mercredi 30 novembre 2022

Autour du 30 novembre 2022

30 novembre 2022: entre dates et écrivains.

Jacques Lamarche en 2000
Mon père aurait eu 100 ans.

100 ans aussi, demain, pour le terrible feu de Terrebonne. Je le sais parce que mon père a toujours dit qu’il était né le soir du feu de Terrebonne (en fait, il est né la veille) et qu’à cause de ce feu, son oncle n’avait pu venir à l’hôpital voir sa sœur.

Un autre événement qui s’est produit autour de sa date d’anniversaire : l’écrasement d’un avion à Sainte-Thérèse de Blainville. Ses deux meilleurs amis, Mona Langlois et Albert Roy, sont morts ce jour du 29 novembre 1963. (Ci-dessous, lien vers la photo)

Cette semaine, Nicole Brossard a reçu le prix Gilles-Corbeil. Ma famille l’a connue en 1969, au début de sa carrière. Elle a été la première lectrice d’un de mes manuscrits.

Mon père a-t-il rencontré Antonine Maillet? Probablement, mais hier, j’ai écouté l’entrevue qu’elle a donnée à André Robitaille. Julie Mainville en parle dans le blogue télé de Radio-Canada. Elle a retenu la même phrase que moi :
J’avais besoin de cette espèce de respect que donne la distance. J’avais besoin de la perspective et de la nostalgie. On n’écrit pas si on ne s’ennuie pas, si on n’a pas quelque chose à dire qui vient de très loin.
Ce matin, donc je dois être nostalgique. Envie de me rappeler ce que le 30 novembre représente pour moi. Envie de relire sur ces écrivains: leur vie, leurs livres. 

Lien vers écrasement de l’avion >>>
Lien vers l’entrevue d’André Robitaille avec Antonine Maillet >>>
Lien vers Jacques Lamarche>>> 

samedi 29 octobre 2022

Exercice pour se remettre en forme

Ceci est un exercice. Écrire ce n’est pas comme la bicyclette, c’est plutôt comme la course à pied : il suffit d’arrêter d’écrire quelques jours pour être rouillée, devoir recommencer à presque zéro parce que l’esprit est un peu engourdi. Et probablement ne pas trop savoir où on va. Y aller quand même. Quitte à s’arrêter plus souvent.

Donc le dernier mois, dix jours de Covid, de menus travaux d’automne (ai-je dit menus? Ce fut de gros travaux, suite du derecho de mai, mais menus pour moi qui ne fut qu'une aide) et des jasettes entre amies m’ont occupée le corps et l’esprit. Malgré tout, quelques lectures m’ont comblée! Mais lire, c’est un peu comme écrire : faut avoir la tête à ça.

Annie Ernaux a remporté le Prix Nobel, en feuilletant son livre lu en 2015, Écrire sa vie, je m’aperçois que je n’ai pas lu Mémoire de fille. Ce qui fut fait. Il est vrai qu’elle se répète, mais quel·le auteur·e ne le fait pas? Suis heureuse de constater qu’elle n’aime pas les étiquettes:

« Lorsque quelqu’un referme un livre qu’il a lu, il ne se demande pas s’il a lu un roman ou un récit, il sait juste s’il a lu un bon ou un mauvais livre. »


Ce qui me donne à penser que je lis pour les mêmes raisons que j’écris : pour comprendre ma vie, et si possible LA vie. J’ai lu des livres de philosophie, de psychologie. Mes préférés ces années-ci : les récits. De vie.

«[...] nous n’avons qu’une vie alors, lire celle d’un autre humain agrandit et prolonge la nôtre. Pourquoi ? Pour reprendre le contrôle.
Écrire c’est reprendre le contrôle. Le contrôle sur le vécu vécu.» 
(Aline Apostolska dans un article sur Annie Ernaux)


Dans cette thématique du « je », j’ai enchaîné avec La lettre aérienne de Nicole Brossard. À lire lentement.
« Je se censure partout dès qu’il s’écrit »

Visiblement, je cherche un miroir. Voir ma vie écrite dans un livre pour voir où elle va après avoir retrouvé ce qu’elle a été ailleurs que dans mes souvenirs. Plus je vieillis, plus il n’y a que moi qui m’intéresse. Plus de temps à perdre avec ce qui ne me rejoint pas.

Entre deux récits de vie, je me suis laissé tenter par Les marins ne savent pas nager. J’ai beaucoup aimé les 200 premières pages. Le décor de l’île : je me revoyais à Terre-Neuve. Le vocabulaire très riche et très autre siècle. Toute mon admiration à l’auteure pour son travail original. Mais pas de conflit à résoudre, pas d’attachement réel aux personnages. Donc pas d’identification à part cette île dans laquelle j’irais bien habiter... deux semaines. Y lire sûrement.

Je suis revenue à plus personnel, j’ai enchaîné avec Quand viendra l’aube de Dominique Fortier.
Quand je lis : « je ne vois pas quand les mots reviendront; j’ignore s’ils reviennent jamais ou s’ils ne font que nous visiter une fois pour tourner les talons, dépités, quand on tarde à leur ouvrir la porte », ça me pousse à « ouvrir la porte » pour voir si mon besoin d’écrire s’est envolé.

Au lieu de me dire que Dominique Fortier a été chanceuse d’avoir été assistante de recherche de François Ricard, chanceuse d’avoir poursuivi des études en littérature, je me demande plutôt en quoi j’ai été chanceuse dans ma vie. La liste est longue certes et chaque « chance » m’a menée là où je suis et a fait de moi ce que je suis. Mais (toujours ce mais qui dit le doute et fait croire a une insatisfaction) quelles autres chances aurais-je pu avoir pour être... Et chaque fois je me demande être qui? Qui aurais-je tant voulu être? Je cherche dans les livres ce « qui », ce « je ».

Dans ce récit, Dominique Fortier nous parle de la mort de son père, de sa fille, de ses promenades dans le Maine... et de son écriture. À la fin elle se demande :
« Ces pages tracées pêle-mêle pendant des semaines dans les heures d’avant l’aube auront-elles éclairci quoi que ce soit? Je n’en suis pas sûre. À qui sont-elles aujourd’hui destinées? Je ne saurais pas davantage le dire. Aurai-je réussi à ménager entre les lignes l’espace nécessaire pour que l’on arrive malgré tout à y déchiffrer ou à y déposer des bribes de sa propre histoire? Je l’espère, sans trop oser y croire. »
Je lui ai répondu Oh que oui! Parce que si je n’ai pas de fille, mon père est mort, j’adore la mer, et évidemment... les mots.

Puis, sans me souvenir comment, je suis passé à Hantises de Frédérique Bernier.
« [...] En attendant d’être plus courageuse que sa peur, on convoque ses auteurs, on se pare des références qui tapissent sa bibliothèque intérieure, espérant que l’écho des voix admirées couvre les réverbérations muettes et criardes de la terreur qui s’agite en soi. Dire ne semble admissible qu’en rétrospective, quand l’aventure est derrière soi, alors que, rescapée de la grotte, on sait que l’on n’y laissera pas sa peau et sa raison. »
(Hantises, Frédérique Bernier)

Il y a aussi :
« Dévorant Les vagues de Virginia Woolf, il y a de cela plus de quinze ans, j’ai le souvenir de m’être dit, comme si je me révélais alors à moi-même une vérité capitale, que vivre avait valu la peine ne serait-ce que pour cela, pour avoir lu ce livre. Ces pages qui m’avaient secouée, mise sens dessus dessous comme un raz de marée, venaient justifier mon existence. »

Et comme je n’ai pas réussi à être happée à ce point par les livres de Virginia Woolf (n’en ai terminé aucun, sauf Une chambre à soi), peut-être ne suis-je pas comme ces lecteurs et lectrices — dont Frédérique Bernier, visiblement — pour qui un livre réussit à justifier l’existence. Ou je n’ai pas encore trouvé LE livre. Alors je cherche. Je trouve par petits bouts. Des extraits ici et là. Et me voilà à noter des phrases marquantes, à citer des auteur·e·s, comme tant d'écrivains le font ces années-ci.

Voilà, fin de l’exercice pour aujourd’hui.
Je m’en vais me faire vacciner. Contre l’influenza puisque paraît-il, il faut attendre trois mois avant une nième dose si on a eu la Covid.

Et vous, dites-moi vos occupations, vos préoccupations d'hier ou de demain.


lundi 3 octobre 2022

Ma Petite-Nation... encore et pour toujours

Avant le sujet, un trop-plein. Il ne s'agit pas du livre que vous voyez, celui-là il est formidable!

Il faut quand même que je le dise, même si ce n'est pas bien de commencer par du négatif. J’ai râlé, j’ai péroré, j’ai déblatéré contre un livre paru en 2021 (que je ne vous montre surtout pas pour ne pas trop le faire exister), mais que je n’ai vu que cette semaine. Le pire cas que je connais : sur la couverture, un titre de trois lignes en anglais; à l’intérieur, une dédicace en anglais, des citations en anglais... et les sous-titres des poèmes en anglais... jusqu’à la page 17! Pourtant oui, les poèmes sont bel et bien en français. Grrrr!

Comme je me suis déjà exprimée sur ce sujet qui me hérisse au plus haut point dans le billet du 30 août, je passe à ce qui, ces jours-ci, me réjouit, ravit mon esprit, s’adresse à mon cœur.

Pays littéraires du Québec qui date de 1998. Moi qui aime voyager en cherchant les traces de tel ou tel écrivain, en visitant les lieux avec leurs mots, comment suis-je passée à côté de ce livre toutes ces années? L’auteure, Denise Pérusse, s’exprime ainsi en parlant de son livre : « [...] j’ai sillonné le vaste territoire québécois pour repérer les sentiers ouverts par nos écrivains. Remonter aux sources de leur inspiration, mettre en lumière le décor, le cadre qui a titillé leur fibre littéraire et surtout donner au lecteur d’ici et d’ailleurs l’envie de découvrir le Québec à travers leurs œuvres. »
Un livre à emporter, à laisser tout près de soi quand on traverse telle ou telle ville et qu’on s’arrête dans telle ou telle rue. Qui m’a donné envie de revoir Louiseville, Yamachiche, Saint-Casimir, le Chenal du Moine, Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier. De lire et relire Alain Grandbois, Jacques Ferron, Anne Hébert, Gabrielle Roy.

J’aimerais bien une nouvelle édition avec des écrivains qui ont émergé depuis.

Tout en lisant les magnifiques descriptions de ce guide des lieux d'écrivains, je me demandais qui présente aussi bien ma région.

Quel écrivain serait de la « géographie littéraire »? Qui immortalise la Petite-Nation? Les romanciers ou poètes ou bédéistes d'aujourd'hui dépeignent-ils autant les maisons, les terres, les rivières que les écrivains des précédentes générations?

Le nom de Jean-Guy Paquin me vient à l’esprit. Des livres qui nous font connaitre les lacs, les rivières, les Weskarinis, ces gens d’avant Papineau, d’avant le château Montebello, d’avant le tourisme.
Lien vers les livres de Jean-Guy Paquin >>>

Je dirais aussi Jean-Paul Filion, né à Notre-Dame-de-la-Paix, mais on l’associe plutôt à Saint-André-Avellin.
Lien vers biographie de Jean-Paul Filion >>>

Sur la presque centaine de publications de mon père, Jacques Lamarche... sûrement plus d'un texte.

Pour écrire un texte valable sur ce sujet, il me faudrait consacrer plusieurs mois, voir une année pour rapailler toutes les informations. Ça ne fait pas partie de ma liste de «choses à faire avant de mourir».

Tout de même, en pensant aux compositions obligatoires de mes années scolaires, je me rappelle que j’étais assez nulle en descriptions. La quinzaine de villes que j’avais connues ne m’émouvaient pas au point d’avoir envie d’en parler. Ni en bien ni en mal.
Pourtant, à la fin du siècle dernier (mon Dieu quel âge ai-je donc pour pouvoir parler du XXe siècle?), j’ai commencé à côtoyer des artistes peintres. Pendant que Louise Falstrault et Marthe Blain croquaient sur le vif un paysage, j’écrivais sur ce qu’elles regardaient. Et là l'émotion montait.
Je me suis enracinée dans cette Petite-Nation choisie. Entre autres avec des mots, d'amour j'ose croire.

Pour rappel, ces mots publiés il y a vingt ans.

                            


jeudi 22 septembre 2022

Entre été et automne : septembre


Départ au début septembre quand c'était encore l'été. En shorts et sandales. Le cœur au beau et chaud.

Retour à la mi-septembre quand c'était déjà l'automne. En pantalons et souliers. Le cœur un peu flâneur.

Aujourd'hui, devant un arc-en-ciel qui dit le soleil et la pluie, à entendre les outardes et à voir les érables rouges, enfin un peu de temps pour réunir idées et photos.

Entre la fin de l’été et le début de l’automne, il y eut le fleuve, la mer, les bateaux, pas de baleines, les galeries d’art de Baie-Saint-Paul et de La Malbaie, les mosaïcultures à Québec, le zoo Miller en Beauce, la côte de Saint-Joseph-de-la-Rive. Et de retour à la maison, la joie de revoir les couchers de soleil qui repoussent la petite voix qui pense à « casser maison », la lecture du livre du « 12 août » enfin reçu. Écrire un peu. Mais aussi les travaux, les obligations.

Entre ciel bleu et nuages gris, ne pas succomber à l’humeur chagrine du temps qui passe. Toujours trop vite.


dimanche 4 septembre 2022

Parlons d'art figuratif

Chez l'artiste peintre Louise Falstrault, en 2008

C’était en 2008, c’aurait pu être en 2000... c’était la fin de semaine de la Fête du Travail. C’était surtout une des tournées des ateliers des Créateurs de la Petite-Nation. Une douzaine d’artistes peintres et artisans, tous professionnels au sens où c’était leur principal revenu.

Des artistes peintres figuratifs pour la plupart.
Et la tournée était très courue. Jusqu’à 2000 visiteurs certaines années.

Si j’en parle, c’est que dans les medias, il est question de la rentrée : de nouveaux livres, de nouveaux spectacles, de nouvelles émissions télévisuelles, de nouveaux films... et des expositions dans les galeries et es musées.
Mais de quelles expositions s’agit-il? Que des artistes en art contemporain! Que de l’abstraction! Pourtant, les artistes peintres figuratifs existent encore, produisent encore. On peut voir leurs œuvres dans des symposiums, dans des expositions régionales, dans les galeries de Montréal, de Québec, de Charlevoix, des Laurentides.

Pourquoi les journalistes n’en parlent-ils pas? Pourquoi ne les voit-on pas dans les médias? N’y a-t-il donc que les arts qui s’étudient dans les cégeps et les universités?

Comme chaque mois de septembre, je vais me promener. Ce fut déjà Cape Cod, la Gaspésie, les parcs de la baie Georgienne. Cette fois (encore) Charlevoix. J'entrerai dans toutes les galeries d’art à Baie-Saint-Paul et à La Malbaie. Même chez quelques artistes qui ouvrent leur atelier au public.
Je vais me délecter des paysages, des maisons, des humains que nos artistes québécois ont peint et peignent encore. Le groupe des Sept, les membres de l’institut figuratif, les nouveaux comme les anciens artistes des symposiums. Et me souvenir de ces belles tournées des Créateurs de la Petite-Nation.

D’ailleurs, les Créateurs existent encore et cette année, ce sera le Festival de l’argile à Plaisance les 11 et 12 septembre.


mardi 30 août 2022

Ange et démon à l'aube

Encore couchée, j’ouvre ma tablette, je lis les nouvelles du jour, je cherche les nouveautés littéraires. Dans La presse+, sur Facebook, je m’attarde chez Babelio. Je comprends enfin que le roman Pascale de Françoise de Luca est le Reine réédité en 2015. Dommage, je croyais que j’aurais un Françoise de Luca de plus à lire.

À peine réveillée, j’écris déjà. Dans ma tête.
J’émets des opinions, je formule des objections. Je me pose des questions et je tente des réponses. Le diable sur une épaule, un ange sur l’autre. L’un comme l’autre, ils ont l’argumentaire un peu court. Et depuis quelques jours, ils radotent. Au sujet du français. Encore.
— As-tu vu les deux livres : No Man’s land de Charlotte Bigras aux éditions Druide et Difficult women de Roxane Gay aux éditions Mémoire d’encrier.
— Pourquoi tu nommes les éditeurs?
— Parce que je les considère aussi fautifs — les premiers fautifs — que les auteures.
— Oui, mais le Difficult women, c’est une traduction.
— Pas une raison. Au contraire, il y aura double confusion. De plus, les libraires peuvent les placer dans les livres en anglais.
— Vas-tu les lire?
— Je ne sais pas encore. Qui vais-je punir en refusant de les lire pour la seule raison que les titres sont en anglais?
— Arrête donc de chialer, arrête de penser et de faire des phrases tout le temps. Lève-toi ou rendors-toi.
— Si tu n’étais pas toujours là aussi pour rajouter ton fion!
— Et toi, tu n'en laisses pas passer une, tu cherches juste les fautes, les erreurs. Tu es obsédée, une accrochée-de-la-loi-101-qui-ne-décroche-pas, une puriste.
— Bon, alors, je ne dis plus rien.

Dans cette aube naissante, mon esprit vagabonde. Je me revois au journal quand je changeais le mot gaz/gas en essence dans une annonce, quand j’admirais ma mère en train de feuilleter le dictionnaire Dagenais à la recherche du bon mot, quand le vendredi, j’appelais à l’Office de la langue française et que je discutais avec une linguiste, quand l’après-midi je parlais à l’imprimeur de trame au lieu de screen. Je sentais qu’on s’améliorait, je donnais l’exemple, ça portait ses fruits. Aujourd’hui, donner l’exemple ne suffit plus. Je n’ai plus de tribune pour influencer qui que ce soit.

L’impatience de mon petit diable et de mon ange faiblit, ils se réconcilient ou plutôt ils se taisent... jusqu’à la prochaine dispute.

Je me lève, je vais déjeuner. En lisant Les filles bleues de l’été de Mikella Nicol. Encore une histoire d’amitié entre filles. Je suis partie là-dessus.


vendredi 12 août 2022

Mon 12 août 2022

 


Je n’ai jamais entendu ou lu le nom de cette auteure. Et la poésie n’a jamais été mon premier choix, mais depuis quelques années, je tente un rapprochement par l’avenue de la prose poétique.

Aussi quand Hugues Corriveau dans Le Devoir du 10 juillet a écrit un article à propos de Quand je ne dis rien, je pense encore de Camille Readman Prud’homme...
quand Daniel Guénette, dans Le blog de Dédé-blanc-bec — un titre qui ne dit pas tout le sérieux des billets — parlait aussi de l’intelligence de ce livre...
et sur le site leslibraires.ca, l’icône « OUI » est apposée...

Je n'ai plus hésité.
Quant au deuxième livre, cette fois ce fut le nom des auteures et le sujet qui m’ont guidée.

C’est le choix de mon « 12-août-j’achète-un-livre-québécois ».
Commandés à la Librairie Rose-Marie de Buckingham (Gatineau).



vendredi 5 août 2022

Depuis 50 ans

Même si je n’ai jamais tenu à souligner les anniversaires — le mien en tout cas —, je retiens tout de même quelques dates importantes.
Comme celle du 5 août 1972 quand je suis entrée par une fenêtre.

Mes maisons, mon histoire
Je devrais dire les maisons. Les treize premières sont les maisons de mes parents et non les miennes, mais elles forment tout de même la trame de ma vie. Elles disent mon enfance, mon adolescence. Les lieux habités, la langue parlée, les personnes aimées et... quittées.
Elles me servent encore de repère pour situer certains événements de ma vie.

Treize maisons, trois chalets en vingt-deux ans.
(Les photos proviennent soit d'archives personnelles soit de Street View)


Mes parents se sont connus et se sont mariés à Saint-Eustache-sur-le-Lac (devenue Deux-Montagnes). Après leur mariage, ils sont restés un temps au chalet paternel, vieux chemin Oka.
En 1948, ils ont déménagé sur la 30e avenue.
Quand je suis née, en 1950, ils étaient sur la 18e avenue.
En 1952, nous vivons quelques mois sur la rue Fleury, à Montréal
De 1952 à 1954 : au moins une maison à Niagara Falls, Ontario
Et puis ensuite...













En regardant les photos...
Pour chaque maison (sauf pour les deux premières dont je n’ai aucun souvenir), je pourrais écrire les rires et les larmes, les peurs et les audaces, les succès et les défaites, mais je me contenterai d’une image ou d’une scène marquante.

Niagara Falls : tout est en noir et blanc, une silhouette, quelqu’un passe rapidement devant la fenêtre. On me dira qu’un voleur est entré dans la maison.

Rue Saint-Germain : J’ai avalé un Life Saver. Je m’étouffe. Je tousse. L’ambulance m’emmène à l’hôpital Pasteur. Scarlatine. Au bout de vingt jours, par la petite vitre de la porte, mon père me fait signe. Bien avant la fin de la quarantaine, il me ramène à la maison, il n’en pouvait plus de me voir toute petite dans ce grand (et haut) lit blanc, m’a-t-il dit souvent.

Rue Du Collège : Mon frère et moi jouons à nous lancer une balle bleu blanc rouge. Commandant, le chien de mes grands-parents court après la balle. Dans la rue, je le vois se faire écraser. J’en rêve encore.

Chalet de Baie de l’ours : les longues baignades, les jeux sur la plage, les cousin.e.s, la messe à Montpellier, le magasin général Gagnon à Chénéville.

88e avenue : septembre, au retour d’un été au chalet. Sur le mur gauche de la maison, mon premier bicycle. Le premier d’une longue série.

Rue du Parc : Pâques. Chez les guides, j’ai gagné le gros lot : un gros lapin, quatre moyens, huit petits et une centaine de petits cocos. On casse, on choisit, on mange, on emballe, on congèle. Nous en aurons jusqu’en juin.

Chalet à Saint-Michel-de-Bellechasse : la longue plage à marée basse, tellement longue tellement bouetteuse que je renonce souvent à la baignade.

Rue Sainte-Marie : Une maison imposante. Les oreillons de mon frère. Ma mère pleure, la mort de mon grand-père.  

Rue Deguire : Ma mère est une Deguire, elle me rappellera que le grand-père de mon grand-père avait une belle terre à ville Saint-Laurent. Que deux de ses tantes étaient religieuses au couvent (collège Basile-Moreau). Encore aujourd’hui, je dis que je viens de ville Saint-Laurent : dix ans de ma vie quand même.

Chalets du Père Caron : les nouveaux amis du bout du chemin, les pique-niques aux chutes Lookbows, la descente de la rivière Petite-Nation en canoë (je ne savais pas alors que tout ça se retrouverait dans mes romans).

Rue Côte-Vertu : là où j’avais une grande chambre (mon frère et moi alternions à chaque déménagement, c’était mon tour, j’ai été chanceuse, je l’ai eue cinq ans), là où j’ai transformé mon garde-robe en bureau d’études et d’écriture, là où j’ai eu un piano pendant un an.

Baie de l’Ours : après une longue nuit de questions, j'ai dit oui au lac, oui à la campagne, oui à l’enseignement, mais aussi non à l’université, non aux bibliothèques municipales, non au théâtre. 


Les fenêtres : une ouverture vers l’imaginaire, la liberté, la fuite parfois.
Entrer par une fenêtre.
Une fois, à Lévis, rue du Parc, aujourd’hui avenue Arthur-Fafard, été 1963. Je suis en punition dans ma chambre. Trop choquée pour lire. Je veux m’enfuir, partir loin, m’évader. Maison à paliers, fenêtre à coulisse, je l’ouvre facilement, je sors, je cours, je m’éloigne. Je ne reviendrai qu’à l’heure du souper en entrant par la même fenêtre que j’ai laissée entrouverte. Ni vu ni connu ni entendu parler.

Une autre fois, à ville Saint-Laurent, Côte-Vertu, été 1966. Mes parents sont au chalet, j’ai manqué le train pour les y rejoindre, je décide de coucher à la maison. Je n’ai pas la clé. Je grimpe sur la selle de ma bicyclette, je m’accroche au long tuyau qui renferme les fils d’électricité (le rouge sur la photo), et je grimpe sur la galerie. Je réussis à ouvrir la fenêtre et je pénètre dans la maison. Le lendemain matin, je manquerai encore le train, mais c'est une autre histoire.

Et la dernière fois. Le 5 août 1972.
Après un voyage au Mexique, après un simple (et ingrat quand j'y repense) au-revoir-merci-pour-tout-je-vous-invite-bientôt à mes parents, je suis partie du lac Simon avec tout bagage ma couverture-doudou. Hâte de m’installer chez une amie qui veut bien de moi comme coloc. (« Soit j’ai un chien, soit j’ai une colocataire » m’a-t-elle dit. Elle a eu les deux!)
Sauf qu’elle n’a pas encore la clé de la maison qu’elle vient d’acheter. Elle pas pressée, moi si. Qu’à cela ne tienne, je lui offre d’entrer par la fenêtre (sur la photo d'hiver, la petite à gauche de la porte).
Ce que je fis.

L’adulte devenue a continué d’aimer le lac, et d'aller voir le fleuve.
L’adulte devenue n’a pas choisi, n’a pas acheté la maison.
En entrant par la fenêtre, en choisissant ma chambre, je n’ai pas senti que c’était dans cette maison que ma vie commençait.
Mais peu à peu ...
la maison que j’ai rénovée 
la bibliothèque que j’ai créée
la galerie et le terrain où j’ai installé des chaises de jardin
le ruisseau Sam dans lequel je me suis baignée
les pins rouges que j’ai vu croître, que je vois plier sous le vent, parfois sous les rafales
les oiseaux que j’ai nourris
le vent d’ouest omniprésent que certains jours je crains
les silences de l’hiver
la quiétude des merveilleux couchers de soleil
sont devenus mon havre, mon refuge, ma stabilité. Ma vie.

Là où je calme mes peurs. Là où je confie mes secrets. Là où j'ai écrit mes livres. Là où j'ai connu l'amour. Depuis cinquante ans. 

Et pour vous, que représente la maison, votre maison?

jeudi 14 juillet 2022

En attendant



Attendre.
Dans les files celles aux douanes celles au marché d’alimentation. Souvent la mauvaise.
Dans les salles de CLSC de cliniques d’hôpitaux.
Mais ce matin dans l’auto un plaisir du temps pour lire.

Montréal coin Rouen et De la Salle. À l’ombre des arbres qu’il faudra bien un jour apprendre à identifier.
Lecture de D’autres font du vitrail d’Isabelle Dionne. L’éditeur Hamac que j’aime depuis leurs tout débuts publie des carnets des blogues des fragments un de mes styles littéraires préférés ces années-ci.
Entre deux paragraphes je lève les yeux je prête l'oreille je n'en ai qu'une de toute façon qui entend. Rue tranquille mais par les fenêtres ouvertes je perçois les babils d’enfants qui passent en rang deux par deux. Sur le trottoir opposé un homme au téléphone : « C’est une affaire de marde, je vais devoir rappeler tout le monde, tout annuler. » Il tourne sur Rouen. En attendant le vent le silence revient.

Attente mais sans impatience. Ce n’est pas moi qui suis chez l’ophtalmologiste. Pas moi qui aurai une greffe de la cornée, une deuxième.
Dans l’auto je me sens à l’aise. Presque à l’abri. Pas d’idées noires. À quinze ans j’avais peur de marcher seule sur la rue. La bicyclette me protégeait des obsédés. Aujourd’hui l’auto. Quand donc cessera cette peur d’être agressée pire violée? Mes rides et mes cheveux blancs me garantissent-ils l’indifférence des passants?

« La souffrance en chacun tente de sortir » Isabelle Dionne parle de mort du suicide d’un frère.
Devant la souffrance des autres je m’enfuis « au pays des pages perdues ». Lire les mots des autres fait moins mal que d’écouter les paroles des personnes aimées. La lâcheté me mène vers l’écriture. Vers la solitude aussi.

Dans le livre la narratrice « cherche un exemple d’ellipse ». Je n’ai pas le wi-fi ni de données mobiles pour chercher ce qu’est une ellipse. Je ne sais plus rien sans Google. Mon cerveau saturé d’informations ou paresseux.

Un homme et une femme marchent bras dessus bras dessous. Lui avec une canne blanche. Freiner mon esprit ne pas le laisser aller vers un scénario pire qu’une greffe de cornée la perte d'un oeil.
Retourner à Isabelle Dionne toujours plus facile de vivre la vie des autres que la sienne. Je pense bien que j’en fais des ellipses. Du pastiche c’est certain par pure admiration du style d’un·e auteur·e. Vous permettez Isabelle Dionne? Ma façon de vous dire mon admiration. Ma façon de dire que j'adore votre livre. Ressemble à ceux de Lynda Dion que vous remerciez à la fin. 

Dernier fragment : « Le geai bleu » un geai bleu renfermé, un geai bleu libéré.
Chez moi aussi le geai bleu est devenu un symbole. Pendant mes convalescences, il est venu souvent me visiter. Me tenir compagnie. Me libérer?

Fin du livre. Merci Isabelle Dionne. Merci Hamac.

Début de la véritable attente. Un début d’inquiétude aussi. Deux heures. Habituellement pas si long. Hâte de savoir. Hâte d’être à la maison. L’été n’est pas si chaud. La piscine est laiteuse. Saura-t-on jamais si les nitrites et nitrates des champs autour de chez nous causent nos maladies? Cinquante ans que je reste en face d’un champ de pommes de terre/maïs/soya, ça laisse des traces.

Tiens, prochain billet : mes maisons, ma maison.

Et vous comment supportez-vous vivez-vous les attentes?


dimanche 10 juillet 2022

Souvenir de framboises

 

Devant la maison, quelques traces encore du derecho. Derrière, le vert des feuilles omniprésent. Les rares framboises rouges contrastent, mais s’harmonisent au décor. Elles sentent l’été, elles disent juillet.

J’ai 8 ans, j’ai 13 ans, j’ai 16 ans, j’ai 20 ans, je marche dans le chemin Caron qui mène à la baie de l'Ours (lac Simon), à la recherche de framboisiers.
Le 16 juillet, ce sera la fête de ma mère. Je lui offrirai son fruit préféré. Certaines années, une poignée tout au plus. Je comblerai par un bouquet d’épervières et de marguerites.

Ma mère aurait eu 98 ans cette année. Elle est morte il y a dix ans. Et pourtant, en voyant l'unique framboise rouge (que le geai bleu s’est empressé de manger), c’est elle qui m’est tout de suite venue à l’esprit.

Est-il vrai qu’en vieillissant ce sont les événements de notre enfance qui surgissent le plus souvent? Où est-ce moi qui exalte ma mémoire? Ce moi qui pense tout le temps, ce moi qui cultive les associations d’idées?
Ce moi qui, ce matin, en lisant Blonde de Joyce Carol Oates, revoit encore sa mère. 
« Blonde n’est pas une biographie de Marilyn Monroe. Blonde est un roman sur ma mère, sur la vôtre, sur toutes nos mères un peu spéciales. » 
Justine Lévy dans la préface de Blonde
Je me rappelle de l’endroit où j’étais à l’annonce de la mort de Marilyn Monroe. En août 1962, nous sommes en Europe, à Paris je crois, sans doute attablés à un café terrasse, après avoir acheté des livres dans une librairie (mon frère un Tintin, et moi, un livre d’Enid Blyton sûrement). Après un long et sombre « Ah non! », mon père passe un journal à ma mère. Celle-ci, moins expressive que mon père, fut quand même surprise de voir que l’actrice avait à peine deux ans de moins qu’elle. Ils sont un peu tristes, je le sens. Je leur demande pourquoi.

J’ai douze ans, et j’aime bien que mes parents me racontent leur première rencontre. C'était à Saint-Eustache-sur-le-lac, dans une salle de cinéma. Ils avaient 16 et 18 ans. Le cinéma, c’était leur jeunesse, leurs sorties, leurs étés, leurs amours. La mort de Marilyn Monroe, ce devait signifier la fin de quelque chose pour eux. Comme toutes les morts.

Comme il est trop tôt pour cueillir des framboises, je retourne à la lecture de Blonde... Mille pages quand même, je risque de m’interrompre pour aller les ramasser ces framboises si les geais bleus veulent bien m’en laisser. Sinon, j’aurai mes souvenirs.

Et vous, que vous rappelle le temps des framboises... ou les années soixante?

dimanche 26 juin 2022

Des noms, des titres?

 

« Quand il ne reste plus rien
Il reste encore à l’écrire. »
Vif oubli, David Goudreault

Des mots qui me confortent, me réconfortent, me donnent le droit d’écrire à mon tour.
Depuis quelques années, je lis moins de romans.
Peut-être par paresse, peut-être par manque d’effort.
Je serais bien mal venue de dire par manque de temps quoique... le temps devant raccourcit, si je puis dire.
Sûrement la concentration qui diminue avec l’âge, pourrait-on me dire! Ne le dites pas.

Chaque matin, Facebook me promène d’un groupe à un journal, à une revue, à un livre.
Je commence Un livre sur Mélanie Cabray que déjà Les noces barbares de Yann Quéffelec m’appelle. Pour rien au monde de Ken Follett me rebute alors que j’ai déjà pris tant de plaisir à lire Les piliers de la terre.

Depuis trois ans je dirais, je lis plus court.
Corollaire, j’écris plus court, et différemment.
Le slam, le rap, la poésie en prose et la prose poétique m’intéressent. M'intéressent davatage quand je peux lire et relire et non pas seulement écouter. Ah! lire les "Lettres à" de David Goudreault!
J’apprends à différencier ces genres.
Alors, curieuse comme toujours, mais néophyte, je cherche, je farfouille, j’attrape au vol, je délabyrinthe les textes. Je me sens une étudiante à l’université, assise à une grande table d’une vaste et riche bibliothèque, une petite lampe devant une pile de livres savants.
Je lis des extraits d’études, des thèses de doctorat, avec des petites notes en bas de pages.
Des textes qui, tels des dominos, me mènent à d’autres textes sur l’inventivité, l’esthétisme.
J’effleure tout au plus.
Parfois, je me demande si je ne cherche pas les notes de cours d'un professeur en création littéraire!
Comme du temps à rattraper, du temps que je n'ai pas connu.

Je ne cherche pas nécessairement le texte militant, ni le parler populaire, ni l’effet théâtral, ni même une intrigue. En fait, je ne cherche même pas un genre littéraire.
Mais toujours une émotion.
« La prose est celle qui raconte quelque chose, alors que la poésie exprime directement l’état d’âme de l’auteur »

 Tania Collani

Le Charlotte de David Foenkinos a probablement été un des premiers textes de cette écriture incisive qui m’a frappée.
Les adieux de René Lapierre m’a comblée.
Wikipédia m’a appris le nom de Grand Corps malade.
Je relis encore Les Villes de papier de Dominique Fortier.
Comme les livres de Kim Thuy, comme La femme qui fuit.

Avez-vous des noms, des titres?

samedi 18 juin 2022

Là où la terre rencontre la mer

Avant le voyage, il y a le rêve et la réalité.
À 70 ans (et plus), le rêve, c’est vouloir revivre des moments heureux ou revoir des lieux aimés. De voir la mer, de rouler lentement en se racontant des histoires, de flâner dans les villages, de déguster les produits du terroir, de se promener à pied, à vélo.

La réalité, pour nous, c’est que nous n’avons plus de véhicule récréatif, qu’on n’a plus le dos ou les genoux pour la tente, c’est que nous ne passons plus l’hiver dans le sud. Donc des voyages ou plutôt des escapades au printemps ou à l’automne. Parce que l’été, il fait chaud, il y a du monde sur les routes, il faut de plus en plus réserver.

La réalité aussi que même si on a encore le goût du camping, de la table à pique-nique, du petit feu lors les soirées fraiches, il y a le budget. On déplore que les prêts à camper (parfois sans toilette pour la nuit) soient plus dispendieux que des hôtels ou des « cottages ».

La réalité c’est qu’on voit moins loin, mais on choisit plutôt de séjourner plus longtemps à un endroit et de rayonner autour.

La réalité c’est qu’on ne veut plus visiter, mais on veut vivre. Une expérience, une atmosphère.

Où aller?
États-Unis, encore les douanes, passage stressant et anxiogène! Non.
Gaspésie? Côte-Nord? Louer un petit chalet à Tadoussac? Cape Cod? L’Ontario? Pointe-Pelée pour les oiseaux? La péninsule de Bruce qu’on n’a jamais vue?
Entre lac, fleuve et mer, on choisit la mer.
Retour vers un lieu aimé : Île-du-Prince-Édouard (1973), Terre-Neuve (2006), les Îles-de-la-Madeleine (2004)?

On choisit l’Ïle-du-Prince-Édouard.
Le voyage est déjà commencé.
En auto cette fois. Départ prévu : lundi 30 mai.



Et puis, la réalité.
Celle du samedi 21 mai 14 heures 15.
Celle qui a failli faire avorter le voyage.
Celle qui a modulé l’intensité de nos réactions.

D’abord sentir le besoin
D’abord en rêver
D’abord partir

Parce que le « derecho » nous a obligées à attendre la coupe des arbres, la réparation du toit, le retour de l’électricité
Parce que quatre ans auparavant, le VR avait refusé de partir
Parce qu’aucune réservation n’a été payée
Cette semaine à l’Île-du-Pince-Édouard a bien failli ne pas être.

Pour qui demeure en Outaouais, il faut souvent prévoir traverser la province.
Pour qui aime le fleuve, il y a les amies à visiter à Saint-Casimir, à Notre-Dame-du-Portage, à Québec.
Pour qui aime les îles, il est facile de retrouver des lieux communs avec les peintres jadis côtoyés.



Remplacer le vacarme des arbres tombés par la grandeur du lac Témisoucata, la beauté du fleuve Saint-Laurent.
En contre-bas, sur la route transcanadienne, être surprise par le fleuve Saint John.
À Saint-Léonard, arrêter au pays de Clarence Bourgoin.
Écouter les chutes de Grand-Sault.
Saluer de loin la sœur d’une amie à Fredericton.
Traverser les treize kilomètres du pont de la confédération.
Arriver à l'île, chez les frères Jakes and Jos, à Brackley Beach.
Être reçue par Shirley, leur sœur.


Être là-bas, mais encore un peu dans les conifères d'ici.
Ne plus savoir les mots en anglais, les comprendre de moins en moins parce qu’on ne les entend plus.
Pourtant, aimer l’ailleurs, certains ailleurs.
Là où il y a la mer et le vent.
Là où la terre rencontre la mer.
Là où il y a les arbres comme les miens.
Là où il y a le poisson différent des miens.
Là où le vent brise les arbres.
Là où la terre rouge s’étend jusqu’au sable blond.
 

Ce n’est pas un grand voyage, encore moins le voyage de ma vie.
Ce n’est pas le voyage de l’oubli ou celui de la fuite
C’est le voyage des petits plaisirs, des sourires retrouvés au creux d’une falaise, au pied d’un phare, au bout d’un quai.
Le voyage des mots a écrire.
Tant de mots se font sérieux dans les revues.
Tant de phrases se font légères dans les histoires.
Tant de poésie dans les chansons.
Les miens ont besoin de solitude et d'horizon.

Ce n’est pas tant l’île qui permet les mots
Ni le chant de la grive ou du goéland
Ni les fleurs blanches de cerisiers ou mauves des lilas
Ni les couleurs des couchers de soleil
Peut-être seulement l’ailleurs, une fois le calme revenu après la violence d’un trois secondes traumatisant.  

J’allais voir la mer et la tranquillité.
J’ai vu des goulets, des bras de mer, des rivières et de la tranquillité.
J’ai vu d’immenses champs de terre rouge et des dunes de sable blond... et la tranquillité.
Et Charlottetown, à dimension humaine, à l'architecture victorienne et aux couleurs des îles.

 

Partout, il est question d’Anne aux pignons verts et d’Avonlea.
Partout, il est question de homard et d’huîtres.
Partout, il est question de plages et de phares.
Mais, moins publicisés, moins affichés, ce que j’ai cherché partout, trouvé souvent, aimé chaque fois, ce sont les petits ports de pêche et les pittoresques et colorées cabanes de pêcheurs.
North Rustico, Cavendish, French river, New London, Fortune Bay, Souris, Summerside, Covenhead.


Quelle distance me sépare de l’horizon?
Qu’y a-t-il à l’horizon pour tant le chercher?
À tant vouloir y noyer mes peines, à tant vouloir oublier le bruit.
Sans doute veux-je que le temps soit comme l’horizon : sans fin.

Des matins lents, égayés de babillages.
Des jours entre terre rouge et sable blond
Des soirs entre bruit de pluie et couleurs de soleil
Des nuits à oublier le derecho et à rêver de climats réconciliés
À nouveau des matins de soleil, de corps tendres, de bras accueillants, de mots doux.
 

Il faut le silence pour que la parole s’invite.
Il faut le vent du large pour que les arbres s’inclinent
Il faut le temps de flâner pour découvrir les lupins dans les fossés, les phares au fond d'une route.


Et puis vint un matin où je quitte l’île.
En emportant avec moi les mots venus s’y nicher quelques jours.
En espérant retrouver l’horizon et ses vertus.
En gardant en mémoire les images, les sons, les odeurs que je puisse les faire surgir les jours plus difficiles.

Le voyage s’est poursuivi chez une cousine à Notre-Dame-du-Portage, près de Rivière-du-Loup.
À Montmagny où on a assisté au spectacle de Guylaine Tremblay qui nous a fait rire et nous émouvoir à travers les chansons d’Yvon Deschamps.
À Québec et à Saint-Casimir.
Longer le fleuve, voir des amies, raconter l’île, la terre rouge, les fruits de mer les cabanes de pêcheurs.

Après 3000 kilomètres,
Après 17 jours ailleurs,
Il y a le retour à la maison
Avec de la patience, de la bonne humeur accumulées,
Il y a la promesse d’un bel été.
 
Après les mots un peu de chiffres
Le pont : on ne paie qu’à la sortie (50 $ pour notre CRV)
Belle surprise : on a eu deux cartes cadeaux de 100 $ chacune. La plupart des commerçants l’acceptaient. On a surtout bouffé nos 100 $!
Distances : l’île s’étend sur 224 kilomètres et varie entre 4 et 60 kilomètres dans sa largeur.
Prix de l’essence du 2 au 9 juin : 2,13 $
Prix moyen des « lobster roll » ou des « fish and chips (aiglefin) : 17,95 $
Un cornet chez Cow’s : 5 $
Plus belle trouvaille de casse-croûte : Richard’s Fresh Seafood, celui de Covehead (dans le parc national de l’Île-du-Prince-Édouard), le verre de vin blanc, 7 onces, à 7,95 $ était le meilleur qualité/prix.
Cottage : pour une semaine (en juin/hors-saison) : 627,90 $ (taxes incluses)
Entrée parc national : gratuit parce qu’ouvert après notre séjour.

Lien vers le site de Tourisme Île-du-Prince-Édouard >>>

jeudi 16 juin 2022

Neuf jours

Après le trois secondes du samedi 21 mai...

Dimanche 22 mai
5 h
Le sommeil était venu tard, le réveil est venu tôt.
Non seulement pas d’électricité, pas d’eau, mais plus de réseau cellulaire, donc point de données mobiles.
Rien. On est peut-être des milliers dans notre cas, mais on se sent seules au monde.

8 h
On sort notre équipement de camping : réchaud au butane, popote.
On entre une chaudière d’eau (on a trois barils avec eau de pluie) pour la toilette. Des bouteilles d’eau pour le café.
On ouvre le frigo, rapidement, on prend le nécessaire. On pense aux denrées : combien de temps encore le lait, la viande, le fromage, la laitue?
On pense au verglas de 1998. Nous avions été relativement épargnées.
On pense aux Ukrainiens. Il y a toujours pire. Et on ne veut pas que ce soit nous.

12 h
Le réseau cellulaire revient. L’internet aussi, vitesse de tortue.
« Votre appel est important pour nous » chez Hydro-Québec.
« Your call is important to us » chez notre assureur.
Ouvert 24 heures, 7 jours, vraiment?

À l’extérieur, je fais le tour de la maison, j’examine encore le désastre.
Dire qu’on venait de laver toutes les fenêtres. La gomme de pin nous donnera du plaisir, c’est certain!
Dans l’auto, je vérifie le niveau de l’essence : aux trois quarts. Mais à quoi bon la gaspiller pour aller voir ailleurs. Je branche le téléphone pour le recharger, j’écoute la radio. Peu de nouvelles de notre région.

14 h
Fait rarissime, on joue aux cartes.
La concentration n’y est pas. Elle n’est nulle part.
Il est question de génératrice, de bloc d’alimentation. Comme quand nous avions un VR.
On attend.
Comme à l’hôpital, on se demande si on ne nous a pas oubliées.

16 h 30
Petit tour d’auto. Pas loin, seulement autour du village.
Pas trop de dégâts, on semble être les plus touchées.  
Meilleure réception pour les données mobiles, on apprend que les stations services ne sont pas ouvertes et celles qui le sont n'ont plus d'essence. Les épiceries/dépanneurs fermés aussi.
On écrit aux ami·e·s sur Messenger.

Je communique avec mon frère à Saint-André-Avellin. Je me dis que si la panne dure, j’irai porter le contenu de mon congélateur chez lui. Mais voilà que j’apprends — fait rarissime — pas d’électricité non plus à Saint-André-Avellin.

18 h
Pour souper, on a réchauffé un plat de pâtes qu’on avait congelé.

21 h
On est couché. On lit un peu avec lampe frontale.

Lundi 23 mai
7 h
On rejoint enfin Hydro. Bien sûr, ils sont au courant, mais on signale l’arbre tombé sur les fils du voisin.

8 h
Sur l'application d'Hydro-Québec, on surveille, on espère, on patiente. Sur Facebook, on voit les dégâts chez une amie de Ripon. Vraiment pire que chez nous. On essaie de la rejoindre. Pas de réponse.

10 h
On rejoint la conjointe de l’élagueur déjà venu abattre des arbres chez nous. Selon elle, pour notre Petite-Nation, c’est pire que le verglas.

Ça fait 42 heures. Tant d’heures pour trois secondes! Il n’y a pas eu de « pendant ». Le « pendant » se résume à un bruit. Un coup de vent et nous étions dans cet « après » qui dure encore.

12 h
Notre amie de Ripon vient nous raconter son « derecho » (le mot commence à circuler). La route bloquée, les arbres arrachés, les poteaux tombés. Les pompiers, les bénévoles, l’entraide déjà.

14 h
Une voisine se promène à la recherche du réseau, arrête chez nous. On jase, on échange.
Le voisin d’en arrière qui ne vient que les week-ends vient nous voir. Son électricité provient du poteau installé sur notre terrain. Un des arbres tombés est appuyé sur « ses » fils.

16 h
Électricité revenue chez mon frère à Saint-André-Avellin, je vais porter le contenu de mon congélateur.
Embrassades, échange de nouvelles, reconnaissance.

17 h
Notre municipalité lance un avis par téléphone : la salle est ouverte pour eau, douches, branchement de téléphones ou tablettes. On va y brancher notre glacière de camping. On ira chaque jour. Un grand merci aux employés pour leur accueil.

21 h
On est déjà au lit.
Meilleure journée, plus de communication, un peu d’espoir.
Fin du long week-end.

Mardi 24 mai
8 h
On rejoint (enfin) notre assureur. En anglais d’abord, en français finalement.
Une agente rappelle, on a un numéro de référence. Ce sera une compagnie de Gatineau qui traitera notre réclamation.
On sent que ça avance.

9 h 30
Notre homme de confiance, venu pour poser une gouttière, réalise les dégâts. Muni d’une lampe frontale, il répare un tuyau de plomberie qui avait éclaté justement le matin du jour fatidique. Quand l’électricité reviendra, au moins, on aura de l’eau.

15 h
Nouvelle de l’entreprise de Gatineau. Un évaluateur viendra jeudi ou vendredi.
Sur l’application Hydro-Québec, ça bouge un peu plus. Pas d’indication de retour à la normale pour notre municipalité. On apprend que plusieurs tours de notre fournisseur Internet sont pliées ou tombées.

Mercredi 25 mai
4 h du matin
Une odeur de poussière me réveille. Les plinthes électriques. J’ouvre les yeux. Des chiffres rouges qui clignotent.
L’électricité est revenue.
Mais pas de wi-fi.
Je ne me rendors pas. Je guette. J’espère.
Toujours pas de camions d’Hydro. Ni de nouvelles de l’assureur.
On hésite à préparer nos bagages pour le départ prévu vers l’Île-du-Prince-Édouard le lundi suivant. En fait, on songe à tout annuler.

Jeudi 26 mai
8 h 12
J’entends un petit clic! Hélas, nouvelle panne. On espère du délestage.

10 h 30
L’électricité revient et surprise, le wi-fi.

Vendredi 27 mai
12 h 30

Le voisin arrive pour le week-end, vient nous confirmer, que lui, il n’a toujours pas d’électricité.
L’évaluateur stationne dans notre entrée, se promène sur tout le terrain, examine les dégâts, évalue les travaux, monte sur le toit, trouve un trou causé par une grosse branche. Il nous explique les étapes : qui va venir, qui va réparer et quand...

20 h
Un père et ses enfants arrivent, coupent les arbres, dégagent les fenêtres, ramassent les branches. On retrouve notre devanture. Cependant, pas le droit de couper l’arbre appuyé sur les fils d’Hydro.


Samedi 28 mai

Toute la journée, on ramasse des branches.
Personne ne vient : ni le couvreur, ni le ramasseur de bûches, ni Hydro.
Bien décidées à ne partir vers l’Île-du-Prince-Édouard que si l’Hydro est venue couper l’arbre.

Dimanche 29 mai
11 h 30

Deux employés d’Hydro, venus de Blainville, passent nous voir, notent les travaux à effectuer pour dégager les fils qui mènent à la maison du voisin.

17 h
Deux camions bleus d’Hydro longent la rue (où il n'y a que quatre résidents, je précise), et s'arrêtent chez nous. On sort de la maison comme pour accueillir le père Noël.  Un premier homme, équipé d’une scie, d’une tronçonneuse et de cordage, débarque, se dirige aussitôt vers un arbre situé à proximité de l’arbre tombé, grimpe comme un alpiniste, et s’assoie sur une branche, les petites pattes ballottantes, et attend. Il nous dit qu’il attend que le courant soit enlevé pour qu’il puisse marcher sur les fils. Alpiste et funambule? On veut voir ça.

Les pieds sur le fils électrique, une main sur le cordage et l'autre qui scie. Chapeau!

D’autres hommes arrivent, s’affairent autour de la nacelle. Peu de temps après, le petit homme retenu par une longue corde bleue marche effectivement sur le fil, se tient d’une main après une corde et de l’autre, avec sa tronçonneuse, coupe la branche qui causait le problème. Trois minutes et tout est réglé, il descend en se laissant glisser sur la corde bleue.

Il est 18 heures, leur longue journée de travail est terminée. Demain, ils iront ailleurs recommencer et faire d’autres heureux.

Le soir, on décide de partir le lendemain.

Lundi 30 mai
9 h

Des couvreurs viennent poser une membrane sur le toit.

11 h
Départ pour une petite vacance bien méritée.
Il reste la gouttière, la rampe, le ramassage. Ça peut attendre notre retour.
Pour nous, le derecho commence à s’estomper.


Il aura fallu neuf jours pour trois secondes.
Prochain billet : 3,000 kilomètres pour se remettre de ces trois secondes... et neuf jours.

samedi 28 mai 2022

Trois secondes

Avant
Le samedi 21 mai, une journée très humide. Et venteuse. Des jardiniers plantent leurs légumes, des pêcheurs cherchent l’achigan, des enfants heureux du long congé.

Puis, vers 16 heures, des vents forts, la pluie d’abord légère, puis un horizon blanc de pluie torrentielle. Un orage terrible. Les gens quittent les lacs, d’autres s’arrêtent au bord de la route, d’autres encore, dont moi, entrent dans la maison.

Je m’assieds au salon, les fenêtres derrière moi. Je n’aime pas le vent. Je ne veux pas voir la valse des grands pins.

16 h 15
À peine trois secondes.
Chez nous.
Les jours suivants, nous verrons que ce n'est pas que chez nous.

Un bruit. Pire que le tonnerre. Pas un boum, pas un crac, un gros — jamais entendu — scroumphhh!
Trois secondes qui allaient changer notre vie (et la vie de bien des Québécois allions-nous apprendre plus tard) pour plusieurs jours à venir.
Dans la Petite-Nation (en Outaouais, pour ceux et celles qui ne savent pas) ce fut pire que le verglas.

16h18
L’« après » de ce présent si court venait de commencer.
Nous vivons dans une plantation de pins — gris et rouges —, hauts de 55 pieds, vieux de 55 ans. En face, à l’ouest, deux immenses champs où le vent peut prendre son élan.

Je me lève d’un bond. Je vois tout de suite un rideau de branches dans les vitres du devant de la maison. En même temps, je réalise que les branches n’ont pas cassé les fenêtres. Je n’ai rien. Je crie. « Louise, où es-tu? » Elle est debout dans la galerie arrière. Je la vois. Nous sommes saines et sauves.
Elle veut aller dehors. Voir si la vieille piscine hors terre a tenu le coup.
Je lui crie « pas tout de suite, il vente encore, il pleut encore, d’autres arbres peuvent tomber ».
Je suis la mère qui veut protéger l’enfant en lui interdisant d’aller jouer dehors par temps d’orage.
Je suis aussi la petite fille qui ne veut pas rester toute seule à l’intérieur.

On s'abrite sous un encadrement. On se colle. On respire. Louise voit ce que j'ai vu: les arbres tombés.  



16 h 40
Le vent a cessé, la pluie est intermittente.
On ouvre la porte, on enjambe les branches sur la galerie. On regarde le désastre.
Quatre énormes branches, six ou huit pouces de diamètre je dirais, sont tombés sur la gouttière. Aucun arbre déraciné. Par contre, une des branches est appuyée sur des fils électriques.

Déjà, noter les heures, déjà appeler Hydro-Québec, penser aux assurances.
C’est samedi, c’est longue fin de semaine de congé. Personne ne répond.
« Votre appel est important pour nous » chez Hydro-Québec.
« Your call is important to us » chez Aviva.

Pendant trois jours.
Noter le jour, noter l'heure. Commencer un carnet. 
Si possible des noms, des numéros de téléphone.
Ça deviendra une histoire après.
Un message dans Facebook peut-être quand j’aurai du réseau. Peut-être un billet sur mon blogue.
Chacun raconte son histoire.
J'ai écrit la mienne.

À suivre...

mardi 17 mai 2022

Lire François Blais

Je lis (ou je relis puisque la couverture me dit quelque chose?) Sam de François Blais. Parce qu’il est mort avant-hier. Parce que la curiosité me mène chaque jour dans des dédales parfois tortueux, où je trouve plus de questions que de réponses. Je me rends compte que je peux simplement énumérer lesdites questions parce que je ne connais, et à l’âge que j’ai, je ne connaîtrai sans doute jamais le fonctionnement du cerveau, encore moins toutes les ramifications qui mènent aux choix que nous faisons dans la vie.

Et de plus en plus souvent, cette réflexion sous-jacente :
« Ce n’est que ça la vie? ».

Pour ne pas m’embourber dans des interrogations, disons moins philosophiques, je bifurque vers Google. Donc, dès les premières pages de Sam, je cherche si Marie Bashkirtseff a vraiment existé. Réponse oui. Elle n’a vécu que 25 ans et elle est dans Wikipedia. Je ne comprendrai jamais ce qui fait qu’un·e tel·le soit connu·e du monde entier (façon de parler puisque je ne la connaissais pas), alors que tant de monde, dont moi ou en tout cas (est-ce que ça se chiffre la notoriété?), n’aura jamais leur nom imprimé où que ce soit.

Je cherche aussi de quoi a l’air un cahier Quo Vadis ligné Duo Habana Smooth bleu. Oui, il existe, oui, j’en ai eu comme celui-là ou des semblables. Je m’identifie. Écrire son journal. Sam se demande bien pourquoi:
« Hier encore, je me disais à quoi bon, hein à quoi bon, ma petite S***, consacrer chaque jour deux de tes seize heures d’éveil à raconter les quatorze autres? ». 
Si j’ai cessé d’écrire mon journal sous une forme classique, je n’ai jamais cessé d’écrire dans des cahiers ou même dans des fichiers Word. Des petits bouts. Parfois une page, parfois plus. Pas comme un agenda pour me souvenir des dates et des rendez-vous. Et puis il y a eu mon blogue que j’ai tenu pendant plus de dix ans. Mais ce n’est pas comme un journal.

Et me voilà à écrire comme François Blais, en digressant, en parenthétisant.

En arrêtant surtout de lire Sam comme on interrompt quelqu’un qui parle. Sans même m’excuser de ne pas laisser François Blais finir sa phrase, les miennes s’imposant. Comme si je voulais crier plus fort que lui qui vient de se taire. Je viens à peine de le découvrir que déjà, je l’empêche de me raconter, à travers ses écrits, ce qu’il avait à dire. Comme si ce que j’ai à dire, moi, presse tant. Ou plus important. Et avant de me demander encore : quel intérêt d’écrire mes pensées? À quel besoin réponds-je? Bref, pourquoi? Tu as publié dix livres, tu as écrit 821 billets sur ton blogue. Qu’as-tu encore tant à dire? Et surtout, laisse au moins les autres parler. Et aujourd’hui, écoute François Blais. Lis François Bais. Cherche dans la vie des autres, toute fictive soit-elle, des raisons de poursuivre la tienne le plus sereinement possible.

vendredi 22 avril 2022

C'est à cause de Guy Lafleur...


Guy Lafleur est mort ce matin.

Tous ceux et celles qui l’ont connu racontent des anecdotes, apportent leur témoignage. Et pas que les gens du hockey. Ceux de l’Outaouais, ceux de la Petite-Nation, ceux de Thurso.

Et même moi, ce matin, en apprenant la nouvelle, ma première pensée fut :
« Si je demeure dans la Petite-Nation depuis cinquante ans, c’est à cause de Guy Lafleur. »

Septembre 1970, j'ai vingt ans, je suis au lac Simon (j’y viens l’été depuis 1956), je me prépare à entrer à ville Saint-Laurent où j’habiterai avec mon frère, puisque nos parents ont décidé de s’installer définitivement dans la baie de l’Ours. Armés d’un baccalauréat en pédagogie, nous décidons tous deux de poursuivre nos études à la nouvelle Université du Québec.

Mon père revient de Saint-André-Avellin où il a commencé à enseigner et nous donne des nouvelles de ses nouveaux collègues. Il se désole du départ de l’un deux, un professeur de français.

École à Saint-André-Avellin
Toute la nuit, je réfléchis à mon avenir et le matin, je décide de tenter ma chance. J’accompagne mon père à l’école, je rencontre le directeur Fernand Lauzon. Devant mon brevet A, il semble rassuré, il m’enjoint de me présenter à Buckingham où sont les bureaux de la commission scolaire régionale Papineau (ancien nom de Centre de services scolaire au Cœur-des-Vallées).

Je signe mon contrat l’après-midi même.

Je rencontre celui que je remplace, je dirais plutôt celui dont je prends la suite: Normand Chouinard. Devant mon inexpérience, il a la gentillesse de m’offrir tous ses documents, sa «préparation de classe» pour plusieurs mois.

Tout juste le temps d’apprendre qu’il part et devient l’agent de... Guy Lafleur.

En tout cas, c’est le mot que mon souvenir a retenu. Mais j’ai beau chercher, Normand Chouinard ne semble pas avoir été son agent, mais son professeur privé. Celui qui lui a dit : « un jour, tu ne t’appartiendras plus, tu appartiendras au public. »

Qu’importe, c’est ainsi qu’à cause de Guy Lafleur, je demeure dans la Petite-Nation, depuis 1970.

jeudi 17 mars 2022

Le 17 mars, pour moi, c'est...


C'était en 2005, au pied du Mémorial-des-Irlandais,
à Grosse-Île. J'avais les cheveux teints en roux
pendant que j'écrivais Les têtes rousses.
Le 17 mars, c’est la fête de Saint-Patrick. Petite, ma mère en parlait parfois. À 21 ans, pour moi, l’Irlande fut la Guinness, le vélo, l’amitié.
Cette année, pas de défilé dans les rues. Les bars viennent de rouvrir, on pourra déguster une Irish Stout. Ou rêver ou même préparer un voyage en Irlande.

Quant à moi qui lis moins mais qui lis encore, je cherche les romans québécois où il est question d’Irlande.

J’ai déjà lu tous les Fanette de Suzanne Aubry, Les Foley d’Annie-Claude Thériault.

J’ai feuilleté le James Joyce de Victor Lévy Beaulieu (vous savez le genre de livre que vous n’avez pas réussi à lire en entier).

Je me rappelle vaguement avoir lu L’Été de l’île de Grâce de Madeleine Ouellette Michalska et Le salut de l’Irlande de Jacques Ferron.

Je crois bien que je vais lire Les orphelins irlandais de Micheline Dalpé, décédée en avril dernier.

J'irai jeter un coup d'oeil sur Les Irlandais de Grosse île de Christiane Duquette, Mary l’Irlandaise de Mary Rouy et La chance des Irlandais de Frederic Latreille.

Donc, pour moi, me souvenir des Irlandais, ce ne sera pas qu’aujourd’hui, mais bien un bon mois!

Tout en lisant, me reviendra l’air de When Irisn eyes are smiling que ma mère fredonnait — plus que chantait — en repassant la quinzaine de chemises de ses deux hommes.

Me reviendront aussi quelques images quand, en 1971, j’ai sillonné l’Irlande en vélo. J’étais jeune, j’étais amoureuse, j’avais cinquante livres en moins!

Pendant que je lirai, ressurgira tout ce qui m’a permis d’écrire sur mes ancêtres Bridget Bushell et Denis Lynch et leurs descendants : le plaisir des recherches en généalogie, l’escapade à Grosse-Île, les entretiens avec ma mère qui m’a raconté son enfance et sa jeunesse. Ma vie.

Et vous, le 17 mars signifie-t-il quelque chose pour vous?

Et si vous ne connaissez pas encore ma trilogie, c'est par là >>>