mardi 1 décembre 2015

Et si...



Écrire serait si triste si l'on ne déviait jamais de son plan.
Giorgio Agamben

La citation d’aujourd’hui correspond à ma semaine d’écriture : je tuerai un personnage (il se noiera dans une rivière ou un lac, à son choix) tout simplement parce que mon histoire ressemblait trop à la mienne. Et je ne veux pas. Parce que je ne veux pas que les têtes fortes collent trop à ma vie. Mes personnages réclament une vie plus mouvementée, plus dramatique, plus intéressante. Comme Léopold Deguire dans Les têtes bouclées, je m’amuse à me demander : « Et si… »

dimanche 29 novembre 2015

Dimanche

Dimanche. Le dimanche pour moi n’a jamais été et ne sera jamais comme les autres jours. Je n’ai ni devoirs à remettre ni leçons à apprendre comme au temps lointain de mes années de collégienne, mais, le dimanche, j’ai encore des relents de fille studieuse. Envie de m’assoir sagement à mon bureau, écrire, réfléchir, me recueillir. L’après-midi, lire au salon, un Vivaldi en sourdine. Depuis belle lurette, plus de messes le matin, plus de retour à la ville après une fin de semaine à la campagne puisque je demeure à la campagne, mais encore le goût d’un rôti mijoté de pommes de terre pilées. Envie parfois de visite. 

Dimanche langoureux ou plutôt indolent. 

Dans mon cerveau émotionnel se placent les diverses pièces du casse-tête de mon prochain roman, mais quand vint le temps d’écrire, de poursuivre, quelques mots seulement. Comme un résumé. Tout est dit en trois pages. J’écris toujours aussi courtement, comme un billet de blogue ou une chronique de journal. La nuit, les personnages deviennent somnambules, bavards. Ils se promènent, me hantent. Le jour, ils se taisent, ils attendent, me surveillent. 

Petit bélier qui va toujours trop vite, qui va à l’essentiel. À lire ou feuilleter les romans des autres, je vois bien que l’histoire peut aussi se résumer en quelques lignes. La beauté et la richesse de la lecture résident donc dans le style, dans l’agencement des mots, dans la lente narration. Saurais-je calmer les ardeurs de mon signe de feu toujours pressé de passer au texte suivant? Saurais-je lui insuffler la délicieuse langueur du dimanche?

lundi 23 novembre 2015

Contente

Contente. 

À vingt minutes de chez moi. 

Deux jours, de 10 heures à 17 heures. Sans flafla. Sans grand temps mort. Lunch à 3 $. Belle organisation. Merci à Lise Poirier et Lorraine Sabourin pour l'invitation.

Vendus plus de « vieux » livres que de récentes publications. Les ventes ont dépassé les 100 $ qui vont directement dans mes poches.

Sujets de bavardage allant de l’Irlande aux patronymes, en passant par les soldats de Carignan et même de l’enseignement. Parler avec amour de la Petite-Nation. J’ai reconnu dans les yeux et les sourires des gens les mêmes heureux souvenirs des étés au lac Simon. Parler de mon père reconnu pour son travail en histoire. Parler de ma mère connue au CHSLD. Parler à d’anciens élèves.

Des voisins de kiosques sympathiques, dont quelques ami-e-s. Des rires, de l'entraide. Des visiteurs tout aussi intéressés aux bijoux, aux meubles, aux tuques en alpaga qu’aux mitaines en castor. Et aux livres. Il n’y avait que les miens!

En conclusion, que je me le tienne pour dit:  je ne suis pas moins auteure parce que j’ai choisi Ripon plutôt que Montréal.

Très contente bis, ter.

vendredi 20 novembre 2015

De la lecture à l'écriture

Tu sais qu’il est temps de retourner à l’écriture quand tes lectures ne te satisfont plus. Que tu passes d’un roman à l’autre à la recherche d’un tu-ne-sais-pas-trop-quoi. Comme si tu ramassais des framboises et que tu cherchais toujours si la talle voisine ne serait pas plus abondante ou de meilleure qualité.

Quand tu lis un livre après l’autre, de style aussi différent que Six degrés de liberté de Nicolas Dickner et La vie des elfes de Muriel Barbery. Qu’il n’y a entre les deux qu’un seul point commun et encore c’est en cherchant bien : les chapitres alternent entre divers personnages. Que tu trouves que le premier est tout plein de détails qui t’agacent, comme dans une peinture hyperréaliste, jusqu’à écrire les chiffres entre parenthèses « deux (2) ans, trois (3) mois et dix-sept (17) jours » ou divulguer le mot de passe « 5+e’@> » 0~#8vcP », ce dont tu te fous complètement. Mais où l'auteur veut-il en venir? L’histoire va-t-elle enfin commencer, mais bon laissons-nous aller, on verra bien. Quant à l’autre roman, les phrases, en comparaison, deviennent absconses, surtout si on les sort de leur contexte, comme « La vraie foi, on le sait, se soucie peu des chapelles, elle croit en la collusion des mystères et broie de son syncrétisme candide les tentations trop sectaires »...

Quand il y eut avant la lecture de Madame Victoria de Catherine Leroux lu en entier avec admiration pour l’idée originale, mais que tu as abandonné Au péril de la mer de Dominique Fortier  faute de ne trouver dans la description du mont Saint-Michel que très peu d’intérêt. Ce qui fait appel à ma raison seule, ce qui ne me touche pas, même si le style atteint des sommets dignes d’un prix littéraire ne suffit pas à la poursuite de ma lecture.

Pas ces temps-ci.

Tous ces signaux et sauts d'un livre à l'autre, comme si c'était une course, indiquent qu’il est temps de délaisser la lecture et de me mettre plutôt à l’écriture. À trouver mes histoires, à plonger dans mes phrases. Visiblement, celles des autres — les phrases comme les histoires — commencent à me lasser. À regarder les autres courir, à juger leur performance, je vois bien que mes pieds trépignent d’impatience. Je ne ferai sûrement pas mieux, je peinerai, je travaillerai, je bifferai, je corrigerai, je délaisserai, je reprendrai, mais je n’aurai plus cet air niais du chien vagabond qui cherche dans les cours des voisins la pitance qu’il pourrait trouver chez lui s’il cessait de la chercher ailleurs. 

Comme le yin et yang, la lecture et l’écriture sont complémentaires chez moi. Encore faut-il que je cherche l’équilibre et ne me vautre pas seulement dans la lecture en croyant que mon écriture s’améliorera par le miracle des vases communicants ou celui de l’Esprit saint.

Bref, finies les lectures étourdissantes, toutes grisantes soient-elles, je passe à la phase suivante. Des têtes rousses et bouclées m’attendent.

Peut-être qu’ainsi, un jour, je me sentirai à la hauteur pour m’asseoir derrière une table au Salon du livre de Montréal!

mardi 17 novembre 2015

Feuille qui tourbillonne

Ces jours-ci, je suis vraiment feuille au vent. Et la feuille s’est détachée de son arbre, ne retrouve plus ses racines, elle virevolte, va entre ciel et terre, va de peur à compassion, de noir triste à rouge sang. 

En fait je me sens étourdie. 
Comme trop. 

Je ne parviens même plus à discerner la réalité. Un personnage de téléroman qui meurt, de vraies personnes qui sont tuées à Paris ou celles qu’on a oubliées dans le Grand Nord me dardent tout autant. Je souffre, je pleure et mon cœur s’égare. Ma raison ne raisonne plus. Je ne sais plus quoi penser, quoi demander au premier ministre nouvellement élu. Ni même à Dieu, à tous les dieux. 

En fait, je suis tellement feuille au vent que je n’ose plus écouter ou lire, sachant que je suis du genre à croire que tout est possible, le meilleur comme le pire. Croire que ce qu’on me répète cent fois, mille fois finit par être ce qui est vrai. Croire que ce qu’on ne me dit pas n’existe pas. Ou est de moindre importance. 

Feuille qui roule plus facilement, plus allègrement vers Paris que vers Moscou. Feuille qui a vu souvent la France et jamais la Syrie. Feuille qui rêve plus qu’elle ne connait. 
Feuille si peu piétinée en comparaison à d’autres.

Et pourtant, quand elle a mal au ventre, aux dents, aux oreilles, plus rien n’a d’importance. Sinon attendre que le mal se résorbe. Alors, imaginez une feuille en guerre! Une feuille devant l’étranger, devant les milliers d’arbres dont elle ne sait rien, qui lui cachent le soleil.
Devant les vents forts, je ne suis pas le roseau qui plie, plutôt le pin sec qui craque. Je suis vertige et je chancelle.
Seuls le silence et le petit bosquet connu parviennent à faire couler à nouveau la sève dans la nervure centrale.

Et quand je retrouve un certain équilibre, parce que le vent baisse ou que je retire du tourbillon,  je retourne ou reviens ou m'agrippe, c’est selon, à des endroits plus sûrs, à des routes plus droites où je sens mes pas plus assurés. 

vendredi 13 novembre 2015

Petits bonheurs passés et à venir

Après plusieurs semaines d'intenses préparatifs, le souper-bénéfice du Centre d'action culturelle de la MRC Papineau fut un succès: atmosphère festive, repas succulent et servi rondement. Bénévoles, organisateurs et invités ont été très satisfaits. 

C'est donc le coeur léger mais le corps un peu fatigué que nous sommes parties nous changer les idées... à Baie Saint-Paul. Souvent, par le passé, nous options pour Myrtle Beach ou la Floride et même l'Espagne, mais cette fois, rendez-vous obligent, nous avons choisi de rester au Québec.

Et comme l'automne est doux
comme la neige n'est pas encore arrivée
comme on aime les arts visuels et le fleuve
on a roulé jusque dans Charlevoix.

Nos petits bonheurs des trois jours:
l'exposition dédié à Bruno Côté
la découverte des œuvres de Diane Lelièvre
la chambre de l'auberge Le domaine Belle plage, dont la fenêtre donnait directement sur la baie
les couleurs et tout ce que peut apporter u lever de soleil, à quelques pas de l'auberge
le pique-nique extérieur, un 10 novembre
la rencontre d'une amie très chère au retour.



Nous sommes donc reposées, revigorées, de belle humeur et prêtes pour:
l'auteure au Salon des métiers d'arts de Ripon, les 21 et 22 novembre
et l'artiste à l'événement Petits formats gros cadeaux au Centre d'action culturelle de Papineau.





jeudi 29 octobre 2015

Qui avez-vous connu que vous ne pensiez jamais rencontrer?

Si je me suis intéressée a la généalogie (des Deguire particulièrement), ce n’est que pour écrire un roman sur ces deux Irlandais que furent mes arrière-arrière-grands-parents du côté de ma mère.

Entre le jour où j’ai commencé à chercher, en 2004 et le jour où il y eut une fête qui rassemblait une centaine de descendants Deguire en août 2015, j’ai eu le bonheur de vivre deux belles rencontres. Deux surprises. Deux retrouvailles que je n’avais même pas souhaitées ni cherchées.

Lisa Deguire en 2006
D’abord un courriel reçu en 2005 ou 2006 qui commence par « je suis la fille de Jules Deguire…» Au prénom de Jules, le cœur me manqua, comme si un vent fort me retournait dans une autre époque. C’était le frère de ma mère. Un frère de huit ans son cadet et un frère soldat, donc si je l’avais vu deux ou trois fois dans ma vie, c’était beaucoup. Je savais pourtant qu’il avait trois filles, dont une que j’avais entrevue quand j'étais adolescente, si ma mémoire est bonne. La petite devait avoir entre sept et neuf ans. Et là, voilà quarante ans plus tard qui cherche sa tante Michelle, ma mère.

Comme je n’avais aucune autre cousine du côté de ma mère, c’est avec plaisir que j’entrai en contact avec elle, que je lui permis de rencontrer sa tante, de voir notre grand-père en photo. Dans les années qui ont suivi, nous nous sommes rencontrées quelques fois. À défaut de souvenirs communs, nous avions des noms, des dates et des ancêtres dont on pouvait parler.

La deuxième découverte fut une tout aussi belle surprise. Une chance comme à la loterie.

Antoine Duchesne
Contexte : mon roman Les têtes rousses est déjà publié, Victoria Deguire était déjà un personnage, je l’avais fait vivre dans un roman.

Pour les besoins du roman, je n’avais pas parlé des neuf enfants de Benjamin Deguire. Bien sûr, il fallait que je parle obligatoirement de Philéas puisque c’est lui qui a épousé Jenny Lynch, fille de mes personnages principaux, les Lynch. Mais des frères (morts à la naissance de toute façon) et de ses sœurs, j’ai choisi de parler très peu d’Alice (dans le deuxième tome surtout), et pas du tout, sinon peut-être que de les nommer, d’Odila, Délia et d’Éva. Je n'avais retenu que Victoria parce que je trouvais qu'elle avait plusieurs points communs avec "ma" Jenny. J'en ai fait des amies avant qu'elles deviennent belles-sœurs.

Isabelle Duchesne
Alors quand vous apprenez que sa petite-fille, Isabelle Duchesne, fille d'Alma Dépocas vous retrouve et vous envoie des photos, vous êtes surprise. Recevoir des nouvelles de la petite-fille de Victoria, ça tenait de la chance. Mais plus improbable encore, que cette Isabelle dont je ne soupçonnais même pas l'existence puisque je m'étais arrêtée aux enfants de Victoria sans chercher plus loin, soit demeurée à quinze minutes de chez moi pendant des années, sans que nous ne le sachions ni une ni l’autre, quel hasard! Je n’en suis toujours pas revenue.

Je soupirais d’aise en me rappelant que le personnage de Victoria dans Les têtes rousses n’était pas une vilaine, mais je me demande encore si ce que j’ai fait de sa grand-mère a plu à Isabelle Duchesne.

Il m’a fait doublement plaisir de voir Isabelle, ses filles, et son frère Antoine, à la rencontre des Deguire qui a eu lieu en août. C’était ma plus proche parente, puisque ma cousine Lisa n’avait pu venir.

Je parle ici de deux rencontres. En fait je pourrais en souligner une troisième qui fut fort intéressante également. Mais comme les enfants ne veulent pas être identifiés sur Internet, je ne peux fournir de détails. Je croyais en avoir glissé un mot dans ce blogue, mais après recherches, je n’ai pas trouvé. Je peux quand même dire que ça s’est passé entre 2011 et 2012. Je cherchais des descendants de mes ancêtres irlandais Bridget Bushell et Denys Lynch. Un seul s’est manifesté, mais il fut un précieux collaborateur dans mes recherches. Il m’a conté son enfance, montré des photographies, m’a parlé de sa grand-mère Mabel, m’a offert de me promener dans Saint-Henri, ville de nos grands-parents. Et j’ai eu le bonheur de rencontrer toute la famille (enfants, sœurs, neveux) lors d’un repas de cabane à sucre. Souvenir mémorable.

Petit tableau pour situer tous ces parents:


Et vous, avez-vous déjà rencontré des personnes que vous n'aviez jamais imaginé voir?