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samedi 18 février 2017

Carnet du roman (11)

Au lever du soleil dans un ciel enfin bleu qui rosit la montagne, j’ai eu une idée. Si elle persiste plus de vingt-quatre heures, ce ne sera pas pour autant l’idée du siècle, mais peut-être apaisera-t-elle le moi-auteure qui cherche toujours à faire sa place… au soleil.

Une idée sérieuse, comme si je fréquentais l’université alors que je n’ai qu’un vieux baccalauréat en pédagogie qui émanait d’une université dans laquelle je n’ai jamais mis les pieds (bon, d'accord, pour les curieux ou les personnes nées avant 1970, les écoles normales étaient affiliées aux universités, mais n'étaient pas situées dans les mêmes bâtiments). Une idée comme si j’avais appris le grec et le latin alors que j’ai même échoué à la reprise de l’examen de latin en Belles-Lettres. Une idée qui demande encore des lectures, qui demande du temps de bibliothèque, du temps de monastère, du temps de qualité et, évidemment, de solitude. Mais quel roman n’en demande pas!

Cette idée m’est venue toute seule, pour autant qu’on ne sache pas vraiment comment nous viennent les idées, mais disons que je l’ai nourrie, entretenue, développée en lisant un essai.

Un essai sérieux. Ce que je lis rarement. Qui me rappelle ces cours de philosophie quand il fallait se concentrer pour comprendre ce que notre esprit, lui, avait déjà saisi intuitivement. Peut-être est-ce cet essai sérieux qui rend mon idée sérieuse? D’une auteure que j’admire et que je lis depuis longtemps. Sans jamais avoir compris tout à fait ses romans. Mais cet essai que je lis lentement comme si je suivais un cours… d’université justement m’a permis de retrouver non pas l’histoire de mon roman refusé puisqu’elle est déjà écrite, mais une narratrice crédible, intéressante. En tout cas, moi, elle m’intéresse, elle me parle, elle a beaucoup à dire.
« Écrire, c’est peut-être aussi décider d’en finir avec une histoire obsédante. Choisir son obsession et inventer l’oreille dormante qui aura raison d’elle, qui parviendra à lui donner un début, une durée, une fin. Et lire, c’est encore choisir d’entrer dans l’obsession d’une autre histoire pour exercer l’oreille dormante à trouver les issues de sa propre obsession. » 
Histoires de s’entendre, Suzanne Jacob
Rien qu’en lisant cette phrase, mon cœur s’est mis à battre plus fort, ma respiration est devenue haletante. Signes d’une émotion intense que j’espère pas trop éphémère.

Reste à savoir aussi si elles, l’idée et l’émotion, me procurent un nouveau début, m’offrira-t-elle la durée? Pour le savoir, je vais « exercer mon oreille dormante » et reprendre le roman qui m’obsède.

vendredi 16 décembre 2016

Mes lectures : une route en lacets

Étudiante, je lisais avec un crayon, je soulignais, je notais dans la marge.
Vacancière, je lisais avachie sur un sofa, sur une chaise longue ou dans mon lit.
Avant Internet, je lisais parfois avec un cahier de notes. Et je frustrais de demeurer loin d'une bibliothèque.
Avant la tablette, je me levais souvent pour vérifier sur l'ordinateur qui était l’auteur-e, ce qu’il avait publié d’autre.
Depuis la tablette et la liseuse, je lis un texte dans un média (La Presse+ ou Le devoir ou Facebook ou un blogue) qui m’amène à un site qui m’amène à la BANQ ou Biblio Outaouais/Pretnumerique pour voir si le roman dont j’ai vu le titre est disponible. Je feuillette, et il est fort possible que je le télécharge. Je le lis sur tablette, et si ma batterie est presque à plat, je transfère sur ma liseuse. 


En ce moment, je lis Les fugueuses de Suzanne Jacob. Quand j’ai vu le livre au Village des valeurs, j’ai été attirée par le nom de l’auteure. J’ai tellement aimé son Laura Laur. Dès que je suis arrivée à la maison, j’ai vérifié les autres titres que j’avais d’elle dans ma propre bibliothèque. J’ai encore Laura Laur et La passion selon Galatée.

Confortablement dans mon fauteuil préféré, j'entame le premier chapitre des Fugueuses. Dense. Concentré. Fort. Des paragraphes qui durent des pages et des pages. Sans cadratin de dialogues. Le point de vue de Nathe, treize ans. Dans Fugueuses, il y a fugue aussi. La musique, les sons, les bruits.
La narratrice « écoute le temps » :
« Je me suis assise sur le bras du fauteuil en vachette vert pomme et j’ai écouté le temps passer dans la chambre, un temps étranger à celui qu’on regarde passer dans la rue, sur les Plaines ou sur le fleuve, un temps qui sentait la sauce brune et le peroxyde, l’élastique et le jaune d’œuf. »
Petite pause, je prends la tablette. Une autre route d'informations. Les fugueuses, roman publié en 2005. Après, il y eut des nouvelles, de la poésie, un essai. Sur le site de L’île (L’infocentre littéraire des écrivains québécois), je lis la notice biographique.

Je me surprends à aimer une auteure qu’on étudie à l’université. Sur qui on fait des thèses. Il suffit d’écrire « thèses Suzanne Jacob » dans Google pour les trouver. J’en lis de grands extraits. Je ne comprends pas grand-chose. Un langage bien hermétique pour moi.

Je retourne au roman. Deuxième chapitre. Autre point de vue, celui de la mère, Émilie.
Un roman qui me frappe aux yeux, parce que le texte est tout sauf aéré, et au cœur par la répétition des mots comme on martèle une porte de grands coups pour l’ouvrir. Trois fois le mot peur en trois lignes. Une peur que j’ai bien connue, qu’il m’arrive encore d’éprouver parfois, que toute femme doit connaitre, je dirais.
« La simple idée de la peur vient de t’enlever le gout de vivre, Émilie, de vivre! Tu as peur d’une idée obscure et glauque et gluante qui rend la place de ta vie, tu as peur, tout simplement, de te faire violer, Émilie. »

Et découvrir des secrets cachés derrière les portes.
Nouvelle pause. Retour à la tablette, sur le site de Boréal qui a publié ses romans. D’autres informations. Le titre La pratique du roman m’intrigue. Sur le site de prêt numérique, je feuillette l’extrait, je télécharge sur ma liseuse. Le sujet: le roman vu par huit romanciers, lecture très accessible (contrairement aux thèses). Je m’attarde à Dominique Fortier qui écrit au sujet de la hiérarchisation des titres  : 
« Qu’un livre porte l’étiquette de roman, de récit d’autobiographie, de "fiction" ou pas d’étiquette du tout (ça s’est déjà vu), l’important est qu’il réponde aux exigences qui lui sont propres, et qu’il emporte l’adhésion du lecteur. »
Ça me rassure sur mes propres écrits. Ça me réconforte de voir que je ne suis pas la seule à penser ainsi.

Plus tard, je lirai ce qu’en pense Suzanne Jacob. 
Plus tard encore, demain peut-être, je retournerai aux Fugueuses.
Lire, dans mon cas, c’est souvent parcourir une route en lacets. Découvrir le monde de l'auteur-e.
Et la route est souvent aussi intéressante que le point de départ.


Et vous, quelle route suivent vos lectures?