jeudi 31 octobre 2019

Demain, novembre. Accepter.


Je pense que va falloir que je finisse par accepter.
D’abord m’en rendre compte.
Cesser de résister.
Je vieillis.

Non, c’est pas que je me sente vieille, mais je vieillis, oui. Mais pas que ça, pas que le genou douloureux, pas que les cheveux grisonnants, pas que la peau plissée. Pas que les morts autour de moi.

Non, avouer que je ne suis plus dans le coup. Plus dans le corps ni surtout dans la tête de l’auteure qui veut écrire, qui veut être publiée. Qui a une carrière. Qui exerce un métier.

Oui, j’ai été la fille capable de monter des petits sites Internet, de créer un blogue, de faire la mise en page de livres, de préparer des affiches, des dépliants… mais je suis de moins en moins intéressée à apprendre comment migrer de Blogger à Worpress, comment changer un PDF en epub, comment obtenir de nouveaux revenus.

Tout ça pourquoi? Pour me croire encore dans l’coup? Pour me sentir encore utile, avoir encore des travaux à remettre? Surveiller les événements littéraires, les salons du livre. Comme si j’y allais.
C’est pas que je renonce, c’est que je suis de moins en moins intéressée à cette vie sociale.
Les fesses déjà sur une autre chaise. Celle de la retraite.

Oui, je sais, il y a des femmes et des hommes qui, à mon âge, publient leur premier livre, qui entament une nouvelle carrière.
La mienne de retraite portera les couleurs du dehors : le bleu l’été, le sud en hiver, la nature.
Parler, écouter, voir, sentir autre chose.

Il me vient des relents de si…
Si je restais à Gatineau, si je ne partais pas… et si je voulais.
Je ne veux plus. Ou en tout cas de moins en moins. Transition, détachement.
Et je fous rien. Plus le goût de rien faire. Plus le goût d’être dans le monde de la performance, de la compétition, de l’utilité à tout prix.

Le rhododendron est recouvert de sa coquille hivernale, les fleurs coupées, les gouttières vidées. Le vélo rangé.
J’attends.
Demain, novembre. Il n’y a plus ni jaune ni rouge et pas encore de blanc. Un mois mort.
Automne de ma vie.
Non seulement accepter, mais surtout, un peu plus chaque jour, choisir d’être en retrait, et y trouver couleurs, joie de vivre et petits plaisirs.

vendredi 18 octobre 2019

Les Foley, c'est...

Les Foley
C’est un format que j'aime et une couverture invitante.

Les Foley, c’est Annie-Claude Thériault que j’ai connue sur Le Bateau-Livre de 2017. J’avais lu La fille de l’Allemand, elle voulait lire mes Têtes rousses. Parce que l’Irlande justement. Elle voulait déjà en parler. C’était déjà Les Foley.

C’est une histoire qui commence à Micsou, au Nouveau-Brunswick en 2019 et qui se termine au même endroit.

C’est l’Irlande. Pas vraiment l’Irlande le pays, quoique oui aussi, mais un portait de cinq femmes, de mère en fille.

Les Foley, c'est une plante, la Sarracenia purpurea, prétexte génial et lien entre les générations :
« Parce qu’au-delà de la Sarracenia purpurea, c’était quelque chose de ma mère que je souhaitais retrouver. N’importe quoi.
Mais au moins un sillon. »
Plus encore que la plante, Les Foley, c’est aussi un coléoptère, un doryphore.
« un minuscule insecte beige, éclatant. Beige, scintillant. Beige presque orange. Avec des lignes noires sur le dos. »
Un doryphore que je connais bien puisque, là où je vis, je suis entourée de champs de pommes de terre. Comme mon ancêtre Bridget Bushell. Comme Evelyne Foley.

Un doryphore qui représente « la guigne » pour Evelyne Foley, cette grand-mère qui fera partir fils et petits-fils en Amérique. En 1847. Parce que la famine, la misère, la mort, la « guigne ». Elle aurait voulu que sa petite-fille parte elle aussi, mais cette petite ne veut quitter ni tantes, ni grand-mère ni l’Irlande.

Les Foley, ce sera ensuite le Nouveau-Brunswick, l’Acadie, l’histoire d’Evangéline. Mais aussi les pères absents, les hommes violents. La cruauté de la vie. Les enfances blessées.

Les Foley, cinq générations, cinq descendantes qui cuisinent le stew et le caramel pendant que les pères et les frères boivent du whisky. Beaucoup d'odeurs et de couleurs dans Les Foley.

Les Foley, c’est encore plus un style tout à fait contemporain dans la répétition des mots, le martèlement des phrases courtes, des phrases sans verbe ou seulement un verbe. L'atmosphère qui en résulte « évoque Emily Dickinson ou les sœurs Brontë » selon la journaliste Manon Dumais dans Le Devoir

Et puis, toujours il y a les mères, les femmes, le manque.
« Je me suis levée complètement obsédée arc cette Clara qui connaissait ma mère. C’était clairement ce que j’avais espéré en venant ici : retrouver quelque chose d’elle. Une trace. Un nom. Mon récit. Son sillon. Je ne sais pas. Elle ne m’avait rien laissé, ma mère, ni d’elle, ni de son histoire, ni de mes grands-parents. »
Et Laura apprendre l’histoire des femmes Foley. Elle aura trouvé son rivage. « C’était un accostage ».

Une fois le livre refermé, je pars marcher sur le chemin bordé de champs de pommes de terre. Temps de la récolte, temps des rouges et des orangés si beaux si forts cette année. Très peu de doryphores cette année.

Les Foley m’ont rappelé tous ces Irlandais venus en Amérique pour vivre mieux, pour ne pas disparaître. Qui, comme moi, veulent laisser des sillons.