samedi 21 janvier 2012

Titres de romans en anglais : mon petit coeur souffre


Dans Le Devoir, la liste des romans qui sortiront dans les mois qui viennent. Encore trois titres en anglais à paraître d’ici le printemps (j'ai hésité à les nommer, à les montrer pour ne pas leur faire de publicité). 
Petal's Pub, Arlette Cousture (Libre Expression)

Charlotte before Chris, Alexandre Soublière (Boréal)

Négroni on the rocks, Rafaële Germain (Libre Expression)
L’auteur est québécois, l’éditeur est québécois, les lecteurs seront québécois et même si les romans se rendent en France, le lectorat est francophone à ce que je sache. Alors c’est quoi l’affaire? Je ne comprends pas, je ne comprendrai jamais. Même une raison de mode ou de mise en marché ne me convaincront pas. 

Quand bien même j’appellerai au boycottage (un anglicisme, oui, je n’ai rien contre qu’on emprunte des mots d’une autre langue, mais quand on a déjà des mots en français… et un mot n’est pas tout un titre), ma voix n’est pas assez forte, mon nom pas assez connu pour qu’on m’entende. Et je désespère de convaincre les plus jeunes que ça ne dérange pas. Que ça ne dérange plus. Même que plusieurs aiment ça, trouvent que ça fait bien à l’oreille. Lisez l’anglais, allez voir des films en anglais, si pour vous l’original vaut mieux qu’une traduction, mais puisque le roman est en français, pourquoi un titre en anglais? 

Même Arlette Cousture! Je l’aimais tant. Si c’est l’éditeur qui l’a convaincue, je suis déçue qu’elle ne lui ait pas tenu tête. Si c’est son idée à elle… même si ça parle d’Irlande, de Grosse-Île, de Griffintown — ce qui me fait plus mal encore puisque ce sont là les lieux de mon dernier roman, Les têtes rousses (je n’ai jamais songé une seule seconde à donner un titre en anglais ou en gaélique à mon roman)—, je lui en veux encore plus. J’en pleurerais. Comme un coup de couteau en plein cœur qui me dit : « tous ces efforts que tu as fournis, pendant tant d’années, à corriger, à vouloir améliorer, à être fière d’apporter ta petite contribution, tout ça, ne compte pas, on recule, on revient à zéro, vive l’anglais! »

Que faudrait-il pour que cette pratique cesse? Quelle levée de boucliers réussirait à endiguer cette vague qui s’abat sur nos romans depuis quelques années? Quel groupe puis-je rejoindre pour crier haut et fort mon indignation, pour dire ma peine?

Ajout: j'ai lu l'article du journal de Montréal où Arlette Cousture explique son choix du titre en anglais. Elle n'a pas réussi à me faire changer d'idée ou à me convaincre de quoi que ce soit. Dans Ces enfants d'ailleurs, les personnages venaient de Pologne a-t-elle choisi un titre polonais? Non, mon coeur n'est pas rasséréné du tout. J'en veux encore plus à elle qu'aux autres parce que la déception est proportionnelle à l'amour qu'on porte (portait) à quelqu'un. Sans compter, qu'avec sa réputation, je considère qu'elle a la responsabilité de l'exemple.

27 commentaires:

  1. Je n'avais pas réalisé cette vague nouvelle dans les titres de roman. Je suis triste avec toi, parce que j'en ai bien peur, impuissante à y changer quelque chose.

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  2. Bien que "jeune allant voir les films en anglais", je dois dire que je déteste les titres complètement anglais pour un roman en français, comme les deux premiers que tu nommes.

    Pour Rafaële, j'ai un doute par contre... "on the rocks" étant une expression liée au monde des cocktails et son roman précédent s'étant appelé "gin tonick et concombre", c'est peut-être plus du "franglais".

    Mais on peut se questionner à savoir pourquoi ils ont choisi ce titre-là.

    Pour Arlette Cousture, je suis déçue moi aussi. Petal's Pub est sans doute le nom d'un lieu important du roman... Mais si elle avait appelé ça "Rendez-vous au Petal's Pub" ou autre mélange de français et d'anglais, ça aurait été mieux.

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  3. Moi aussi, j'ai pensé qu'étant donné que ça se passe dans Griffintown, il est fort possible que ce soit un pub et le nommer ainsi dans le texte, je n'ai absolument rien contre, mais pourquoi le choisir comme titre? Surtout que ses trois personnages sont des femmes à ce que j'ai lu du résumé et ce ne sont certainement pas elles qui allaient au pub! De toute façon, je ne vois pas pourquoi je cherche des justifications, il n'y en a pas, point.

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  4. Venise: oui, ça n'arrête pas. Et nos larmes n'y peuvent rien à part d'être versées et racontées.

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  5. Gen: j'espère que tu n'as pas pris comme un reproche le fait que certaines personnes vont voir des films en anglais ou lisent des livres en anglais, tant mieux si elles en sont capables. Et quand ces personnes en parlent qu'elles citent le titre dans la langue d'origine, c'est bien correct aussi. J'aime moins quand quelqu'un donne le titre en anglais alors qu'elle a vu le film ou lu le livre en français.

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  6. Non, c'était pas insultant ton commentaire! ;)

    Je suis comme toi : si je lis en français, je donne le titre français. Si je vois ou lis en anglais, je donne le titre anglais.

    Si le roman est ancré dans une certaine réalité et que le titre est bilingue (genre "Toi et moi, its complicated"), ok. Mais si le roman est 100% francophone avec un titre 100% anglais, ça passe pas non plus pour moi!

    (J'pense à "Bladerunner" entre autres!)

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  7. Je rejoins Gen sur ce point aussi. Les titres juste en anglais me font frémir Comme tes deux premiers titres. Mais le "on the Rocks" me chatouille moins, car il ressort d'une expression assez commune.
    Mais j'avoue qu'en lisant la liste des trois romans, il y a de quoi se poser des questions!!!! Mon premier réflexe est comme le tien : de m'en offusuqer. Mais tout n'est pas noir ou blanc.

    Pour le côté gris, je te suggère de lire le cahier week-end de ce matin: Madame Cousture explique pourquoi qu'"elle"a choisi le titre en anglais et surtout certains dialogues avec référence en bas de page ..en francais. Son point est valable....mais pour les dialogues, j'en conviens. Pour le titre, elle aurait pu faire un compromis.

    Mais, en premier lieu. Un livre en francais ne devrait JAMAIS avoir un titre UNIQUEMENT en anglais. Il faudrait un argument de taille pour me faire déroger!

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  8. oh..je précise le cahier week-end du Journal de Montréal.

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  9. Merci Pierre pour le commentaire. Je n'ai pas accès à cet article, via Internet mais je me dis que si elle sent obligée d'expliquer, c'est que justement son choix fait réagir et n'a pas dû faire l'unanimité.

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  10. Je suis tout à fait en accord concernant tes mots sur le dernier d'Arlette Cousture. Elle qui a écrit sur des pans de notre histoire, je n'en reviens pas qu'elle ait choisi ce titre pour son dernier écrit. Je peux passer outre concernant certaines maisons d'éditions qui ne traduisent pas les titres en français surtout si la traduction n'a rien à voir avec le titre original mais là un roman écrit en français avec ce titre non, je n'accepte pas et je ne le lirai pas non plus.

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  11. Euh, je me suis permise ceci: http://www.blogg.org/blog-80645-date-2012-01-22-billet-en_signe_d_appui____-1378817.html#comments.

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  12. Un commentaire sur Facebook d'une cousine, dont le père était soldat en Allemagne, donc instruction en anglais, elle lit en anglais, elle enseigne l'anglais. En lisant mon blogue, elle croyait qu'il était question de romans d'auteurs francophones traduits en anglais, elle était toute contente de pouvoir enfin lire des romans québécois. Quand je lui ai dit que seuls les titres étaient en anglais et non le texte, elle était abasourdie, pour elle c'est de la confusion assurée et de plus, elle n'imagine même pas cinq minutes qu'un roman anglophone pourrait avoir un titre en français, même si c'était une expression souvent utilisée.

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  13. Merci Suzan d'en parler aussi sur ton blogue. On n'aura pas la visibilité de gens très connus, mais au moins, il en restera des traces ici et là, toutes petites petites pierres disséminées dans l'immense planète Internet.

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  14. J'emploierais un titre en anglais seulement s'il se référait à quelque chose de précis dans le texte, un objet, une idée ou une expression. Jusqu'à maintenant, je ne l'ai pas fait pour un livre, mais je l'ai fait pour quelques nouvelles.

    Puisqu'un auteur, c'est un menteur, il se trouve que j'ai en quelque sorte publié un roman avec un titre en anglais, «Prime Time». Il s'agissait cependant d'une collaboration et, surtout, c'était pour la France, alors il fallait bien un titre bien de chez eux! Si nous avions publié ce livre au Québec, se serait-il intitulé «Heure de grande écoute» ?

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  15. Claude B: merci de ton passage. Tout choix peut se justifier, ce n'est pas la question. Pourquoi choisir l'anglais quand c'est un roman écrit en français pour des lecteurs qui lisent le français? Je ne suis pas contre glisser quelques mots dans les centaines de pages, mais le titre?

    Et quand on est rendu que le premier mot ou la première expression qui vient à l'esprit pour trouver le titre d'une nouvelle, d'un roman, peu importe, c'est l'anglais, c'est que c'est déjà trop tard. Personnellement, je suis chanceuse, je n'y pense même pas, l'idée ne m'effleure pas, je ne me demande pas s'il existe quelque chose de mieux en anglais ou comment traduire ceci ou cela, mon imagination cherche parfois longtemps, mais je sais que ce qu'elle trouvera sera en français puisque j'écris en français pour les francophones.

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  16. ClaudeL : merci d'être passée par mon blogue! Je ne sais pas comment on fait pour devenir de mon blogue, c'est une honte! Je découvre le tien via celui de Suzan et je vais le mettre dans ma liste de "à visiter". En ce qui concerne le roman de madame C., je suis de tout coeur avec toi!

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  17. Je trouve cela inacceptable. Le combat est continuel, c'est désolant, surtout quand il s'agit de personnes bien en vue qui devraient donner l'exemple. Bruno

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  18. Bruno, merci d'avoir signé, parce que je me méfie toujours un peu des messages anonymes. Et même les signés!

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  19. Opaline, pour ajouter le "gadget" devenir membre, tu vas dans ta mise en page, tu cherches "ajouter un gadget", tu trouves "membre", tu le places où tu veux, en général dans ta colonne de droite. Tu attends que les gens s'abonnent.

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  20. Quant à mon billet, il a fait son chemin, jusqu'à Facebook et j'ai eu l'heureuse surprise d'avoir un message d'Arlette Cousture en personne. Nous échangeons quelques messages et ça me fait tout drôle encore. Ça ne me fait pas changer d'idée, et je respecte son choix, comme je respecte la liberté de chacun.

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  21. Le respect de l'Histoire et de l'arrivant
    Je ne peux m'empêcher de répondre à madame Claudelle. La création littéraire est aussi une façon de démontrer les difficultés d'apprentissage et d'intégration des Irlandais qui sont arrivés au Québec à la fin des années 1800.
    Combien de ces gens, aujourd'hui parfaitement intégrés et francophiles, sont arrivés chez nous unilingues ? La très grandeTA majorité, pour ne pas dire, tous sans exception. Lors de l'arrivée de ces gens, de bonne volonté, Montréal était très anglophone. Le quartier Griffintown proposait des rues telles Duke, Prince, Queen, Mill, Ann, King, etc... Faudrait-il, pour le besoin de l'Histoire et la peur de heurter certaines âmes sensibles, déformer ce qui était la réalité montréalaise à cette époque. Y a-t-il honte à décrire la réalité de trois femmes, dont une Irlandaise qui, contre vents et marées, se rencontreront et s'associeront dans un "estaminet" qui va s'appeler, je le répète, à la fin des années 1800: Petals' Pub. Tant qu'à y être, demandons à Gilles Vigeault de retirer de son répertoire I went to thé market et à la succession de Félix de retirer My neighbor is rich et que dire de la merveilleuse chanson Mommy, I love you dearly écrite par Marc Gélinas et chantée par Pauline Julien qui racontait justement, via des mots anglais, la disparition de la langue française. Voilà autant de titres qui ne devraient plus, selon votre raisonnement, faire partie de la Culture Québécoise francophone. Ciao !

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  22. Plus tordu encore : un grand nombre de mangas traduits en France ont des titres anglais. Vous avez donc une page couverture en japonais et en anglais, et à l'intérieur, c'est en français... de France, avec toutes sortes d'expression qui n'ont pas cours ici. Ca doit être ça la mondialisation!

    Joël Champetier auteur de... Reset!

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  23. Je suis contente que Michel Corriveau et Joël Charpentier viennent nous donner leurs opinions. J'aime bien entendre les arguments de chacun.
    S'il y a quelqu'un qui connaît bien l'histoire de l'arrivée des Irlandais au Canada-Uni, c'est bien moi. Et je ne conteste pas le droit de montrer la réalité vécue par nos ancêtres à l'intérieur d'un roman.
    Juste les titres en anglais qui me chiffonnent. En tant que francophones dans une mer d'anglophones, peut-on vraiment se le permettre? Moi, je dis que non, je ne veux pas prendre la chance, je ne veux pas m'aventurer sur cette pente glissante, ce qui ne veut pas dire que je veux rayer l'anglais de notre culture ou me cacher la tête dans le sable et faire croire que ça n'existe pas. Personne n'a à être d'accord avec mon idée et je ne doute pas que chacun peut apporter ses arguments tous aussi valables que les miens.
    Peut-être suis-je trop entêtée,peut-être pas très portée sur les concessions sur ce sujet... comme mes arrière-grands-parents irlandais!

    Quant aux Français, qu'ils se débrouillent. Je ruerais encore plus dans les brancards si je vivais là-bas. S'ils croient que leur langue n'est pas en danger, c'est leur problème.

    Et comme je n'aime pas les débats, parce que si je me sens solide dans le chemin choisi, je ne suis pas très bonne dans l'argumentation, dès demain, je vais clore ce billet en passant à un autre sujet.

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  24. Il faut ajouter un "T" à "Charlotte Before ChrisT"

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  25. @ Monsieur Corriveau
    Euh votre exemple des titres en anglais des chansons de Vigneault ou encore le Mommy, Daddy de Pauline Julien n'a pas vraiment sa place car ces chansons ont été écrites contre justement le fait anglais au Québec et c'est de nature politique. Ce n'est aucunement le cas pour le titre du roman de dame Cousture ;-)

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  26. Il y a en France une rage d'anglais pour les titres et les lieux nord américain. Alors si tu veux être accepté, tu es mieux d'avoir un côté givré (américain) et c'est malheureux que nos écrivains se plient à ce jeu.

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  27. Merci Equerre de ton passage. C'est quoi cette rage? Pourquoi n'est-on pas fier de ce que nous sommes? Être accepté par les uns au risque d'être rejeté par les autres?

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