mercredi 3 juillet 2024

Le dedans et le dehors

Tableau de Louise Falstrault: Du dehors au dedans. (Collection F. Leduc)

« Je fais partie de ces personnes pour qui les questions par plusieurs jugées abstraites et nébuleuses semblent les plus proches, les plus exaltantes. » 
ou
« La grande question de l’existence est celle des rapports entre le dedans et le dehors.» 
Chimères, Frédérique Bernier
Je fais partie de ces personnes qui ont l’impression que si on ne lit pas ce que j’écris ou a écrit ne peuvent pas m’aimer vraiment. Si on ne cherche pas à savoir ce que je lis ne peuvent pas savoir ce que j’aime ou qui je suis. Ne voient que le dehors. Comme si je n’étais que mes mots écrits.
J’aime pourtant aussi « mon dehors » et peut-être finalement que je ne montre que lui.

Très souvent on me dit que le fait d’avoir tant déménagé m’a traumatisée. Chaque fois, je dis que non, mais je dois admettre que de la naissance à vingt ans, quinze écoles et presque autant de maisons ont dû marquer mon rapport à l’attachement.
Attendre d’être choisie
Attendre d’être aimée
Avant de m’attacher
Avant de montrer mon dedans

Et sans doute pour l’avoir montré une fois ou deux, d’avoir aimé en premier, d’avoir été celle qui attend, pire, délaissée, j’ai fermé la porte du dedans.
Faire passer des tests avant d’y donner accès.
Rendre la tâche complexe à qui s’approche.
Et puis, finalement, comprendre que moi non plus, je ne cherche pas à voir le dedans de tout le monde. Trop engageant. Nous sommes multiples. Nous sommes tous plus ou moins des personnages dans notre propre vie. Constamment en représentation. Même en dedans.

Alors, je vis compartimentée : la campeuse, la voyageuse, la campagnarde, la généalogiste amateure, la fille de, la sœur de, l’amie de, celle qui connait beaucoup de noms d’auteu. re. s, celle qui écrit pas pire, celle qui publie ses photos de voyage ou de couchers de soleil, celle qui aime et choisit le français en toute chose, celle qui parle beaucoup, mais ne dit rien de son dedans, celle qui préfère l’écrit pour pouvoir réfléchir et bien dire ce qu’elle veut dire, celle qui pleure rarement devant les autres, qui pleure par en dedans, celle qui cherche à comprendre, mais qui a du mal à expliquer simplement, celle qui a toujours des réponses longues à des questions même courtes. Parce que rien n’est simple ni noir ou blanc pour elle.

Accepter que chacun.e montre son dedans à sa manière. Ou pas.
Il ne faudrait pas non plus confondre le dedans et le dehors  comme si c'était le meilleur et le pire.
Parfois, aimer le dehors, c’est déjà beaucoup. Ça peut prendre une vie.


12 commentaires:

  1. Texte encore une fois magnifique :) Merci. MB

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  2. Pas si anonyme que ça, excepté si je ne fais plus partie de ton cercle.

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  3. Ce que tu peux bien écrire Claude ! Comment savoir qui est en dedans quand on voit le dehors? Qui aurait pu croire ce que tu as vécu ? Merci d'avoir ouvert ton coeur. xx

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  4. Merci pour ton texte j aime te lire à chaque fois moi mon dehors est très facile à découvrir pourtant mon dedans est très imperméable

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    1. Ma signature Richard Perrier

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    2. Merci de ton passage et de ton témoignage. Je ne sais pas trop lesquels de nos dehors ou de nos dedans s'entendent, mais j'aime bien!

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  5. Comme toujours, des mots qui en disent long, sur le dedans quand ils sont écrits, lus, sur le dehors quand ils sont dits, entendus. Un partage à destinataires privilégiés, choisis. Un bonheur pour moi d'en faire partie!

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    1. Une des privilégiées qui a accès aux tableaux comme aux mots! Et qui a aussi le talent pour les deux.

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  6. J'aime autant montrer mon tableau du dehors que celui du dedans. Moins chargé. Beau tout de même. Un peu comme ce tableau de Louise Falstrault.
    C'est merveilleux de pouvoir peindre ainsi. Et d'écrire ainsi.
    CDM

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  7. Je crois que je te ressemble à bien des égards… Je ne montre pas souvent mon intérieur… très bon texte!

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  8. Sans le dedans, il n'y a pas de dehors. Sans le dehors, il n'y a pas de dedans. Ceux ou celles qui pensent être différents du dedans ou du dehors, sachez que l'un ne va pas sans l'autre et que la vie au complet de chaque être humain se définit de par l'être exceptionnel que chacun est en soi.

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Les anonymes: svp petite signature