lundi 23 octobre 2023

Plaisir aux couleurs d'hydrangée

          

Je lis C’aurait pu être un film de Martine Delvaux.
« C'est l'histoire d'un film qui ne s'est pas fait. C'est l'histoire de trois artistes, Hollis Jeffcoat, Joan Mitchell et Jean Paul Riopelle, dont les vies ont été entremêlées. »
Je revois Sanibel Island.
Je revois l’île aux Oies.
Je revois mes amies artistes.
Dont certaines ne peignent plus. Dont on n’entend plus parler.
Combien de personnes doivent connaitre notre vie? Ça ne la rallongera pas.

Entre deux pages, aller recouvrir quelques arbustes. Pour l’hiver qui vient.
Pluie et vent du nord. Les mains froides.
Pourtant l’hydrangée si belle, si colorée. Des couleurs de tableaux d’artistes.

Entre deux pages aussi, lire Wikipédia et, bien sûr, faire un détour par Facebook.
Trouver la parution du prochain livre de Nicole Brossard.
Sur le site de Boréal, j’ai lu un extrait de L’entaille et la durée.
Une rétrospective, une anthologie. Du sérieux, de l’universitaire.
« Les mots identifiés en tant qu’outils, que moyens, s’éliminent peu à peu à l’intérieur d’un langage elliptique, langage qui n’implique en aucune façon la discontinuité, mode d’expression et d’agir qui semble nous cerner chaque jour davantage et qu’il serait sans doute intéressant de déchiffrer à l’intérieur d’une expérience littéraire. »
Plus à l’aise avec l’écriture de Martine Delvaux. Plus à la portée de mon cerveau.
Les mots de Nicole Brossard s’adressent à mon moi intellectuel qui a ses limites.
Ceux de Martine Delvaux se faufilent dans ma vie émotive, dans ce trou sans fond de mon affect.
« Tout est matière à écriture. Tout ce qui nous arrive ou qui arrive aux autres, tout ce qu’on observe et qu’on porte à l’intérieur de nous, tout ce qui retient notre attention. Tout. Toute la vie, même ce qui semble futile. »
Je revois Nicole Brossard, en 1969, sur le chemin Caron. Qui me remet mon manuscrit. Qui le commente sommairement.
Cette année-là, elle écrivait déjà :
« Il n’y a pas de plus grand risque que celui de l’écriture. Écrire, c’est-à-dire tracer noir sur blanc des mots qui nécessairement cachent (ou révèlent) sous leur mince couche d’encre une émotion, un sentiment, une intuition, un désir. »
Je me revois, pleine d’espoir de devenir écrivain.
Pas comme elle. Juste comme moi. Ce moi dont j'ignorais ce qu'il deviendrait. Me le demande encore parfois.
Il me vient en tête des titres :
C’aurait pu être un livre
Ou C’aurait pu être une vie. Une autre vie. Une vie encore. Parce que déjà, la mienne achève. Je suis dans l'acceptation de l'inévitable.

Je ne sens plus cette force qui pousse à écrire des centaines de pages, de raconter une longue histoire.
Je ne sens plus ce besoin d’aller voir ces lieux touristiques ou mystérieux ni ceux où ont vécu tel ou tel artiste, tel ou tel auteur.
Je ne regrette plus ces cours de littérature auxquels j’ai renoncé à 20 ans.
Je sais maintenant que ma paix n’est pas ailleurs.
Mais je sens toujours cet « étrange refus de vieillir, le désir d’échapper au temps malgré sa marque sur le corps. »

Déjà plusieurs petits deuils, mais aussi de plus en plus d’acceptations, de laisser-aller.
Pourtant, si on me l’offrait, j’y songerais sérieusement : non pas vivre encore longtemps, mais avoir deux ou trois autres vies :
une avec quelques millions de dollars,
une autre avec des facultés intellectuelles supérieures.

Pourtant, je suis de plus en plus dans cette paix que je cherchais déjà à 15 ans quand j’ai commencé à écrire dans ma grande garde-robe, la porte fermée. J’ai toujours cherché plus la paix que l’amour. J’aime croire que j’ai connu les deux. Que je connais les deux.
Je suis bien à lire un livre, à lire les vies des autres.
Je suis bien à regarder les hydrangées.
Plaisir et coeur tranquille aux couleurs d'hydrangée.

Si (me semblait aussi qu'il y aurait un "si"!) le champ d’épis de maïs peut être coupé que je retrouve les couchers de soleil flamboyants!
Que le gel vienne.


vendredi 6 octobre 2023

Ah! les chiffres!



Habituellement, ce sont les mots qui me viennent. « Ce tiraillement dans le ventre qui signale le désir d’écrire. » (Martine Delvaux, Ç’aurait pu être un film)
Ou les images. Comme celles de la semaine dernière, dans le Bas-Saint-Laurent.
Pourtant, ces jours-ci, les chiffres, les nombres, les dates aussi.

3 octobre : 47. Ma nièce a eu 47 ans. Qua-ran-te-sept. Moi, il n’y a pas si longtemps. Il y a quelques années à peine. Le début de la fin de mes menstruations. Comme ma mère avant moi, quand je lui demandais.
Pourtant 73. Soixante-treize. Le temps, ce temps qui file. Pas le temps de vivre ma vie. Pas toutes mes vies en tout cas.

4 octobre : Montréal. La 50, la 15, la 40. Rendez-vous à 11 h 15, détour, retard. Pas vraiment. Attente, parfois 2 heures.
Le glaucome de Louise. Depuis 4 ans. Je me rappelle encore le 42-32 qui nous a empêchés de partir dans le sud à la date prévue. (lire>>>)
Il y a deux semaines, la pression dans son œil qui avait subi une trabéculectomie le 9 juin : 21. Trop haut, on coupe les petites cicatrices et ça retombe à 3. Aujourd’hui : 16. Prochain rendez-vous en janvier. On souffle un peu. Retour la 40, la 15, la 50. Arrêt chez McDo : 25 $.

5 octobre : Maxi. 133 $ pour 3 sacs, pas de viande, pas de vinier.
Regard sur notre budget. La bourse baisse, les placements baissent. Encore négatif, encre rouge.
Panique à bord. 76 et 73 ans, on n’a plus les moyens d’attendre que ça remonte.
Nous étions déjà passées de 60/40 à 70/30. On pense aux certificats de placement garanti qui offrent du 5%. Vaut mieux du 3 ou 4% plutôt que du moins 6%. On calcule, on multiplie, on divise par 10 ans, 15 ans... 86 ans, 91 ans... Où serons-nous?
Appel à notre conseiller... qui confirme : les certificats, ce serait une bonne idée. Petit choc. Hein? Quitter VMD? Fait 20 ans. Deuil quand même.

7 octobre, demain. 73 ans et demi.
21 ans que je me suis « unioncivilée ».
51 ans avec la même personne.
51 ans dans la même maison, moi qui en avais connu plus de 12 avant mes 20 ans.
(Déjà raconté >>>
)


Je ne suis plus (l’ai-je déjà été) une jeune poulette du printemps. À l’automne de ma vie (pas le titre d’une chanson, ça?). Les chiffres virevoltent comme les feuilles qui tombent. Tournaillent comme les oies blanches.
Je retourne aux mots et aux photos.
Qui ne ventent pas. Qui ne tombent pas.
Je les ferai belles. Hors du temps qui file. 

dimanche 10 septembre 2023

Septembre, je t'aime!



« Il y a les fleurs pour dire la beauté, l’amour.
Et il y a les fleurs blanches, les fleurs rouges
et bleues. Les fleurs d’encre ou de métal.
La fleur définitive, celle qu’on tient entre
les dents et qu’on échappe sans rien dire.
Puis les fleurs qui ont peur du vent, les fleurs
qui dansent et les fleurs qui refusent de danser.
Peut-être même les fleurs qui font tourner
les têtes, celles qui broient les cœurs ou
qui empêchent de dormir. Il y a celles qui
portent des mystères sans âge ni raison.
Soit la fleur de l’aveu, soit la fleur noire.
La fleur perdue, la fleur retrouvée.
Il y a les fleurs pour dire adieu,
et il y a la fleur de la faute
et du pardon. »
 La raison des fleurs, Michaël Trahan

Chez nous, encore quelques fleurs, celles qu’on espérait encore belles pour la tournée des Créateurs à la fête du travail. Celles d'en arrière qui allongent l'été. Celles d’en avant que les passants peuvent voir de la rue et — peut-être — dire « c’est beau chez eux ». Moi, je le dis.

Septembre, autour de moi, plusieurs fêté·e·s. Marthe, Louise qui voudraient qu’on oublie leur âge. Dany, Yves, Pierrôt, Zack, Augustin, Sylvie D. à qui je souhaite le meilleur.

Souvent, septembre fut le mois des voyages. Baie géorgienne, Côte-Nord, Gaspésie, Adirondacks et plusieurs fois Cape Cod. Partir parce qu’il fait moins chaud, moins de monde sur les routes, pas besoin de ces fichues réservations frustrantes. Pas cette année. Trop de tout. Un jour, écrire sur la maison, tout ce qu’elle représente.

Septembre, mois où je revenais à la ville. Finies les vacances, au revoir les ami. e. s au chalet, finis les lectures « légères », les Maigret, les Sylvie, les Club des cinq. Finies les baignades, fini. e. s les amours d’été. Allions-nous nous revoir? Nous écrire?

Où je rentrais à l’école, toujours aimée. En tant qu’élève, en tant que professeur. J’ai aimé, j’aime encore les crayons, les stylos, les cahiers tout neufs. Et les livres. Les livres « sérieux ». Lire et écrire. Ma vie, celle des autres, la mienne.

Ces jours-ci, ces mois-ci, ces années-ci, je lis des carnets. Encore cette semaine, ai trouvé La raison des fleurs de Michaël Trahan. Plus poésie que carnets, mais fragments tout de même. Et Carnet d’inventaire de Élisabeth Nardout-Lafarge. Avant les remières pages:
« [...] dans le faux désordre de l’ordre alphabétique, la liste incomplète, lacunaire, de ce qui a compté. »
Oui, les fleurs fanées, le soleil couché plus tôt, oui, le vert vire au rouge. Et oui, rentrer dans la maison, à l’école, au travail, en soi.

Septembre, je t'aime!

jeudi 31 août 2023

Dernier jour d'août





Dernier jour d’août.
Dernier jour doux, plutôt dernier jour fou!
La pleine lune gruge mon énergie de nuit d’abord, de jour inévitablement.
La tête aussi pleine que la lune. Je ne contrôle plus rien, tout se défait.
Sept jours sans eau, probablement sept jours encore. S’organiser, penser. Annuler. Laisser aller.
Rendez-vous, Montréal, trafic.
Maison cocon, maison symbole du moi.
Rentrer, rester, ne plus bouger,ne plus penser.
Que la force de mots, pas de phrases. Pas de compléments, pas de compliments.
Énergie, où es-tu?
La nuit lire Salomé Assor. Un et Nue. Se laisser aller dans une autre.
Le jour, chercher le temps. Chercher l’eau.
 
Dernier jour d’août. Derniers jours des fleurs.
Le sentier sera ravagé. Vers le puits, vers l’eau.
Temps perdu.
Pourtant si bien chez nous, devant l’orme.
Pour combien de temps encore?
Pour combien de mois d’août?
De mois doux.
De moi doux.

jeudi 24 août 2023

Ah!

Ah! quel bonheur ce fut!

Le bonheur de lire toute la journée.
Livre acheté à l’occasion de l’événement «le 12 août, j’achète un livre québécois». J’avais choisi trois carnets littéraires. Mon genre préféré.

Dans Mission : les possibles de Danielle Marcotte, dès la page 13 :
«Une rencontre avec un écrivain devrait toujours avoir lieu dans l’écrin intime de la lecture. Et en rester là.»
Tout comme elle, je ne sens pas le besoin d'attendre dans une file, demander une dédicace, ni même de jaser avec l'auteur.e. Le livre me comble. J'admets que quelques lignes dans un message privé... juste entre nous, ça je veux bien. 

Un livre miroir : c’était moi que je voyais, que je rencontrais. Moi qui écrivais.
« Je voudrais être “une”. Espoir d’en finir avec mes tiraillages. Je suis partagée entre ma famille, mes soucis maternels, mes obligations professionnelles, mes aspirations ma soif d’écrire Peur de devenir blasée avec l’âge, de découvrir que rien ne vaut vraiment la peine.»

Ah! Comme dans ah! ben!. En lisant «blasée avec l’âge», j’ai voulu savoir l’âge de l’auteure. Tablette, Google... tiens, tiens avril 1950! Comme moi.

«Qu’est-ce que j’attends de tous ces écrivains dont je lis les autobiographies, les journaux, les carnets? Une clé, peut-être, qui ouvrirait sur leur mystère, qui m’aiderait à comprendre le mien?»
Idem, idem et encore idem.

Comme dans tout bon carnet, l’auteure relate ses lectures, cite des passages. J’ai lu plusieurs des livres mentionnés... sauf Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar. Pas faute d’avoir essayé. Pas faute d’admirer la célèbre écrivaine... jusqu’à chercher (et trouver) sa maison La Petite-Plaisance à Northeast Harbor (je sais, je l'ai déjà écrit dans un de mes billets de blogue). Me donne le goût de réessayer, comme si nous nous ressemblons sur tellement de points («Je viens des livres. De Kamouraska d’Anne Hébert et de Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy »), pourquoi pas celui-là? Pourtant, elle écrit aussi : « tous les livres ne sont pas pour moi. Dans la lecture, je cherche une voix qui murmure, qui se confie, loin, bien loin de la démonstration ou de la mise en scène.»

Ah! comme dans Ah! la chanceuse! Camp littéraire Félix + Robert Lalonde = (en tout cas pour elle) publication de son carnet chez Lévesque éditeur. Contente pour elle, contente pour moi qui me délecte de ces carnets d’auteur.e.s. J’essaie très fort de ne pas prendre mon propre passage à ce camp/atelier d’écriture comme un échec puisque la semaine n’a pas abouti à un manuscrit qui, en le retravaillant, aurait enfin été accepté par un éditeur reconnu, raison pour laquelle j’y allais.

Ah! comme Ah! je n’en reviens pas: sa fille s’appelle Claude.

Comme j’ai eu l’impression de passer la journée avec Danielle Marcotte, et après avoir lu sa phrase : «[...] solitude de l’écrivain — qui n’obtient jamais (ou rarement) d’écho à son travail», je l’ai trouvée sur Facebook et je me suis permis de lui écrire sur Messenger : « Ne l’entendez-vous pas cet écho aujourd’hui?»

Ah! comme:  Miroir, miroir, merci d’avoir écrit qui je suis, qui nous sommes, nous qui avons ce besoin insatiable d’écrire.

Écrire, c’est peut-être comme l’amour: dévorant et inassouvissable. Mission impossible!

Ah! quelle belle journée ce fut!

samedi 12 août 2023

Voilà ce que j'avais envie de raconter

Écrire trois mots, trois lignes. Hésiter, réfléchir. Les trouvant banals et surtout inutiles, les effacer. Que veux-je dire? Que veux-je tant écrire? Ne suffit-il pas d’y penser quitte à ressasser? La nuit surtout. Pour laisser aller, oui, jeter sur le papier, taper sur le clavier, mais dès lors, je me connais, je voudrai ordonner, nuancer et pire encore, corriger.

Je connais pourtant un plaisir plus grand parce que la dernière approbation ne me revient pas : travailler sur les textes des autres. Ce que finalement, j’aurai fait une bonne partie de ma vie. Les textes de mon père, les textes et les annonces d’un hebdomadaire, les dépliants d’organismes, les guides touristiques, les livres des autres qui veulent publier en auto-édition. Comme ma mère, travailler dans l’ombre et en retirer beaucoup de satisfaction.
Et pourtant, certains jours, quand je ne suis pas trop occupée, quand les obligations ralentissent, quand les rendez-vous médicaux ou les longues routes (enfin, pas tant longues que souvent : deux heures aller parfois trois au retour, huit fois en deux mois) quand je n’ai plus à faire plaisir à quiconque, me revient cette envie d’écrire un billet de blogue, une page de carnet.
Comme aujourd’hui.

Écrire sur ce que j’ai vu le 12 août :

J’ai vu qu’en Suisse — où j’ai de la famille —, il y a un Guiness Iris Festival et sur leur site, des mots comme parking, sponsors, news, about, Institutional partners, here we are.

En ce jour de l’événement « le 12 août, j’achète un livre québécois », j’ai vu un nouveau livre, Madame Full of shit, présenté ainsi : « Madame full of shit est le recueil coming-of-age d’une millennial relatant sans fla-fla les oscillations louvoyantes menant à l’adulting. »
Vous dire que je me sens d’un autre âge, d’un autre siècle, d’un autre monde!

Personnellement, pour ce jour devenu tradition, j'ai acheté:

                                  

Écrire sur ce que j’ai vu le 8 août :

À l’hôpital Rosemont-Maisonneuve, j’ai vu une ophtalmologiste — enfin, je pense, peut-être une étudiante de... ou une technicienne, mais une immigrante assurément. Pas le voile qui me dérangeait, mais le fait qu’elle parlait et comprenait difficilement le français. Comprenait-elle nos nombreuses questions? En tout cas, ses réponses ne nous rassuraient pas. Son sourire, sa gentillesse oui, au moins. La vraie chirurgienne de la greffe de la cornée — une Grecque qui parlait très bien le français —, est passée en coup de vent. Bonjour, je regarde... tout est beau. Deux heures de route, trois heures d’attente, deux heures trente au retour pour... moins de deux minutes.

Écrire sur ce que j’ai vécu le 1er août :

Il fallait coucher à Montréal. Réservation faite à la Maison des greffés, 1989 R. Sherbrooke E, Montréal. 80$ et souper compris. Oui, vous pouvez aller voir sur Google maps : rue Sherbrooke, près du parc Lafontaine.
Oui, mais bon, avant vous dire que j’ai appris à conduire à la campagne. Même si j’ai étudié deux années à Montréal même, je demeurais plutôt à ville Saint-Laurent, je ne connais donc pas vraiment ce coin.
Avant encore, vous dire dans quelles dispositions d’esprit j’étais.
La veille, 31 juillet, jour de l’opération de Louise, deuxième greffe de cornée, la première ayant été rejetée en 2021.

5 h debout

6 h
départ pour la Clinique médicale Angus, 2601 Rue William-Tremblay, Montréal

7 h 40 arrivée, stationnement sous-terrain, prise de billet code QR, insertion de billet (comment ça s’ouvre, cette fichue barrière?), descente au 3e sous-sol (faut pas être claustrophobe), 1 ascenseur pour le rez-de-chaussée, un autre pour le 4e étage, toilettes

8 h
inscription, formulaire

8 h 45 entrée dans le cubicule 14, jaquette, activant, signes vitaux, soluté, questions. Repos. Fait très... frais

10 h pour Louise, départ pour la salle d’attente préparatoire. Pour Claude, retour au rez-de-chaussée, achat de café trop fort que je ne finirai pas, croissant au beurre. 5 $, trouve un endroit tranquille pour boire mon café. Retour dans la grande salle d’attente : lecture, jeux sur tablette, relecture et coup d’œil par la fenêtre qui me rappelle mes années au secondaire quand je trouvais le temps long.

11 h 30 Louise revient dans le cubicule, demande Claude à 12 h. Je la rejoins.
Jasette, sourire qui indique que tout a bien été, moins souffrant que la première fois dit-elle, elle somnole, veut un café (latte un peu plus buvable 4,25 $). Attente. Lecture.

15 h 30 sort du lit, fauteuil roulant et examen pour Louise. Et... recouchée.

16 h 30 congé, consignes (ne doit pas rouler plus d'une heure pour ça qu'on ne retourne pas chez nous, on couchera à Montréal), habillement. Je dois donner une carte d’identité pour être certaine que je remonte le fauteuil roulant. Descend 1 ascenseur, arrêt à la pharmacie, commande d’un médicament,
1 autre ascenseur, descend Louise dans l’auto, s'étend, je remonte le fauteuil roulant, 2 ascenseurs, reprend ma carte d’identité, scanne le code QR pour le prix spécial des opérés, 1 ascenseur, attend à la pharmacie, prend l’autre ascenseur. Installe le téléphone/GPS pour aller à la maison des greffés. Pas d’internet au 3e sous-sol.

17 h 15 on sort enfin, me tasse sur le côté, vérifie le GPS pour route, conduis lentement, Louise, couchée, peut pas vraiment m’aider.

Voilà donc dans quelle disposition d’esprit j’étais.

Suite :
Passe devant la Maison des greffés, rue Sherbrooke, tourne sur la rue suivante, stationne vite faite sur une petite rue de côté sans savoir si j’ai le droit, Pancartes partout. Marche, entre à la Maison des greffés demander où stationner. Explications bizarres qui ne me disent rien de bien. Seuls noms de rue donnés : Sherbrooke et Bordeaux. Dois dans l’ordre : trouver stationnement public payant, trouver borne sur rue voisine pour payer 8 $ avec un code. Mais quand déposer Louise qui ne peut pas marcher longtemps et doit se coucher dès que possible? File au nord parce que sens unique, tourne à droite et encore à droite, rue Bordeaux. Pas vu de stationnement public ni de borne. Continue vers le sud. Près d'Ontario, demande à 2 cyclistes... qui ne savent pas trop non plus. On tourne en rond dans des petites rues étroites à sens unique.

On réfléchit. Option B : aller chez quelqu'un qu'on connaît, mais chien et pas reposant. Option C : trouver hôtel. Je cherche encore stationnement payant. Louise voudrait y aller à l’œil (ou au pif c'est selon!) en allant vers l'est, vers Place Versailles qu’elle connaît mieux (elle a vécu dans l’Est mais il y a 50 ans!). Je m’arrête et je cherche sur GPS, vois rapidement hôtels tout près, genre 250 $. Fatiguées, découragées. Trouve auberge Versailles sur GPS en même temps que Louise insiste pour que je longe Sherbrooke, en lui nommant toutes les rues. « On trouvera bien », dit-elle les yeux à moitié fermés.

18 h je vois l'auberge Royal Versailles. Grand stationnement gratuit. Me rend à l'accueil (habituellement la tâche de Louise). Paie 230 $, demain rabais, ce sera 155 $ plus taxes. Pas le goût de discuter. On me demande sorte d’auto. CRV Honda. On me donne une barre de volant antivol. Rassurant! Gentil, après lui avoir parlé de la condition de Louise, le préposé me dit où stationner et me donne première chambre près du stationnement.

18 h 20 enfin dans la chambre. On s’installe. Louise se couche.

19 h vais chercher souper au Harveys à côté. Attente même si personne. 17$

21 h dernières gouttes. Dernières pilules.

21 h 30 on ferme les lumières.

Mardi 1 août
8 h réveil de Claude, lecture de La Presse

8 h 45 réveil de Louise. Gouttes, pilules, habillement. Elle se recouche, Claude lit.

11 h gouttes aux deux heures, départ, déjeuner-dîner Chez Cora. Délicieux 44 $

Et c’est ici que commence le plus beau, ce qui me et nous fera oublier tout le reste.

12 h 30 rue Lebrun. Parc Bellerive. Stationnement plein et on ne voit pas le fleuve. On continue, on prend rue Desmarteau, rue de l’enfance de Louise. Stationnement facilement trouvé. Ça fait un bien fou en comparaison à la journée d’hier. Louise dodo, moi je pars marcher au bord du fleuve. Je prends des photos pour montrer à Louise ce que le bord de l’eau est devenu.

13 h 30 : gouttes, Louise me conte (encore) son enfance et la chaloupe de son père.

15 h 15 on part vers l’hôpital, pour le suivi du lendemain de l’opération

15 h 30 : enregistrement, pas la bonne carte, autre carte, hésitation du préposé, pas le bon ophtalmologiste. Attente dans la grande salle.

16 h : gouttes, appel, une ophtalmo qui n’est pas Docteur Choremis. Voilée. Ricaneuse, parle peu et comprend mal français, mais très gentille. Tout est beau dit-elle, donne prochain rendez-vous : le 10 août, 10 h

16 h 15 : retour à l’accueil pour enregistrer rendez-vous l’ophtalmo revient : changement ce sera le jeudi 3 août donc après demain!

16 h 30 : départ

18 h arrivée, gouttes, souper, télé

21 h : dans le lit, gouttes, télé, tablette

22 h : dodo.

Voici en photos le récit qui raconte le bord du fleuve du temps de mon enfance et ce qu’il est devenu, un super beau parc.
Louise raconte :
« Je suis née sur la rue Lebrun en 1947 et à six ans, nous avons déménagé rue Desmarteau. Mon père a acheté une chaloupe et, à pied, il traversait la rue Notre-Dame, arrivait à la rue Bellerive très peu achalandée, passait sur une voie ferrée et se rendait au bord du fleuve. Il se faufilait à travers une brèche, lançait un trident pour récupérer sa chaloupe.

Jusqu’en 1966-1967 je dirais, il a pêché de la barbotte, de la perchaude, du brochet et quelquefois du doré. Plusieurs fois, ma mère a été vraiment inquiète. C’était en mai, l’eau était encore froide, c’était le soir, le vent se levait parfois et une fois il a réussi à accoster sur une des îles, en face (les îles de Boucherville) et il a attendu que le vent diminue. Pas de cellulaire à cette époque. “Priez pour votre père, qu’il revienne!” nous disait-elle. »

 De voir ce que le bord du fleuve de son enfance est devenu rend Louise émotive et fière. « Si je devais un jour demeurer à Montréal, ce serait ici, dans une de ces maisons. C’est beau, c’est tranquille. Bien sûr dans les années 50, ce n’était que de grands champs. Je jouais un peu plus loin, dans le parc Jeté. C’est tellement beau ce que Montréal a fait avec le parc de la Promenade-Bellerive. »

Voilà ce que j’avais envie de raconter en ce jour du 12 août, jour du livre québécois.



samedi 27 mai 2023

Mots et photos



« ll y a un mois son frère est mort. Plus jeune qu’elle, il n’aura pas connu le luxe d’additionner les années. C’est son départ qui a mis la promeneuse en mouvement. Sa vie à elle exigeait une coupure. Sinon on ravale sa peine, puis on revient à ses pantoufles. À son existence engluée. »

La promeneuse, Lise Blouin 

« Notre mère aurait pu s’accommoder de cela, je crois. Deux.
Quiteria et moi. Des jumelles, simplement jumelles, normales.
Précieuses. Adorables. Elle et nous, une petite équipe.
Mais pas neuf.
Neuf, ce n’est plus une équipe. Ou alors elle n’en fait pas
partie. Neuf, c’est assourdissant. Neuf, c’est impossible, c’est sa
vie qui s’achève, une vague après l’autre. Qui ne lui appartient
plus. »
N’ayons pas peur du ciel, Emma Hooper  


« Je suis là et heureuse dans un monde où l’on se bat pour s’en souvenir. J’ai Maxime, mon mari, que j’aime. Il me fait souffrir au quotidien pour être certain que je reste en vie, m’abandonne à petit feu pour me préparer à sa mort, me trahit parfois pour me rendre plus forte, m’ignore pour que je me dépasse et qu’il puisse enfin m’apercevoir. Il dort à quelques mètres de la pièce d’où je t’écris. Il y a l’Autre. Qui ne mérite pas son nom de baptême dans mon histoire. Et il y a toi. »
Debout de vos absences, Mélanie Noël  

« Il était prévu que je m’efface, comme chacune fait la nuit, que je m’assoupisse, qu’à l’obscurité je dévoue mon temps, exempté de vigilance sur les chemins de la léthargie, que je me livre à un rêve au nom de la catharsis, prisonnière de l’inconscient de jusqu’au matin. Et alors que j’étais au lit dans le noir, nulle part entre la veille et le lendemain, le repos me parut absurde par trop d’agitation. J’étais exalté soudain. Excité sans raison. À défaut de sommeil, l’urgence de vivre transperça ma personne comme l’aiguille de la foudre dans le nuage éteint. Je devins incapable de m’engourdit dans les sables mouvants du lit, dormir c’est aussi renoncer à la vie, une mort profane, on dort ainsi qu’on démissionne, tel un suicide fugitif, mais ce soir-là, j’avais soif d’éclore, et comme les écorchés vifs, je me désolidarisai de toute forme de mort. »
Nue, Salomé Assor  


En lisant les extraits des livres ci-haut nommés, je n’ai qu’une hâte : lire la suite.

J’ai compris cette nuit, entre 4 et 6 heures — heures pendant lesquelles je suis souvent réveillée, heures où tant d’écrivains se lèvent pour travailler, heures, comme l’écrit si bien Salomé Assor, où trop d’agitation, excitée sans raison — pourquoi ce sont ces livres-là que j’aime en tout premier et non d’autres.

On n’y entend pas le son du ruisseau ni le bruit d’une cascade lointaine. On n’y voit pas le soleil rougeoyant à travers les nuages, les montagnes violacées qui annoncent la chaleur du jour.
Tout de suite des personnages. Tout de suite, et pendant plusieurs pages, des pensées.

Je veux bien que les auteur·e·s fassent appel aux cinq sens pour des descriptions plus prégnantes. Personnellement, quand je lis, je ne veux pas nécessairement voir ou entendre ou goûter.

Quand je veux voir, je ne lis pas, je regarde des photographies ou je me remémore des lieux aimés.
Quand je veux entendre, j’écoute de la musique.
Cette nuit, j’ai pris plaisir à me remémorer la belle chute aperçue sur la route 323 près de Tremblant. Je la voyais. Comme une image, comme une photo. Je n’ai eu nullement besoin de mots.
Et j’ai réentendu la petite cascade du ruisseau Sam près de chez nous. Quelle musique apaisante. Je n’ai eu nullement besoin de mots.
Alors quand je lis, je saute très souvent, presque toujours les descriptions. Dans les livres, je veux des personnages, des relations, des émotions. Pas un film.

Pourtant, oui, quand j’ai écrit mes romans, il y avait du soleil ou des tempêtes ou des cris. Mais je le sais maintenant, c’était pour plaire aux lecteurs, aux éditeurs. Comme une norme. Une prescription technique. Une règle apprise dès ma cinquième année dans ces chères compositions que je détestais : décrivez l’automne.

Aujourd’hui, très contente de lire des textes sans trop de descriptions. Direct au but.
Pourtant, paradoxe ambulant, j’ai beaucoup aimé Adrienne Mesurat de Julien Green. Tout le contraire... et puis peut-être pas tant : de longues descriptions des états d’âme, ce n’est pas comme faire le tour interminable de la maison ou du jardin.
 
Et merci à Biblio-Outaouais de nous offrir l’onglet « Suggérer un achat ».
Petits bonheurs du jour. Je me sens gâtée. 
Aujourd'hui, j'aime les mots. Demain, j'aimerai les photos.

mardi 2 mai 2023

Je voudrais l'aimer encore!



Je voudrais encore l’aimer. Au moins la voir. La fréquenter.
Comme je l’ai déjà aimée. Tant aimée, tant fréquentée avant qu’elle devienne ce qu’elle est... infréquentable.

De nuit en tout cas. De jour, on peut encore s’en accommoder. Si on accepte de la payer.
Elle a tant à offrir.

Mais elle est devenue inaccessible. Indisponible.
Même hors saison, même la semaine, même quand les gens normalement sont au travail.

À croire que tous les retraités veulent la fréquenter et l’aimer autant que moi, en même temps que moi?

Et ce qui est disponible ne nous convient pas, ne nous convient plus.
Ou bien je ne comprends pas la technologie!
Y a-t-il un truc? Comment changer les points rouges en petits ronds verts?

« Réserver », qu’ils disaient!
Mais il n’y a rien à réserver. Tout ou presque est déjà « non disponible » ou ne répond pas aux critères.

Sépaq, 
je voudrais tant t’aimer encore. Pour cela, encore faudrait-il que je te voie, que je te fréquente, que tu veuilles de moi.

Source des photos: Internet, souvent site de la Sépaq.

vendredi 14 avril 2023

Lire, mais dehors

Cinq heures du matin, le vent du nord-est annonçait le mauvais temps.
Âpre froidure qui s’infiltrait par la fenêtre ouverte.
Bruits de tonnerre et grésil. Suivra le verglas.
Le printemps qui tardait. Les nuits de pleine lune.
Rien pour avoir envie de se lever.
Mon esprit déjà sur le pied de guerre : les phrases se pointent déjà.

Lire au lit?
Ou me lever et écrire tout ce qui me passe par la tête.
Sans point ni virgule
Sans paragraphe
Ou sans enchaînements évidents, cohérents pourtant.
Comme ce que je lis ces jours-ci.

Comme Philippe Haeck — je ne connais-sais pas — découvert cette semaine.
Dans Nous sommes des énigmes
« Aux âmes curieuses, à qui a envie d’une seconde naissance, aux poires juteuses, cette courtepointe de pièces ramassées ici et là, sac à outils, l’ouvrir n’importe où — il n’y a que du milieu. Voir de différents angles comment le monde la vie nous malmènent réjouissent, ce qui arrive ou pas dans ma vie, répondre à quelques questions—dis-moi ce qui t’émeut, comment tu penses, avec qui tu vis, si tu as peur de mourir, comment ça se passe vieillir.»
Entre deux phrases, en association d’idées sans doute, des citations, des extraits de ses lectures.
Une bibliothèque à lui seul.
Vérification dans Biblio Outaouais: autre livre de lui, de 2018 : Il y a tant d’il y a
Même style. Mêmes personnages d’Adam et Ève.
« M’attirent âmes entremêlées, amitiés, cœur à cœur, complicités, conversations tranquilles, intimités, paroles allant loin, tête-à-tête. Que l’étude serre, regarde, prenne le monde. Malgré des encornages de bélier-capricorne, des erreurs d’aiguillage, Adam et Ève ont encore envie de vivre ensemble à cause d’une histoire d’amour [...] »
J’en suis là. À lire des extraits question de savoir si je vais emprunter le livre, si je vais l’acheter.
Et si même je vais le lire.
Et même une fois en main, il arrive qu’après cinquante pages, un autre m’attire déjà.

Il fut un temps où je prenais le temps de publier un billet de blogue sur mes lectures. Et comme tant bien des domaines, je ne tiens pas longtemps. Pas assidue, pas disciplinée. Paresseuse au sens où je me demande si ça vaut la peine. Besoin d’écrire oui, mais de moins en moins besoin de retravailler le texte en vue d’une publication quelconque. D’autres occupations plus urgentes, ou plus intéressantes.

Je ne sais plus très bien comment parler des livres que je lis. À part qu’ils me donnent envie d’écrire à mon tour. Pas tous, certains. Jusqu'à copier le style. Comme un jeu, voir si je peux encore.

Pour lire ou écrire, encore faut-il prendre le temps. Que je pense n’avoir plus. Ou en tout cas moins.
Surtout quand l’hiver est fini.
Après le verglas, le printemps, la première grive — merle d’Amérique. La première outarde — bernache. Les rivières débordent. Dehors. Gratter, pédaler.

Les mésanges n’ont plus rien à manger.
L’écureuil les en a privé.
Le bleu du ciel m’interpelle plus que les phrases de Philippe Haeck.
J’y reviendrai sûrement ou je lirai sur ma galerie, dehors.
Penser à sortir mes chaises d'été.

dimanche 19 mars 2023

Encore le livre bleu des Deguire


Le matin, avant même de me lever, je me sens capable de tout.
Je vois grand, je vois beaucoup.
Tout me tente.

Ces jours-ci, comme c’est encore l’hiver, ce sont surtout des activités à l’intérieur qui m’attirent. Ça tourne autour de la recherche sur ordinateur.
Je prépare des escapades à Cape Cod et dans le Rhode Island, le tour de l’Abitibi Témiscamingue. Je cherche quoi faire, où coucher. Je prends des notes manuscrites. J’adore toujours écrire à la main dans des cahiers.
J’ai des cahiers pour la généalogie, les voyages, mon journal. D’ailleurs que ferai-je de tous ces cahiers? Je les jette? Qui pourrait bien les lire, je ne les relis pas moi-même?

Aussi le « Livre bleu », comme je l’appelle, m’obsède. Ce « Livre généalogique de la famille » qu’a tenu ma grand-tante à partir du 1er janvier 1918. Livre qui m’a beaucoup – énormément — servi dans mes recherches pour l’écriture de mon roman Les têtes rousses. En 2004.
Je croyais en avoir fini de ce livre, je voulais le donner au Musée des Sœurs Sainte-Croix, mais je ne parvenais pas à les joindre. Jusqu’à la semaine dernière.
J’étais toute enthousiaste en recevant leur courriel. J’avais même pris rendez-vous.

Et me voilà prise d’un doute. D’un questionnement comme moi seule sait y faire :
Est-ce que je fais bien? Suis-prête à y renoncer? Est-ce le meilleur endroit? Ne serait-il pas mieux dans une société de généalogie? Qu’adviendra-t-il? Servira-t-il à quelqu’un? Contient-il de si précieux renseignements? Et les droits de consultation? Et les droits d’auteurs? N’importe qui pourra publier les photos, réécrire les pages sans mentionner la source?

C’est comme laisser aller le fruit d’un travail ou un peu donner au suivant. Mais aussi peut-être le regretter si j’éprouve un jour le besoin de trouver des info que je sais n’être que dans ce livre.

C’est comme nos sites Internet, que deviennent-ils après notre mort?
Le site Internet de Gilles Deguire, www.mesancetres.ca, est encore sur le Web. Si précieux pour qui cherche des informations sur les Deguire. Comment savoir combien de temps encore?

D’une idée à l’autre, je me demande si, à partir des informations contenues dans le « Livre bleu » je ne devrais pas écrire une monographie sur MES Deguire. Même que dans ma fébrilité du matin, je pense même des monographies, au pluriel. Sur les Deguire, les Falstrault, les Nantel, les Lamarche. Mais je retombe les pieds sur terre. Le peu d’informations que j’ai sur ces derniers patronymes est déjà tout sur mon site Internet. Que pourrais-je en dire de plus?

Toujours contribuer à une certaine pérennité. De ma vie, par une trace. Sans en juger l’utilité ou l’importance.

Après tout, je fus très heureuse de trouver la monographie des Lynch à la Société canadienne-française. Société intéressée elle aussi à acquérir le livre de mon aïeule.
Re-doute, re-questions. Suis-je prête à le laisser aller? 
Avant de prendre une décision, j’ouvre à nouveau le livre bleu. Précautionneusement, délicatement. Après tout le livre a plus de cent ans. Sera-t-il numérisé? Comment le contenu sera-t-il sauvegardé?

Ai-je bien gardé toutes les photos? Et toutes les pages importantes?
Plusieurs de ces photos sont déjà sur mon site >>>.

Je relis encore quelques lignes de cette « Biographie de Papa & Maman » écrite en 1915 par Annie Deguire, alors sœur Marie de Saint-Philéas. Adolescente, je pleurais chaque fois en lisant cette histoire d’orphelins.

Retour à la case monographie écrite. Et si je transcrivais cette histoire?

Et comme chaque matin, l’esprit s’essouffle, la fébrilité s’apaise.
Aujourd’hui, je m’habille en mou, je ne sors pas, j’écris.

vendredi 17 février 2023

Je suis de neige et de mots

Je ne suis pas du chemin Roxham
Je ne suis pas de Colombie ni d’Algérie
Ni de guerre ni d'agression
Je ne suis pas de Paul Daraîche ou d’Elvis Presley
Ni du temps de Balzac ou de Mozart
Ni même des Beothuks ou d’Évangéline

Seulement d’avril 1950
D’un vendredi saint qui reviendra cette année
Des sœurs Sainte-Croix et des sacrements de l’Église
De cette province que mes parents auraient voulu pays
De cette Petite-Nation que j’ai choisie

Je ne peux parler au nom de personne
Tout juste du mien
Dois-je pour autant me taire?
N’ai-je pour autant rien à dire?

Devant mes yeux, la plupart du temps des grands pins rouges
Et le blanc de la neige ou les érables colorés
Parfois un renard, souvent des mésanges et des écureuils

Comme Claude Gauthier, je suis de lacs et de rivières
Je suis un beau voyage 
 
Mes ami·e·s et ma famille sont de nature et de battures
De mer et de terre
De livres et de cahiers
D’art et de musique

Mon amour est de corps et d’esprit
De mes mots et de ses tableaux
De rires et de larmes
Du meilleur et du pire
Du temps et des silences
D'espace et de voyages
De toujours et à jamais
Je l’espère chaque jour.

mercredi 15 février 2023

Entre ciel et terre

L’automne dernier j’avais vu ce concours :
Concours «Écrire l’arbre»
Un appel de textes invite les personnes à célébrer un arbre qu’elles affectionnent particulièrement.
«Des professeures et professeurs du Département d’études littéraires organisent un concours d’écriture ouvert à toutes et à tous, consistant à soumettre «un texte consacré à un arbre réel qui pousse sur le sol québécois et avec lequel on entretient un lien privilégié, ou que l’on souhaite spécialement mettre en valeur.»
Pour ce concours, sans hésiter, j’avais choisi d’écrire sur les pins rouges avec lesquels je vis depuis cinquante ans.
Mes pins.

Je n’ai pas gagné.
Bien hâte de lire le texte primé.
Je publie donc le mien, ici.

Entre terre et ciel

Ils m’arrivaient à l’épaule.
Ils avaient cinq ans, j’en avais vingt.
Ils grandissent encore. Une couronne de branches par année. Des branches qui, faute de lumière, deviennent moignons après quelques saisons.
Et je les ai aimés tout de suite.

Ces petits cônes déjà élancés sont tous nés la même année : 1967.
Je reconnais des pins, j’ai appris qu’ils étaient rouges. Plus petits que leurs cousins, les pins blancs. Une plantation encouragée par le gouvernement, aménagée par une famille et un mouvement 4H.

Les palmiers et les figuiers du sud m’ont tenu compagnie certains hivers, les arbres géants de l’Ouest canadien m’ont impressionnée, les tuckamores sauvages de Terre-Neuve m’ont attendrie.

En revanche, mes pins rouges, oui, mes pins — nous nous sommes apprivoisés —, sont devenus mes amis, mes amours. À la fois apaisement et admiration depuis cinquante ans.

Pendant mes convalescences solitaires, je leur ai confié mes peurs et mes larmes. Mes mains sur l’écorce rude, les yeux fixés sur les aiguilles jumelles qui cherchent le ciel, le calme est revenu. Chaque fois.

Ils m’ont enveloppé de leur courage, de leur force et m’ont parlé de leur longévité. Leurs cimes m’ont bercée de leurs valses rassurantes.

Ils me protègent du soleil trop ardent l’été, et des violentes bourrasques de neige, en hiver.

Ils enveloppent maison, remise et atelier. Lors d’expositions, on accroche des tableaux sur les fûts, et on installe des sculptures sur des troncs. En marchant dans les allées, les visiteurs ont l’impression d’entrer dans le chœur d’une cathédrale. Je conte l’histoire de ce cloître et j’explique les embranchements des pins.

Ceux plus exposés au soleil surveillent le grand champ de pommes de terre d’en face et rougeoient lors des plus beaux couchers de soleil. Ils accueillent les geais bleus, les phébis et les mésanges qui viennent parfois s’aimer. En croassant, les mainates se perchent sur les cimes. Les écureuils bruns s’offrent un buffet de cônes à volonté. J’aime tout d’eux même si je n’ai encore goûté aux jeunes pousses doubles ni distillé leur résine, parait-il bienfaisante.

Mes grands pins n’ont jamais connu les champignons ou les papillons nocturnes. Laqués de pluie ou lourds de givre, ils resplendissent de santé. Depuis quelques années, dans les rares éclaircies, des bouleaux et des érables, le rouge et l’ocre colorent le décor forestier dans une magie de clair-obscur.

En cinquante ans, j’en ai fait couper quelques-uns. Les plus près des bâtiments. J’en ai vendu. M’en ont-ils voulu? Je ne les ai jamais connus revanchards. Je les ai coupés pour ne pas étouffer, pour respirer. Dociles, ils ont servi de charpente pour un atelier d’artiste.

Ils m’ont fait peur le 21 mai 2022, à 16 heures 13. Sous la force du vent, certains ont craqué, cassé. Dans le sol sablonneux, leurs racines étalées n’ont pas suffi à les retenir. Cruel destin, pourquoi ce vent violent -- nommé derecho nous a-t-on appris -- vous a-t-il abattu en trois secondes? Vous, les pins rouges, les résistants. Pourquoi vous, plus que tout autre espèce, plus que les feuillus fluets? Pourquoi vous, mes amours, mes fidèles? Vous deviez me survivre un bon 150 ans encore. Je vous voyais en maisons, en sculptures, au moins en poteaux de ligne. Finir en copeaux de bois, en bois de chauffage, quelle déchéance!

Chez nous en tout cas, plusieurs d'entre vous avez supporté l'épreuve.
Vous m’avez montré votre vulnérabilité. Je sais maintenant votre fragilité à l’enracinement.

Je vieillis, vous êtes encore jeunes.
Bientôt, je m’endormirai à vos pieds.
Je vous regarderai grandir encore.

D’en haut cette fois.



mardi 14 février 2023

De l'amour des mots




14 février
Je devrais parler d’amour.
Je vais parler de l’amour des mots alors.

Comme souvent quand je suis seule, devant la mer, la nuit, en auto, à vélo, les mots affluent.
Pour raconter, pour me questionner, pour revoir les scènes, l’événement. Pour évacuer les émotions. Pour reformuler les phrases que je n’ai pas dites ou celles que je n’aurais pas dû dire.

Lors de mon retour de Gatineau, seule dans mon auto, j’avais déjà un titre de blogue : Hier. Peut-être Hier encore. Comme la revue du Centre régional d’archives de l’Outaouais.

J’ai vu Michèle Bourgon, elle lançait son livre Rendez-vous!
J’ai reconnu Raymond Ouimet — justement un des rédacteurs et responsable de la revue Hier encore.
Puis, j’ai croisé Claude Larouche du Comité du patrimoine de Ripon à qui j’avais parlé le matin même puisque je m’occupe de monter leur bulletin L'écho des montagnes..
Et belle surprise, j’ai reconnu Lysette Brochu que je n’avais pas vu depuis... belle lurette.

Avec moi : cinq écrivains, cinq retraités, trois ex-professeurs. Je les connais tous. Ils ne se connaissent pas tous.
C’était hier.
Quand nous nous réunissions dans des ateliers d’écriture.
Quand nous nous voyions au Salon du livre, en tant qu’auteur. e. s.
Quand les éditions Vents d’Ouest et les éditions Vermillon existaient.
Quand on était publiés en Outaouais. Quand on espérait l’être pendant des années.
Avant que Michel Lavoie et Jacques Flamand ne décèdent et que les maisons d’édition ferment.
Avant.

Aujourd’hui, on écrit encore. Pour soi bien souvent.
On envoie parfois nos manuscrits chez des éditeurs reconnus. On attend. On espère. On réussit parfois.
Sinon, on envisage le plan B : l’auto-édition.
Ils s’informent, me questionnent sur les étapes, le prix. Je leur réponds : révision, montage, impression, distribution. Je peux m’occuper du montage. Leur donner des noms d’imprimeurs.

Hier, je les côtoyais comme auteure.
Aujourd’hui je les rencontre en tant que graphiste et lectrice.
Hier, c’était le lancement de Rendez-vous!, un livre de nouvelles écrites par Michèle Bourgon.
Demain, peut-être celui de Claude Larouche ou celui de Raymond Ouimet.
Dans dix jours, le Salon du livre, si je les rencontre à nouveau, ce sera comme visiteurs.
Nous parlerons de livres, du français, de l'édition en Outaouais.
Parce qu’hier, comme aujourd’hui, nous sommes des amoureux des mots.

Site de Lysette Brochu >>>
Blogue de Raymond Ouimet >>>
Blogue de Michèle Bourgon >>>
Page Facebook de Claude Larouche >>>

mardi 7 février 2023

Janvier en couleurs


En janvier, la Floride. Encore une fois. Une dernière fois?

À quinze minutes de la mer. Le boardwalk en vélo. Un « studio Pet friendly » sympathique. Des restaurants avec terrasses, des vraies.

La ville aussi.




Quand même des petits coins plus tranquilles.





Et puis une visite au RV Resort où nous avons passé quelques mois d’hiver. Le plus beau coucher de soleil du mois.

  

Un retour au pays blanc. La froidure mais aussi l’émerveillement. Encore.



mercredi 30 novembre 2022

Autour du 30 novembre 2022

30 novembre 2022: entre dates et écrivains.

Jacques Lamarche en 2000
Mon père aurait eu 100 ans.

100 ans aussi, demain, pour le terrible feu de Terrebonne. Je le sais parce que mon père a toujours dit qu’il était né le soir du feu de Terrebonne (en fait, il est né la veille) et qu’à cause de ce feu, son oncle n’avait pu venir à l’hôpital voir sa sœur.

Un autre événement qui s’est produit autour de sa date d’anniversaire : l’écrasement d’un avion à Sainte-Thérèse de Blainville. Ses deux meilleurs amis, Mona Langlois et Albert Roy, sont morts ce jour du 29 novembre 1963. (Ci-dessous, lien vers la photo)

Cette semaine, Nicole Brossard a reçu le prix Gilles-Corbeil. Ma famille l’a connue en 1969, au début de sa carrière. Elle a été la première lectrice d’un de mes manuscrits.

Mon père a-t-il rencontré Antonine Maillet? Probablement, mais hier, j’ai écouté l’entrevue qu’elle a donnée à André Robitaille. Julie Mainville en parle dans le blogue télé de Radio-Canada. Elle a retenu la même phrase que moi :
J’avais besoin de cette espèce de respect que donne la distance. J’avais besoin de la perspective et de la nostalgie. On n’écrit pas si on ne s’ennuie pas, si on n’a pas quelque chose à dire qui vient de très loin.
Ce matin, donc je dois être nostalgique. Envie de me rappeler ce que le 30 novembre représente pour moi. Envie de relire sur ces écrivains: leur vie, leurs livres. 

Lien vers écrasement de l’avion >>>
Lien vers l’entrevue d’André Robitaille avec Antonine Maillet >>>
Lien vers Jacques Lamarche>>> 

samedi 29 octobre 2022

Exercice pour se remettre en forme

Ceci est un exercice. Écrire ce n’est pas comme la bicyclette, c’est plutôt comme la course à pied : il suffit d’arrêter d’écrire quelques jours pour être rouillée, devoir recommencer à presque zéro parce que l’esprit est un peu engourdi. Et probablement ne pas trop savoir où on va. Y aller quand même. Quitte à s’arrêter plus souvent.

Donc le dernier mois, dix jours de Covid, de menus travaux d’automne (ai-je dit menus? Ce fut de gros travaux, suite du derecho de mai, mais menus pour moi qui ne fut qu'une aide) et des jasettes entre amies m’ont occupée le corps et l’esprit. Malgré tout, quelques lectures m’ont comblée! Mais lire, c’est un peu comme écrire : faut avoir la tête à ça.

Annie Ernaux a remporté le Prix Nobel, en feuilletant son livre lu en 2015, Écrire sa vie, je m’aperçois que je n’ai pas lu Mémoire de fille. Ce qui fut fait. Il est vrai qu’elle se répète, mais quel·le auteur·e ne le fait pas? Suis heureuse de constater qu’elle n’aime pas les étiquettes:

« Lorsque quelqu’un referme un livre qu’il a lu, il ne se demande pas s’il a lu un roman ou un récit, il sait juste s’il a lu un bon ou un mauvais livre. »


Ce qui me donne à penser que je lis pour les mêmes raisons que j’écris : pour comprendre ma vie, et si possible LA vie. J’ai lu des livres de philosophie, de psychologie. Mes préférés ces années-ci : les récits. De vie.

«[...] nous n’avons qu’une vie alors, lire celle d’un autre humain agrandit et prolonge la nôtre. Pourquoi ? Pour reprendre le contrôle.
Écrire c’est reprendre le contrôle. Le contrôle sur le vécu vécu.» 
(Aline Apostolska dans un article sur Annie Ernaux)


Dans cette thématique du « je », j’ai enchaîné avec La lettre aérienne de Nicole Brossard. À lire lentement.
« Je se censure partout dès qu’il s’écrit »

Visiblement, je cherche un miroir. Voir ma vie écrite dans un livre pour voir où elle va après avoir retrouvé ce qu’elle a été ailleurs que dans mes souvenirs. Plus je vieillis, plus il n’y a que moi qui m’intéresse. Plus de temps à perdre avec ce qui ne me rejoint pas.

Entre deux récits de vie, je me suis laissé tenter par Les marins ne savent pas nager. J’ai beaucoup aimé les 200 premières pages. Le décor de l’île : je me revoyais à Terre-Neuve. Le vocabulaire très riche et très autre siècle. Toute mon admiration à l’auteure pour son travail original. Mais pas de conflit à résoudre, pas d’attachement réel aux personnages. Donc pas d’identification à part cette île dans laquelle j’irais bien habiter... deux semaines. Y lire sûrement.

Je suis revenue à plus personnel, j’ai enchaîné avec Quand viendra l’aube de Dominique Fortier.
Quand je lis : « je ne vois pas quand les mots reviendront; j’ignore s’ils reviennent jamais ou s’ils ne font que nous visiter une fois pour tourner les talons, dépités, quand on tarde à leur ouvrir la porte », ça me pousse à « ouvrir la porte » pour voir si mon besoin d’écrire s’est envolé.

Au lieu de me dire que Dominique Fortier a été chanceuse d’avoir été assistante de recherche de François Ricard, chanceuse d’avoir poursuivi des études en littérature, je me demande plutôt en quoi j’ai été chanceuse dans ma vie. La liste est longue certes et chaque « chance » m’a menée là où je suis et a fait de moi ce que je suis. Mais (toujours ce mais qui dit le doute et fait croire a une insatisfaction) quelles autres chances aurais-je pu avoir pour être... Et chaque fois je me demande être qui? Qui aurais-je tant voulu être? Je cherche dans les livres ce « qui », ce « je ».

Dans ce récit, Dominique Fortier nous parle de la mort de son père, de sa fille, de ses promenades dans le Maine... et de son écriture. À la fin elle se demande :
« Ces pages tracées pêle-mêle pendant des semaines dans les heures d’avant l’aube auront-elles éclairci quoi que ce soit? Je n’en suis pas sûre. À qui sont-elles aujourd’hui destinées? Je ne saurais pas davantage le dire. Aurai-je réussi à ménager entre les lignes l’espace nécessaire pour que l’on arrive malgré tout à y déchiffrer ou à y déposer des bribes de sa propre histoire? Je l’espère, sans trop oser y croire. »
Je lui ai répondu Oh que oui! Parce que si je n’ai pas de fille, mon père est mort, j’adore la mer, et évidemment... les mots.

Puis, sans me souvenir comment, je suis passé à Hantises de Frédérique Bernier.
« [...] En attendant d’être plus courageuse que sa peur, on convoque ses auteurs, on se pare des références qui tapissent sa bibliothèque intérieure, espérant que l’écho des voix admirées couvre les réverbérations muettes et criardes de la terreur qui s’agite en soi. Dire ne semble admissible qu’en rétrospective, quand l’aventure est derrière soi, alors que, rescapée de la grotte, on sait que l’on n’y laissera pas sa peau et sa raison. »
(Hantises, Frédérique Bernier)

Il y a aussi :
« Dévorant Les vagues de Virginia Woolf, il y a de cela plus de quinze ans, j’ai le souvenir de m’être dit, comme si je me révélais alors à moi-même une vérité capitale, que vivre avait valu la peine ne serait-ce que pour cela, pour avoir lu ce livre. Ces pages qui m’avaient secouée, mise sens dessus dessous comme un raz de marée, venaient justifier mon existence. »

Et comme je n’ai pas réussi à être happée à ce point par les livres de Virginia Woolf (n’en ai terminé aucun, sauf Une chambre à soi), peut-être ne suis-je pas comme ces lecteurs et lectrices — dont Frédérique Bernier, visiblement — pour qui un livre réussit à justifier l’existence. Ou je n’ai pas encore trouvé LE livre. Alors je cherche. Je trouve par petits bouts. Des extraits ici et là. Et me voilà à noter des phrases marquantes, à citer des auteur·e·s, comme tant d'écrivains le font ces années-ci.

Voilà, fin de l’exercice pour aujourd’hui.
Je m’en vais me faire vacciner. Contre l’influenza puisque paraît-il, il faut attendre trois mois avant une nième dose si on a eu la Covid.

Et vous, dites-moi vos occupations, vos préoccupations d'hier ou de demain.


lundi 3 octobre 2022

Ma Petite-Nation... encore et pour toujours

Avant le sujet, un trop-plein. Il ne s'agit pas du livre que vous voyez, celui-là il est formidable!

Il faut quand même que je le dise, même si ce n'est pas bien de commencer par du négatif. J’ai râlé, j’ai péroré, j’ai déblatéré contre un livre paru en 2021 (que je ne vous montre surtout pas pour ne pas trop le faire exister), mais que je n’ai vu que cette semaine. Le pire cas que je connais : sur la couverture, un titre de trois lignes en anglais; à l’intérieur, une dédicace en anglais, des citations en anglais... et les sous-titres des poèmes en anglais... jusqu’à la page 17! Pourtant oui, les poèmes sont bel et bien en français. Grrrr!

Comme je me suis déjà exprimée sur ce sujet qui me hérisse au plus haut point dans le billet du 30 août, je passe à ce qui, ces jours-ci, me réjouit, ravit mon esprit, s’adresse à mon cœur.

Pays littéraires du Québec qui date de 1998. Moi qui aime voyager en cherchant les traces de tel ou tel écrivain, en visitant les lieux avec leurs mots, comment suis-je passée à côté de ce livre toutes ces années? L’auteure, Denise Pérusse, s’exprime ainsi en parlant de son livre : « [...] j’ai sillonné le vaste territoire québécois pour repérer les sentiers ouverts par nos écrivains. Remonter aux sources de leur inspiration, mettre en lumière le décor, le cadre qui a titillé leur fibre littéraire et surtout donner au lecteur d’ici et d’ailleurs l’envie de découvrir le Québec à travers leurs œuvres. »
Un livre à emporter, à laisser tout près de soi quand on traverse telle ou telle ville et qu’on s’arrête dans telle ou telle rue. Qui m’a donné envie de revoir Louiseville, Yamachiche, Saint-Casimir, le Chenal du Moine, Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier. De lire et relire Alain Grandbois, Jacques Ferron, Anne Hébert, Gabrielle Roy.

J’aimerais bien une nouvelle édition avec des écrivains qui ont émergé depuis.

Tout en lisant les magnifiques descriptions de ce guide des lieux d'écrivains, je me demandais qui présente aussi bien ma région.

Quel écrivain serait de la « géographie littéraire »? Qui immortalise la Petite-Nation? Les romanciers ou poètes ou bédéistes d'aujourd'hui dépeignent-ils autant les maisons, les terres, les rivières que les écrivains des précédentes générations?

Le nom de Jean-Guy Paquin me vient à l’esprit. Des livres qui nous font connaitre les lacs, les rivières, les Weskarinis, ces gens d’avant Papineau, d’avant le château Montebello, d’avant le tourisme.
Lien vers les livres de Jean-Guy Paquin >>>

Je dirais aussi Jean-Paul Filion, né à Notre-Dame-de-la-Paix, mais on l’associe plutôt à Saint-André-Avellin.
Lien vers biographie de Jean-Paul Filion >>>

Sur la presque centaine de publications de mon père, Jacques Lamarche... sûrement plus d'un texte.

Pour écrire un texte valable sur ce sujet, il me faudrait consacrer plusieurs mois, voir une année pour rapailler toutes les informations. Ça ne fait pas partie de ma liste de «choses à faire avant de mourir».

Tout de même, en pensant aux compositions obligatoires de mes années scolaires, je me rappelle que j’étais assez nulle en descriptions. La quinzaine de villes que j’avais connues ne m’émouvaient pas au point d’avoir envie d’en parler. Ni en bien ni en mal.
Pourtant, à la fin du siècle dernier (mon Dieu quel âge ai-je donc pour pouvoir parler du XXe siècle?), j’ai commencé à côtoyer des artistes peintres. Pendant que Louise Falstrault et Marthe Blain croquaient sur le vif un paysage, j’écrivais sur ce qu’elles regardaient. Et là l'émotion montait.
Je me suis enracinée dans cette Petite-Nation choisie. Entre autres avec des mots, d'amour j'ose croire.

Pour rappel, ces mots publiés il y a vingt ans.

                            


jeudi 22 septembre 2022

Entre été et automne : septembre


Départ au début septembre quand c'était encore l'été. En shorts et sandales. Le cœur au beau et chaud.

Retour à la mi-septembre quand c'était déjà l'automne. En pantalons et souliers. Le cœur un peu flâneur.

Aujourd'hui, devant un arc-en-ciel qui dit le soleil et la pluie, à entendre les outardes et à voir les érables rouges, enfin un peu de temps pour réunir idées et photos.

Entre la fin de l’été et le début de l’automne, il y eut le fleuve, la mer, les bateaux, pas de baleines, les galeries d’art de Baie-Saint-Paul et de La Malbaie, les mosaïcultures à Québec, le zoo Miller en Beauce, la côte de Saint-Joseph-de-la-Rive. Et de retour à la maison, la joie de revoir les couchers de soleil qui repoussent la petite voix qui pense à « casser maison », la lecture du livre du « 12 août » enfin reçu. Écrire un peu. Mais aussi les travaux, les obligations.

Entre ciel bleu et nuages gris, ne pas succomber à l’humeur chagrine du temps qui passe. Toujours trop vite.


dimanche 4 septembre 2022

Parlons d'art figuratif

Chez l'artiste peintre Louise Falstrault, en 2008

C’était en 2008, c’aurait pu être en 2000... c’était la fin de semaine de la Fête du Travail. C’était surtout une des tournées des ateliers des Créateurs de la Petite-Nation. Une douzaine d’artistes peintres et artisans, tous professionnels au sens où c’était leur principal revenu.

Des artistes peintres figuratifs pour la plupart.
Et la tournée était très courue. Jusqu’à 2000 visiteurs certaines années.

Si j’en parle, c’est que dans les medias, il est question de la rentrée : de nouveaux livres, de nouveaux spectacles, de nouvelles émissions télévisuelles, de nouveaux films... et des expositions dans les galeries et es musées.
Mais de quelles expositions s’agit-il? Que des artistes en art contemporain! Que de l’abstraction! Pourtant, les artistes peintres figuratifs existent encore, produisent encore. On peut voir leurs œuvres dans des symposiums, dans des expositions régionales, dans les galeries de Montréal, de Québec, de Charlevoix, des Laurentides.

Pourquoi les journalistes n’en parlent-ils pas? Pourquoi ne les voit-on pas dans les médias? N’y a-t-il donc que les arts qui s’étudient dans les cégeps et les universités?

Comme chaque mois de septembre, je vais me promener. Ce fut déjà Cape Cod, la Gaspésie, les parcs de la baie Georgienne. Cette fois (encore) Charlevoix. J'entrerai dans toutes les galeries d’art à Baie-Saint-Paul et à La Malbaie. Même chez quelques artistes qui ouvrent leur atelier au public.
Je vais me délecter des paysages, des maisons, des humains que nos artistes québécois ont peint et peignent encore. Le groupe des Sept, les membres de l’institut figuratif, les nouveaux comme les anciens artistes des symposiums. Et me souvenir de ces belles tournées des Créateurs de la Petite-Nation.

D’ailleurs, les Créateurs existent encore et cette année, ce sera le Festival de l’argile à Plaisance les 11 et 12 septembre.


mardi 30 août 2022

Ange et démon à l'aube

Encore couchée, j’ouvre ma tablette, je lis les nouvelles du jour, je cherche les nouveautés littéraires. Dans La presse+, sur Facebook, je m’attarde chez Babelio. Je comprends enfin que le roman Pascale de Françoise de Luca est le Reine réédité en 2015. Dommage, je croyais que j’aurais un Françoise de Luca de plus à lire.

À peine réveillée, j’écris déjà. Dans ma tête.
J’émets des opinions, je formule des objections. Je me pose des questions et je tente des réponses. Le diable sur une épaule, un ange sur l’autre. L’un comme l’autre, ils ont l’argumentaire un peu court. Et depuis quelques jours, ils radotent. Au sujet du français. Encore.
— As-tu vu les deux livres : No Man’s land de Charlotte Bigras aux éditions Druide et Difficult women de Roxane Gay aux éditions Mémoire d’encrier.
— Pourquoi tu nommes les éditeurs?
— Parce que je les considère aussi fautifs — les premiers fautifs — que les auteures.
— Oui, mais le Difficult women, c’est une traduction.
— Pas une raison. Au contraire, il y aura double confusion. De plus, les libraires peuvent les placer dans les livres en anglais.
— Vas-tu les lire?
— Je ne sais pas encore. Qui vais-je punir en refusant de les lire pour la seule raison que les titres sont en anglais?
— Arrête donc de chialer, arrête de penser et de faire des phrases tout le temps. Lève-toi ou rendors-toi.
— Si tu n’étais pas toujours là aussi pour rajouter ton fion!
— Et toi, tu n'en laisses pas passer une, tu cherches juste les fautes, les erreurs. Tu es obsédée, une accrochée-de-la-loi-101-qui-ne-décroche-pas, une puriste.
— Bon, alors, je ne dis plus rien.

Dans cette aube naissante, mon esprit vagabonde. Je me revois au journal quand je changeais le mot gaz/gas en essence dans une annonce, quand j’admirais ma mère en train de feuilleter le dictionnaire Dagenais à la recherche du bon mot, quand le vendredi, j’appelais à l’Office de la langue française et que je discutais avec une linguiste, quand l’après-midi je parlais à l’imprimeur de trame au lieu de screen. Je sentais qu’on s’améliorait, je donnais l’exemple, ça portait ses fruits. Aujourd’hui, donner l’exemple ne suffit plus. Je n’ai plus de tribune pour influencer qui que ce soit.

L’impatience de mon petit diable et de mon ange faiblit, ils se réconcilient ou plutôt ils se taisent... jusqu’à la prochaine dispute.

Je me lève, je vais déjeuner. En lisant Les filles bleues de l’été de Mikella Nicol. Encore une histoire d’amitié entre filles. Je suis partie là-dessus.