lundi 28 janvier 2019

Les « tu » dans Lambeaux de Charles Juliet


Le « tu » employé dans La femme qui fuit d’Anaïs Barbeau Lavalette m'avait frappée en plein cœur.

J’ai voulu savoir si d’autres écrivains l’avaient déjà utilisé. Avec autant de force et de bonheur.

Dans la courte liste suggérée par Wikipedia, et après quelques fouilles dont j’ai le secret, c’est l’extrait de Lambeaux de Charles Juliet, publié en 1995 qui me tentait le plus.
« Tes yeux. Immenses. Ton regard doux et patient où brûle ce feu qui te consume. Où sans relâche la nuit meurtrir ta lumière. Dans l’âtre, le feu qui ronfle, et toi, appuyée de l’épaule contre le manteau de la cheminée. À tes pieds, ce chien au regard vif et si souvent levé vers toi. Dehors, la neige et la brume. Le cauchemar des hivers. De leur nuit interminable. La route impraticable, et fréquemment, tu songes à un départ, une vie autre à l’infini des chemins. Ta morne existence dans ce village. Ta solitude. »
Indisponible en numérique à ce moment-là. J’ai attendu. J’espérais, je rêvais. Je lisais le résumé.
« L’auteur a voulu célébrer ses deux mères […] La première, celle qui lui a donné le jour, une paysanne, à la suite d’un amour malheureux, d’un mariage qui l’a déçue, puis quatre maternités rapprochées, a sombré dans une profonde dépression. »
J’imaginais cette paysanne comme un des personnages de Maupassant. Dans les tons de bruns, dans une maison basse, sur une terre sèche. Dans un village triste, dans un pays de vent.

Le lambeau, sans « x » de Philippe Lançon était beaucoup plus en demande. J’ai même eu le temps de lire un et oublié l’autre. J’ai même eu le temps de réécrire une partie de mon manuscrit au « tu ». Saurai-je jamais s'il plaira autant que celui de Charles Juliet.

Ma patience fut enfin récompensée. J’ai enfin aperçu la couverture blanche sur le site de la BANQ.

Quel plaisir cette lecture lente et douce! Une histoire triste, mais pas misérabiliste, pas accusatrice. Je ne l’ai pas lue sur le bout de ma chaise, les dents serrées, ni la larme à l’œil ni le cœur battant quand les émotions sont trop fortes ou que l’histoire vous touche de trop près. Pourtant, qui n’a pas connu une mère dépressive après un ou plusieurs accouchements? Pourtant la détresse. Pourtant le mutisme. Pourtant une lourde solitude.

J’ai aimé ses arbres :
« La robustesse, la remarquable blancheur de son tronc, et ses branches graciles, aux extrémités retombantes, avec au sommet ces quelques frêles feuilles qui frissonnent. Tu te reconnais dans le jet puissant de son tronc. »
J’ai pensé à mes grands pins qui valsent, qui craquent, qui protègent du blizzard. J’ai revu des arbres du sud dans lesquels les oiseaux pépient joyeusement.

J’ai aimé le « tu ». Même pour lui, dans la deuxième partie. Le « tu » qui ne permet pas autant que le « je », mais ce « tu » peut être chacun. e de nous. Notre regard comme dans un miroir. Fait moi mal. Pourtant on sent la souffrance et l’ennui de la mère. On sent le sentiment d’abandon, la mésestime de soi du fils.
Un manque d’estime qui l’a mené au doute quand est venu le temps d’écrire.
À la fin du roman, l’auteur a écrit : 1983-1995. Ça lui aura pris douze ans pour écrire l’histoire de sa mère et la sienne.

J’ai aimé qu’il découvre la lecture et l’écriture. Tous ces mots qu’on voudrait écrire. Tout cet amour qui meurt dans le silence de nos solitudes. Ou de nos peurs d’être soi-même.
« Il faut qu’un jour tu sois capable de lui écrire des lettres où elle pourra lire tout l’amour que tu lui portes.»
Il a fait dire à sa mère :
« Je crève
parlez-moi
parlez-moi
Si vous trouviez
les mots dont j’ai besoin
vous me délivreriez
de ce qui m’étouffe. »
Mais au lieu de lui parler, on l’a enfermée.
L’auteur, lui, donne la parole à ses deux mères :
«tu les tireras de la tombe. Leur donneras la parole. Formuleras ce qu’elles ont toujours tu.»
J’ai aimé la fin qui se termine par une guérison, un espoir, une « naissance à soi-même ».
« Tes blessures ont cicatrisé. Une force sereine t’habite. Sous ton œil renouvelé, le monde a revêtu d’émouvantes couleurs. Tu as la conviction que tu ne connaîtras plus l’ennui, ni le dégoût, ni la haine de soi, ni l’épuisement, ni la détresse. Certes le doute est là, mais tu n’as plus à le redouter. Car il a perdu le pouvoir de te démolir. »
Je suis heureuse qu’aujourd’hui, chez nous, nous ayons le droit de parler. Sans qu’on nous enferme. Sans mourir étouffé dans nos mots tus. Qu’on dise je ou tu ou elle, mais qu’on puisse parler, écrire.

jeudi 24 janvier 2019

Malade et je ne me soigne pas...

En lisant le billet du blogue Hop sous la couette, j’ai compris que je n’étais pas la seule atteinte.
«Je suis tombée par hasard sur un passage de l’ouvrage d’Ella Berthoud et Susan Elderkin, Remèdes littéraires: se soigner par les livres, dans lequel il est fait état de douze maladies connues des grands lecteurs.»
Elle nous invite à jouer le jeu.

Refus d’abandonner à la moitié
Jamais été atteinte, jamais sentie coupable. En revanche, je vais toujours voir la fin, les dernières pages et si possible le dernier chapitre. Si je reprends là où j’ai été tentée d’abandonner, c’est que le livre pique au moins ma curiosité.

Acheteuse de livres compulsive
J’avais tout pour le devenir : l’exemple de mes parents, la curiosité insatiable des nouveautés, une attirance physique vers tout ce qui contient des livres : librairie, bibliothèque et même le petit présentoir de la pharmacie. Ce qui m’a sauvé c’est l’argent. Je n’en ai pas tant.

Amnésie associée à la lecture
Très atteinte. Après quelques semaines, j’oublie l’histoire, j’oublie l’intrigue, j’oublie le nom des personnages, j’oublie l’illustration de la couverture, mais je n’oublie jamais si j’ai aimé beaucoup ou un peu ou pas du tout.

Tenir un journal de lecture
Pas comme si je devais remettre un devoir d’écolière ou une dissertation d’étudiante, mais j’ai toujours un cahier pas loin. Même dans mon sac à main, un petit carnet. Pour citer, pour noter, pour développer, pour m’exprimer, pour retenir.

Être rebutée par le battage médiatique
Rebutée, non, hélas, je suis de près l’actualité des livres. Tellement de choix de livres que j’essaie de voir ce que chroniqueurs, critiques, blogueuses, lecteurs en pensent avant de me décider à emprunter. Je lis des extraits pour me faire une idée. En revanche, je lis de moins en moins les best-sellers, les plus vendus. Je regarde de près les romans qui gagnent des prix, mais ça ne veut nullement dire que je vais aimer.

Culpabilité associée au temps consacré à la lecture
Oh! que non, jamais. Même quand j’étais petite, mes parents ne nous reprochaient pas de lire. Chez nous, je n’ai jamais entendu ou dit : « Tu lis donc tu ne fais rien ». Au contraire, je m’en veux un peu quand la fatigue ou la curiosité du suivant me font délaisser un livre.

Prêter des livres que l’on ne nous rend pas
Pas très atteinte de cette maladie parce que je n’ai pas tant prêté, on ne m’en demande pas tant. Et quand j’ai prêté, les livres m’ont été rendus. Ou sinon ou si j’ai oublié, au moins je me dis que le livre a eu une deuxième vie, que quelqu'un.e a aimé autant que moi.

Tendance à lire plutôt qu’à vivre
Pire : tendance à écrire plutôt qu’à vivre. Mais j’assume et je m’en porte très bien… aujourd’hui! Parce que de 15 à 20 ans, c’était assez maladif mon affaire, je m’enfermais même dans ma garde-robe des heures entières pour écrire et lire au lieu de vivre. Mathieu de Françoise Loranger m'en a guéri... un peu, un temps.

Être séduite par les nouveaux livres
« Séduite » ne serait pas tout à fait le terme. Plutôt attirée, curieuse, fascinée, obnubilée. Hâte. J’en veux toujours plus, je veux tout voir, tout savoir, tout examiner, tout feuilleter.

Submergée par le nombre de livres chez soi
Il fut un temps où j’étais fière de mes deux murs tapissés du plancher au plafond. Et puis, j’ai commencé à acheter les livres que je lirais en entier, que je voulais relire. Et puis, comme je réservais mes économies pour les voyages, j’empruntais à la bibliothèque. Et puis vinrent les livres numériques, les liseuses, la BANQ. Donc pas submergée.

Incapacité à retrouver un livre
Oh! que oui, je peux chercher un livre dans les bibliothèques du sous-sol, sur les étagères, sur les meubles, la table de chevet, mon bureau pour finalement me dire que j’avais dû l’emprunter à la bibliothèque. Et ça m’enrage, je voudrais le ravoir dans mes mains, en relire des extraits. Le prêter à quelqu’un à qui j’en avais parlé en bien.

Ne pas savoir quels livres emporter en vacances
Plus maintenant que j’ai une liseuse et deux abonnements à des bibliothèques numériques. Et je dis que je peux toujours en acheter en route… sauf quand je vais aux États-Unis.

Comme maladie j’ajouterais la boulimie
Besoin irrésistible de grappiller des titres, des noms d'auteurs. Passer d’un livre à un autre, feuilleter, essayer de voir si je lirais. Sachant que je n’aurai pas le temps de tout lire, survoler, établir des listes : «la liste de mes envies».

Ainsi juste le billet de blogue de Hop sous la couette m’a mené de :
Remèdes littéraires : se soigner par les livres de Ella Berthoud et Susan Elderkin
à
Une histoire de la lecture d’Alberto Manguel
et à :
Éloge de la lecture. La construction de soi, de Michèle Petit
Et finalement j’ai emprunté :
Les livres prennent soin de nous de Régine Detambel

Y a-t-il parmi vous des aussi « malades » que moi?

Lien vers le blogue de Marie-Claude Rioux, Hop sous la couette>>>

mardi 22 janvier 2019

Dialogue avec moi-même

— Hier, j’ai reçu un courriel d’un organisme qui annonce ses prochaines formations.
— Oui, et alors?
— Hier, j’ai vu qu’une auteure qui a quand même déjà publié deux livres a suivi un atelier d’une entreprise qui offre du « coaching »?
— Oui, et alors?
— La semaine dernière, il y a eu un long échange sur Facebook entre des auteurs qui discutaient argent : payer pour faire réviser, payer pour faire publier, payer tout court.
— Oui, et alors?
— Ça me fait réfléchir.
— Réfléchir ou réagir?
— Euh… plutôt des émotions contradictoires qui montent.
— Et tu sens le besoin de les exprimer.
— Oui, mais je ne veux pas partir de polémique. Tu sais que je ne suis pas une grande argumentatrice.

— Essaie toujours.
— Avec moi-même, je suis à l’aise, je sais que je suis capable de nuancer, si on m’en laisse le temps. Tu sais que je suis lâche, je préfère ne rien dire que de me mettre quelqu’un à dos. Je crains toujours de me faire des ennemis. Chez les éditeurs, chez les auteurs, chez les animateurs. Tout le monde, quoi.
— Alors, garde tes opinions pour toi. Laisse chacun expérimenter, laisse chacun se faire sa propre idée.
— Oui, mais.
— Oui, mais quoi?
— J’aimerais bien que tous les organismes, personnes qui offrent des ateliers nous disent qui a réussi à faire publier son livre après avoir suivi leurs ateliers.
— Comme les entreprises qui mentionnent leurs réalisations?
— Oui, un peu.
— Autre chose?
— Euh… la majorité des animateurs sont des auteurs, j’aimerais que ce soit plutôt des éditeurs ou des directeurs/directrices littéraires. Parce qu’au final, ce sont plutôt eux qui choisissent les manuscrits qui seront publiés. Payer des 500 et même 1000$ pour avoir les conseils d’un bêta-lecteur…
— N’as-tu pas déjà suivi des ateliers avec un éditeur?
— Oui, en effet, mais il agissait plutôt en tant que lecteur. Quoique j’ai eu alors une nouvelle publiée chez sa maison d’édition. 
— Regrettes-tu d’avoir suivi ton atelier à Mont-Laurier et celui de l’an dernier à Valcourt?
— Non, je ne suis pas du genre à regretter mes décisions. Pas de temps à perdre avec les regrets. Le premier, j’ai bien aimé, puisque Les têtes rousses fut publié par la suite, au second, je n’ai pas appris grand-chose, mais ça n’a pas non plus été complètement inutile.
— Tu t’es dit le premier atelier a mené à la publication, le deuxième en fera peut-être autant…
— J’ai dû le penser, oui.
— Mais il te reste une pensée amère quant à ton expérience.
— Tiens, c’est toi qui ajoute un « mais ».
— Ne suis-je pas ton alter ego. Donc pas de regret, mais un peu déception.
— En quelque sorte puisqu’elle n’a pas abouti à ce que j’espérais en y participant. Et le prix…
— Et pour cette raison, tu remets en question tous les genres d’ateliers.
— Disons que j’hésiterais avant d’investir encore de l’argent dans un autre atelier.
— Tu exigerais des garanties?
— Non, sûrement pas, je sais bien que le livre n’est pas un bien de consommation comme les autres, il n'y a rien d'objectif dans ce domaine, mais…
— Alors, je répète : à chacun. e de voir.
— Tu as bien raison. Comme toujours. Liberté de choix. N’empêche…
— Non, non, plus de mais. Va voir dehors si tu y es. Ou remets-toi à l’écriture.

Qui d'autre a une opinion sur les ateliers d'écriture?

dimanche 20 janvier 2019

Miroir, miroir dis-nous quelles filles nous avons été

Chaque livre mériterait un billet. Mais j’ai cette mauvaise habitude d’ouvrir deux ou trois livres à la fois, de lire quelques chapitres de l’un, quelques pages de l’autre dans la même semaine quand ce n’est pas dans la même journée. Je persiste donc à réunir ces deux livres lus en alternance, d’autant que Ouvrir son cœur et L’Opoponax ont quelques points communs : récit de soi, enfance, adolescence, école, filles, amitié.


Ouvrir son cœur

Il en fut question dans La Presse, Le Devoir, Voir, Radio-Canada. Dans quelques blogues.
Une belle visibilité pour l’auteure et pour la maison d’édition où elle travaille.

Des comparaisons élogieuses avec Simone de Beauvoir, Annie Ernaux. Parce que récit de soi sans doute. Le mot un peu mal aimé et malmené autofiction n’est pas dit. Mais autobiographie, oui.

257 petits paragraphes, dont certains se résument à une ligne. Je ne dirais pas comme il est écrit sur la quatrième couverture que c’est le livre de la honte. En tout cas, je ne l’ai pas vue. En revanche, j’ai très bien reconnu des événements qui nous marquent.
« On se rappelle les événements, on se les raconte pour les retenir […] on rappelle à soi les moments qui nous définissent, dont on a l’impression qu’ils nous ont définis, les moments où l’on s’est senti le plus en accord avec soi-même, le plus intensément vivant, les moments qui nous ont changés. »
La quatrième couverture dit ceci : « Ce livre s’appelle Ouvrir son cœur. Le sujet de ce livre, c’est la honte. Ce livre raconte ma vie, des morceaux de ma vie. Il raconte la solitude d’une enfant, l’école peuplée de camarades qui savaient, eux, comment être des enfants, comment être un groupe, alors que je ne savais pas. Il raconte l’histoire de mon œil. Il raconte les chirurgies, la peur, et l’amitié fusionnelle et jalouse avec une petite fille lumineuse, que la mort guettait. Il raconte une adolescence atrabilaire et secrète. Il raconte une petite ville industrielle, son usine immense et inhumaine, aux allures de vaisseau générationnel, et l’été de terreur et d’hébétude que j’y ai vécu, avant ma fuite à Montréal, qui n’arrangera rien. En racontant, j’essaie de comprendre comment les souvenirs deviennent des souvenirs, les personnes des personnes, les livres des livres. L’instant présent est inconnaissable et le passé est perdu. Les souvenirs, les livres, les personnes se construisent en se racontant. En se racontant, ils se transforment. Rien n’est jamais fixé. Au bout de cette histoire se trouve la mort. Ce livre s’appelle Ouvrir son cœur. Le sujet de ce livre, c’est la mort. »

Je n’ai pas vu la honte, j’ai vu la gêne. Je n’ai pas vu les souvenirs, j’ai vu le récit. Je n’ai pas vu la mort, j’ai vu l’amitié. Comme dans un miroir, j’ai vu mon reflet. Pas une jumelle, pas même une âme-sœur, mais forcément, à lire la vie des autres, on trouve parfois la nôtre; devant qui ouvre son cœur, on cherche dans le nôtre. Elle écrit ses déménagements, j’en aurais long à dire sur les miens. Elle parle d’amitié, j’aurais envie de parler de Francine, de Suzanne, de Denise, de Louise. Elle raconte l’école, les cours, je me demande si et quand mon manuscrit où il en est question de Basile-Moreau, des sœurs Sainte-Croix sera publié. Il y est question de son prénom, Alexie, j’aime bien parler du mien, Claude. Elle n’hésite pas à dire qu’elle écrit, elle se demande pourquoi, si c’est bien, si c’est correct, si c’est bon. Je me pose la même question chaque jour.

Elle est jeune, ses livres sont devant elle. Sont déjà là. Les miens, sont-ils derrière moi? Ai-je encore à dire, à écrire?

Ouvrir son cœur permet d’espérer que nul n’est besoin d’avoir vécu une guerre, une tuerie, un exil, un drame pour que ça devienne un récit publié. Aux lecteurs et lectrices de juger si c’est intéressant ou non. 


L'Opponax

L’opoponax de Monique Wittig, suggestion de Nicole Brossard sur Facebook. Prix Médicis 1964. Un chef d’œuvre affirme Marguerite Duras dans la postface de l’édition de 1984.

Wikipedia résume :
« L’Opoponax raconte l’histoire d’une petite fille, de la maternelle à la fin de sa scolarité. La force du récit tient davantage dans le mode de narration. L’auteur fait entrer le lecteur dans une sorte de monde de l’enfance, notamment en brouillant les repères habituels du narrateur : tantôt interne, tantôt universel, tantôt intégré à la diégèse, tantôt en dehors de celle-ci. »
J’ai cherché la définition d’opoponax :
« Plante ombellifère de certaines régions chaudes de l’Europe et de l’Asie, qui produit une gomme-résine utilisée pour la confection de certains baumes ou parfums. Gomme-résine extraite de cette plante. Parfum fabriqué à partir de la gomme-résine de cette plante. »                                                                                                         Antidote
J’ai aussi cherché le terme diégèse. C'est le cadre chronologique et spatial des événements d’un récit. Ç’aurait pu me refroidir. J’ai décidé de me faire ma propre idée, j’ai foncé sans plus regarder autre chose que le texte lui-même. Le ton m’a accroché tout de suite.

Ce « on » qu’on nous a enseigné à bannir ou au moins à préciser. Ce « on » dont il ne fallait pas abuser. Monique Wittig en abuse au point où ce « on », c’est chacun de nous. On y entre, on est là, on vit avec Catherine Legrand et Valérie Borge, avec tous les enfants. C’est une époque passée pour nous, ce sont des références qui ne sont pas les miennes, chacun. e le lira pour des raisons différentes. J’ai lu surtout par curiosité.

On ne lit pas une histoire, on lit un texte complexe. Le genre de récit non conventionnel qui est étudié à l’université. On peut d'ailleurs trouver une ou deux études sur le sujet en surfant sur Internet.

Un style moderne quand on pense que ce fut écrit en 1964. Certainement inspiré du «nouveau roman» de Sarraute et de ce cher Robbe-Grillet auquel je n’ai jamais rien compris quand je l’ai lu à 19 ans.

Si Alexie Morin a fragmenté son récit en très courts chapitres-paragraphes, Marie Wittig a plutôt choisi tout le contraire, presque un seul paragraphe, des pages et des pages sans alinéas. Ce qui rend la lecture ardue. J’avoue que ce processus, plus la répétition des prénoms et noms des enfants, plus les citations dont on ignore la source m’ont fait décrocher très souvent. Je sais que c’est le genre de texte qu’il faut relire plusieurs fois pour y saisir toutes les subtilités. Je n’ai pas ce courage.
« Catherine Legrand écrit dans la terre avec un bout de bois, elle creuse soigneusement les contours de chaque lettre pour qu’on puisse tout lire, elle écrit ainsi tous les mots de, plaisant repos plein de tranquillité continuez toutes les nuits mon songe. Valerie Borge est assise à côté d’elle maintenant on entend qu’elle déchiffre à vois haute ce qui est écrit dans la terre, on voit son oreille derrière laquelle les cheveux sont maintenus, on entend qu’elle dit, ce n’est pas toi qui as inventé ces vers, on ne l’entend pas dire qu’elle les a trouvés de la main de Catherine Legrand dans son bureau à l’étude.»  
Bref, il faut s’accrocher pour terminer la lecture de L’Opoponax. Personnellement, ce n’est pas l’histoire ou l’humour ou les sentiments de Catherine Legrand pour Valerie Borge que j’y ai vus, je n’ai pas cherché non plus les motivations profondes de l’auteure comme si je devais rédiger une thèse, je n’ai vu que le style, le rythme du texte. 
À chaque page, je me voyais en train d’écrire mon enfance en utilisant ce mode de narration. Je n’ai lu que pour écrire. Je n’ai lu que pour l’admiration que j’ai des auteurs qui écrivent… autrement. 

Cette semaine Alexie Morin et Marie Witting, la semaine prochaine… Charles Juliet.

samedi 19 janvier 2019

Bientôt...

Je voulais. Depuis quelques jours, je prends des notes dans mon cahier rouge. Dans ma tête aussi, ça cogite. Je publie souvent mes billets la fin de semaine, c’est comme une habitude que je ne m’explique pas. Mais voilà que la lune s’en est mêlé. Ou le vin rouge. Ou le froid ou l’humidité dans mes articulations. D’une heure à cinq heures, la nuit dernière, les yeux grands ouverts, je faisais des phrases. Tout en frottant mon genou douloureux.

Cette nuit, j'ai lu sur Lire artv que James Huydman a aimé Lambeaux de Charles Juliet. Un roman sur la mère. J’ai déjà lu un extrait. Un roman que je cherche à emprunter depuis longtemps. Coup d’œil à la BANQ, ça y est, il est là. Il est quatre heures du matin, sous la couette, je télécharge. Je lis. Ça ne m'endort pas, au contraire.


Bien sûr, à dix heures ce matin, mon cerveau dort encore. Il va ici et là, nulle part. Je ne terminerai donc pas mon billet sur Ouvrir son cœur et L’Opoponax que j'ai lus cette semaine. Plus tard, demain peut-être. Pour bien faire les choses. Pour ne pas dire n’importe quoi. Pour faire sérieux.

En attendant, lire Lambeaux. Laisser mes neurones se réveiller. Lire demande moins d'effort que d'écrire. À l’école, je détestais les examens du matin. Quand je pouvais, je rédigeais mes compositions le soir, les apprenais par cœur et le lendemain, à 8 heures, mon pauvre petit cerveau endormi n’avait pas à composer, juste à trouver un lien avec une des citations qui servait de sujet d’examen et à se souvenir du texte imaginé la veille.

Sauf que la nuit dernière, je n’ai rien retenu, rien appris par cœur.

À bientôt donc.


dimanche 6 janvier 2019

Ça raconte...


J’ai lu, je relirai sûrement, bientôt ou dans quelques années. Incapable de lire un autre roman, pas tout de suite. Rester encore dans Ça raconte Sarah.
Un roman, 103 pages, 82 chapitres dans la première partie, 30 dans l’autre. Lu en deux jours. Écrit quatre pages dans un cahier rouge.
Mais pourtant ça raconte tout sauf des chiffres. Les personnages ne comptent ni les heures ni les jours dans ce court roman.

Ça raconte une passion entre deux femmes. Première partie, elles s’aiment. Deuxième, elles ne s’aiment plus. Première partie, Sarah est vivante, la deuxième, elle est morte ou en tout cas, la narratrice, jamais nommée, essaie de l’oublier. La fin? Une fin qui n’en est pas une. Ça raconte l’oubli de la fin. La narratrice a oublié ce qui s’est passé. Ça raconte son « après ».
« Vous ne savez pas. À quel point la douleur dure. »
« La vie sans elle, c’est la vie quand même. »
Une histoire qui ressemble un peu à Danser au bord de l’abîme de Grégoire Delacourt : Aimer, désirer, vivre, et... l’après.

Je revois mes passions. Je revois mes « après ». Ai-je aimé autant qu’elles s’aiment? Ai-je eu mal d’un amour si fort qu’on étouffe?
Oui, je ramène tout à moi, je ne suis pas objective ni impartiale. Je suis le filtre de ma propre vie. C’est moi qui lis, qui pense, qui réagis.
Comme la narratrice (ou la toute jeune auteure Pauline Delabroy-Allard, sait-on jamais la part d’autofiction dans un roman et personnellement, je m’en fous) « il faut que j’écrive, pour arrêter de me parler dans ma tête ».

Après avoir refermé le livre, je revois mes personnages de roman. Leurs passions, leurs ruptures, leurs deuils. Je revois mes amours, mes douleurs et mes colères transposées. Mes fuites, mes voyages pour être ailleurs. Et pour le dernier manuscrit toujours pas accepté par un éditeur, je suis en «latence». Ça raconte Sarah, ça raconte la latence.
« Après un traumatisme psychique, durée écoulée entre l’événement et l’apparition du syndrome de répétition dans la névrose traumatique. Apparemment silencieuse, cette période est fréquemment émaillée de replis sur soi, de difficultés d’adaptation, d’états dépressifs ou, au contraire, d’euphorie paradoxale. »
Dans mon dernier manuscrit, aucun éditeur (jusqu’à maintenant) n’a vu la passion, la rupture, la douleur de mes personnages. Soit elles n’étaient pas assez violentes, pas assez fortes, soit elles ne furent même pas lues, reconnues, soit elles n’étaient pas assez littéraires. Ou les éditeurs cherchent ce qui est vendeur. Mon écriture n’est pas assez commerciale, pas assez métaphorique. Pas assez tout court.

Oui, tout ce que je lis me ramène à ce que j’écris. Et j'ai la "latence" en dents de scie. Comme tant d’auteur.e.s, je lis ce que je voudrais écrire. Combien faut-il en avoir lu pour réussir à faire publier celui qu’on écrit?

Les personnages de roman ne meurent jamais. Même une fois confinés dans une histoire publiée, ils continuent de vivre dans la tête de l’auteur… et dans celle des lecteurs.

Ça raconte Sarah a fait revivre Dominique et le gars-du-bout-du-chemin. Ça raconte ce que j’ai déjà senti, déjà vécu, déjà transposé dans un roman qui n’est pas encore publié.

Le gars-du-bout-du-chemin, le vrai — et non le personnage— a eu le temps de mourir. La semaine dernière, j’ai vu son âge dans l’avis de décès : le même que le mien. Petit choc. Sur la photo, je ne l’ai pas reconnu. Pour toujours, il aura le visage de nos vingt ans. Pour toujours, il restera vivant… dans un roman, même si celui-ci n’est pas (encore) publié.

Le cahier rouge dans lequel je prends des notes, ça raconte tout et rien.
Ça raconte la lenteur, la douceur. Le contraire de la vitesse, celle qu'on se sentait obligé de prendre pour travailler, pour rouler, pour parler, pour vivre avant de mourir.
Juste le plaisir de lire, de se lever tard, d’écouter un film, de sortir, de rêver à une «île ourlée de sable».
Ça raconte les morts, mais surtout les vivants.
Ça raconte aussi les personnages. Comme Sarah et son amoureuse.

Et vous, quel roman vous faire revoir vos passions, vos amours, votre vie?