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mardi 23 octobre 2018

Quand Pauline Julien...

Le froid dehors et le gris du ciel me font frissonner.
Les quelques feuilles ocre qui s’accrochent aux hêtres ne suffisent plus à me garder à l’extérieur.
À l’intérieur, je me promène dans ma jeunesse.

J’ai vu le documentaire Pauline Julien, intime et politique.
Plus qu’un documentaire sur l’artiste, la femme engagée, plus qu’une voix forte, c’est une époque que j’ai vue, reconnue. Un temps d’émotions. La fierté d’avoir vécu cette révolution pas si tranquille. Le sentiment d’avoir été dedans, pas devant, pas seulement témoin, mais dedans.

Ce matin, je suis encore avec elle. Dans les années 60-70. J’ai l’âme à la tendresse, je m’ennuie de la Manic, je danse presque à Saint-Dilon, et l’hiver ne tarde pas à venir, mais je ne ferai rien sauter comme Bozo-les-culottes.
Je revois des visages : Pauline Julien, Gérald Godin, Gaston Miron, Michelle Lalonde, Lise Payette, René Lévesque.
Je revois le temps de mes parents surtout.
Quand mon père manifestait. Pour la langue française, pour le droit de manifester, pour avoir un pays, pour être Québécois et non plus Canadien-Français.
Quand mon père nous parlait d’écrivains québécois : Claire Martin, Yves Thériault, Gérard Bessette, Gaston Miron, Hubert Aquin.
Quand il assistait aux lancements chez Fides, Beauchemin, Cercle du livre de France (Pierre Tisseyre), Éditions du Jour (Jacques Hébert).
Quand il se cloîtrait au sous-sol devant les corrections de Geneviève Gilliot.
Quand il travaillait avec Andrée Maillet, Alice Parizeau, Germaine Guèvremont à la création d’un P.E.N. club canadien-français.
Quand ma mère chantonnait Pauline Julien, mais aussi Georges D’or, Félix Leclerc, Gilles Vigneault, Claude Gauthier.
Quand, avec ferveur et conviction, elle nous faisait écouter ou lire les propos de Claire Kirkland-Casgrain, Thérèse Casgrain, Lise Payette, Madeleine Chaput, Denise Boucher, Michèle Lalonde… et Pauline Julien.
Quand on lisait le dimanche après-midi.
La famille Lamarche un dimanche après-midi des années 1960 (photo privée)
(Oui, je sais mon père a l'air de fumer par le nez, mais bon,
je n'en ai pas trouvé de plus représentative de notre occupation dominicale)

Je revois mes premières fois :
Quand j’ai été voté.
Quand j’ai été dans un vrai Centre de ski.
Quand je suis sortie dans une boite à chansons, voir Clémence.
Quand, j’ai pris le métro tout neuf de la station Jean-Talon à Berri-Demontigny.
Quand j’ai fréquenté ma première école mixte, à 17 ans.
Quand j’ai eu mon vélo dix vitesses. Le premier vélo dix vitesses de fille, à Montréal en tout cas.
Quand j’ai lu Anne Hébert, Jacques Godbout, Hélène Ouvrard.
Quand j’ai acheté mes premiers livres, toute seule.
Quand j’ai acheté ma première radio : on n’en avait pas chez nous.
Quand j’ai dansé mes premiers slows.
Je tairai toutes les peurs de ma jeunesse bien tranquille.
Dans la vie de Pauline Julien, quand son Gérald est tombé malade, quand ses propres forces à elle s’en allaient, quand ses idées noires la hantaient, j’ai sauté de mes 18 ans à mes 60 en quelques secondes.
Les peurs reviennent, différentes, mais plus tenaces je dirais.
La peur de vieillir, d’être malade, d’être seule.
La peur de ne pas avoir le temps, ni le goût, ni la patience.

Mais en fin de compte, tant que je suis en vie, tant qu’il y a des films comme celui de Pascale Ferland, il y aura l’âme à la tendresse, de beaux voyages, le temps des vivants, le temps qui passe et encore bien des je vous aime.

Merci Pauline Julien, merci Pascale Ferland.
Et vous, y a-t-il des films, des livres qui vous font revivre votre jeunesse?