parc.
Louise raconte :
« Je suis née sur la rue Lebrun en 1947 et à six ans, nous avons déménagé rue Desmarteau. Mon père a acheté une chaloupe et, à pied, il traversait la rue Notre-Dame, arrivait à la rue Bellerive très peu achalandée, passait sur une voie ferrée et se rendait au bord du fleuve. Il se faufilait à travers une brèche, lançait un trident pour récupérer sa chaloupe.

Jusqu’en 1966-1967 je dirais, il a pêché de la barbotte, de la perchaude, du brochet et quelquefois du doré. Plusieurs fois, ma mère a été vraiment inquiète. C’était en mai, l’eau était encore froide, c’était le soir, le vent se levait parfois et une fois il a réussi à accoster sur une des îles, en face (les îles de Boucherville) et il a attendu que le vent diminue. Pas de cellulaire à cette époque. “Priez pour votre père, qu’il revienne!” nous disait-elle. »

 De voir ce que le bord du fleuve de son enfance est devenu rend Louise émotive et fière. « Si je devais un jour demeurer à Montréal, ce serait ici, dans une de ces maisons. C’est beau, c’est tranquille. Bien sûr dans les années 50, ce n’était que de grands champs. Je jouais un peu plus loin, dans le parc Jeté. C’est tellement beau ce que Montréal a fait avec le parc de la Promenade-Bellerive. »

Voilà ce que j’avais envie de raconter en ce jour du 12 août, jour du livre québécois.



samedi 27 mai 2023

Mots et photos



« ll y a un mois son frère est mort. Plus jeune qu’elle, il n’aura pas connu le luxe d’additionner les années. C’est son départ qui a mis la promeneuse en mouvement. Sa vie à elle exigeait une coupure. Sinon on ravale sa peine, puis on revient à ses pantoufles. À son existence engluée. »

La promeneuse, Lise Blouin 

« Notre mère aurait pu s’accommoder de cela, je crois. Deux.
Quiteria et moi. Des jumelles, simplement jumelles, normales.
Précieuses. Adorables. Elle et nous, une petite équipe.
Mais pas neuf.
Neuf, ce n’est plus une équipe. Ou alors elle n’en fait pas
partie. Neuf, c’est assourdissant. Neuf, c’est impossible, c’est sa
vie qui s’achève, une vague après l’autre. Qui ne lui appartient
plus. »
N’ayons pas peur du ciel, Emma Hooper  


« Je suis là et heureuse dans un monde où l’on se bat pour s’en souvenir. J’ai Maxime, mon mari, que j’aime. Il me fait souffrir au quotidien pour être certain que je reste en vie, m’abandonne à petit feu pour me préparer à sa mort, me trahit parfois pour me rendre plus forte, m’ignore pour que je me dépasse et qu’il puisse enfin m’apercevoir. Il dort à quelques mètres de la pièce d’où je t’écris. Il y a l’Autre. Qui ne mérite pas son nom de baptême dans mon histoire. Et il y a toi. »
Debout de vos absences, Mélanie Noël  

« Il était prévu que je m’efface, comme chacune fait la nuit, que je m’assoupisse, qu’à l’obscurité je dévoue mon temps, exempté de vigilance sur les chemins de la léthargie, que je me livre à un rêve au nom de la catharsis, prisonnière de l’inconscient de jusqu’au matin. Et alors que j’étais au lit dans le noir, nulle part entre la veille et le lendemain, le repos me parut absurde par trop d’agitation. J’étais exalté soudain. Excité sans raison. À défaut de sommeil, l’urgence de vivre transperça ma personne comme l’aiguille de la foudre dans le nuage éteint. Je devins incapable de m’engourdit dans les sables mouvants du lit, dormir c’est aussi renoncer à la vie, une mort profane, on dort ainsi qu’on démissionne, tel un suicide fugitif, mais ce soir-là, j’avais soif d’éclore, et comme les écorchés vifs, je me désolidarisai de toute forme de mort. »
Nue, Salomé Assor  


En lisant les extraits des livres ci-haut nommés, je n’ai qu’une hâte : lire la suite.

J’ai compris cette nuit, entre 4 et 6 heures — heures pendant lesquelles je suis souvent réveillée, heures où tant d’écrivains se lèvent pour travailler, heures, comme l’écrit si bien Salomé Assor, où trop d’agitation, excitée sans raison — pourquoi ce sont ces livres-là que j’aime en tout premier et non d’autres.

On n’y entend pas le son du ruisseau ni le bruit d’une cascade lointaine. On n’y voit pas le soleil rougeoyant à travers les nuages, les montagnes violacées qui annoncent la chaleur du jour.
Tout de suite des personnages. Tout de suite, et pendant plusieurs pages, des pensées.

Je veux bien que les auteur·e·s fassent appel aux cinq sens pour des descriptions plus prégnantes. Personnellement, quand je lis, je ne veux pas nécessairement voir ou entendre ou goûter.

Quand je veux voir, je ne lis pas, je regarde des photographies ou je me remémore des lieux aimés.
Quand je veux entendre, j’écoute de la musique.
Cette nuit, j’ai pris plaisir à me remémorer la belle chute aperçue sur la route 323 près de Tremblant. Je la voyais. Comme une image, comme une photo. Je n’ai eu nullement besoin de mots.
Et j’ai réentendu la petite cascade du ruisseau Sam près de chez nous. Quelle musique apaisante. Je n’ai eu nullement besoin de mots.
Alors quand je lis, je saute très souvent, presque toujours les descriptions. Dans les livres, je veux des personnages, des relations, des émotions. Pas un film.

Pourtant, oui, quand j’ai écrit mes romans, il y avait du soleil ou des tempêtes ou des cris. Mais je le sais maintenant, c’était pour plaire aux lecteurs, aux éditeurs. Comme une norme. Une prescription technique. Une règle apprise dès ma cinquième année dans ces chères compositions que je détestais : décrivez l’automne.

Aujourd’hui, très contente de lire des textes sans trop de descriptions. Direct au but.
Pourtant, paradoxe ambulant, j’ai beaucoup aimé Adrienne Mesurat de Julien Green. Tout le contraire... et puis peut-être pas tant : de longues descriptions des états d’âme, ce n’est pas comme faire le tour interminable de la maison ou du jardin.
 
Et merci à Biblio-Outaouais de nous offrir l’onglet « Suggérer un achat ».
Petits bonheurs du jour. Je me sens gâtée. 
Aujourd'hui, j'aime les mots. Demain, j'aimerai les photos.

mardi 2 mai 2023

Je voudrais l'aimer encore!



Je voudrais encore l’aimer. Au moins la voir. La fréquenter.
Comme je l’ai déjà aimée. Tant aimée, tant fréquentée avant qu’elle devienne ce qu’elle est... infréquentable.

De nuit en tout cas. De jour, on peut encore s’en accommoder. Si on accepte de la payer.
Elle a tant à offrir.

Mais elle est devenue inaccessible. Indisponible.
Même hors saison, même la semaine, même quand les gens normalement sont au travail.

À croire que tous les retraités veulent la fréquenter et l’aimer autant que moi, en même temps que moi?

Et ce qui est disponible ne nous convient pas, ne nous convient plus.
Ou bien je ne comprends pas la technologie!
Y a-t-il un truc? Comment changer les points rouges en petits ronds verts?

« Réserver », qu’ils disaient!
Mais il n’y a rien à réserver. Tout ou presque est déjà « non disponible » ou ne répond pas aux critères.

Sépaq, 
je voudrais tant t’aimer encore. Pour cela, encore faudrait-il que je te voie, que je te fréquente, que tu veuilles de moi.

Source des photos: Internet, souvent site de la Sépaq.

vendredi 14 avril 2023

Lire, mais dehors

Cinq heures du matin, le vent du nord-est annonçait le mauvais temps.
Âpre froidure qui s’infiltrait par la fenêtre ouverte.
Bruits de tonnerre et grésil. Suivra le verglas.
Le printemps qui tardait. Les nuits de pleine lune.
Rien pour avoir envie de se lever.
Mon esprit déjà sur le pied de guerre : les phrases se pointent déjà.

Lire au lit?
Ou me lever et écrire tout ce qui me passe par la tête.
Sans point ni virgule
Sans paragraphe
Ou sans enchaînements évidents, cohérents pourtant.
Comme ce que je lis ces jours-ci.

Comme Philippe Haeck — je ne connais-sais pas — découvert cette semaine.
Dans Nous sommes des énigmes
« Aux âmes curieuses, à qui a envie d’une seconde naissance, aux poires juteuses, cette courtepointe de pièces ramassées ici et là, sac à outils, l’ouvrir n’importe où — il n’y a que du milieu. Voir de différents angles comment le monde la vie nous malmènent réjouissent, ce qui arrive ou pas dans ma vie, répondre à quelques questions—dis-moi ce qui t’émeut, comment tu penses, avec qui tu vis, si tu as peur de mourir, comment ça se passe vieillir.»
Entre deux phrases, en association d’idées sans doute, des citations, des extraits de ses lectures.
Une bibliothèque à lui seul.
Vérification dans Biblio Outaouais: autre livre de lui, de 2018 : Il y a tant d’il y a
Même style. Mêmes personnages d’Adam et Ève.
« M’attirent âmes entremêlées, amitiés, cœur à cœur, complicités, conversations tranquilles, intimités, paroles allant loin, tête-à-tête. Que l’étude serre, regarde, prenne le monde. Malgré des encornages de bélier-capricorne, des erreurs d’aiguillage, Adam et Ève ont encore envie de vivre ensemble à cause d’une histoire d’amour [...] »
J’en suis là. À lire des extraits question de savoir si je vais emprunter le livre, si je vais l’acheter.
Et si même je vais le lire.
Et même une fois en main, il arrive qu’après cinquante pages, un autre m’attire déjà.

Il fut un temps où je prenais le temps de publier un billet de blogue sur mes lectures. Et comme tant bien des domaines, je ne tiens pas longtemps. Pas assidue, pas disciplinée. Paresseuse au sens où je me demande si ça vaut la peine. Besoin d’écrire oui, mais de moins en moins besoin de retravailler le texte en vue d’une publication quelconque. D’autres occupations plus urgentes, ou plus intéressantes.

Je ne sais plus très bien comment parler des livres que je lis. À part qu’ils me donnent envie d’écrire à mon tour. Pas tous, certains. Jusqu'à copier le style. Comme un jeu, voir si je peux encore.

Pour lire ou écrire, encore faut-il prendre le temps. Que je pense n’avoir plus. Ou en tout cas moins.
Surtout quand l’hiver est fini.
Après le verglas, le printemps, la première grive — merle d’Amérique. La première outarde — bernache. Les rivières débordent. Dehors. Gratter, pédaler.

Les mésanges n’ont plus rien à manger.
L’écureuil les en a privé.
Le bleu du ciel m’interpelle plus que les phrases de Philippe Haeck.
J’y reviendrai sûrement ou je lirai sur ma galerie, dehors.
Penser à sortir mes chaises d'été.