samedi 7 décembre 2024

Comme un miroir



«Nous avons enfin pris connaissance de la vraie nature de l’existence humaine : la parole sans emballage fonctionnel, dans sa pluralité et sa liberté. De formes, de genres, de ponctuations, de syntaxes, d’adverbes et de brides délacées.
Rien ne sera catégorisé. Tout sera diffusé. [...] Nos jours deviendront fragments d’écriture.»
Anne Hébert, si tu veillais ma tristesse, Anne Peyrouse
«Écrire, c’est l’inassouvi à quoi nous redonnons place.
Nous ne serons jamais rassasiés d’écriture. L’écriture n’est pas là pour ça. Elle ne comble pas. Elle cerne l’inassouvi. Elle le désigne sans plainte ni peur.
Écrire c’est savoir qu’on est un être fini, limité, et porteur pourtant de quelque chose d’immense.
C’est accepter de s’installer dans ce hiatus et y trouver son propre souffle.
Cela met en branle tout l’être.»
Vers l’écriture, Jeanne Benameur


Ça y est, c’est revenu. (voir note 1)
Ça finit toujours par revenir.
Lire et, après quelques lignes, quelques pages, vouloir écrire. Écrire comme. Écrire sur le même sujet : les livres, l’écriture, les écrivains. Soi. Moi.
Sauf que je n’ai pas d’histoire en route. Je ne suis pas une conteuse d’histoire, pas de personnage qui s’impose. Que moi. Ma vie. Les bientôt 75 ans de ma vie.

Il a suffi que je lise quelques lignes de Jeanne Benameur et d'Anne Peyrouse, et c’est parti tout seul.
Écrire. Sans forme précise, juste comme les pensées surgissent.
«Rien ne sera catégorisé. Nos jours deviendront fragments d’écriture.»
Relire, oui; retravailler, réécrire, oui pour que de méandre tortueux, torrent ou ravin, l’ensemble coule jusque dans le cœur des lecteurs (et oui, oui, des lectrices).

Mais encore faut-il écrire sur... Sur mes lectures? Mes voyages? Ma région? Je le fais déjà sur mon blogue, sur mon site.
Prendre le risque d'écrire sur les gens autour de moi, les gens à l’intérieur de moi. Transformés, déformés. Forcément. Plutôt les morts que les vivants pour ne blesser personne.
Dominique Fortier écrit sur Emily Dickinson ou Herman Melville.
Julia Kirninon sur Gertrude Stein.
Martine Delvaux sur Hollis Jeffcoat, Joan Mitchell et Jean Paul Riopelle.
Anne Peyrouse sur Anne Hébert. Sa mère littéraire. J'aurais plutôt des soeurs littéraires. En quittant le miroir, en regardant par les fenêtres, je trouverais bien. Je les nommerai.
De tous, Anne Hébert remporte. Souvenir de ma Belles-lettres, du huit clos dans les Chambres de bois, de Kamouraska, des fous de Bassan. Des lieux aussi, de la France, du Québec.

Pourquoi veux-je plus? Encore. Parce que ledit blogue va disparaitre avec moi?
Ce n’est pas de littérature dont j’ai besoin, mais de psychanalyse? Pour comprendre une bonne fois pour toute pourquoi je veux tant un "vrai" éditeur, et lâcher prise ou aller voir ailleurs si j’y suis. Dans le sentier de raquettes ou de vélo. Sur la plage. Ou une libraire!
Je me dis que c’est trop tard. Je me dis tant pis.

Finalement toute ma vie, j’aurai eu besoin d’une obligation. Un devoir. Qu’on me dise quoi faire.
Alors si personne ne m’appelle, ne m’oblige, ne me veut... Je ne fais d’efforts que si on me signifie clairement, contrat en main, que oui, on veut les publier tous mes fragments inclassables. Sinon, je frustre, je procrastine, je me dis à quoi bon. Je continue pour moi seule.

Et, finalement, sereine, je me réjouis de me voir dans le miroir d’une Jeanne Benameur, d’une Anne Peyrouse. Le temps de quelques pages.

Note 1:
En 2018, c'était là aussi: Je deviens elles >>>

Mise à jour/ajout:
Si j'avais une mère littéraire, ce serait Louky Bersianik. J'avais 26 ans lors de la publication de L'Euguélionne. J'ai pris deux années de sabbatique et j'ai écrit. Elle, devant.
J'en parlerai jusqu'à la fin de ma vie.  Une fois, en 2017 >>>

dimanche 24 novembre 2024

Coup de coeur de 2024



Décembre bientôt. Suivra 2025.
Il y a un an, après la parution du très beau livre (montage graphique de Jean-Luc Denat) sur le moulin disparu de Papineauville, je rêvais d’un livre sur l’histoire de la Petite-Nation. Et voilà que début 2024...

Qu’est-ce qui est en tête de ma liste d’événements à retenir en 2024, mon gros coup de cœur, ce dont j’ai eu envie de vous parler chaque mois et surtout entre mai et octobre, ce que je retiendrai, ce qui me rend fière, ce qui me touche vraiment pour:
— le graphisme
— l’ampleur du projet
— la réussite du projet
— et surtout parce qu’il est question de ma chère Petite-Nation

Réponse :
Le 350e anniversaire de la Seigneurie de la Petite-Nation

Dès la première annonce, j'ai aimé le graphisme :
Dans le cas du 350e, je ne connais pas qui a créé le matériel promotionnel, l’image de marque, mais chapeau! Les couleurs, les formes, les fontes, le logo, j’aime tout. Et pour avoir travaillé dans le domaine, je sais qu’un visuel fort crée une émotion et invite à poursuivre plus loin. Ce fut mon cas, dès le début, j’ai dit Wow! Et j’ai surveillé chaque annonce dans les réseaux sociaux, dans le site de la MRC, sur les véhicules, sur les oriflammes.  Je n'ai pas assisté à tous les événements, à deux ou trois seulement. En revanche, j'ai lu chaque capsule.

J’aime la présentation Web, l’implication de la MRC :
Les vidéos réalisées par Agnès Créations sur les 25 municipalités de la MRC Papineau ont permis «d’offrir un bref aperçu des traces du passé, un regard rapide sur le présent et un clin d’œil vers l’avenir.»
Martine Caron et Jessy Laflamme de la MRC Papineau ont assuré la publication sur le site de Tourisme Petite Nation (lien>>>).

Et enfin, et surtout, j’aime notre Histoire :
Marie-Josée Bourgeois et Marthe Lemery ont créé un recueil de citations pour les 25 municipalités, et de plus, elles ont rédigé 24 capsules historiques. Tous ces textes permettent d’aller bien au-delà de la Seigneurie, de parler bien plus que des Papineau et Bourassa, et c’est à travers des personnes, plus que des dates ou des lieux que l’on découvre un peu de notre passé et même de notre présent. Plus que découvrir, apprendre. Les auteures disent « capsules », je dis véritable chronique fouillée, digne d’un texte dans une encyclopédie. Bravo et merci pour cet immense cadeau.
Les titres des 24 capsules :
1. Notre seigneurie, à ses débuts!
2. Notre seigneurie, à l’ère des Papineau
3. Seigneur, mon régime!
4. Les Papineau et les Bourassa Fils de soldats, cultivateurs et hommes politiques
5. Weskarinis, un peuple d’ici!
6. Dans tous nos cantons, y a des… colons!
7. Nos « augustes veilleuses » de rangs…
8. L’orme, l’arbre favori de Papineau
9. Louons maintenant nos grandes femmes!
10. Les pistes de portage, ces premiers chemins de terre
11. Il y a 100 ans Victor Nymark arrivait au Québec
12. Fille de fermière et femme de carrière
13. Arthème, Nelphas, Léon et Hyacinthe, nos divins gosseux!
14. Il y a 350 ans arrivait le premier touriste français!
15. J’ai vu la Rouge, la Blanche et la Lièvre
16. J’ai les couleurs d’une rivière (partie 2)
17. De (drôles de) choses et d’autres…
18. Un des plus vieux métiers du Nouveau Monde
19. La traversée de deux mondes entre Montréal et Duhamel
20. Des auteurs qui nous disent au monde
21. Papa ours et la petite histoire
22. Nos glorieux à nous
23. Sur les traces de Talbot Papineau, héros de Passchendaele
24. Augustine Bourassa, une artiste restée dans l’ombre (à venir)

Comme je suis de la génération livre plus qu’Internet, je souhaite évidemment que le tout soit réuni dans un livre. Ce serait un beau cadeau de Noël... 2025!

samedi 23 novembre 2024

Encore

Encore une fois.
Une quatrième fois.
Le lundi, encore la circulation, les ralentissements sur les autoroutes: la 50, la 15, la 40. Ne pas paniquer pour les 15 minutes de retard.

À la clinique Angus : l’attente.
Ah! l’attente.
Attendre, regarder l’heure, écouter. 
Attendre d’entendre son nom.
Pour entrer dans la grande salle.
Pour être installée dans le cubicule 13 ou 14, celui des greffé.e.s de la cornée.
Pour être accueillie dans la salle d’opération, ensuite dans la salle de réveil.
Pour moi : retourner dans la salle d’attente, attendre, regarder l’heure pour avoir le droit de revenir après l’opération.
Attendre la venue du médecin, celle de l’infirmière. Attendre l’heure du départ. Encore 4 heures.
Rester calmes. Respirer. Espérer.

Seule. Savoir l’autre seule. Avoir mal de savoir que l’autre a mal.
Attendre la prochaine étape.
Être toute présente dans l’attente. Et seulement là.
Dans chaque après, on est encore en attente.
En fait, peut-être que ce que j’appelle l’attente n’est pas autre chose que vivre. Vivre le moment présent. Sans y prendre plaisir. Juste rester calme. Ne pas laisser venir les pensées négatives. Ne pas laisser venir le chaos, la peur. Pas vraiment subir mais observer la pluie en attendant le soleil. Se voir marcher sur une plage, entendre les vagues douces de la mer. Que la respiration redevienne et reste normale.
Ne pas tout chiffrer. Combien sur 10 le mal? Combien sur 10 c’est difficile? Combien sur 10 la hâte d’être après.

Finalement, partir, rouler lentement dans le noir des rues, guetter les feux rouges, les verts, surveiller les cyclistes, les piétons, jeter un coup d'oeil sur le GPS.
À l’hôtel, payer, demander un fauteuil roulant, monter au 6e. Retourner stationner le CRV-Honda-recherché-par-les-voleurs au sous-sol, plus à l’abri.
S’installer, donner des nouvelles, répondre au téléphone, parler tout bas, regarder la télé sans rien retenir. S’endormir tôt.

La nuit, étouffer un peu parce que les fenêtres ne s’ouvrent pas. Avoir chaud. Avoir peur. Réciter des Je vous salue Marie comme mantra. Expirer longuement. S’endormir sans s’en apercevoir.

Le matin, se préparer, aller déjeuner, y prendre plaisir. Se sentir presqu’en vacances, en voyage. Bavarder avec les serveuses. Jaser de Montréal, d’Habitat 67 en face, de notre ancienne vie sur l’île de Montréal.

Attendre que le temps passe, jeter un coup d’œil sur la tablette, jeter un coup d’œil sur nos montres, toutes les demi-heures.

Pour le suivi, à l’hôpital maintenant, comprendre la nouvelle façon de payer le stationnement. À l’intérieur, se mettre en file, donner son nom, attendre dans la grande salle, voir tous ces malades, réaliser, accepter que nous sommes comme eux, malade, tout en espérant redevenir comme avant, comme quand le mois de novembre voulait dire le sud, voulait dire belle retraite, beaux projets.
Écouter les noms et les numéros de la salle. Se forcer à être dans le ici et maintenant.

Voir la technicienne, lire au moins cinq lignes sur le tableau de Snellen. S’en réjouir. Penser que la dernière fois aussi... avant le rejet!

Retourner dans la salle... d’attente. Entendre difficilement son nom, salle 32. Revoir l’ophtalmologiste de la veille, celui qui parle en français. Cinq minutes. « Tout est beau, revenez jeudi ».

Reprendre la 40, la 15, la 50, le trafic, le ralentissement, la longue ligne rouge sur Google maps. Être patiente, combattre la fatigue.
Manger une frite à Lachute. Arriver à la maison. Chercher la chatte. Lui demander si elle va bien. Ne pas se pencher pour la flatter.
Écouter la télé, plus ou moins. À 21 heures se coucher, les gouttes, attendre cinq minutes entre chacune, la coquille.

Le jeudi, recommencer. Deux heures pour aller, trois pour revenir. Attendre, voir, écouter. Quinze minutes : « la greffe est belle, revenez dans deux semaines. »

Dans la nuit, rêver à un glissement de terrain. Devant, le chaos? Tout s’effondre?
Le lendemain, écrire non pour me souvenir, mais pour réunir mes moi, me retrouver, passer par-dessus l’avalanche d’images, le déferlement de pensées. Essayer de réunir mes moi dispersés. Le moi proche aidante, le moi conductrice dans une ville, le moi qui attend. 
En sommes-nous là? Les mot vieilles et malades s’annoncent, s’incrustent. Ne pas les laisser prendre racine.

Écrire ces trois jours, chaque mot pensé, chaque minute vécue. Comme chaque battement de cœur, chaque inspiration. Et expirer, évacuer, mettre de l’ordre dans nos vies. Se retrouver.
« Or, quand j’écris, quand je suis dans le texte, je trouve encore une forme d’apaisement, une impression de mettre de l’ordre dans le chaos du monde. » 
J.P. Chabot dans Le Devoir, 16 novembre 2024.
Au sujet du livre Voyage à la villa du jardin secret.



jeudi 14 novembre 2024

Mon cadeau de Noël

J’avais écrit un billet de 500 mots où, un peu frustrée, un peu revancharde, je radotais.
Je ne le publierai donc pas.

J’étais déçue que Hamac et Lévesque éditeur ne publie plus de carnets (ce qu'une source sérieuse m'a dit en tout cas), mon style d’écriture préféré ces années-ci. Autant pour lire que pour écrire. 

Je me contenterai de citer Christian Bobin :
« Ce n'est pas pour devenir écrivain qu'on écrit. C'est pour rejoindre en silence cet amour qui manque à tout amour. »
Probablement mon cadeau de Noël.


lundi 21 octobre 2024

Ces photos que l'on garde longtemps,
que l'on regarde si peu

Jour tout de ciel bleu, de feuilles tombantes et de doux temps.
Jour de ressac « roman dense et touffu, à l’écriture serrée et aux phrases longues qui s’étalent parfois sur deux pages » est-il écrit dans La Presse . Qui me rappelle ces fécondes années où je notais dans un cahier les belles phrases ou expressions. C’est certain que, admirative, j’aurais noté :
« son iris gauche opacifié d’un glaucome »
« pluie fine hachurait la ville »,
« le vent forçait, le crachin fouettait les vitres »

Des phrases que j’aurais consultées, des mots que j’aurais empruntés et glissés dans un des romans en devenir. C’était en quelle année déjà? Qu’ai-je donc fait de ces cahiers? Où sont-ils donc? Les ai-je jetés?

Demain jour de bac bleu ou de bac vert?
Jeter, donner, classer. Que faire de tous ces cahiers, de tous ces albums photo, des CD qui ne servent plus, qu’on ne peut plus lire ou écouter de toute façon? Tout est rendu USB.
On nous intime de vivre au présent.


Pourtant, hier encore, jour de souvenirs en photos trouvées au fond des armoires : toutes ces expositions, symposiums auxquels Louise Falstrault a participé et moi qui ai regardé, accompagné. Pas que des expositions, des voyages, des paysages, des dépaysements, des amitiés. Des tableaux pour elle, des mots à écrire pour moi.

L’artiste a encore des tableaux à vendre, son atelier est ouvert sur rendez-vous. Les yeux « opacifiés » de glaucome qui souffrent de sécheresse oculaire, l’artiste ne peint plus, mais sur Facebook, elle surveille encore les artistes peintres qu’elle a connus lors des symposiums. Elle reconnait des noms. Elle se réjouit que Marie-Claude Courteau soit l’invitée d’honneur au Symposium de peintre de Gatineau en couleurs qui a lieu les 25-26-27 octobre. Elle a feuilleté quelques albums photos, a vérifié sur son site Internet en quelle année elle était à Gatineau, à Ottawa, à Baie-Comeau, à Maniwaki, au Massachusetts, à Kamouraska. Et puis, sereine, elle revient à aujourd’hui et maintenant. Elle veut vendre, donner. Des revues, des livres, des pinceaux, des chevalets. Elle est prête, elle veut se sentir légère.

Quant à moi, encore le goût d’écrire. Court. Petits billets. Publiés facilement sans attente, sans stress. Dans ce blogue qui a déjà porté le titre « De nos pinceaux et de nos stylos », qui se voulait une fenêtre sur la Petite-Nation et qui finalement tient plus du carnet de lectures. Je suis aussi prête à donner des livres, des albums de bandes dessinées. Le problème n’est pas tant d’être prête à se départir de ses biens, mais accepter, vouloir vraiment, ne pas croire que sa vie est finie, ne pas espérer que tout se fasse par magie. La solution, c’est d'aller chercher le bac vert, le bac bleu et de remplir la première boîte de carton.

jeudi 17 octobre 2024

Elles méritent un prix

 



Il faut que j’en parle. Que j’écrive là-dessus.
Le tout — le visible pour nous, parce que le travail en amont a sûrement eu lieu bien avant — a commencé mi-février 2024. La MRC de Papineau profite du 350e anniversaire de la Seigneurie de la Petite-Nation «pour explorer avec vous, en mots et en images, l’histoire et l’identité de son territoire.»

Depuis février, donc, j’ai participé à quelques événements, j’ai vu une ou deux vidéos mais surtout, je lis des capsules, 21 jusqu’à maintenant.
Avec plaisir, avec délectation! Avec reconnaissance, avec fierté.
Tourisme Petite Nation a réalisé et effectue encore un travail colossal.
Dès le début, j’ai adoré l’image de marque (je ne tiens pas spécialement à utiliser le terme «branding»). Le choix des couleurs, le design. J’ai vu les annonces sur des véhicules, des pancartes, des oriflammes. La même partout, remarquable.

Quant aux capsules illustrées, documentées sur l’histoire, les personnages, les personnes, les coutumes, les municipalités, je n’ai que des félicitations à adresser à Marthe Lemery et de Marie-Josée Bourgeois. Quelles recherches, quelle documentation et quels textes!
Je les connaissais, je les aimais déjà, mais là, elles méritent un prix. Un prix qu’il faudra inventer. Un prix qui touche l’histoire, l’écriture, la créativité. Un prix provincial.

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lundi 9 septembre 2024

J'étais là, au bord du fleuve

 



J’étais là, au bord du fleuve.
À Pointe-du-Lac, à Saint-Siméon, à Tadoussac, à Rivière-du-Loup, à Notre-Dame-du-Portage.

J’étais au bord des vagues et du vent,
dans les parcs et sur les quais,
dans les dunes et sur les plages.

J’étais debout sur les rochers, assise sur les bancs et sur les galeries,
à fleur d’eau et à flanc de montagne.

J’étais là dans le bleu du ciel, à la fin des verts et au début des orangés,
entre bouleaux et rosiers sauvages.

J’étais là à chercher le béluga et le rorqual à entrevoir le héron et l’outarde,
à rouler sur la 138 et la 132,
à revoir les maisons de mon adolescence,
à longer le boulevard Champlain, à Québec,

J’étais là, à traverser le fleuve à Saint-Siméon et à Lévis
J’étais là, à me souvenir des autres voyages, des autres âges.
J’étais dans ma vie amoureuse du fleuve.

Autres photos, autres escapades sur mon site de voyages: lien >>>>

lundi 2 septembre 2024

Lectures d'août

 

Pas tellement pour lire le texte comme pour voir la disposition des paragraphes.

Chaque fin de semaine de la fête du Travail me (nous, sûrement) rappelle les mêmes souvenirs : le départ du chalet, le retour en ville, la rentrée scolaire. S’il faisait frais comme aujourd’hui, nous n’avions aucun regret de quitter le chalet-pas-vraiment-isolé. J’avais hâte de retrouver mon vélo, mes amies, les bancs de l’école : dans cet ordre.

Me rappelle aussi plus près : la tournée des ateliers des Créateurs de la Petite-Nation. On espérait du beau temps, encore quelques fleurs pour décorer... et des clients. Aujourd'hui, 2 septembre 2024, c'aurait été tranquille... quoique, les clients et vistieurs n'auraient pas été pressés de quitter l'atelier!

Fin de l’été, de nouveaux livres bientôt.
Alors survol de mes lectures — toutes numériques sur ma liseuse Koko — du mois d’août.
— Avide
— Avant de brûler
— Dents de fortune
— Prendre son souffle


Dans tous les cas, ce que j’ai adoré, c’est l’écriture. Appelons ça le style. Je dirais plutôt la façon (nouvelle? ou influence des cours en création littéraire? ou à la mode, depuis Charlotte de David Foekinos?) de présenter la narration. Des phrases courtes, des phrases qui tiennent lieu de paragraphes. Presque des fragments. Comme j’aime parce que dans ma tête, c’est comme ça que je pense. Et puis, c’est « punché », comme des coups directs sans fioriture, ce qui donne de la force au texte, surtout en fin de chapitre.

Plus précisément, tout le reste : l’histoire, le sujet, les personnages, c'est différent pour chacun.
Avide : j’ai aimé le sujet, une chasse au trésor, une longue marche dans la nature, ses relations avec les gens et même la fin, le climax, ne m’a pas déçue. Évidemment, il a fallu que j’aille voir la fin, mais je suis revenue aux premières pages, signe que c’est très intéressant.

Avant de brûler : Je ne comprends pas encore vraiment la raison, mais dès la page 60, j’ai décroché. Pourtant Les falaises, son précédent roman, j’avais aimé. Tout aurait dû me plaire puisque l’écriture me comblait. Mais cette histoire de bête... mon cerveau n’a pas compris. Je ne voyais plus les personnages, l’histoire n’était plus la même. Et puis cette alternance entre les personnages... j’aurais dû aimer, j’ai déjà procédé de cette façon. Il faut croire que ce n’est pas parce que je vis entourée de forêts, de champs cultivés, que je vois des chevreuils plusieurs fois dans l’année, que j’entends des oiseaux tous les jours, que j’aime connaitre tous les détails du parcours d’une bête.
Je suis allée voir la fin :
Farah et moi essuyons d’un même mouvement la couronne de cendres sur nos fronts et on se relève,
arpente les dégâts pour
retrouver le sentier,
chercher l’orée d’autrefois la forêt,
s’assurer qu’il y a un monde à refaire.
Mais cette fois, pas de retour aux pages précédentes.

Dents de fortune : choix de mon « 12 août ». J’ai tout aimé : l’histoire, les personnages, les lieux (Îles de la Madeleine et le Montréal des années 1930), le vocabulaire propre à cette époque et ces insulaires. J’en aurais pris plus : savoir ce qui a mené Laura à vouloir quitter son île et je l’aurais suivie plus longtemps entre son premier et septième enfant.

Prendre son souffle : alors là, pas de description d’un décor, d’un paysage, pas de métaphore autour d’une bête ou d’une fleur. Que des émotions. Amour contre maladie. Reste, pars? Et les personnages n’ont pas 70 ans, mais 30-40. Le cœur à l’envers souvent, à me demander ce que j’aurais fait, ce que je ferais si...

Il y eut aussi, une belle surprise: 50 ans de la maison d’édition Québec Amérique.
Très très beau magazine, graphiquement parlant. Lecture très très intéressante. De beaux portraits.
Bien assise sur ma galerie arrière, café le matin, verre de vin en fin d’après-midi. Tablette et carnet à côté pour prendre des notes sur les livres qui me tentent, sur les auteur. e. s que je connais moins (je ne me décide pas à écrire auteur.trices). J’ai dévoré. Lu avidement.
50 ans, donc 1974. Je n’étais plus à Montréal pour voir vu les débuts de cette maison d'édition. J’ai plutôt été témoin des Éditions du Jour, éditions Cercle du Livre de France parce que mon père, Jacques Lamarche y a publié ses premiers livres. J’ai entendu des noms comme Gilbert LaRocque, Jacques Hébert, Pierre Tisseyre, Andrée Maillet, Nicole Brossard, Robert Soulière et plusieurs autres.
Dans le très très intéressant et très très bien fait magazine de 160 pages de Québec Amérique, j’ai tout de même re-trouvé avec un plaisir non dissimulé le monde de l’édition.

Lien vers le magazine en numérique >>> 

Que l’automne vienne, d’autres livres m’attendent. Des escapades aussi. Des fêtes : ce n’est pas croyable le nombre de personnes conçues pendant les fêtes de Noël!

dimanche 4 août 2024

Où un article de journal me tient éveillée...

« Où je me sens libre, c’est dans l’indéfinition. Être plus d’une chose, plus d’une identité, plus d’une personne. Fondamentalement, on est construit comme ça [...] Vraiment, j’en suis persuadé : je n’ai pas l’impression d’être une seule personne, d’avoir une identité fixe ou stable. Je cherche à m’approcher de ce “ni l’un ni l’autre” que je sens en moi. »

 Kevin Lambert

Lire ça à deux heures du matin, tu n’as qu’une envie, c’est de te lever et d’écrire.
De dire que c’est tout à fait ça. Tu es plusieurs personnes. Je suis je, je suis tu, tu es nous, nous sommes elles et parfois il.

Dans ma tête, j’établis un plan : un chapitre par personnage: la fille, la femme, le garçon manqué, l’étudiante, la professeur, la graphiste, la voyageuse, l’amoureuse, l’amie, la sportive, la sœur, la jeune, la sociable, la verbo-moteur... et plusieurs encore. Le «je» du jour, le «tu» qui peine à se reconnaître devant le miroir, le «il» qui ne porte ni robe ni jupe, ne se rase pas, le «elles» quand je me sens féministe et solidaire...

Et comme Kevin Lambert, comme dans tous mes livres, 
« J’ai ce besoin d’un projet à l’autre de métamorphoser la forme. Je pense chaque forme de manière indépendante, par rapport à l’histoire que je veux raconter. Je n’adapte pas mon sujet à mon style. Pour chaque sujet ou personnage qui m’intéresse, j’adapte mon écriture. »
La forme serait par fragments. Paragraphes, espaces, alinéa. Comme Foekinos dans Charlotte. Comme Nuit de foi et de vertu de Louise Gluck que Ruth Major vient de me faire découvrir. Comme les poèmes que j’écrivais à 15 - 17 ans.

Et comme Kevin Lambert encore :
« Mon inspiration vient beaucoup de la littérature. La littérature me donne accès même à des souvenirs. J’ai l’impression de ne pas me connaître quand je ne lis pas. J’ai besoin de me nourrir d’autres écritures. […] Il y a toujours une partie de choses que j’ai connues dans ce que j’écris. 
Dans la vie, on comprend rarement les actions ou les motivations des autres. »
En lisant les autres, je me, je nous, je vous comprends mieux.

« L’identité ne m’intéresse pas, parce que l’on est aussi ces masques que l’on a mis en chemin pour se protéger. »
En revanche, l’identité m’intéresse.
Mon premier livre publié, Je me veux, disait déjà que je cherchais à savoir qui j’étais. Pourtant je n’aime pas les étiquettes si elles sont jugement ou amalgame réducteur, comme si on était qu’une identité.

Je n’ai jamais senti le besoin de dire devant tout le monde qui je suis. Ma mère, par son exemple, m’a appris la discrétion. Les années 60-70 nous demandaient la pudeur, la réserve. Chez nous, autour de nous, on ne parlait ni de nos amours, ni de nos sentiments. On parlait de nos actions, nos études, notre travail. De cuisine ou de sports. Même mes lectures étaient visibles mais pas commentées. Libres par contre.

Dans les livres, je me, je te, je nous, je vous cherchais. 
Je me suis crue philosophe en lisant L’Être et le néant de Sartre.
Je me suis vue actrice en lisant et en jouant la bonne dans La cantatrice chauve de Ionesco.
Je pouvais aimer garçon et fille en lisant Virginia Woolf, Anaïs Nin, Simone de Beauvoir.

À chaque livre, j’étais une nouvelle personne.
Je voulais être écrivain pour être entière, tout à la fois. Et comprendre qui je suis. Ou en tout cas essayer.

Et finalement, il est six heures du matin, la chatte ronronne à mes pieds, mes pensées s’enfuient à mesure que le soleil éclaire le jour. Je m’endors enfin, le cœur un peu plus calme, avec l'impression d'avoir fait le tour de la question. Les espoirs de les écrire pour vrai ces chapitres, enfuis. Je sais que je n’ai plus le souffle pour écrire une centaine de pages, ni les contacts pour être publiée. Le blogue me permet d'écrire court, même quand je pense long!

Le jour, entre les repas et les baignades, j’irai voir quel livre j'achèterai le 12 août.

Et j’écrirai. Encore.
Mais si Kevin Lambert crée des personnages pour exprimer qui il est, je n’en suis plus là. Je suis dans les explications, les constatations. Je n’irai pas jusqu’à dire l’analyse, je n’ai jamais été forte dans les dissertations, les essais. Je préfère la romance.

Aujourd’hui, c’était la blogueuse.
Et ce soir, elle se couchera tôt!

mardi 9 juillet 2024

Fragmentée-s

Presque chaque matin, survol des nouvelles acquisitions à la BAnQ et Biblio Outaouais / Prêt numérique. Presque chaque semaine, un regard vers ce qui se publie au Québec.
Volontairement vers le féminin.
Ce matin, les mots écrire, écriture, avant le mot littérature.
Qui me mènent au livre  Écrire au féminin au Canada français.

J’y passe l’avant-midi. Parmi ces universitaires qui ont un vocabulaire que je n’ai/n’aurai jamais. Devant leurs mots que je ressens plus que je ne comprends.
Je note les noms, nouveaux pour moi, qui existent pourtant depuis longtemps, si près (au Canada) : Lise Gaboury-Diallo, Andrée Christensen, Simone Chaput.
Je note des thèmes : l’identité fragmentée ou cette impression de duplication du soi.
Je retiens les mots : fragments et double.

            mon id / entité n’est qu’une série
            d’approximations
            une foule d’éventualités
            fragmentées
            mes réactions
            une litanie changeante selon la mesure
            de l’urgence
            moi toujours à refaire
            à rattacher à mon esprit volage
                                            Lise Gaboury-Diallo

Être tant de personnes dans une seule, avoir tant d’identités. Les accepter, les aimer toutes. Sans toujours les comprendre.

L’après-midi, encore la preuve : pourquoi avoir tant tardé pour aller voir le dentiste?
Un an que mon dentier du bas me fait mal. Pas tout le temps, pas à chaque repas. Juste à droite.

Du déni, certes. De l’orgueil sûrement. Ça va passer, ça ne fait pas si mal.
Toujours cet autre moi (un des) qui ne sait pas décider, qui ne sait pas ce qui est bien pour elle. Dépendante et indépendante à la fois, qui veut prouver quoi à qui? qui attend que ça passe, qui passe après les autres. Comme ma mère.

Même pas une question d’argent, l’ajustement fut gratuit. Même après un an.
Je suis de diable et d’ange. De bourreau et de martyre. D’accusations et de pardons. De beaucoup de mots et de peu d’écoute pour moi-même. De tout et de rien. De mal et de bien. 
Compartimentée-s, fragmentée-s.