Ces jours-ci, je suis vraiment feuille au vent. Et la feuille s’est détachée de son arbre, ne retrouve plus ses racines, elle virevolte, va entre ciel et terre, va de peur à compassion, de noir triste à rouge sang.
En fait je me sens étourdie.
Comme trop.
Je ne parviens même plus à discerner la réalité. Un personnage de téléroman qui meurt, de vraies personnes qui sont tuées à Paris ou celles qu’on a oubliées dans le Grand Nord me dardent tout autant. Je souffre, je pleure et mon cœur s’égare. Ma raison ne raisonne plus. Je ne sais plus quoi penser, quoi demander au premier ministre nouvellement élu. Ni même à Dieu, à tous les dieux.
En fait, je suis tellement feuille au vent que je n’ose plus écouter ou lire, sachant que je suis du genre à croire que tout est possible, le meilleur comme le pire. Croire que ce qu’on me répète cent fois, mille fois finit par être ce qui est vrai. Croire que ce qu’on ne me dit pas n’existe pas. Ou est de moindre importance.
Feuille qui roule plus facilement, plus allègrement vers Paris que vers Moscou. Feuille qui a vu souvent la France et jamais la Syrie. Feuille qui rêve plus qu’elle ne connait.
Feuille si peu piétinée en comparaison à d’autres.
Et pourtant, quand elle a mal au ventre, aux dents, aux oreilles, plus rien n’a d’importance. Sinon attendre que le mal se résorbe. Alors, imaginez une feuille en guerre! Une feuille devant l’étranger, devant les milliers d’arbres dont elle ne sait rien, qui lui cachent le soleil.
Devant les vents forts, je ne suis pas le roseau qui plie, plutôt le pin sec qui craque. Je suis vertige et je chancelle.
Seuls le silence et le petit bosquet connu parviennent à faire couler à nouveau la sève dans la nervure centrale.
Et quand je retrouve un certain équilibre, parce que le vent baisse ou que je retire du tourbillon, je retourne ou reviens ou m'agrippe, c’est selon, à des endroits plus sûrs, à des routes plus droites où je sens mes pas plus assurés.