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Été 2023 et été 2025 |
Premier hiver à l’Étoc (nom que mon intellectuel de père avait donné à la maison qu’il avait fait bâtir sur un... étoc, un rocher.) La froidure de janvier avait eu raison des tuyaux qui n'étaient pas vraiment à quatre pieds sous terre... à cause du roc. Bref, plus d’eau. Pendant trois mois. La neige dans le bain. Les gallons d’eau charriés de l’école, où mon père et moi enseignions, à la maison où la patience légendaire de ma mère fut mise à rude épreuve. Pas de voisins pour nous aider. En mars, je m'étais fait couper les cheveux pour qu’ils soient plus faciles à laver.
L’hiver suivant, j’étais déjà déménagée, les tuyaux gèlent à nouveau, mes parents emménagent à Saint-André-Avellin pour la fin de l’hiver.
52 ans plus tard, Notre-Dame-de-la-Paix, au sous-sol, après le lavage de vêtements hebdomadaire, la pompe ne s’arrête plus. Je l’arrête, la repars. Elle se désamorce, plus de pression, plus d’eau. Alors que les champs — de pommes de terre ou de blé ou de maïs ou de soya — qui m’entourent sont irrigués par de puissants jets d’eau ou le système Pivot... chez nous, le puits est à sec ou presque. Je sais, il n’y a pas de rapport, mais avouons que c’est un peu frustrant de voir tous ces jets d’eau et chez nous, rien.
Je sais aussi, je traumatise à pas grand-chose. Comme un revenant d’il y a deux ans quand il a fallu refaire toute la « ligne » de la maison au puits. Et le souvenir revenu des hivers à l’Étoc. Autant mon père enjolivait les histoires dans ses romans (exemple ces hivers de 1972-1974 dans Les toqués du firmament), autant, j’ai une facilité à créer des amalgames et des associations d’idées. La nuit surtout. Peut-être juste pour le plaisir de raconter.
Il faudra être patiente, attendre qu’il pleuve.
Heureusement, contrairement à ma première année dans la région, c’est l’été. J'ai une piscine. J’ai des voisins, des ami.e.s, la municipalité qui me fournit l’eau. J’ai les cheveux courts!
Et nous avons connu tellement pire : le verglas, le derecho.
Je ne pensais pas, un jour, avoir hâte qu'il pleuve!
Il ne faut pas pleurer pour ce qui n'est plus mais être heureux pour ce qui a été.
Marguerite Yourcenar