vendredi 7 novembre 2025

Émotions



Émotions de novembre. Dix-sept ans de blogue! 

De toutes les émotions de la roue de Robert Plutchik (voir Wikipedia), je dirais que depuis le 2 août, depuis le jour où nous avons atteint le fonds du puits, j’aurai connu — dans l’action au début, dans l’attente souvent —, presque toutes les émotions répertoriées. Je n’en suis pas encore à l’extase devant la toilette enfin propre, ni la sérénité en écoutant, en surveillant l’eau qui coule du robinet, mais je suis optimiste, au moins elle coule, abondante. Pour la boire, on va attendre encore un peu! Confiantes.

Mais les émotions — en nombre plus restreint— qui me ramènent ici, sur ce blogue plus ou moins délaissé — la surprise, l’étonnement, l’admiration — c’est une étude : Tenir un blogue au Québec. C’est en lisant, sur Facebook — passage obligé désormais —, un message d’une des blogueuses que je suivais, d’une auteure que je lis encore, Catherine Voyer-Léger, qui m’a appris l’existence de cette étude. Le lendemain, dans un commentaire d’une autre (ex) blogueuse, Geneviève Blouin, j’ai eu accès gratuitement au fichier PDF.

Émotion vive, cœur accéléré, recherche rapide, espoir eh! oui, joie, vanité, petite danse de victoire : mon blogue est cité dans la liste des répertoriés! Pas étudié, presqu’invisible avec 300 autres, mais présent.

Retour en arrière de quelques années. Au temps du bon temps des blogues, d’avant les réseaux sociaux. Ces doux matins où j’en découvrais, où j’en lisais, où j’avais hâte d’écrire un nouveau billet. Un temps bien fini. En tout cas pour le genre de blogue que je tenais, que je tiens encore au gré de mes humeurs.

Dans cette étude, il est écrit noir sur blanc avec des mots d’universitaires, de recherchistes ce que je sens, ce que je pense avec mes mots à moi plus ou moins littéraires.
Comme l’exprime Sébastien Rouquette, « l’interaction avec les lecteurs, l’attente de leurs commentaires, de leurs conseils, font partie intégrante des motivations des blogueurs [extimes] ». Ces blogueur·euses seraient, si je puis dire, des diaristes de l’ère numérique.
Déjà en 2008, alors que je commençais tout juste le mien (le nôtre au début, De nos pinceaux et de nos stylos, celui de Louise Falstrault et de Claude Lamarche) déjà Sébastien Rouquette écrivait le mot «extime». Va pour extime, peu importe, chez moi, pas un véritable journal intime puisque ce que j’ai écrit relevait plutôt du domaine public : entre le début et aujourd’hui, les sujets ont varié entre les livres, les auteur·e·s, les voyages, les artistes peintres, la Petite-Nation. Pas tant d’analyses comme des petites chroniques, des billets justement. Du domaine de l’intime, un peu quand même : des impressions, des émotions.

Émotion encore, petite tristesse, désappointement, confirmation de la fin des carnets chez Hamac. Moi qui m’y voyais le printemps dernier encore. J'étais en retard dans les nouvelles, comme on dit!
On mesure en effet peut-être un peu mieux, quelque 20 ans après, l’importance globale du phénomène bloguesque et, à l’intérieur de celui-ci, la place relative de certaines pratiques (tel l’usage du blogue à des fins d’écriture de soi), de même que certains déclins (comme l’intérêt initial des maisons d’édition pour la publication de blogues, qui semble s’être essoufflé).
Ainsi, la collection « Hamac-carnets », consacrée à la publication de blogues, s’est interrompue en 2017 avec la publication de Je pars en Inde de Véronique Daudelin.
En revanche, cette étude m’aura appris qu’on peut « laisser des traces », archiver notre blogue à la BAnQ, sans devoir passer par une publication avec ISBN et tout le tralala tradionnel. En revanche, il y a sélection et crituères de sélection.
D'autre part, pour quelqu’un qui sait — et qui veut vraiment — chercher, on peut trouver plusieurs blogues sur Internet archive, une immense bibliothèque numérique. Les billets sont archivés par date. Pas besoin de rien faire, ça se fait tout seul et on dirait bien que c,est légal, même si personne ne nous demande la permission.



Dernière émotion. Celle qui me réjouit le plus. Par sa douceur. Parce qu’elle vient d’encore plus loin que le début du blogue. Née au fil du temps. Ne s'est jamais affaiblie depuis. Faite d’une tendre combinaison autour de l'admiration sans jalousie. Comme un amour inconditionnel sans qu'on s'en explique ni ne cherche à le faire

Bien sûr, elle est née au sujet d’un livre... et de son auteur. 
Me connaissant, quoi d’autre!
Bientôt, le 7 décembre, à Ripon.






mercredi 8 octobre 2025

Lectures d'un matin d'automne

 « je n’arrivais pas à me vider la tête, abandonner l’acte qui consiste à penser. [...] La seule chose que la méditation me procurait, c’était un moment d’apnée, l’occasion de dresser la liste des choses à faire, ou de profiter de cet état de demi-sommeil pour m’approcher de l’écriture. »

                                          Il faut beaucoup aimer les femmes qui pleurent, Martine Delvaux

L’écriture n’est jamais loin. En tout cas les mots, les phrases. Même la nuit quand je ne dors pas, même quand je roule à vélo, lentement, en admirant les montagnes orangées. Même quand je fais la vaisselle. Et encore plus quand je lis Martine Delvaux.

« Est-ce que c’était de l’amour que j’avais ressenti, ou le bonheur d’être choisie? »
                                 Il faut beaucoup aimer les femmes qui pleurent, Martine Delvaux
À défaut de voir mes écrits publiés, je lis ceux des autres, je lis les mots des autres qui me donnent parfois l’impression qu’ils sont les miens tellement ils sont ce que je pense ou ressens ou ai vécu.

Ces mots qui cherchent à être écrits se faufilent, se bousculent sans ordre, s’imposent, s’effacent aussitôt. Je sautille d’un sujet à l’autre : raconter notre puits de surface plus ou moins vide depuis le
2 août, qui a bénéficié de la pluie d’hier, alors on ose ouvrir les robinets plus souvent. En faire une saga, comme mon père, dans Les toqués du firmament, quand il a conté « le miracle des tomates » parce que les tuyaux de renvoi avaient gelé, parce qu’en pleine fête du Jour de l’an, il avait haché (oui, oui, avec une hache) la terre et un boyau des eaux usées et parce qu’au printemps les tomates avaient poussé, abondantes!

Tout est flou, sans consistance. Du coq à l’âne comme toujours. Communiqué de presse à réviser. Réponse à trouver pour une question dans un courriel. Espérer voir un courriel au sujet du puits. Relire une question posée dans Messenger, commencer une réponse, abandonner, ce serait trop long et serais-je comprise? Hésitation. Silence finalement.

Je traînasse sur Facebook, sur Instagram. Chez les éditeurs, événements littéraires, évidemment. Dans les livres, encore. Être intriguée par Se perdre une boussole sur le cœur de Julie Bosman. Julie Bosman? Chercher. Qui elle est. Ce qu’elle a écrit. Lire quelques extraits. Chercher si ses livres sont en numérique. Prochaine disponibilité : le 26 mars 2026. Je n’aurai pas la patience. Ça fait 75 ans que je veux tout, tout de suite!

Au Bal des citrouilles, à Ripon, en fin de semaine passée, j’ai jasé avec deux auteures, des femmes de mon âge. On se demandait bien quel éditeur veut des écrits de femmes de nos âges. Qui n’ont ni passé célèbre ni avenir glorieux. Mais qui persistent et signent encore!

                             
Et finalement, l’heure de la journée avançant, la faim se manifestant, du Bal des Citrouilles au comité du patrimoine de Ripon, je me suis retrouvée sur le site de la MRC Papineau (oui, oui, « ma » Petite-Nation!) et le reste de la matinée, j’ai oublié les mots, les livres... Admirative, curieuse, ébaubie, j’ai navigué dans toutes les pages du site. Je me suis promenée dans le patrimoine bâti, le culturel, le religieux. J’ai été surprise de voir tant d’organismes qui travaillent à faire connaitre l’histoire et le patrimoine de leur coin de pays. Je croyais avoir tout vu avec le 350e de la Seigneurie de la Petite-Nation, mais non...

Tous ces mots, toutes ces phrases que je voudrais écrire parfois ne sont pas que dans les livres. Ils sont aussi dans des sites Internet!

Merci Marie-France Bertrand, quel travail, quelles recherches, quelles réalisations!

Lien vers le site de la MRC Papineau section patrimoine >>>

vendredi 3 octobre 2025

Il restera toujours la lecture

Pour ne pas oublier ou pour consulter
j’écris :
les rendez-vous sur un calendrier
des listes aussi sur un calepin
des notes et des chiffres dans un cahier
j’encercle, je souligne

Pour le reste qui trotte, qui se faufile, qui insiste parfois, qui rêve a rêvé de livre
Il reste ce blogue

Octobre
Le six mois des éditeurs pour accepter, refuser ou ne rien dire est bien passé
Ne plus y penser
J’aurai essayé
En voyant tous ces livres de la rentrée littéraire
En voyant sur Facebook et encore plus sur Instagram (oui, oui, j'y suis retournée) tous ces premiers romans, récits, essais
En lisant tous ces anciens étudiants et étudiantes en création littéraire
Je vois bien qu’il reste moins... qu’il ne reste plus de place pour les bébéboomers

Je cite Laurent Gaudé à l’émission à La grande librairie :
« J’écris et je lis pour avoir mille vies! »
À défaut d’écrire plusieurs vies, je vais en lire quelques-unes!

Il me reste tout de même la lecture
Il y aura toujours la lecture
Se perdre une boussole sur le cœur, Julie Bosman
La fille de la foudre, Gabrielle Boulianne Tremblay
Il faut beaucoup aimer les femmes, Martine Delvaux
Architectes de la joie, Anaïs Barbeau et Steve Gagnon
Reprise, Florence Chadronnet
Tout cela m’appartient, Virginie Chaloux-Gendron
Fourrer le feu, Marjolaine Beauchamp

Je veux tous ces livres
Lire tous ces mots toutes ces phrases tous ces fragments
Les faire miens comme si je les avais écrits
Y plonger, y flotter, s’y mirer
Probablement souvent, toujours autour des mêmes thèmes :
Femme, féminisme, mère, fille, être humain, amour, amitié
Aussi mots, écriture, livres, bibliothèque, librairie

Parce que je n’écris plus
Moins besoin, il faut croire
Moins pressant
Moins le temps
À force de moins, ça ressemble à pas du tout
Ça n’enlève pas ni n’annule ce qui fut
L’empreinte, la trace ne sera que le temps de ma vie
Faut que je me fasse à l’idée
Encore une fois
Probablement jusqu’à la fin

Alors je lis
J’en sens le besoin
J’en ai le temps
Probablement jusqu’à la fin
Ça donne des plus à ma vie
Pas plus de sens
Mais au moins plus de plaisir
Plus de joie
Plus de paix


vendredi 29 août 2025

De meilleure humeur donc plus causeuse


J’aurais dû en dire plus. En dire mieux.

Marie-Sissi Labrèche et Lynda Dion ont toutes deux pris la peine d’ajouter un « cœur » au petit billet d'hier, alors que je n’ai écrit que quatre lignes sur leurs livres.

J’ai presque honte. À peine digne d’un brouillon. Ai-je l’excuse d’avoir la tête ailleurs? L’excuse d’avouer n’être pas critique littéraire? Pas mon genre d’analyser, juger, expliquer, inciter. J’assume mon amateurisme en matière de compte-rendu. Mais j’aurais quand même pu élaborer un peu plus.

J’aurais pu dire... je le dis ici, je me reprends...

Bien avant que le mot autofiction existe, j’aimais les biographies, j’ai toujours aimé en lire, en écouter. La vie intime, les secrets, ce qu’on ne dit qu’aux vrai·e·s ami·e·s. J’aime que des écrivain·e·s osent. Merci aux éditions Québec Amérique d’avoir créé cette collection de trois souvenirs (Ne pas aimer les hommes) et bonne chance à la nouvelle maison d'édition Ventricule gauche (Ressac et bientôt Reprise).

Alors, j’ai été gâtée avec ces deux livres. Il y est question de leurs amours, de leurs expériences, de leurs hommes. Elles n’hésitent pas — ou peut-être que oui, mais elles ont réussi à vaincre anxiété ou honte ou peurs ou gêne — à aller fouiller loin autant dans leurs pensées, leurs réactions que leurs sentiments.

Et quelle prouesse dans l’écriture! C’est souvent — que dis-je toujours — par le style que je poursuis ou non la lecture d’un livre. Alors Lynda Dion, avec son enchaînement de phrases sans majuscule ni point, aurait pu me faire reculer, comme l'a fait Marie-Claire Blais qui, je crois, a été une des premières, sinon la première à utiliser ce procédé de "pas-de-point". Cette fois, ça coulait très bien. Peut-être qu'on s'habitue. Je ne dis pas que c’est facile à lire, en fait c’est surtout difficile à arrêter et recommencer, on ne sait pas trop où on en était avant la pause. Ce fut la même chose avec Un roman au four de Marie-Sissi Labrèche, il y a quelques mois. J’avoue cependant qu’une fois arrivée à son journal au sujet de Bado, avec police de caractères différente, je n’ai pas reculé, mais j’ai lu moins vite. Décroché un peu. Moins d’intérêt. J'ai préféré tout ce qui tournait autour de l"événement" qui a tout déclenché. Non, je n'ai pas trouvé qu'elle se répétait. Elle approfondissait. En tout cas, j’aimerais bien être un petit oiseau et voir la réaction de la femme qui a déclenché « l’attaque » première de toute l’histoire, si tant est qu’elle lise Ressac.

Quant au livre de Marie-Sissi Labrèche, je ne suis pas de sa génération ni de son milieu, je n'ai pas connu la moitié des garçons qu'elle a connus, mais je me suis reconnue dans le féminin si je puis dire, dans les réactions, dans les nons-dits et les attentes face à l'amour.  Pour ce qui est de tout le reste,  je vous réfère au texte de Claudia Larochelle. Celle-ci sait mieux que quiconque écrire clairement, précisément ce que je pense tout bas :
« Il n’y aura jamais trop de Marie-Sissi Labrèche. Comme chaque fois, la lire ressemble à l’heureuse reprise d’une conversation avec une amie, on se surprend à y puiser du réconfort pour garder la tête hors des flots. La littérature devrait aussi pouvoir être cette bouée-là. »


Voilà, ce que j'aurais dû écrire hier. L'avantage avec un blogue, c'est qu'on peut se reprendre, on peut avoir des billets ordinaires et d'autres plus travaillés. 
Et peut-être que finalement, mes meilleurs, ceux que je voudrais voir dans un livre, ceux qu'aucun éditeur ne semble vouloir... bon d'accord, je radote, je renote, je ressasse. Je me tais.

Texte de Claudia Larochelle >>>

jeudi 28 août 2025

Humeur du jour



C’est la rentrée.
Littéraire, scolaire, agricole.
Il pleut. Un peu. Pas autant que prévu, pas autant qu’on voudrait.
Il fait frais, j'ai sorti bas et pantalon. Il faut rentrer aussi. Ça ne me tente pas.
Dans la maison, je tourne en rond. Comme entre deux. En attente d'un puits, de deux projets à venir.
Pas encore le temps des marinades.
Je pourrais lire.
Devant l’avalanche des nouveautés, je pourrais commencer à noter les titres qui m’intéressent.

Au début de la semaine, j’étais bien assise sur ma galerie arrière, encore en short et encore en sandales quand j’ai terminé Ressac de Lynda Dion et Ne pas aimer les hommes de Marie-Sissi Labrèche. Je ne suis, n’ai jamais été, ne serai jamais, n'ai jamais cherché à être critique, alors simplement dire que j’ai aimé et aimerai toujours le style de ces deux auteures. Peu importe le sujet dont elle traite. Les deux ont écrit sur les hommes avec qui elles ont couché. Dit comme ça, c’est aussi cru que leur écriture!

Ce que j’aime des livres, c’est qu’ils éveillent une émotion. Que je ressente quelque chose. Cette fois-ci donc : de l’empathie, de la solidarité, de la sororité. De l’admiration : de tant se dévoiler, d’oser l’écriture sans point pour une (ce qu'avait aussi réussi Marie-Sissi Labrèche dans Un roman au four, il y a quelques mois à peine) et le langage cru et familier pour l’autre.

Ai-je déjà lu un livre où un homme divulgue tout ce qu’il a vécu sentimentalement, raconte ses expériences amoureuses? Donnez-moi quelques titres? Il me semble que les hommes ne m’émeuvent pas autant que les femmes. En tout cas, ces dernières années, force est de reconnaitre que je lis de plus en plus des auteures. Québécoises de surcroit.

En revanche, pas de citation, pas de phrases qui m’ont rentrée dedans.
Il faut dire qu’une de mes amies (à nos 13 ans, j'étais certaine que c'est elle qui publierait), au bord du fleuve pour deux nuitées, a écrit :
« Le vent du fleuve emporte les peines. Balaie le fond de l'âme comme au commencement de l'âge. »
Après ça, je suis restée accrochée au fleuve.

Il pleut toujours, le puits, ce ne sera pas pour aujourd’hui. Je vais donc chercher ma prochaine lecture. Ah! tiens, peut-être relire Le mur invisible de Marlen Haushofer pour être prête à la rencontre de mon club de lecture.

Mise à jour :
Juste à lire : « Reprise de Florence Chadronnet est un roman d’une écriture à la fois fragmentée et nuancée », j’ai été lire l’extrait. Des fragments et une écriture au « tu ». Alors c’est certain que...
lien vers le site des librairies indépendantes >>>

mardi 5 août 2025

Comme ces histoires dont on parlera plus tard avec légèreté



Été 2023 et été 2025

Premier hiver à l’Étoc (nom que mon intellectuel de père avait donné à la maison qu’il avait fait bâtir sur un... étoc, un rocher.) La froidure de janvier avait eu raison des tuyaux qui n'étaient pas vraiment à quatre pieds sous terre... à cause du roc. Bref, plus d’eau. Pendant trois mois. La neige dans le bain. Les gallons d’eau charriés de l’école, où mon père et moi enseignions, jusqu'à la maison -- en motoneige puisque le chemin n'était pas déneigé--  où la patience légendaire de ma mère fut mise à rude épreuve. Pas de voisins pour nous aider. En mars, je m'étais fait couper les cheveux pour qu’ils soient plus faciles à laver.

L’hiver suivant, j’étais déjà déménagée, les tuyaux gèlent à nouveau, mes parents emménagent à Saint-André-Avellin pour la fin de l’hiver.

52 ans plus tard, Notre-Dame-de-la-Paix, au sous-sol, après le lavage hebdomadaire de vêtements, la pompe ne s’arrête plus. Je l’arrête, la repars. Elle se désamorce, plus de pression, plus d’eau. Alors que les champs — de pommes de terre ou de blé ou de maïs ou de soya — qui m’entourent sont irrigués par de puissants jets d’eau ou le système Pivot... chez nous, le puits est à sec ou presque. Je sais, il n’y a pas de rapport, mais avouons que c’est un peu frustrant de voir tous ces jets d’eau et chez nous, rien. 

Je sais aussi, je traumatise à pas grand-chose. Comme un revenant d’il y a deux ans quand il a fallu refaire toute la « ligne » de la maison au puits. Et le souvenir revenu des hivers à l’Étoc. Autant mon père enjolivait les histoires dans ses romans (exemple ces hivers de 1972-1974 dans Les toqués du firmament), autant, j’ai une facilité à créer des amalgames et des associations d’idées. La nuit surtout. Peut-être juste pour le plaisir de raconter.
 
Il faudra être patiente, attendre qu’il pleuve.

Heureusement, contrairement à ma première année dans la région, c’est l’été. J'ai une piscine. J’ai des voisins, des ami.e.s, la municipalité qui me fournit l’eau. J’ai les cheveux courts!
Et nous avons connu tellement pire : le verglas, le derecho.

Je ne pensais pas, un jour, avoir hâte qu'il pleuve!

Comme j’aime bien les exergues, les citations. Voici celle du jour :
Il ne faut pas pleurer pour ce qui n'est plus mais être heureux pour ce qui a été. 
Marguerite Yourcenar

samedi 26 juillet 2025

Les mots des autres

                      

Dans les années 1990, alors étudiante à la maîtrise, j’ai tenu un carnet de citations, une sorte de bibliothèque mobile. [...] Je les relis, elles me font l’effet de matières fossilisées.

Il reste que, même dans ce monde d’instantanéité et ce réseau d’icônes, une citation bien frappée marque l’imaginaire et relance la pensée.

On écrit avec les mots des autres.
                                                                                                                Recueillir, Louise Warren

Un autre livre dans lequel je me reconnais. Lors de ces deux années de congé sans solde que j’avais pris pour devenir écrivaine — rien de moins —, je notais aussi des citations. Et je les commentais.
173 citations écrites à la main, 173 commentaires. Déjà genre blogue.
Qui se termine par le mot « Paix », mon préféré.
Beaucoup de Simone de Beauvoir, de Marie Cardinal, de Flora Groult, d’Anaïs Nin.
Citation numéro 87 : « Au XVIIe siècle, savoir écrire c’est déjà savoir bien écrire. » 
                                                Qu’est-ce que la littérature? Jean-Paul Sartre.

Les mots des autres, les miens.
À défaut de voir les miens publiés ailleurs que dans mon blogue (toujours pas de réponse des éditeurs sur un manuscrit envoyé en mars), je m’occupe de ceux des autres.
Au printemps, ceux de Colombe Turpin qui a publié Le mystère de Juliette.

Ces jours-ci, ceux que Michèle Bourgon regroupe dans un livre sur les souvenirs de Lachutois et de Lachutoises. Une bonne centaine de textes d’une bonne cinquantaine de personnes. Des lieux, des commerces, des personnages, les écoles, le sport, l'amour.

Monter un livre, c’est toute une aventure.
Que j’adore parce que je m’y sens bien. Je me sens utile. On apprécie ce que je fais. Je sais quoi faire, je sais où chercher, à qui demander des informations (merci Marthe Lemery). Et c’est un peu comme écrire : je doute, je fouille, je lis, j’uniformise. Et je travaille étroitement avec Michèle Bourgon qui, heureusement pour ma petite tête-qui-ne-se-décide-jamais, aura toujours le dernier mot. C’est son livre, pas le mien.

En 1976, 1977, alors que je ramassais les citations, je ne savais pas que j’allais devenir infographiste, metteuse en page, le restant de ma vie, mais finalement c’est une autre façon de créer à partir des mots. Un journal, un dépliant, un bulletin, un blogue et même des livres.

Je retourne donc à ces mots... des autres.



samedi 21 juin 2025

Quand je n'écrirai plus, je lirai encore

Que font les écrivains quand ils n'écrivent pas.

Ils s’écrivent. 

                                            Aurelie Valonges
J’en suis là : parler de moi.
Ai-je déjà fait autre chose?
Écrire
ce que je connais
ce que je vis
mes souvenirs des ailleurs
et mon contentement d’ici

Je continue à marcher dans un chemin d’écriture
des pas sans fin
au ralenti maintenant
je tourne en rond parfois

Le manuscrit Chemins d’écriture
envoyé à cinq éditeurs il y a trois mois
silence
Après ceux de Montréal,
irais-je vers ceux de la région?
comme en 2011
ou comme en 2019, me contenter du blogue
cesser de vouloir
avant de devenir frustrée
je ne serai pas écrivain
je suis tout de même auteure
Je fus celle que je voulais devenir un temps
m’en réjouir
m’en contenter

Tant d’autres veulent
les offres d’écriture ne manquent pas
par des institutions, des organismes, des individus
tout le monde peut écrire, master class, ateliers d’écriture, camp littéraire, comment devenir écrivain
Les sites d’auto-édition se multiplient
en France surtout, mais ici au Québec aussi
Amazon offre bien des avantages
La Rocade me tente,
mais que peuvent-ils faire que je ne sache faire
et Amazon : l’idée me rebute.

Toujours la même question depuis cinquante ans
quelle sorte d’écrivain veux-je être?
Je le sais bien
juste écrire et que mes écrits soient publiés
le reste ne m’a jamais vraiment intéressée
sauf s’il faut jouer le jeu
comme un passage obligé
Que je ne me surprenne pas alors de ne pas être éditée!

Depuis le « 75 ans »
Écrire le chiffre
voir les 7 et 5 collés
ça fait vieux
ça fait à quoi bon me démener pour quoi que ce soit
vit dans la paix le temps qu’il te reste
non pas abandonner, mais laisser aller
cesser de vouloir être ailleurs
aimer être ici





Regarder le vert des feuilles encore jeunes
entre deux grands pins, entre les branches d’orme qui montent et descendent
comme les bras de l’enfant qui joue à l’oiseau
le ciel bleu
aussitôt l’envie de l’écrire ce ciel bleu

S’il pleuvait
je rentrerais
j’écrirais
je chercherais des métaphores
Moi qui suis trop terre à terre
je ne sais dire
que ce que je sens ou pense
je ne sais pas transposer






Dehors
devant les arbres et les fleurs
mais toujours avec les livres et les mots des autres
aujourd'hui ceux d’Hélène Dorion
qui sait si bien métaphoriser
mes forêts sont un long passage
pour nos mots d’exil et de survie
un peu de pluie sur la blessure
un rayon qui dure
dans sa douceur
et quand je m’y promène
c’est pour prendre le large
vers moi-même

Quand je n’écrirai plus
je lirai encore.

samedi 14 juin 2025

Où il est question (encore et toujours) de livres



Il fut un temps où j’écrivais dans un journal. Un sujet à la fois.
Il fut un temps où j’écrivais des romans. Une histoire à la fois.
Maintenant, je donne libre cours à cet esprit qui n’arrête pas de penser, qui mêle tout, qui saute du coq à l’âne.
Pour le faire taire, il doit parler, il doit écrire.
De tout ce gribouillage, un seul thème récurrent : les livres.

Donc le pêle-mêle des dernières semaines :
Il y eut le livre de Colombe Turpin: Le mystère de Juliette. Une auteure de la Petite-Nation qui en est à son quatrième roman. Où il est question de fées au pays de la Terre, une histoire de brisure et de réhabilitation. L’auteure présentera son livre dans diverses bibliothèques de la région. Lien à la fin du billet.

Et puis par la poste pour la première fois, La revue Les libraires.
Pas besoin d’aller la chercher à « ma » librairie Rose-Marie. Surprise : revue tête-bêche : d’un côté la revue habituelle, de l’autre, un spécial « Le 12 août j’achète québécois ».
Le temps frais me permet de déguster lentement sans me sentir coupable de ne pas être dehors.
Je furète, je m’attarde À Rafaële Germain, je découvre la librairie Annie Proulx, je cherche mes prochains achats et surtout mes prochains emprunts chez Prêt numérique.

Dans la revue, une réponse de la libraire Annie Proulx m’intrigue : « Sans contredit [je voudrais qu’on découvre l’écrivain] Michel-Maxim Legault! J’ai eu un coup de cœur pour son livre Michelin. »
Comme toujours, je me précipite chez BAnQ ou Biblio-Outaouais pour... le cœur me débat... Michelin! Je dévore. Original, un “monologue autobiographique” est-il écrit dans La Presse. De quoi oublier Trump, le Moyen-Orient, le ciel gris, l’eau froide de la piscine ou le gazon qu’il faut couper.

Et qui dit livre, dit : “toujours pas de nouvelles des éditeurs à qui j’ai envoyé un manuscrit”.
Trois mois. Je relance ou j’oublie? J’oublie ou je publie moi-même?
D’autres que moi se sont aussi posé la question. Je les connais depuis une quinzaine d’années via le blogue qu’elle tenait, via les livres qu’elles ont publiés, via les batailles personnelles et professionnelles qu’elles mènent. Les revoici, toujours complices, avec un concept d’auto-édition. Haut de gamme ajoutent-elles.
Mylène Gilbert Dumas et Elisabeth Tremblay ont donc fondé La Rocade.
L’auto-édition m’intéresse depuis longtemps. J’ai donc longuement regardé leur site, posé des questions, reçu rapidement des réponses. Ça me tente pour rééditer les trois tomes des Têtes rousses et peut-être le prochain-qui-n’a-pas-l’air-de-trouver-d’éditeur.
C’est une super idée. Une idée qui répondra sûrement à plusieurs auteur·e·s. Mais pas pour moi, pas pour l’instant. Pas tant que j’essaie d’éviter Amazon.
Toujours cette question mcsweenienne : en ai-je vraiment besoin?

Et entre deux brassées de lavage au sous-sol, je regarde les trois bibliothèques, tous ces livres amassés depuis cinquante ans! Qu’en faire? Si un jour — le plus lointain possible — je dois me résoudre à aller vivre dans un petit quatre et demi loué, je ne pourrais apporter tout ça. Alors, je jette, je donne. Tranquillement.
Surtout, je me détache. Je réussis à peu près à ne pas vouloir remplir les vides.
Les plus difficiles à laisser aller : les plus vieux, les Balzac, Victor Hugo, Proust, Simone de Beauvoir, Sartre, Camus, les soeurs Groult, Marie Cardinal. Et les Québécois. Les derniers à partir seront les reliés: Hervé Bazin, Han Suyin, Slaughter, Les rois maudits, les prix Nobel, les coffrets de Colette, d'Annie Ernaux.
Ceux que je garde le plus longtemps possible avant de les donner aux archives : les livres de mon père Jacques Lamarche, les miens, et ceux publiés aux Éditions de la Petite-Nation.
Si vous en voulez, laissez-moi le savoir.

C’était ma semaine.
Le temps se réchauffe, c’est sur la galerie arrière que je lirai... quoi donc? En attendant que Recueillir (un livre qui juxtapose prose et vers m’intéresse beaucoup ces temps-ci) de Louise Warren soit disponible, je vais jeter un coup d’œil sur son essai L’enveloppe invisible. Un livre qui commence par :
Le lieu que j’imagine se situe dans le territoire de l’attente. On ne le mesure pas, on ne le voit pas, on avance sur des pistes qui s’effacent à mesure. Pour l’instant, ce lieu m’échappe. Je l’appelle « l’enveloppe invisible ». Espace des mutations qui s’opèrent en profondeur. Je note : « Entrer dans une phrase comme dans un couloir sans savoir quelle porte va s’ouvrir. »
ne peut faire autrement que m’attirer.
Bonne semaine et bonne lectures ou bonne écriture ou bonnes brassées de lavage!

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mercredi 28 mai 2025

« Tesselle dans une grande mosaïque »


Au surlendemain de la clôture des célébrations du 350e anniversaire de la seigneurie de la Petite-Nation, tout est encore pêle-mêle pour moi.
Je croyais que l’événement était à 13h30, comme celui de Montpellier.
C’était à 11 heures
je suis arrivée à 12h30
tout était fini
presque.

J’ai eu le temps de voir l’emplacement de la capsule
j’ai surtout eu le bonheur d’avoir LE livre, Au fil de l’histoire.

Depuis, cul par-dessus tête, tourbillon et fouillis 
tous les mots se bousculent parce que je ressens tout à la fois :
reconnaissance, joie, orgueil sûrement.
Je veux dire merci, mais je trouve que ce n’est pas suffisant.
Je voudrais non pas dire, mais montrer
et pour ça je fais appel à l'autre moi, elle qui a la parole facile mais nerveuse

Elle s’avancerait vers ceux et celles par qui c’est arrivé, Marthe Lemery entre autres
Soit elle se mettrait à parler fébrilement
les yeux fuyants
les mains fouettant l’air
ou juste un grand sourire
ou même un trépignement comme une enfant qui vient de recevoir son bonbon préféré
son favori : sous forme de mots.

Soit elle oserait à peine les regarder
le ventre crispé
la gorge nouée  
de peur d’être devinée
de toute façon, ce serait trop
ce serait beaucoup
ce serait intense.
Alors qu’elle voudrait être comprise à mi-mots
peut-être un câlin qui dirait tous les mercis accumulés.
Elle a peur d’exagérer
de paraître orgueilleuse, prétentieuse
de ne pas mériter cette visibilité 
comme un compliment
de devoir expliquer pourquoi elle est si émotive
incorrigible sentimentale
compliments qui lui font plaisir pourtant.

Alors elle ne fait rien
elle attend
que le tourbillon cesse de tourner
elle se calme le pompon
pour y voir clair
pour trouver le ton juste
trouver les mots
dire qu’elle a depuis longtemps voulu laisser une trace
sans trop en connaître les raisons profondes
et voici qu’elle est dans un livre qui sera (qui est depuis le 27 mai) enfoui dans une capsule intemporelle
qui sera peut-être ouverte dans 10 ans.
Plus trace que ça...

Dans un livre!
Elle les aime tant
les livres, les mots, les phrases qui disent la vie, l'histoire dans ce cas-ci
qui apprennent la vie
elle les aime depuis toujours
elle a appris à se comprendre dans les livres, dans les mots
les siens, ceux des autres
elle cherche encore d’ailleurs
alors si ces personnes-auteures parlent de la Petite-Nation dans un livre,
si, en plus, elles parlent d’elle dans un livre
elle devient le cœur tout mou,
la parole hésitante
les yeux fuyants
vulnérable
elle se sent reconnue, comprise, aimée
c’est à son être profond, au meilleur d’elle-même, qu’elles s’adressent.

Mais peut-être n’est-ce qu’illusion
juste un hasard
elle se dit que c’est encore une émotion d’hypersensible
elle relativise
chacun·e son chemin, sa vie
elles ont croisé le sien
faut pas en faire tout un plat
pas minimiser non plus

Je veux dire la reconnaissance
mais je ne sais comment bien la mesurer ni l’exprimer.
Je veux dire aussi félicitations pour tout ce travail de recherche
bravo pour les textes
merci pour toute la visibilité pour ces « tesselles [d’une] grande mosaïque commencée il y a 350 ans avec la création de la seigneurie de la Petite-Nation. »

Dans ce livre, tu es « tesselle d’une grande mosaïque »
accepte et remercie
cesse de tout compliquer
retourne aux autres livres à lire
aux autres billets de blogue à écrire
et dis au monde que le livre Au fil de l’histoire est dans les bibliothèques de la région
et qu’on peut encore lire les 24 capsules sur le site Internet de la MRC Papineau.

Lien vers les capsules publiées sur Internet >>>
Reportage à TVA Gatineau sur cette capsule intemporelle à Montebello >>>