Étudiante, je lisais avec un
crayon, je soulignais, je notais dans la marge.
Vacancière, je lisais avachie
sur un sofa, sur une chaise longue ou dans mon lit.
Avant Internet, je lisais
parfois avec un cahier de notes. Et je frustrais de demeurer loin d'une bibliothèque.
Avant la tablette, je me levais souvent pour vérifier sur l'ordinateur qui était l’auteur-e, ce qu’il avait publié
d’autre.
Depuis la tablette et la
liseuse, je lis un texte dans un média (La Presse+ ou Le devoir ou Facebook ou
un blogue) qui m’amène à un site qui m’amène à la BANQ ou Biblio Outaouais/Pretnumerique
pour voir si le roman dont j’ai vu le titre est disponible. Je feuillette, et il
est fort possible que je le télécharge. Je le lis sur tablette, et si ma
batterie est presque à plat, je transfère sur ma liseuse.
En ce moment, je lis Les fugueuses de Suzanne Jacob. Quand j’ai vu le livre au
Village des valeurs, j’ai été attirée par le nom de l’auteure. J’ai tellement
aimé son Laura Laur. Dès que je suis arrivée à la maison, j’ai vérifié les
autres titres que j’avais d’elle dans ma propre bibliothèque. J’ai encore Laura
Laur et La passion selon Galatée.
Confortablement dans mon fauteuil préféré, j'entame le premier chapitre des Fugueuses. Dense. Concentré. Fort. Des paragraphes qui durent
des pages et des pages. Sans cadratin de dialogues. Le point de vue de Nathe,
treize ans. Dans Fugueuses, il y a fugue
aussi. La musique, les sons, les bruits.
La narratrice « écoute le
temps » :
« Je me suis assise sur le bras du fauteuil en vachette vert pomme et j’ai écouté le temps passer dans la chambre, un temps étranger à celui qu’on regarde passer dans la rue, sur les Plaines ou sur le fleuve, un temps qui sentait la sauce brune et le peroxyde, l’élastique et le jaune d’œuf. »
Petite pause, je prends
la tablette. Une autre route d'informations. Les fugueuses, roman publié en 2005. Après, il y eut
des nouvelles, de la poésie, un essai. Sur le site de L’île (L’infocentre
littéraire des écrivains québécois), je lis la notice biographique.
Je me surprends à aimer une auteure
qu’on étudie à l’université. Sur qui on fait des thèses. Il suffit d’écrire « thèses
Suzanne Jacob » dans Google pour les trouver. J’en lis de grands extraits.
Je ne comprends pas grand-chose. Un langage bien hermétique pour moi.
Je retourne au roman.
Deuxième chapitre. Autre point de vue, celui de la mère, Émilie.
Un roman qui me frappe aux
yeux, parce que le texte est tout sauf aéré, et au cœur par la répétition des
mots comme on martèle une porte de grands coups pour l’ouvrir. Trois fois le
mot peur en trois lignes. Une peur que j’ai bien connue, qu’il m’arrive encore
d’éprouver parfois, que toute femme doit connaitre, je dirais.
« La simple idée de la peur vient de t’enlever le gout de vivre, Émilie, de vivre! Tu as peur d’une idée obscure et glauque et gluante qui rend la place de ta vie, tu as peur, tout simplement, de te faire violer, Émilie. »
Et découvrir des secrets cachés derrière les portes.
Nouvelle pause. Retour à la
tablette, sur le site de Boréal qui a publié ses romans. D’autres informations. Le
titre La pratique du roman m’intrigue. Sur le site de prêt numérique, je
feuillette l’extrait, je télécharge sur ma liseuse. Le sujet: le roman vu par huit
romanciers, lecture très accessible (contrairement aux thèses). Je m’attarde à
Dominique Fortier qui écrit au sujet de la hiérarchisation des titres :
« Qu’un livre porte l’étiquette de roman, de récit d’autobiographie, de "fiction" ou pas d’étiquette du tout (ça s’est déjà vu), l’important est qu’il réponde aux exigences qui lui sont propres, et qu’il emporte l’adhésion du lecteur. »
Ça me rassure sur mes propres écrits. Ça me réconforte de voir que
je ne suis pas la seule à penser ainsi.
Plus tard, je
lirai ce qu’en pense Suzanne Jacob.
Plus tard encore,
demain peut-être, je retournerai aux Fugueuses.
Lire, dans mon
cas, c’est souvent parcourir une route en lacets. Découvrir le monde de
l'auteur-e.
Et la route est
souvent aussi intéressante que le point de départ.
Et vous, quelle
route suivent vos lectures?