Aucun message portant le libellé Monique Durand. Afficher tous les messages
Aucun message portant le libellé Monique Durand. Afficher tous les messages

vendredi 28 septembre 2018

Entre forêt et mer, j'ai passé la journée


Le 12 août dernier, L.B. a acheté ce roman, parce qu’elle connaît l’auteure.
Le 12 septembre, à notre rencontre du Cercle de lecture, L.B nous en parlait… en bien.
Je connaissais le nom de Monique Durand pour avoir lu ses articles sur le fleuve, la basse Côte-Nord, le Bella Desgagnés (publiés dans Le Devoir l’été 2008).

J’ai pris le livre. Et trois autres. J’ai d’abord lu les autres. Mais comme je ne cessais d’ouvrir et refermer Ruban de Ito Ogawa, j’ai ouvert Le petit caillou de la mémoire.
Je n’allais plus le fermer de la journée.

Entre forêts profondes et mer de pêcheurs, par toutes les saisons, de la Bretagne à Terre-Neuve, d’Aimé à Étienne à William, ils ont vécu, aimé, bûché, pêché.

Ça commence avec le petit William qui a huit ans et qui tue son premier orignal, ça se termine avec William qui, à plus de 80 ans, tue son dernier.

Entre les deux, des étoiles, des flocons de neige, des gréements de pêche composés de poils de chevreuil et de plumes de perdrix. Des amours, des départs, des morts. Des hommes courageux qui ne savent pas parler d’amour. Des femmes maternelles qui laissent partir leurs enfants. Un petit caillou qui passe dans les mains de quatre générations. La transmission d’une « folle furieuse faim de vivre »

Dès que j'ai lu :
« Il leur décrira le lieu exact, la pierre précise, la position de la lune, leur dira le nom de chaque arbre. […] Il va ériger ses feux sur la pointe la plus extrême qui s’avance dans la mer, un peu en retrait du village. Il a l’impression d’être encore plus seul avec ses étoiles. Là, la nuit est encore plus noire, encore plus à lui. Avec le grand chaudron dessiné dans le ciel, qui verse une pluie de promesses sur sa jeune vie. »
je savais que j’aimerais ce roman.

Je ne saurai sans doute jamais pourquoi, mais je suis toujours attirée par les romans dans lesquels les personnages vivent près de la mer, alors Saint-Suliac en Bretagne, Port au Port à Terre-Neuve avaient tout pour me plaire. Et ça m’a plu. Beaucoup.

Le soleil blafard sur ma joue, la lumière caressante d'un matin d’automne, je suis là dans ces forêts, dans ces bateaux, avec ces hommes et ces femmes, des Français, des Montagnais, des Terre-Neuviens dans l’hiver et le froid, dans la misère et l’isolement. Je suis là aussi, en Bretagne, à Terre-Neuve. Là où j’ai vécu quelques jours, quelques heures.
J’aime qu’on me raconte nos parents, nos grands-parents. D’où ils viennent. Pourquoi ils sont partis. Que ce soit vrai ou pas, puisque de toute façon, même sa propre vie est une histoire quand on vieillit.
« Je crois qu’il faut avoir un peu vieilli pour s’intéresser à ce qui nous a précédés. »
Et puis à la page 85, je fus transportée dans la série Entre la terre et la mer. Une belle histoire de marins bretons partis pêcher près de Terre-Neuve.

J’ai d’autant mieux revu les vagues, les doris, la morue, le maquereau, les marins. J’ai réécouté la musique et les paroles de ces chansons un peu tristes qui parlent de l'eau salée qui coule dans les veines des pêcheurs marins.

À la fin, Nicolas, le petit-fils de William, lui, part à la recherche d’une chanson de Terre-Neuviens.
« J’en connais qui sont allés à Paimpol, juste pour la Paimpolaise. En Irlande, juste pour Danny Boy. À Natashquan, juste pour Jack Monoloy.» 
Il ne suffit quand même pas que des lieux pour qu’une lecture m’absorbe tout entière. Il faut y mettre la manière, le style, les mots. Monique Durand y réussit fort bien. Rien de linéaire. On passe d'une génération à l'autre, du père à l'épouse, du fils à la sœur. De 2006 à 1878. Et tout coule parfaitement bien.
« Pour lui, la beauté c’était ça : quand les champs tombent dans la mer, directement, sans transition, champs de blé noir, de patates, de tabac, vergers et brûlis, prés et guérets, autant de pièces d’un grand étendard déployé jusqu’aux premières vagues de la côte. Et que lui, Aimé, avance dans l’immensité des prairies et des après-midi où on a toute la vie devant soi. »
« Marie pouvait rester quatre ou cinq jours dans sa retraite d’arbres et de feuilles, le temps d’accorder son âme avec son corps. »
L’auteure a le sens du punch, surtout à la fin des chapitres.
« Parce qu’un homme, ça tient le coup sans rien dire. Ça endure. Et ça n’est jamais malade.
Sauf d’amour. »
Même si les derniers chapitres s’enchaînent rapidement comme si l’auteure était restreinte à 200 pages, j’ai fermé le livre au soleil couchant, à peine rassasiée de ma journée passée entre terre et mer. Je me reprendrai sûrement en lisant Saint-Laurent mon amour.


Monique Durand a reçu le Prix du CALQ – œuvre de l’année sur la Côte-Nord pour ce roman.
On peut visionner les six épisodes de Terre et mer sur Youtube >>>