Novembre, mois d’activités intérieures. Mois de prix littéraires. Mois de Salon du livre. Et hier Culturiades, remise de prix pour la culture en Outaouais. Mille bravos au Centre d'action culturelle MRC Papineau pour son prix remis à l'organisme de l'année.
On a eu droit à des discours, des remerciements, mais aussi à de beaux textes lus, d’autres chantés. Dont ceux de Louise Poirier en hommage au poète Guy Jean. Des auteur-e-s passionnés de paroles et d’écrits.
Le prix du Coup de cœur littéraire Outaouais, pour lequel mon roman Les têtes bouclées était finaliste a été remis à Julie Huard. Vote des lecteurs. Moi aussi j’aurais voté pour celui-là. Un beau livre d’images, de voyage, d’impressions. Et si on me parle d’océan, moi, je fonds, je coule, j’embarque. Je lis.
Loin en mer, lorsque d’une petite secousse la géante se déliera bientôt de la sculpture de vos doigts, vous vous détacherez peu à peu. Et partirez sur vos routes respectives. Vous, éprouvée, avec vos chairs à ramasser à la petite cuillère après tant d’émotion et de force brute, elle, avec ses galops encore fringants de valseuse océane. Son ombre s’évanouira à grands coups d’ailes dans la pénombre des eaux pendant qu’une griserie folle vous submergera et vous raccompagnera jusqu’à la berge. Jusqu’à la fin de l’histoire. Que personne ne croira. Jusqu’à ce que s’enfante le souvenir. Entre les sens et l’appartenance. Tout ce qui reste encore à naître.
De cet océan, vous ne sortirez pas indemne.
Ailleurs est souvent ici. Juste là. Chut! Entendez-vous l’amour et la petite rosée? Il était une fois un voyage. Droit devant. Un voyage infiniment. Dans le monde. En soi.
Des mots, hier aux Culturiades, qui font soupirer de plaisir, de «J’en veux encore, je ne veux que ça».
Ce matin, dans le brouillard du dehors, je voudrais que lire dans la clarté du dedans.
De quoi avoir de la difficulté à renouer avec les miens. À vouloir les miens aussi beaux, aussi forts, aussi percutants.
Je dis toujours qu’il ne faut pas que je le fasse et je le fais quand même. Eh oui, je lis tout en corrigeant un manuscrit. Et comme je suis facilement plagiaire, imitatrice, emprunteuse de style, mes lectures déteignent sur mon écriture.
Pas assez forte pour résister? Pas assez brillante pour rester bien concentrée sur le fil mince de mes propres écrits, comme un bon funambule? Je prendrai probablement une petite pause. Ne pas goûter un vin nouveau avant d’avoir gardé encore un peu en bouche ceux des derniers jours.
Parce que je ne peux m’empêcher de trouver beau ou bien ou mieux ou fort ce que Sophie Bienvenu a écrit dans Autour d’elle. Même si j’ai de la difficulté avec son langage parlé, tout comme je n’acceptais pas le joual de Tremblay. Mon cerveau de puriste refuse de la cautionner. Mon cœur de lectrice est atteint par… non, non pas la beauté ni la qualité, mais… comment dire… les pages se tournent toutes seules. Je veux savoir la suite, je veux réussir à circonscrire, à travers des moments de vie, à travers des dizaines d'autres personnages qui s'expriment tous au "je" qui est cette Florence Je ne lis pas, j’écoute, j’entends, je prends même des notes pour retracer les liens.
Et ça passe. Et ça me choque que ça passe. J’ai l’impression de me faire avoir.
Et le roman va gagner des prix. Depuis quelques années depuis Tremblay, depuis Nelly Arcan, depuis Vicky Gendreau, les prix vont aux œuvres coup-de-poing. Aux petites maisons d’édition qui osent la différence, qui osent le langage familier, qui osent la jeunesse, la relève. Qui misent sur l’effet littéraire plus important que les belles relatives et subjonctives d'antan.
Même Marie Laberge est passée à l’écriture parlée, dans Ceux qui restent.
Pour mon écriture, j’aimerais bien que mes influences viennent d’Anne Hébert ou de Claire Martin, deux auteures que j’ai beaucoup aimées dans ma vingtaine. Ou même des poètes célébrés hier aux Culturiades: Guy Jean, Julie Huard. Mais l’écriture change au gré du temps, elle évolue. Autant dans les thèmes que dans les styles. Qui donc a influencé Sophie Bienvenu?
Je crois que je corresponds tout à fait à ce qu’on a dit de ce roman dans La presse+ de vendredi matin: «C’est à ce point réussi que quiconque a des velléités d’écriture sera jaloux.»
Avant que je ne me change en caméléon linguistique, je vais tout de même lire Les paysâmes et miroirs du monde de Julie Huard. Parce que j’aime avant tout les mots et les phrases, qu’ils soient écrits, chantés ou parlés.
Emprunt de la photo de Louise Poirier >>>