jeudi 29 mai 2014

Des silences qui se prolongent

D’une journée à l’autre
D’une activité à l’autre
Cahin-caha
Du colibri à l’abreuvoir au lilas qui pointe vers le ciel
Du temps qui passe
Du printemps délicieux qui permet des repas sur la terrasse
Entre un dépliant et un site Internet
Entre des matins froids et des ciels gris
Un tour de vélo au parc de Plaisance, deux jours de camping pour voir une amie
Un peu de correction de manuscrit, corriger sans trop relire, sans trop réécrire
Un coup d’œil sur un nouveau blogue de généalogie
Une fièvre passagère pour le hockey
Un peu d’inquiétude pour le tiraillement dans un bras
Un abonnement au panier Équiterre, la recherche de recettes de légumes, redécouvrir la rabiole
Du temps perdu à m’étourdir dans Candy Crush
M’efforcer de ne pas penser
Feuilleter plutôt que lire
La sérénité demande la patience, et parfois le refus de s’aventurer dans des avenues négatives, inutiles.
Résister au petit diable qui claironne l'âge de chacun
Faire des petits plaisirs une joie quotidienne
Pour qu’elle prenne racine et chasse la morosité qui pourrait s’incruster si je n’y prenais garde.
Ce qui suppose de bien choisir les mots qui cherchent à s’insinuer.
D’où mes silences qui se prolongent.

(photo de l'auteure, oui, oui, des lilas dans ma cour)

mercredi 7 mai 2014

Tribulations d'un écrivaillon

« Auteurs, lisez, lisez » Tous les grands, les reconnus, les professeurs nous le disent, nous le suggèrent fortement. Comme un devoir, un passage obligé. Comme si, plus vous lisez, mieux vous écrivez. Mieux ou plus facilement? Exercice de l’esprit, assouplissement du cerveau? 

La belle affaire, lire les autres, ce n’est pas vrai que ça nous aide. Moi, ça me jette par terre. K.O. Du mal à me relever, du mal à m’en remettre. L’esprit a mal partout, le cerveau est ramolli, devient bouillie, la concentration fout le camp, le vent du doute balaie tous les efforts.

Encore hier, j’ai eu le malheur de feuilleter un livre de Sonia Marmen, pour trouver différentes transitions. Je me disais que dans les mille pages d'un tome (moi qui ai de la difficulté à pondre deux cents pages), j'en trouverais bien quelques-unes de ces transitions de malheur qui me font tant défaut, qu'on me réclame. Aujourd’hui, je récidive avec le dernier roman d’Agnès Gruda. Les deux extrêmes dans le choix des phrases, pas rapport les deux, mais les deux me pétrifient. 

Remède drastique : le jeûne complet. Oublie les autres livres. Ne lis pas. Juste ton texte. Enferme-toi, oublie le monde. Le ciel est bleu, le ciel est gris, et alors? Aujourd’hui, ton texte est noir sur blanc, tes corrections en rouge fort. Rien d’autre. Tu ne sors pas tant que tu n’as pas fini ton assiette, pas de dessert.

« Écrivez avec vos tripes », aussi, qu’ils rajoutent ces critiques, ces grands conseillers, ces éditeurs avec ou sans le titre. Faut croire que les miennes ne sont pas encore assez à l’air. Pas accessibles. Pas assez remuées. Ces jours-ci, j’écris plus avec Antidote qu’avec mes tripes. 

Je corrige un chapitre, une page, un paragraphe, une phrase. Je cherche le mot juste, la cooccurrence. Je supprime une phrase, un paragraphe, irais-je jusqu’à biffer une page entière? Je remonte cinq pages en arrière parce que plus rien ne se tient. Albertine ne peut pas être célibataire en 1922 et avoir eu un enfant en 1906. Comment ne l’ai-je pas vu? Mais j’y tiens à cette puritaine, à cette bigote d’Albertine. Alors, ce sera sa sœur Marie-Louise. Vingt pages à revoir. Heureusement il y a CTRL F, rechercher-remplacer.

J’imprime un chapitre. Je le lis à haute voix pour mieux voir l'ensemble. Sur papier, je corrige, j’annote. Entre les lignes, dans les marges, et au verso. Pour dix lignes, deux questions, trois vérifications, quatre ratures. Alouette.

J’avance, je recule. Je fonce. Sans émotions, sans mes tripes. 

Peut-être à la prochaine révision. Une autre, juste pour me jouer dans le cœur, et dans celui des personnages. 

dimanche 4 mai 2014

Écrire pour repousser l’envahisseur

Tu te réveilles un matin, tu penses que tu auras l’humeur belle même s’il pleut, même si le soleil tarde à réchauffer la planète et ton lit. En fait, tu ne sais pas encore quelle sera ton humeur parce que tu flânes dans un demi-sommeil. Par habitude, tu chausses tes lunettes, tu prends ta tablette et tu visites tes blogues et sites préférés, dont le plus récent : La presse+ pour Android. 

Une heure plus tard, sans trop en connaître le chemin, un mot prend racine. Un mot que tu essaies de chasser parce qu’il te touche de trop près depuis deux ans. Un mot subordonné à un autre. Un mot qui te pousse dans le dos, qui te presse de réaliser tes rêves. 

Et tu décides de l’exorciser à ta façon avant qu’il ne devienne obsession. Tu te lèves et tu écris. Le personnage de ton roman va se mettre à philosopher, à parler en ton nom, à ta place. Ce dont tu ne veux pas parler parce que tu crains que ton esprit — le niaiseux qui ne sait pas faire la différence entre la pensée et la réalité — s’implante un engramme, eh bien ton personnage, lui, va t’en débarrasser. Lui, il peut tout se permettre, il sait qu’il n’est pas vrai, qu’il ne vit pas dans la vraie vie, il est immortel, il peut parler de tout sans que ça laisse des traces profondes. Il peut bien penser qu’il est à l’automne de sa vie. Il peut bien penser tant qu’il voudra aux dix ans qu’il lui reste peut-être à vivre parce qu’il a déjà eu deux cancers, ça ne veut pas dire que c’est ce qui arrivera. C’est toi le maître de son destin alors que tu l’es si peu du tien.

Tu te lèves et tu écris pour repousser l’envahisseur, pour conjurer la mort.