jeudi 22 mars 2018

Un peu, beaucoup, intensément aimé

Vous le voyez sur l’image, il s’agit du roman La porte de Magda Szabó.

Découvert via le blogue de Madame lit où il était question surtout d’Abigaël d'une auteure hongroise que je ne connaissais pas. Mais comme Abigaël n’était pas libre à la BANQ, j’ai choisi La porte dont on dit également du bien à peu près partout.

Dès le premier chapitre, après avoir lu ceci :
« J’ai vécu avec courage, j’espère mourir de même, avec courage et sans mentir, mais pour cela, il faut que je vous dise : c’est moi qui ai tué Émérence. »
j’étais bien accrochée comme un poisson qui frayait tout de même dans une eau assez profonde si on considère les livres que j’ai commencés sans les terminer ces dernières semaines.

N’allez pas croire que c’est un polar. C’est le portrait d’une femme. Une femme de ménage, une sorte de concierge de tout un bloc de maisons. Elle n’est même pas attachante comme Anne Frank, ni méchante comme Tatie Danielle, ni fielleuse comme Nelly Arcan. Je n’aurais pas voulu la rencontrer dans la vie ni surtout devenir son amie ou sa proie. Elle aime donner sans jamais rien accepter en retour, elle engueule la romancière comme c’est pas permis. On continue de lire non pas tant pour voir qui va enfin la remettre à sa place, mais pour voir pourquoi elle cherche querelle à tout le monde et pourquoi elle n'ouvre pas cette satanée porte.

Les chapitres sont denses, les dialogues rares, en fait Émérence parle et la romancière écoute ou plutôt encaisse les rebuffades tout autant que le chien Viola qui pourtant veut toujours retourner vers la concierge.

J’emprunte à Naïm Kattan un meilleur résumé :
« Afin de pouvoir se consacrer librement à son écriture, la romancière, qui vit avec son mari, engage une aide-ménagère, Emerence, qui est le personnage central du roman. Femme aussi solide qu’insaisissable, aussi efficace que mystérieuse, elle agit comme concierge, balaie la neige et est entourée des voisins. Or, sa propre porte reste close et elle interdit l’entrée dans sa maison à tout le monde. Réservée, taciturne, elle fait le ménage chez les Szabo et s’occupe de leur chien Viola. »
Naïm Kattan, Le Devoir 6 décembre 2003
J’avais oublié combien j’aime les biographies. Les vraies ou les fictives. J’aime les portraits, les histoires à un seul personnage. Comme Le père Goriot de Balzac, comme Madame Bovary de Flaubert, comme Alexandre Chênevert de Gabrielle Roy. Si l’auteur tient absolument à me situer le personnage dans une époque et un lieu, je veux bien, comme ce roman qui se situe en Hongrie, dans les années 50 je dirais, mais ce n’est qu’un décor bien secondaire. Ça pourrait se passer ailleurs et en un autre temps. Donc le lecteur est bien concentré sur le personnage sur la relation entre la narratrice qui écrit au je et cette Émérence qui nous surprend par son intransigeance, son amour des animaux, et sa porte… fermée.
Et même si j’avais bien hâte de voir pourquoi la narratrice affirme l’avoir tuée, je n’ai pas passé une page, pas un mot.
 
J’ai intensément aimé.
J’attends Abigaël.
Entre-temps Les querelleurs de France Théoret.

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mercredi 14 mars 2018

La banshee est de retour

Bientôt la Saint-Patrick, le 17 mars. Pendant cinquante ans, ce jour-là, cette fête-là, ce saint-là, cette référence-là à l’Irlande m’étaient complètement indifférents. Parce que ma mère fredonnait à l’occasion When Irish Eyes Smiling, tout comme elle fredonnait bien d’autres airs qui n’avaient rien à voir avec l’Irlande, oui je savais qu’on avait du sang « vert » dans nos veines, mais sans plus. Un huitième de sang irlandais, c'est quoi?

Et puis en 2004, je parcourus le cahier-livre de ma grand-tante et c’était parti, j’allais écrire l’histoire de Bridget et de Denis, mes arrière-arrière-grands-parents.
Il aura fallu sept ans pour qu’un éditeur s’y intéresse.
En 2015, parution du deuxième tome.
En 2016 : présentation du dernier tome. Refus. Deux révisions. Deux refus.
En 2017 : présentation à huit éditeurs : quatre refus, quatre sans réponse.
J’ai décroché. J’ai renoncé. J’ai attendu. J'ai continué d'accumuler les titres, j'en suis bien à une cinquantaine sans qu'aucun ne me satisfasse complètement. J’ai fait autre chose parce que j’ai quand même une vie!
La Saint-Patrick me ramène le troisième tome qui me hante comme une banshee. La nuit, les dieux de la lune me tiennent éveillée et m’assaillent de phrases. Des phrases, oui, mais pas l’ombre d’une petite idée de restructuration ou d’intrigue enlevante qui satisferait un éditeur. Ni de titre qui tient plus qu’une aube.
Me faudra-t-il attendre encore sept ans?
Ce huitième de sang irlandais m’a-t-il rendue entêtée? Comme une histoire tissée depuis cinq générations et qui ne me sortira pas de la tête tant qu’elle ne sera pas inscrite dans un livre?


L’auteure qui a besoin d’aide

On dit souvent aux auteurs de s’adresser à la bonne maison d’édition pour publier leur-s manuscrit-s.
Il n’est pas si facile de dénicher le bon créneau éditorial, surtout que les jeunes maisons d’édition recherchent un style différent, une voix nouvelle à la langue familière, une structure comme dans une recette déconstruite, bref rien qui colle à mon roman. Et les autres, ceux qu’on affuble du terme de généralistes comme s’il ne publiaient pas de la « vraie » littérature, eh bien à ceux-là, mon manuscrit ne semble pas leur convenir non plus!

Plusieurs auteurs offrent des ateliers d’écriture. Plusieurs entreprises également. Mais si on peut connaitre les spécialités de ces dernières : science-fiction, carnet, roman; si on trouve leurs procédés : exercices, lectures de texte; et si on peut savoir quelle clientèle ils visent : débutant, professionnel, il est plus difficile de trouver la personne ou l’entreprise qui collera à notre style, qui répondra à des questions non pas générales, mais bien précises, non pas des théories, mais des exemples applicables à mon manuscrit.
À la suggestion d’un éditeur, j’ai cherché qui, dans l’association des auteurs dont je fais partie, pourrait m’aider, avec qui je pourrais travailler. Quel auteur.e écrit le même genre de roman que moi? Je devrais lancer un appel à tous parce que je n’ai pas trouvé qui saurait vraiment m'accompagner dans une nouvelle version.

Et finalement, il me semble que ce n’est pas un auteur qu’il me faut, tout publié, tout pédagogue soit-il, c’est un.e mentor. Comme un directeur littéraire ou une directrice littéraire. Indépendant ou non. Je ne lui demande pas de m’assurer de la publication, mais presque.


Autres possibilités

L’agence Alinea: j’ai connu Marie-Paule Villeneuve quand elle travaillait au journal La terre de chez-nous, j’ai lu et aimé tous ses livres. Elle m’avait fait confiance pour la rédaction des reportages. Mais je ne me décide pas. Méandres de mon hésitation : 
1- le site de l’agence n’a même pas de nom de domaine, le site n’a pas changé depuis sa création 
2- je trouve bizarre que le nom de son agence se retrouve dans le site des éditeurs réunis/JCL 
3- si Alinéa m’aidait, mon manuscrit aurait-il plus de chance chez cet éditeur qui a déjà refusé mon manuscrit?
L’Uneq offre un service de parrainage, mais le candidat ne doit pas avoir publié plus d’un ouvrage, ce qui n’est pas mon cas.
Le camp littéraire Félix : bien tentant, mais je n’ai pas envie de passer une semaine en compagnie d’autres auteurs, et de parler d’autres manuscrits. Donc, ce serait du mentorat personnel. Pour cela, il faut écrire à la direction.
Il y a aussi Mini-génie dans les Laurentides, Le pigeon décoiffé à Québec et Montréal.
Vais-je tous les contacter? Tous les essayer?

L’auto-édition ou le compte d’auteur

Il y aurait éditions Veritas, les éditeurs associés, Bouquibec et plusieurs autres.
Mais, encore un, mais, toujours un mais.
Ce n’est pas ce que je veux. Je ne veux plus/pas m’engager dans la promotion, dans la distribution, m’assoir derrière une table dans tous les salons petits et grands, le sourire figé et la plume en attente.

Et puis pourquoi passerais-je par ces entreprises quand j’ai un certain talent de graphiste : je suis capable de monter le livre, d’aller chercher l’ISBN (c’est gratuit), de le préparer pour un imprimeur. Je connais Gauvin à Gatineau ou Caïus à Montréal. Je peux être ma propre éditrice. Je l’ai déjà été. Surtout qu’aujourd’hui, on peut faire imprimer à l’unité. Cinquante livres me satisferaient amplement. Je ne sais pas éditer des e-pub, mais un pdf, oui.
Sauf qu’il ne serait pas en librairie, n’aurait que la seule visibilité et promotion que je ferais. Mais quand on y pense, certains livres publiés chez certains éditeurs n’ont guère plus de visibilité.

Banshee, quelle mort m’annonces-tu depuis tant de temps?
Pourquoi ne me laisses-tu pas tranquille? 

jeudi 8 mars 2018

Des images et des mots de femmes

Sue Mills, Annie Cloutier, Clarissa Pinkola Estes

En cette Journée internationale des femmes, je vous suggère une activité, un billet de blogue et un livre.
L’activité : une exposition sur les femmes immigrantes de la photographe Sue Mills, le vernissage est ce soir, à Saint-André-Avellin.

http://culturepapineau.org/exposition/etre-femme-immigrante-quebec/

Le billet de blogue : un texte bien senti sur la relation entre une mère et sa fille. D'Annie Cloutier.

https://annieetlasociologie.wordpress.com/2018/03/07/courir-parmi-les-louves-sefforcer-de/

Le livre (à part Grosse de Lynda Dion sur lequel j’ai encore quelques petites choses à dire mais ce sera pour un autre jour) : je l’ai vu sur le blogue d’Annie Cloutier. Je ne l’ai pas lu encore, très difficile a dénicher, c’est Femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estés. Tout ce que j’ai lu au sujet de ce livre, en plus des nombreux extraits que j’ai pu trouver, m’intrigue et m’attire.

https://www.grasset.fr/femmes-qui-courent-avec-les-loups-9782246498513

jeudi 1 mars 2018

Grosse de Lynda Dion

Lynda Dion, en parlant des femmes qui l'inspirent, écrit :
« c’est Anne Sylvestre
c’est Hélène Cixous
c’est Virginie Despentes
c’est Marilyn French
c’est Nicole Brossard
c’est Benoîte Groult… »
et plusieurs autres aussi.
Que j’ai lues moi aussi
qui m’ont marquée moi aussi.
J’ajoute «c’est Hélène Dorion, c’est Louise Dupré, c’est Madeleine Gagnon»
et depuis son tout premier roman, La dévorante, j’ajoute «c’est Lynda Dion».

Je l'ajoute pas que pour le sujet de son tout récent Grosse
mais pour l’ensemble de l’œuvre.
Pour le style, pour le comment elle dit les choses, pour la puissance des phrases.
Sans les virgules sans les points, je ne suis pas capable de lire plus de quatre pages de Marie-Claire Blais alors que je pourrais lire encore et encore toutes les pages, tous les mots, tous les espaces, tous les murmures de Lynda Dion.
Son souffle devient le mien.


Pour les sujets aussi : être femme, être maîtresse, être désir, être grosse, être écrivaine, être soi
chaque fois, elle réussit à trouver une résonance en moi (et probablement en bien d’autres) et c’est là sa force et le succès de son écriture toute personnelle.

Ses dessins, si elle en avait besoin pour illustrer pour se libérer pour compléter pour montrer, bon, d’accord.
Sauf la page en noir : très efficace
mais pour moi, en tant que lectrice, je n’en avais pas besoin. Les mots, ses mots me suffisent amplement.

Je voudrais être plus qu’une lectrice
que ma voix soit importante, fasse écho, porte loin
et pas seulement tout de suite parce que le roman vient de sortir
pas seulement pendant trois mois dans les librairies.
Pas pour moi, mais pour elle
que le nom de Lynda Dion s’ajoute à ceux qu’elle nomme.
Un nom qui a du poids (ou c’est un titre percutant ou c’est maladroitement facile comme un mauvais jeu de mots)
et qui aura de la durée je n’en doute pas.
Qu’on se souvienne de Monstera Deliciosa, de La Maîtresse, de La Dévorante et maintenant de Grosse.
La littérature, pour moi, n'est pas dans le sujet,mais dans l'écriture.

Mais finalement, je sais bien qu’elle n’a pas besoin de mon commentaire, que ses livres vont faire leur chemin par leur propre valeur
alors lui dire mon admiration, lui dire merci, lui dire encore.
Comme si j’étais une élève à qui elle enseigne
elle me montre le chemin de l’écriture, celle de l’autofiction, comme une directrice littéraire, comme un professeur.

Je ne lis pas ses livres, je les épluche.
Je les relis comme les jeunes écoutent une chanson en boucle
jusqu’à trouver mon chemin qui, s’il jaillit du sien, sera le mien.

Mais on peut aussi le lire pour des dizaines d’autres raisons.
Dites-moi les vôtres.