samedi 29 octobre 2022

Exercice pour se remettre en forme

Ceci est un exercice. Écrire ce n’est pas comme la bicyclette, c’est plutôt comme la course à pied : il suffit d’arrêter d’écrire quelques jours pour être rouillée, devoir recommencer à presque zéro parce que l’esprit est un peu engourdi. Et probablement ne pas trop savoir où on va. Y aller quand même. Quitte à s’arrêter plus souvent.

Donc le dernier mois, dix jours de Covid, de menus travaux d’automne (ai-je dit menus? Ce fut de gros travaux, suite du derecho de mai, mais menus pour moi qui ne fut qu'une aide) et des jasettes entre amies m’ont occupée le corps et l’esprit. Malgré tout, quelques lectures m’ont comblée! Mais lire, c’est un peu comme écrire : faut avoir la tête à ça.

Annie Ernaux a remporté le Prix Nobel, en feuilletant son livre lu en 2015, Écrire sa vie, je m’aperçois que je n’ai pas lu Mémoire de fille. Ce qui fut fait. Il est vrai qu’elle se répète, mais quel·le auteur·e ne le fait pas? Suis heureuse de constater qu’elle n’aime pas les étiquettes:

« Lorsque quelqu’un referme un livre qu’il a lu, il ne se demande pas s’il a lu un roman ou un récit, il sait juste s’il a lu un bon ou un mauvais livre. »


Ce qui me donne à penser que je lis pour les mêmes raisons que j’écris : pour comprendre ma vie, et si possible LA vie. J’ai lu des livres de philosophie, de psychologie. Mes préférés ces années-ci : les récits. De vie.

«[...] nous n’avons qu’une vie alors, lire celle d’un autre humain agrandit et prolonge la nôtre. Pourquoi ? Pour reprendre le contrôle.
Écrire c’est reprendre le contrôle. Le contrôle sur le vécu vécu.» 
(Aline Apostolska dans un article sur Annie Ernaux)


Dans cette thématique du « je », j’ai enchaîné avec La lettre aérienne de Nicole Brossard. À lire lentement.
« Je se censure partout dès qu’il s’écrit »

Visiblement, je cherche un miroir. Voir ma vie écrite dans un livre pour voir où elle va après avoir retrouvé ce qu’elle a été ailleurs que dans mes souvenirs. Plus je vieillis, plus il n’y a que moi qui m’intéresse. Plus de temps à perdre avec ce qui ne me rejoint pas.

Entre deux récits de vie, je me suis laissé tenter par Les marins ne savent pas nager. J’ai beaucoup aimé les 200 premières pages. Le décor de l’île : je me revoyais à Terre-Neuve. Le vocabulaire très riche et très autre siècle. Toute mon admiration à l’auteure pour son travail original. Mais pas de conflit à résoudre, pas d’attachement réel aux personnages. Donc pas d’identification à part cette île dans laquelle j’irais bien habiter... deux semaines. Y lire sûrement.

Je suis revenue à plus personnel, j’ai enchaîné avec Quand viendra l’aube de Dominique Fortier.
Quand je lis : « je ne vois pas quand les mots reviendront; j’ignore s’ils reviennent jamais ou s’ils ne font que nous visiter une fois pour tourner les talons, dépités, quand on tarde à leur ouvrir la porte », ça me pousse à « ouvrir la porte » pour voir si mon besoin d’écrire s’est envolé.

Au lieu de me dire que Dominique Fortier a été chanceuse d’avoir été assistante de recherche de François Ricard, chanceuse d’avoir poursuivi des études en littérature, je me demande plutôt en quoi j’ai été chanceuse dans ma vie. La liste est longue certes et chaque « chance » m’a menée là où je suis et a fait de moi ce que je suis. Mais (toujours ce mais qui dit le doute et fait croire a une insatisfaction) quelles autres chances aurais-je pu avoir pour être... Et chaque fois je me demande être qui? Qui aurais-je tant voulu être? Je cherche dans les livres ce « qui », ce « je ».

Dans ce récit, Dominique Fortier nous parle de la mort de son père, de sa fille, de ses promenades dans le Maine... et de son écriture. À la fin elle se demande :
« Ces pages tracées pêle-mêle pendant des semaines dans les heures d’avant l’aube auront-elles éclairci quoi que ce soit? Je n’en suis pas sûre. À qui sont-elles aujourd’hui destinées? Je ne saurais pas davantage le dire. Aurai-je réussi à ménager entre les lignes l’espace nécessaire pour que l’on arrive malgré tout à y déchiffrer ou à y déposer des bribes de sa propre histoire? Je l’espère, sans trop oser y croire. »
Je lui ai répondu Oh que oui! Parce que si je n’ai pas de fille, mon père est mort, j’adore la mer, et évidemment... les mots.

Puis, sans me souvenir comment, je suis passé à Hantises de Frédérique Bernier.
« [...] En attendant d’être plus courageuse que sa peur, on convoque ses auteurs, on se pare des références qui tapissent sa bibliothèque intérieure, espérant que l’écho des voix admirées couvre les réverbérations muettes et criardes de la terreur qui s’agite en soi. Dire ne semble admissible qu’en rétrospective, quand l’aventure est derrière soi, alors que, rescapée de la grotte, on sait que l’on n’y laissera pas sa peau et sa raison. »
(Hantises, Frédérique Bernier)

Il y a aussi :
« Dévorant Les vagues de Virginia Woolf, il y a de cela plus de quinze ans, j’ai le souvenir de m’être dit, comme si je me révélais alors à moi-même une vérité capitale, que vivre avait valu la peine ne serait-ce que pour cela, pour avoir lu ce livre. Ces pages qui m’avaient secouée, mise sens dessus dessous comme un raz de marée, venaient justifier mon existence. »

Et comme je n’ai pas réussi à être happée à ce point par les livres de Virginia Woolf (n’en ai terminé aucun, sauf Une chambre à soi), peut-être ne suis-je pas comme ces lecteurs et lectrices — dont Frédérique Bernier, visiblement — pour qui un livre réussit à justifier l’existence. Ou je n’ai pas encore trouvé LE livre. Alors je cherche. Je trouve par petits bouts. Des extraits ici et là. Et me voilà à noter des phrases marquantes, à citer des auteur·e·s, comme tant d'écrivains le font ces années-ci.

Voilà, fin de l’exercice pour aujourd’hui.
Je m’en vais me faire vacciner. Contre l’influenza puisque paraît-il, il faut attendre trois mois avant une nième dose si on a eu la Covid.

Et vous, dites-moi vos occupations, vos préoccupations d'hier ou de demain.


lundi 3 octobre 2022

Ma Petite-Nation... encore et pour toujours

Avant le sujet, un trop-plein. Il ne s'agit pas du livre que vous voyez, celui-là il est formidable!

Il faut quand même que je le dise, même si ce n'est pas bien de commencer par du négatif. J’ai râlé, j’ai péroré, j’ai déblatéré contre un livre paru en 2021 (que je ne vous montre surtout pas pour ne pas trop le faire exister), mais que je n’ai vu que cette semaine. Le pire cas que je connais : sur la couverture, un titre de trois lignes en anglais; à l’intérieur, une dédicace en anglais, des citations en anglais... et les sous-titres des poèmes en anglais... jusqu’à la page 17! Pourtant oui, les poèmes sont bel et bien en français. Grrrr!

Comme je me suis déjà exprimée sur ce sujet qui me hérisse au plus haut point dans le billet du 30 août, je passe à ce qui, ces jours-ci, me réjouit, ravit mon esprit, s’adresse à mon cœur.

Pays littéraires du Québec qui date de 1998. Moi qui aime voyager en cherchant les traces de tel ou tel écrivain, en visitant les lieux avec leurs mots, comment suis-je passée à côté de ce livre toutes ces années? L’auteure, Denise Pérusse, s’exprime ainsi en parlant de son livre : « [...] j’ai sillonné le vaste territoire québécois pour repérer les sentiers ouverts par nos écrivains. Remonter aux sources de leur inspiration, mettre en lumière le décor, le cadre qui a titillé leur fibre littéraire et surtout donner au lecteur d’ici et d’ailleurs l’envie de découvrir le Québec à travers leurs œuvres. »
Un livre à emporter, à laisser tout près de soi quand on traverse telle ou telle ville et qu’on s’arrête dans telle ou telle rue. Qui m’a donné envie de revoir Louiseville, Yamachiche, Saint-Casimir, le Chenal du Moine, Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier. De lire et relire Alain Grandbois, Jacques Ferron, Anne Hébert, Gabrielle Roy.

J’aimerais bien une nouvelle édition avec des écrivains qui ont émergé depuis.

Tout en lisant les magnifiques descriptions de ce guide des lieux d'écrivains, je me demandais qui présente aussi bien ma région.

Quel écrivain serait de la « géographie littéraire »? Qui immortalise la Petite-Nation? Les romanciers ou poètes ou bédéistes d'aujourd'hui dépeignent-ils autant les maisons, les terres, les rivières que les écrivains des précédentes générations?

Le nom de Jean-Guy Paquin me vient à l’esprit. Des livres qui nous font connaitre les lacs, les rivières, les Weskarinis, ces gens d’avant Papineau, d’avant le château Montebello, d’avant le tourisme.
Lien vers les livres de Jean-Guy Paquin >>>

Je dirais aussi Jean-Paul Filion, né à Notre-Dame-de-la-Paix, mais on l’associe plutôt à Saint-André-Avellin.
Lien vers biographie de Jean-Paul Filion >>>

Sur la presque centaine de publications de mon père, Jacques Lamarche... sûrement plus d'un texte.

Pour écrire un texte valable sur ce sujet, il me faudrait consacrer plusieurs mois, voir une année pour rapailler toutes les informations. Ça ne fait pas partie de ma liste de «choses à faire avant de mourir».

Tout de même, en pensant aux compositions obligatoires de mes années scolaires, je me rappelle que j’étais assez nulle en descriptions. La quinzaine de villes que j’avais connues ne m’émouvaient pas au point d’avoir envie d’en parler. Ni en bien ni en mal.
Pourtant, à la fin du siècle dernier (mon Dieu quel âge ai-je donc pour pouvoir parler du XXe siècle?), j’ai commencé à côtoyer des artistes peintres. Pendant que Louise Falstrault et Marthe Blain croquaient sur le vif un paysage, j’écrivais sur ce qu’elles regardaient. Et là l'émotion montait.
Je me suis enracinée dans cette Petite-Nation choisie. Entre autres avec des mots, d'amour j'ose croire.

Pour rappel, ces mots publiés il y a vingt ans.