jeudi 5 juillet 2012

Faire ou être


Je ne fous rien.
Je regarde la grive faire sa demoiselle snob, le nez en l’air, les épaules par en arrière, cherchant le vers. Je guette le geai bleu qui va venir faire le faraud et revendiquer son territoire.
En quoi est-ce utile? En quoi est-ce productif? Je suis adulte depuis très longtemps (enfin je pense), mais je suis encore les principes de mes parents : il faut faire quelque chose de notre vie. Je voudrais avoir au moins l’humour d’une Sylvie qui transpose ce non-faire en fable se disant fourmi qui se repose pendant l’été. Personnellement, je suis plus intellectuelle et je raisonne avec des mots très sérieux, je me prends pour Sartre à chercher la phrase qui dirait tout mon beau parcours entre l’avoir, le faire, le paraître et l’être. Ne pourrais-je pas me contenter d’être? Seulement être, ça ne fait pas des billets de blogue très longs!

Alors j’essaie de retrouver ce que j’ai fait d’utile ces derniers temps. Pas nécessairement rémunérateur, mais qui entre dans la catégorie réalisations. Et si possible catégorie sociale, montrable, parce que faire la vaisselle, repeindre un vieux banc, tondre le gazon et vider les gouttières, c’est le quotidien, c’est le personnel, le domestique, ça n’intéresse personne et  ça n’entre pas ni dans un site Internet ni dans un curriculum vitae. Pourtant ç’a pris du temps et bien de mes énergies.

J’ai monté un livre de 628 pages, pas si mal comme réalisation. Rien que le lire, le passer sous la loupe d’Antidote et de mes connaissances acquises au fil de mes années de travail, le monter, imaginer la couverture, tout préparer pour l’imprimeur, travailler avec l’auteure, la conseiller, respecter ses choix qui n'auraient pas été les miens, attendre les épreuves et les approuver. Oui, c’est bien. Je suis fière de ce que j'ai "fait". L’auteure qui m’a confié cette tâche l'est aussi. Elle lancera son livre début septembre. Je lui ai même monté quelques pages web pour l’aider dans sa promotion. C’est par là >>>

Parce que c’est professionnel, parce que c’est en tant que graphiste, parce que ce n’est pas mon roman, parce que ce n’est pas tout à fait moi, parce que sur ce blogue, il ne faudrait ne parler que de mes lectures et de mon écriture? Parce que ça ne m’intéresse plus de parler de mes réalisations? Parce que j’ai passé ma phase de paraître, d’avoir besoin de parler de ce que je fais? Parce que j’ai l’âge de ceux et celles qui sont à la retraite et qui sont considérés comme ne « faisant » plus rien? Parce que je ne veux pas me sentir comme eux et elles : que vivre pour soi. Être. Sans plus sentir ce besoin de justifier ce non-faire?

Peut-être, je verrai avec le temps.

(illustration de l'auteure de ce blogue)

8 commentaires:

  1. Ne rien faire... et se sentir coupable. Ouais. J'ai connu ça.

    Au fil du temps (ou est-ce la sagesse?), j'ai appris à l'apprivoiser et à faire la paix avec ce "rien". À gouter à la vie et à ces moments uniques qui ne reviennent pas et qui nous ressourcent.

    Prendre le temps de ne rien faire, c'est tout un exploit! Mais quand tu y parviens, tu te sens tellement bien. :)

    Bravo pour cette belle collaboration! Un auteur qui fait appel à un auteur, c'est précieux.

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  2. Anne: ça dépend combien de temps ce "rien faire" se prolonge.
    C'est surtout en tant que graphiste et monteuse en pages que certains auteurs qui veulent publier en auto-édition font appel à moi. Pendant 20 ans, je me suis occupée des mots des autres, délaissant les miens. M'occuper des mots des autres me paie plus que les miens, alors...

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  3. On a tous été élevés à croire que ne rien faire, c'est mal.

    Pourtant, des fois, ne rien faire, juste "être", apprécier la vie, ça suffit. Des fois, à cause des circonstances, c'est tout ce qu'on est capable de donner.

    J'ai un exercice pour toi, si ça te dit (inspiré des techniques de méditation zen, rien de moins) : trouve-toi un beau carnet et, chaque jour, essaie de noter un moment que tu vis en quelques lignes. Comme ce geai bleu que tu observes. Ou une fleur que tu as senti.

    Bref, garde une trace de ces moments qui passent et que tu apprécies.

    Peut-être que ça t'aidera à te réconcilier avec le fait d'être, tout simplement. ;)

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  4. Je crois qu'un Sartre sage nous dirait quelque chose du genre : il faut faire ET être. Et ne pas tout compter en terme de productivité.
    Nous sous-estimons largement l'utilité de s'arrêter et guetter le geai bleu.
    Et puis, nous ferions bien peu si nous n'étions pas d'abord. ;)

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  5. Gen: je fais déjà un exercice du genre, j'ai commencé en voyageant et je poursuis souvent une fois à la maison (particulièrement dans les derniers mois): je note un plaisir par jour. Qu'est-ce qui m'a fait plaisir aujourd'hui? Qu'est-ce que j'ai aimé aujourd'hui? Et souvent, ce n'est pas dans le "faire", juste dans le observer ou dans le vivre.

    Sylvie: Sartre-sage ou Sylvie-sage?

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  6. My god !! Sylvie est loin d'être sage. hihihi

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  7. Et puis tu lui fais de la pub à l'auteure des 628 pages, c'est gentil :-)

    Juste vivre, ça prend pas mal d'énergie, surtout à un certain âge avec une certaine santé (la mienne), alors le surplus, qui s'appelle de l'installation dans mon cas, ça gobe goulûment les réserves. Et écrire, c'est exigeant point de vue énergie, je trouve.

    Surtout quand on écrit de beaux billets comme toi !

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  8. Merci Venise. Tes billets sont plus instructifs que les miens, je trouve. Et ton écriture plus recherchée que la mienne, je dirais, même si pour toi, elle coule peut-être facilement, mais il est vrai que juste vivre c'est déjà beaucoup d'énergie à fournir.

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