vendredi 22 septembre 2017

André Major aime Tchekov
j'aime André Major

Les livres

« C’est dans l’univers des livres que je me reconnais le mieux. »
C’est Élise Turcotte qui l’a dit dans une entrevue fort intéressante (lien à la fin du billet), mais je suis certaine qu’elle n’est pas la seule à le penser. C’est mon cas, et ce, depuis la Claude Dorsel du Club des cinq (romans d’Enid Blyton).

Et je dis bien livre, je ne dis pas écrits, textes, articles de journaux. Encore moins commentaires facebookiens ou ce langage bizarre de #Édesse #Alagan #dystopie 2017 #fantasy #SFFF aux ed @LuneEcarlate #scifi que je n’ai pas encore réussi à déchiffrer. Beaucoup de tapage, beaucoup de hurlements. Du roulis et du tangage qui me donnent mal au cœur ou qui m’étourdissent.

Dans les livres, je retrouve le calme, je trouve des réponses, je trouve d’autres questions. J’ai le temps de penser, de réfléchir, de me laisser aller, de me laisser bercer par la musique des mots. À condition de les ouvrir un à un, ces livres, et non pas, comme lors de la recherche dans un dictionnaire ou maintenant dans Google, aller de l’un à l’autre sans prendre le temps de goûter à chacun.

Les livres me montrent le monde, l’histoire, les gens. Le cœur des gens surtout. Leurs pensées un peu plus poussées, leurs émotions un peu plus analysées. Ce qu’ils ont été, ce qu’ils sont, ce qu’ils veulent devenir.


Les carnets

Si je privilégie les romans, j’adore également les biographies… et donc les carnets.

Robert Lalonde, le camp littéraire Félix, et Lévesque éditeur encouragent ce genre littéraire que nous sommes peu nombreux à apprécier, on dirait.
Je lirai sûrement quelques autres carnets proposés par l’éditeur Lévesque, d’autant que ce sont des écrits d’auteurs québécois, de quoi m’identifier. Au moins, les feuilleter. À force d’en lire, saurais-je en écrire? Peut-être que ces billets de blogue me mènent sur cette route de l’observation, de la flânerie, du simple plaisir de raconter sa journée — sans oublier de la vivre et non seulement lire celle des autres. L’ai-je vraiment quitté cette route déjà empruntée à 20 ans, quand j’ai écrit Je me veux?
carnet littéraire, carnet d'écrivain, camp littéraire Félix


Les carnets d’André Major

Les carnets de Robert Lalonde me plaisent depuis de nombreuses années, mais je viens tout juste de trouver ceux d’André Major.

C’est Yvon Paré qui a écrit un billet sur le dernier carnet,  L’œil du hibou, mais j’ai d’abord lu le premier, celui qui couvre la période de 1975 à 1992, Le sourire d’Anton ou l’adieu au roman. Comme je songe sérieusement à cesser d’écrire de la fiction, juste à lire « l’adieu au roman », je me demande bien ce qu’André Major a voulu dire par « adieu ».

Je retiens de ma lecture beaucoup plus que les citations que je note ci-dessous. J’ai trouvé que le carnettiste avait le jugement parfois cinglant. Mais ne l’avions-nous pas tous dans nos jeunes années? Ou même dans ces années de grands changements quand les Québécois, qu’ils soient écrivains ou non, sortaient des collèges et des églises et cherchaient haut et fort une langue, une identité, un pays?
Mais j’ai eu un grand sourire en repensant à ce que je dis souvent des créateurs québécois : je leur pardonne tout parce que je les aime. Je ne peux pas ne pas les aimer, ce serait me détester moi-même, me juger moi-même et me condamner moi-même. J’ai maintenant la réputation de n’aimer que les Québécois, qu’il s’agisse de livres, films ou œuvres artistiques, ce qui est faux bien sûr.

André Major est beaucoup moins tendre que moi pour les auteurs québécois : dans les années 80-90, il se « reconnait des affinités avec les Savard, Bessette, Thériault, Langevin, Ferron, Roy et Guèvremont, mais il retourne toujours à la lecture des Stevenson, Faulkner, Giono, Pavese, Hamsun, Onetti, Gombrowicz et Tchekhov. »
« Ce qui n’empêche pas que ma sensibilité esthétique et mes préoccupations m’apparentent davantage à Gombrowicz ou à Tabucchi que par exemple à Anne Hébert ou à Michel Tremblay. »

Autres citations

Comme si je me voyais dans un miroir:
« J’aurais aimé être doué d’une imagination débridée, aussi impersonnelle que possible, et non cantonné comme la mienne dans un territoire à peu près immuable et que je suis incapable d’étendre au-delà des frontières qui me sont familières. »
« Un grand écrivain, ou enfin un écrivain qui passe pour être grand aux yeux de ses contemporains, peut tout se permettre […] tandis que pour l’écrivain de peu de renom […] son obscurité lui interdit de médire des œuvres qui lui puent au nez : on y verrait de la jalousie. »
En parlant du monde de Michel Tremblay, André Major écrit en 1990… Je me demande si comme moi, il a changé d’idée depuis.
« L’affranchissement de la pensée passe nécessairement par le refus critique du langage mou qui trahit une absence de rigueur intellectuelle assez inquiétante. » 
 Au retour d'une réunion, d'une rencontre un peu houleuse, il n'y a pas une conversation que je ne me repasse pas dans ma tête. Pas la seule à ce que je vois:
« Je constate souvent que j’ai trop parlé ou tenu des propos qui caricaturaient ma pensée. Ou bien que je ne n’ai pas assez parlé, et alors me viennent à l’esprit les répliques que j’aurais dû lancer au bon moment. »
« Il me semble que tout ce que je possède vraiment, c’est une langue d’usage quotidien, bonne à tout faire si on veut, et qui m’échappe dès lors que je lui en demande davantage, par exemple de se muer en écriture. L’écrivain en moi la voudrait pur jaillissement […] parcourue de frissons et miroitante tout à la fois. »
« Je ne sais trop ce qui est le plus insupportable chez les écrivains : la fatuité de celui qui a réussi avec peu de talent et beaucoup de savoir-faire ou l’amertume de celui qui, faute de savoir-faire, n’a pas vu son talent reconnu. »

Dans le texte, une citation de l’écrivain trinidadien V.S. Naipaul :
« Rien ne révèle un être comme une fiction qu’il écrit. Si vous écrivez un roman, vous déclarez en même temps : c’est ceci qui m’émeut, qui me semble beau, etc. Vous ne pouvez rien cacher, vous vous trahissez. »
 Au sujet de la langue, je rappelle que ce sont des opinions qui ont été écrites en 1992 :
« Au-delà de la langue, ou plutôt à travers elle, c’est une crise profonde qui se trouve ainsi dévoilée : celle d’un peuple victime d’une sorte d’anémie culturelle et qui, faute d’affirmer autrement sa différence, se replie sur une langue infantilisée. “Dis-le dans tes mots, moman va comprendre”, tel devrait être le slogan publicitaire du Robert québécois qui n’est rien de plus que le vadémécum de notre rapetissement culturel. »
«Il arrive aussi, comme c’est le cas en feuilletant les Carnets du romancier polonais Kasimierz Brandys, qu’une réflexion vous frappe avec la force et la vélocité d’une évidence, que vous faites vôtre aussitôt, un peu déçu tout de même de ne pas en être l’auteur. »

La semaine dernière, au bord du fleuve, je guettais les sarcelles et la marée, aujourd’hui, de retour à la maison située entre une plantation de grands pins rouges et un champ de soya, jaune et sec, bientôt prêt pour la récolte, j’épie le suisse qui grappille les dernières mûres. Et, comme un carnettiste, peut-être un jour en parlerais-je plus joliment.

mardi 19 septembre 2017

Ce fut le fleuve et le vent

Images de Rivière-du-loup et de Montmagny
Ce fut le fleuve qui a décidé. Les vagues et le vent, le ciel et l’humidité.

Une petite semaine parce qu’on annonçait beau et chaud.
Pour vivre encore un peu l’été.

Je voulais me rendre à Sainte-Flavie, je me suis arrêtée à Rivière-du-Loup et je suis revenue passer quelques jours à Montmagny.

Les rives du fleuve, ma deuxième maison, mon attrait, mon attirance, ma soif et mon breuvage.

Surtout quand il fait doux, même si, comme chez moi, le vent est omniprésent et nous joue parfois des tours.

Ce fut le camping, le caravaning. J’aime bien, pendant quelques jours, vivre entourée de véhicules récréatifs. Je les regarde arriver et partir. En visiter, comparer, en jaser avec les propriétaires. Et vivre dehors ou à l’intérieur, dans ce petit 150 pieds carrés.

Ce fut le grand air, l’observation des sarcelles, des hérons et des goélands. Ce fut la marche dans les campings, le vélo dans les pistes cyclables ou sur les sentiers au bord du fleuve. S’assoir sur les bancs publics, regarder les traversiers pour Saint-Siméon ou l’île aux grues. Espérer apercevoir quelques bateaux, toutes voiles levées. Longer les rues tranquilles, examiner l’architecture des maisons et des édifices, les plus vieux du siècle dernier de briques et de pierres aux nombreuses arêtes de toitures comparativement aux lignes épurées et aux couleurs limitées (fenêtres noires, revêtements beige-brun) des boîtes géométriques d'aujourd'hui. Rêver du jour où je ne pourrai plus entretenir mon terrain, ma maison. Où irai-je? Imaginer plus petit, un village de mini-maisons. Un grand camping, un Resort. Pas tout de suite, mais un jour. À défaut du fleuve pour ne pas me déraciner de ma Petite-Nation, au bord d’une rivière, peut-être?

Ce fut le partage d’une bière les après-midis chaudes ou un café les matins de vent du nord. La visite à une poissonnerie, l’approvisionnement en poisson frais pour quelques mois. L'achat de produits locaux: petites prunes délicieuses au goût de fin d'été, et épis de maïs qui nous rappellent des épluchettes au lac Simon.

Ce fut la lecture: Bercer le loup de Rachel Leclerc. Une histoire qui se passe entre le Forillon d’avant l’expropriation et le Carleton sur mer parce qu’il faut au moins rester au bord de la mer. Ce ne fut pas tant l’histoire que le style qui m’a plu. Ce ne fut pas tant de lire ce roman au bord du fleuve qui m’a ravie, c’est de m’être délectée du style de l’auteure.

Sanctuaire d'oiseaux aquatiques (des sarcelles ce jour-là), à Montmagny
Sanctuaire d'oiseaux aquatiques (des sarcelles ce jour-là), à Montmagny
Rachel Leclerc. Un nom qui ne me disait rien il y a un an encore. Une écrivaine qui n’obtient pas la visibilité médiatique des trentenaires universitaires, mais que je suis heureuse d’avoir trouvée comme un trésor d’autant plus précieux qu’il n’est pas dans toutes les vitrines, ce qui pour moi, parfois, n’est pas un indice de qualité. Je n’aime pas qu’on me force la main en écrivant « best-seller » sur un livre.

La première fois que j’ai vu ce nom, c’était dans Le Devoir. Dans un article signé Danielle Laurin, une phrase m’avait frappée : « Je suis beaucoup plus littéraire qu’historienne. » Des propos de Rachel Leclerc. Je ne sais pas pour les autres ouvrages, j’irai voir, c’est certain, mais pour Bercer le loup, le style littéraire m’a enchantée. Magnifique.
« Et que je t’enlace, que je te berce d’un bout à l’autre du lit, que je te flagelle avec mes bras devenus branches mortes, que je te bande comme un arc et te possède, t’arrache les cris que je retiens moi-même pour ne pas empirer la douceur et pour que tu me croies robuste. Que ton vent me soulève, que ta vague me plie en quatre. »
Et quelle structure! Les allers-retours entre 1970, année de l’expropriation, et la fin des années '90 nous montrent trois générations, nous révèlent des personnages forts, brisés, humains. Certains crient vengeance, d’autres portent leur colère jusqu’à la mort. Rien de linéaire et pourtant tout est clair, tout est dit. Coup de chapeau, tour de force, admiration jalouse, madame l’auteure.

Ce fut une semaine parfaite. Des jours de soleil qui m’ont fait oublier la mammographie annuelle. Le vent a chassé ma peur.


lundi 4 septembre 2017

Des couleurs et des mots

Claude Lamarche lira un extrait de son roman Les têtes rousses
Septembre.
Rien qu’à l’écrire, rien qu’à le dire, ça sonne nostalgique.
Presque triste, mais c’est que le jour est gris, le jour est froid, le jour est court.
Des fleurs saturées d’eau, en manque de soleil. Qui fanent.
L’été aussi s’étiole.
Au loin, brouillard, humidité. Gris.

Je n’ai jamais très bien su être joyeuse, rieuse. Plutôt sérieuse. Parfois trop.
Et, pour moi, septembre a toujours signifié que les vacances, les rires, les folies brèves ou non, sont terminées. Retour au sérieux. Au travail, à la discipline.
Et même si officiellement, j’ai l’âge de la retraite, l’âge de ne plus travailler, le pli est pris : en septembre, j’ai envie de m’acheter un nouveau cahier, de commencer quelque chose de nouveau. De devenir studieuse, disciplinée.

Pourtant, parfois, septembre, c’est aussi les vacances, les voyages. Moins de monde sur les routes, dans les campings, temps encore doux sans être écrasant. Cette année, peut-être encore.

Mais cette semaine, place aux couleurs et aux mots.
Louise Falstrault est fascinée par les couleurs. Pendant vingt ans, elle a peint des paysages, des atmosphères. Cette fois, elle a choisi l’abstrait, mais toujours les couleurs et le geste.
Sa dernière exposition publique dit-elle.

Le vernissage a lieu ce jeudi, au Centre d’action culturelle de Saint-André-Avellin. Pour chacun de ses tableaux, j’aurais voulu écrire un texte. Elle me dicte quelques mots, une pensée, une idée, je regarde ses tableaux et j’écris :
« Du monde terrestre et habité au monde infini de l’imaginaire.
Du paysage du dehors jusqu’au jaillissement spontané du cœur et du corps. 
»
pendant que l’artiste assistera à un autre vernissage, celui du symposium Art In situ qui se tiendra à Plaisance ce samedi 9 septembre, moi j’irai voguer au fil de l’eau, sur la rivière des Outaouais.
En effet, la croisière littéraire du Bateau-livre fera remonter le temps aux passagers grâce aux textes de dix auteurs de l’Outaouais ou de l’Ontario français. Comme le thème est « le fil du temps », je lirai l’arrivée de Bridget Bushell en Amérique.
« Le Canada-Uni : terre d’accueil et d’adoption, pays aussi vert que l’Irlande et où coule un fleuve aussi beau que le Shannon. »
Et beau hasard, l’association des auteurs et auteures de l’Outaouais a publié sur Facebook les vidéos qui ont été visionnées tout l’été à la Maison des auteurs. J’ai ajouté dans la colonne de droite de ce blogue la capsule qui me concerne. Je vous épargne les commentaires que je me suis passés à moi-même, que tout le monde doit se passer quand il se regarde et ne s’imagine absolument pas comme les autres le voient, mais ça m’a fait quand même un petit velours : il restera des traces de ma vie d’auteure.

Je ne sais pas si septembre sera gris ou chaud, terrible ou joyeux, synonyme de vacances ou de travail, mais je sais que la première semaine sera remplie de couleurs et de mots. Pour mon plus grand bonheur.

Vernissage de l’Exposition de Louise Falstrault >>>
Le bateau livre >>>

mardi 29 août 2017

Escarpins ou runnings?

Je suis bi. Comme dans amBIguité. Comme dans amBIvalente. Comme dans uBIquité.
Je peux en même temps aimer et détester. Être ravie et choquée. Être enthousiaste et déçue. Être ange ou démon.
Et depuis quelque temps on dirait que les livres que je choisis de lire me mettent devant cette plurivocité.

Ce fut La servante écarlate de Margaret Atwood et Putain de Nelly Arcand.
Ce fut Lettre de consolation à un ami écrivain de Jean-Michel Delacomtée et L’avalée des avalés de Rejean Ducharme.
Et maintenant c’est La langue affranchie et Le plongeur.

Un contredit l’autre, un est l’envers de l’autre. Comme un cours de littérature comparée. Affrontement assuré. Les gros mots contre les doux, les mots soignés contre les familiers, les anglais contre les français. 
Le noir et le blanc.
L'ange et le démon.
Les escarpins et les runnings.

Je ne veux pas juger, mais je compare. Je ne veux pas donner de notes, mais je compare. Je déteste jouer avec mes petites cellules cérébrales de la sorte. Mon cerveau joue au yoyo avec mes émotions. Je ne veux pas prendre parti, mais ni tergiverser. Évoluer, mais ne pas jeter à la poubelle tout ce que j’ai appris.

Qu’est-ce qui fait défaut chez moi? Quand L’avalée des avalés a été publié, j’avais 16 ans, je ne me suis pas identifiée à Bérénice. Je n’ai pas compris grand-chose. C’était en même temps que Une saison dans la vie d’Emmanuelle, c’était le début de la littérature québécoise — pour moi en tout cas — je n’étais pas prête, j’étais encore trop littérature française. Trop escarpins. Quand Putain est sorti, j’avais 50 ans, je n’ai pas aimé, j’ai cru que c’était vulgaire, je ne l’ai pas tout lu.

Et là, Le plongeur de Stéphane Larue que tout le monde encense, que tout le monde achète.
Oui, je lis, oui, je suis assez d’accord avec Yvon Paré qui trouve que le roman « envoûte dès les premières pages » (1). Même si je crois que ce sont surtout les hommes, les jeunes hommes ou ceux qui ont connu ce milieu qui apprécieront — moi, on le sait je suis plutôt fleur bleue —, ce que je remarque surtout c’est que personne ne parle des niveaux de langue. Et c’est là que mon petit démon n’a pas trouvé les runnings très confortables. Larue passe de :
« Sur une étagère crasseuse en métal haute et large s’entassaient des piles d’assiettes maculées, des chaudrons recouverts de sauce tomate cramée dans lesquels on avait laissé des louches tordues ou des pinces enduites de couches indifférenciées de jus, des récipients au fond desquels croupissaient des légumes en juliennes molasses ou des restes visqueux de marinade, des plaques de cuisson couvertes de gras et de lambeaux de peau de poulet calcinée. »
... à  l’emploi de : Staff, shift, doormans, close, drinks, piasses, pawnshops, bad luck, bushgirls, cooks, cheap. Pour ne nommer que ceux-là. Sans les mettre en italique. Et pas que dans les dialogues, mais dans la narration, au beau milieu d'une belle phrase au style recherché. 

Je me croyais prête. L’insolente linguiste Anne-Marie Beaudoin-Bégin m’avait préparée.
« Cessons de critiquer. Cessons de condamner. Rabaisser la langue des autres, ça n’a jamais donné de bons résultats. Jamais. Rabaisser les autres tout court, ça n’a jamais donné de bons résultats »
« Les critères pour savoir si telle forme appartient à du «bon» ou à du «mauvais» français sont en fait des critères sociaux. Importants, primordiaux, essentiels. Mais sociaux. Il y a, certes, des formes qui sont plus valorisées que d’autres, plus adéquates dans les contextes formels. Mais cela ne veut pas dire que ces formes sont, en soi, supérieures ou «plus françaises». Cela veut seulement dire qu’il y a un consensus voulant que ces formes soient les symboles d’un décorum social nécessaire dans certaines situations. Comme la cravate ou les escarpins. »
Delacomtée ne jure que par la cravate et les escarpins et il m’a fait ch… Alors, je devrais aimer Larue qui ose, qui passe d’un code à l’autre, d’un langage soigné au familier sans que personne (jusqu’à maintenant) ne trouve à y redire. Tant mieux, devrais-je penser. Oui, mon ange le pense et il veut bien essayer de nouveaux souliers! Et laisser lecteurs, auteurs et éditeurs libres de leur choix. Mon démon se rebiffe pourtant encore un peu. Il s’accroche dans ses vieux escarpins! Il est plus à l'aise en suivant des règles et en se soumettant à une autorité. Il se demande où chercher la définition d'un mot si celui-ci n'est pas dans un dictionnaire français. Il doit de plus en plus chercher dans le Harrap's! Mon ange a la réplique toute trouvée: cherche sur Internet, sur les réseaux sociaux. Évidemment. Facebook et Twitter chaussent des runnings, c'est bien connu!

À défaut de les conforter, il me reste donc à les confronter, ces petites bêtes, à les forcer à se parler, à se regarder bien en face, à faire des compromis, à évoluer. 
Qu'ils me trouvent une paire de souliers qui me conviennent.

(1) billet d'Yvon Paré>>>

mardi 22 août 2017

Tous les mots sont cachés dans le Scrabble

Réjean Ducharme, littérature
Pendant que je cherchais une consolation, Réjean Ducharme est décédé.
Les mots virevoltent, se baladent et se moquent de moi.
Indisciplinés et même désobéissants, ils n’en font qu’à leur tête, s’amusent à jouer à cache-cache.
Désordonnés, ils refusent de s’aligner, de se mettre en rang.
Je ne leur demande pourtant pas un roman, ni même un essai, ni même un haïku.
Je ne parviens pas à calmer leurs courses folles ni à faire réagir ceux qui, plus timides, se cachent derrière leurs collègues plus expérimentés.

Ils ont sans doute peur, mes mots. Peur de la colère autant que de la tristesse. Ils ne veulent ni crier ni pleurer. Ni s’apitoyer. Ils refusent de sortir, ils tournent en rond dans leur sac de Scabble, préférant le silence à la confusion.

En lieu et place, ils se trouvent des excuses, des arguments, des faux-fuyants, ils sont allés voir comment d’autres propriétaires de mots s’en sortent. Ils savaient bien que je cherchais une consolation à la déception et au questionnement qu’une certaine lettre de refus avait laissée en moi. Ils savaient qu’ils marchaient sur un terreau vulnérable.
Ils ont trouvé Lettre de consolation à un ami écrivain.

Ils ont lu, ils ont noté :
« écrire entretient les douleurs ce qui permet de les supporter, pas de les effacer […] écrire pour se guérir consiste à gratter ses plaies. »
Non, vraiment, ce n’était pas le temps d’offrir ce livre à quiconque doute déjà de son talent ou de sa place dans le monde des livres. L’auteur, un certain Jean-Michel Delacomtée, complètement inconnu des dieux, des Québécois en tout cas, part d’une bonne intention : consoler un ami écrivain qui vient de décréter qu’il ne publiera plus. Mais pour le convaincre, dans une pédanterie insupportable, il fauche, presqu'autant que cet ami désabusé, tout ce qui est moderne. Pour lui, le monde littéraire, le vrai, le seul digne de mention s’arrête au 18e siècle. Sauf peut-être quelques exceptions comme Pierre Michon, Pierre Bergounioux, Jean Rouaud, Laurent Mauvignier, Marie Ndiaye, Linda Lê, Marguerite Duras ou Philippe Bordas. Il écorche sans guère de remords Christine Angot, Virginie Despentes, Marc Levy, Annie Ernaux, Éric-Emmanuel Schmitt, Daniel Pennac.
Il juge sévèrement l’autofiction. Pour lui, le littéraire doit avoir une âme, doit être une poésie, doit faire œuvre utile et surtout avoir un style. Le « people », même gagnant de prix, ne trouve aucune valeur à ses yeux.
« On a tort de coiffer du même chapeau les romanciers et les écrivains, cela rapetisse la littérature. Il s’agit de deux ordres distincts. La plupart des romanciers contemporains n’entretiennent aucun rapport avec la définition traditionnelle de ce qu’on appelle un écrivain. Quand on veut définir ce qu’est a littérature et ce que signifie être écrivain, on doit se référer à l’usage de la langue, à la question du style. »
À étaler toutes ses certitudes, le monsieur-écrivain fait bon usage de sa langue et de son style, c’est certain. Mais finalement, ce ne sont que des mots. Des mots qui, comme ceux des romanciers qu’il dénigre, peuvent réjouir ou blesser. Consoler comme c’était son intention au départ, mes mots à moi en doutent fortement.

C’est en me rendant au village en vélo que j’ai compris. Les grands champs, les doryphores et le ciel orageux m'ont dit d'ouvrir le sac de Scrabble, j’ai écouté le silence qui s’installait, et puis tout à coup, j’ai entendu clairement : « Aie! Chose, réveille! »
On est en 2017, tu es peut-être en France, dans cette chère république des lettres qui te rend si nostalgique, mais moi, je vis au Québec, et ma langue évolue. Et ce n’est pas parce que Dany Laferrière est à l’Académie française que je vais élever, comme toi, cette institution sur un piédestal. Je n’ai pas besoin de toi pour me dire ce que vaut la littérature. Eh oui, je te tutoie comme pour te rabaisser à mon niveau, te dire que tu ne vaux pas plus que moi, tu as juste plus de talent pour agencer les lettres sur le plateau de Scrabble! Ça donne plus de points, mais ça ne justifie en rien ta diatribe assassine.

Mais réveille, la littérature, tout comme la langue parlée ou soignée, familière ou soutenue ne sera plus jamais la même. Aussi bien s’y faire et apprendre à l’aimer telle qu’elle veut devenir. Plus tu parles sur le très bien, plus j’ai envie de te parler à l’opposé, juste pour te dire que c’est parler quand même, que c’est s’exprimer quand même. Romancier ou écrivain ou auteur, change le mot si ça peut t’aider, ce n’est pas l’étiquette qui compte, c’est le produit. Toi, tu as voulu exprimer des idées, grand bien te fasse, nous, aujourd’hui, nous voulons exprimer des émotions ou simplement offrir un divertissement, raconter une histoire, fût-elle la nôtre. Les mots servent aussi à cela et ce n’en est pas moins légitime. Tu n’as pas réussi à me faire moins aimer les écrivains cités, juste toi, que je ne lirai plus. Je t’aurais donné raison sur quelques points si tu n’avais pas été de si mauvaise foi et si pontifiant.

Je sais que pour l’argumentation, la rhétorique, comme tout bon québécois qui évite les discussions, qui n’aime pas la chicane, comme tout bon élève qui ne remettait pas en question les dires de ses professeurs, je ne t’arriverai jamais à la cheville, je ne pondrai jamais soixante-treize pages sur la langue d’aujourd’hui ou sur la définition de la littérature. J’ai une voix forte, mais je ne la fais pas entendre ni loin ni longtemps. J’ai le doute trop facile, la nuance subtile et l’assurance au point zéro quand vient le temps des certitudes. Mais moi, au moins, j’essaie d’évoluer.

Comme la nouvelle de la mort Réjean Ducharme est tombée justement pendant que j’écris ces mots, je vais laisser le sac de Scrabble un peu de côté et je vais sortir Dévadé et L’avalée des avalés.
« On vient au monde statue : quelque chose nous a fait et on n’a plus qu’à vivre comme on est. C’est facile. Je suis une statue qui travaille à se changer, qui se sculpte elle-même en quelque chose d’autre. »
En une phrase, Réjean Ducharme vient de me consoler mieux que n’a réussi M. Delacomtée en soixante-treize pages en me montrant que si mes mots pâles, sans surprise, désordonnés ne sont pas au goût des éditeurs, tant pis, au moins, ils seront les miens.
Comme la statue que Bérénice sculpte.

jeudi 17 août 2017

Présence sur Le Bateau-livre

auteurs de l'Outaouais, lecture sur la rivière des Outaouais

Honorée, ravie. J’aurai la main tremblotante, mais la voix forte et le pied marin. Hâte.

Nous serons dix auteurs venus des deux côtés de la rivière des Outaouais, nous remonterons le fil du temps en lisant des extraits de nos livres : Yves Breton, Guy Jean, Claude Lamarche, Lisa L’Heureux, Louis L’Allier, Daniel Marchildon, Raymond Ouimet, France Rivet, Annie-Claude Thériault et Paul-François Sylvestre. Accompagnés à l’accordéon par Jean-Marc Lalonde

QUAND : Le samedi 9 septembre 2017 — Départ à 14 h, retour vers 17 h
OÙ : Quai des artistes – 895, rue Jacques-Cartier, Pointe-Gatineau

Note à moi-même : tu vois, tu es encore de ce monde des auteurs (je sais tu n'oses pas écrire monde littéraire), encore dans la joute. Encore parmi eux et elles, ces auteur-e-s qui écrivent, qui récitent, qui lisent. Qu’on nomme. On ne t’a pas oubliée. Tu es à nouveau sous la lumière. Même si ce n’est pas ton but. Et tu as reçu la nouvelle justement le jour où un autre courriel te renvoie à ta table de travail, à tes devoirs, te fais douter encore une fois que tu encore capable d’écrire un roman. Le bateau-livre te prouve qu’au moins si le prochain roman tarde, tu peux encore naviguer un peu sur les acquis.
Alors vogue la galère!

Informations >>> 

lundi 14 août 2017

Mots et couleurs de fin d'été

Cette année c'est du soya.
Les derniers caravaniers partent après quatre jours de musique country, de danse en ligne et de bouffe sous le thème de la patate. Le festival ramasse les dernières épluchures. L’été reste encore un peu. Mon corps se promène pieds nus dans le gazon encore humide de rosée, signe doux.

Le vert m’encercle : soya, maïs, pommes de terre. Et forêt. De mai à octobre, j’habite dans la verdure. Sur (pla) fond bleu assez souvent.

Où irais-je en septembre pour que mes pas et mes phrases prolongent encore un peu le vert?
Début septembre, j’irai voir les couleurs de Louise Falstrault.

Louise Falstrault, artiste peintre, Centre d'action culturelle MRC Papineau
Quelques détails des tableaux abstraits de Louise Falstrault
«Pour l’exposition Du dehors au-dedans, l’artiste présente des tableaux qui répondent au besoin de s’éloigner du conformisme, tout en explorant la richesse des couleurs tant aimées. Les œuvres représentent la transition, l’évolution de l’artiste qui n’a jamais accepté d’être confinée à un seul style ou étiquetée.»

C’est ce que dira le communiqué. La pure vérité.

De mes parents, de mes professeurs, j’ai appris les mots. De Louise Falstrault, j’ai appris la couleur. Quand on travaillait à monter l’hebdomadaire local, qui n’était alors qu’en noir et blanc, elle m’apprit la composition, mais ensuite vint la « une » en couleurs. J’ai crié « aghhhh! », puis j’ai crié « Louise, à l’aide ». Quand les écrans d’ordinateur changèrent du noir et jaune à la couleur, j’ai de nouveau fait appel à son talent naturel pour que les annonces ne soient pas un horrible gâchis.

Aussi, pour l’artiste, que ce soit une œuvre figurative ou abstraite, la couleur reste sa force, sa motivation, son élan.
Une vingtaine de tableaux seront exposés au Centre d’action culturelle de la MRC Papineau dès le 7 septembre.

Ce sera la fin de l’été. Ce sera beau, mais surtout coloré.
En attendant, encore quelques mots d’août.

samedi 12 août 2017

Le 12 août, je lis un livre québécois


— C’est le 12 août, jour où on achète un livre québécois. En as-tu un nouveau?
— Eh! non!
— Tu n’écris plus?

Que répondre? Je n’écris pas de roman actuellement, non. Et je ne vois pas le jour où je vais en commencer un nouveau. Depuis treize ans que mon cerveau se concentre sur Les têtes rousses. Le troisième et dernier tome se languit chez quelques éditeurs. Et même quand il sera publié, si jamais il l’est, je crois bien que je me contenterai de mon blogue. Qui n’est même pas un vrai blogue, pas un vrai carnet qui pourrait un jour devenir livre.
« Qu’est-ce qu’un carnet littéraire? C’est peut-être avant tout une sorte de repos de l’écriture de fiction.
Le romancier […] est soudainement happé par les mots d’un autre, par les images d’un autre encore, par la stupéfiante beauté d’un paysage, par une phrase d’un livre qu’il croyait avoir oubliée, par cette carte géographique d’un pays où il a toujours voulu mais n’a jamais pu se rendre, par telle photographie, tel souvenir, tel projet abandonné sans raison valable ».

Robert Lalonde
Mais qui me satisfait amplement. Sauf qu’entre-temps, quelques lecteurs croient que je suis un vrai écrivain, du genre à publier aux deux ans, du genre à ne pas prendre de retraite, du genre à avoir du souffle et des idées jusqu’à ma mort. Comme les vrais.

Eh! non!
Pourtant, comme quelques amies artistes peintres, même une fois qu’on a fini de créer, même si on n’a plus que du vieux stock à vendre, on continue d’être sollicitées, de surfer sur la vague d’un certain (relatif) succès. On joue le jeu, mais on sait bien que ce n’est plus « comme avant » du temps où nos noms étaient publiés dans les médias, où on était enthousiastes en parlant de nos projets en cours. Nous tombons dans l’oubli de nous-mêmes. Sereinement parce que finalement on l’a voulu, on le veut.
Cette fois, je me sens vraiment à la retraite. Avec les chèques de pension qui rentrent tous seuls. Et tout et tout.

Pourtant, pourtant, moi je sais que j’écris encore. J’écrirai toujours. Pas des romans, pas des 200 pages, mais ces petits billets, ces notes dans des carnets pendant que je lis Robert Lalonde. En rêvant à cet encore possible d’avoir ce genre de carnet publié. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, je ne sais pas, mais du rêve, oui.

En attendant, ou plutôt en n’attendant plus, je lis, comme jamais.
«puisque écrire, comme lire, c’est revoir, mais revoir ce qu’on n’avait pas vraiment vu.»
Je remarque si peu.
Je n’ai rien à écrire sur ce que je vois ou ce que j’entends.
Je sens, je peux écrire ce que j’ai senti en lisant.
Je sens souvent le besoin pressant de me lever et d’aller l’écrire
     ce que j’ai senti
     ce que j’ai pensé
     comme si c’était important
     comme si je le regardais d’une nouvelle façon.

Mais je remarque si peu, je regarde si peu, je vois si peu.
Quelle chemise portait-il? Qui était au volant? De quelle couleur le revêtement de la maison, là-bas?
Je ne sais pas, je ne regarde pas.
Ce n’est pas important. C’est froid, c’est matériel. Ça ne me rapporte rien.
Les lecteurs demandent de l’action, ou de l’émotion, ou de la poésie.
Pourquoi écrire une longue histoire pleine de détails alors que je ne veux aller qu’à l’essentiel, au senti?

Et puis tant à lire
Tant d’auteurs qui cherchent des lecteurs.
Je suis certaine d’être meilleure lectrice qu’auteure
Lectrice permissive, généreuse, naïve, gourmande, boulimique, passionnée.
Je préfère parler des livres que de les écrire.
J’en suis là.

Et La liberté des savanes de Robert Lalonde m’a comblé cette semaine.
« Je ne me cherche plus dans les miroirs. » 
Je ne sais pas si Robert Lalonde parle des miroirs que peuvent être les livres, mais si c’est le cas, moi, je crois bien que je m’y cherche encore.
Je crois bien que je cherche à lire ce que j’aimerais avoir écrit. 
Et je cherche à revoir ce que j’ai aimé et aime encore.

samedi 5 août 2017

Le 12 août, j'achète un livre québécois

L’événement « Le 12 août, j’achète un livre québécois », initiative de Patrice Cazeault et d’Amélie Dubé, sera encore souligné cette année. Je suis pour, c’est certain. En tant que lectrice et en tant qu’auteure.

Bien sûr, je voudrais avoir un nouveau titre à vous proposer. Ce n’est pas le cas. Je voudrais tout autant que tous mes livres soient encore en librairie. Le Québec étant ce qu’il est, le monde du livre étant ce qu’il est et mes romans étant ce qu’ils sont, ils ne sont offerts que sur demande. Ils sont déjà passés dans l’oubli. D’autres réclament leur vitrine.

Comme tout créateur, les auteurs — et leurs livres surtout — voudraient bien être connus de toute la province et bien au-delà.
Voici mon petit coup de pouce —- et mon coup de cœur bien sûr — pour des auteurs — dont les noms sont relativement connus en Outaouais et parfois même en Europe par le biais des éditeurs ou des contacts, mais un peu moins dans le reste de la province.

Cet été, dans le cadre du 150e anniversaire du Canada, la Maison des auteurs, située dans le Parc Jacques Cartier, au cœur même de l’exposition MosaïCanada 150, devient un Pavillon de la Confédération. Entre autres, l’association des auteurs et auteures de l’Outaouais présente une vidéo sur dix auteurs qui se sont illustrés au cours des dernières années.
Auteurs de l'Outaouais, Maison des auteurs à Gatineau
Dix auteurs de l'Outaouais

Je vous les présente:
Guy Jean, L’obscurité a neigé. Prix Hommage de la ville de Gatineau, 2016.
Site>>>

Julie Huard, Paysâmes et miroirs du monde, Coup de cœur littéraire de l’Outaouais 2016
Site>>>

Serge Cham, Comment être heureux en amour ou À l’école de mes élèves. Médaille du 125e anniversaire de la Confédération canadienne
Site>>>

Andrée Poulin, auteure de plus de 35 romans pour les jeunes de tous âges
Plusieurs prix dont le prix TD (Toronto Dominion) de littérature pour l’enfance et la jeunesse 2014 pour La plus grosse poutine du monde.
Site>>>

Jacques Jobin, Parcours d’un idéaliste, finaliste au Prix Coup de cœur de l’Outaouais 2016
Site>>>

Katia Canciani, auteure jeunesse, Mirmaëlle, fée des dents : Un Noël surprenant, finaliste au Prix Coup de cœur de l’Outaouais 2016.
Site>>>

Éric Péladeau illustrateur. Finaliste Prix Peuplier pour son album Martine et Maurice.
Site>>>

Jean-Philippe Veilleux, Lili et l’urne merveilleuse.
Site>>>

Madeleine Stratford, traductrice, finaliste prix gouverneur général pour le roman de Marianne Apostolides, Elle nage.
Site>>>

Claude Lamarche, Les têtes bouclées, finaliste au Prix Coup de cœur de l’Outaouais 2016
Blogue>>>

Programmation de la Maison des auteurs>>>

lundi 31 juillet 2017

La putain et la servante

Deux récits dont le sujet est la femme
Paradoxe : je résiste souvent à ce genre de trucs marketing : « 75,000 exemplaires vendus », « le livre qui fait trembler l’Amérique de Trump », mais en même temps, je reste aux aguets, et, parfois je me précipite à la BANQ pour lire un extrait et peut-être même me procurer ces romans dont tout le monde parle. Tout le monde étant surtout les médias.

J’ai d’abord été intriguée par La servante écarlate en lisant dans La presse + que la série à succès The Handmaid’s Tale, un roman dystopique (il a fallu que j’en cherche la définition : récit de fiction pessimiste se déroulant dans une société terrifiante. Comme 1984 d’Orwell, comme Farenheit 451 de Bradbury. Ce qui m’a retenu le temps de lire les premières pages) de Margaret Atwood, paru en 1985, serait bientôt adapté en français. En France, grrr…! À défaut de trouver le livre en numérique à la BANQ, j’ai décidé de l’acheter.

Et puis, un matin, en me demandant pourquoi Margaret Atwood était traduite en France avant le Québec (un caddie, moi, ça dégonfle ma lecture!), j’ai lu ce billet sur le site des librairies indépendantes :
14 romans québécois qui font craquer les Français
Dans cette liste, j’en ai déjà lu neuf, je me suis dit qu’il faudrait bien que je lise les autres. Le temps de me rappeler si j’avais déjà lu Putain de Nelly Arcan, évidemment, sur le site de la BANQ, j’avais téléchargé un extrait.
Qui peut résister à ces premières pages accrocheuses?

Alors pour me reposer de la servante, je me suis mise à lire la putain.
Je n’aurais pas dû.

Bizarre tout de même que je lise en parallèle Putain de Nelly Arcand et La servante écarlate de Margaret Atwood. Même thème: le corps de la femme. Deux « je » qui n’aiment pas vraiment ce qu’elles voient dans leur miroir. Deux femmes qui décrivent leur présent et se souviennent de leur passé, cet avant qui n’existe plus. Deux mondes que je ne connais pas, mais que je sais possibles.

Dans la postface, Margaret Atwood le spécifie :
« Je n’inclurais rien que l’humanité n’ait pas déjà fait ailleurs ou à un autre époque, ou pour lequel la technologie n’existerait pas déjà. […] Les pendaisons en groupe les victimes déchiquetées par la foule, les tenues propres a chaque caste et chaque classe, les enfants volés par des régimes et remis à des officiels de haut rang, l’interdiction de l’apprentissage de la lecture, le déni du droit a la propriété : tout cela a des précédents.»
La servante écarlate demande des temps de pause. Un roman tellement différent de ce à quoi je suis habituée — à quels genres suis-je donc habituée? — qu’il mérite un écho différent. Et ne comptez pas sur moi pour mentionner si c’est une lecture légère ou non, d’été ou non, à étudier en classe de philosophie ou toute autre matière scolaire.

Putain de Nelly Arcan, paru aux éditions du Seuil (j’aimerais bien savoir pourquoi la future auteure a envoyé son manuscrit aux éditions du Seuil et pas à un éditeur québécois), il y a seize ans. J’essaie de me souvenir des raisons qui m’auraient empêchée de le lire, et il ne me vient que mon bagage d’idées préconçues (comme un snobisme intellectuel?) soit sur le thème de la prostitution soit sur la difficulté de lire un style cru, et nouveau à la rigueur, à cette époque. Tout comme j’ai pris dix ans à accepter le joual de Michel Tremblay. Je ne suis pas fière de moi comme lectrice. Pourtant en 2001, mon éducation religieuse — pas la familiale, nous étions très ouverts chez nous — ne devait plus avoir laissé grandes traces. Ma curiosité naturelle aurait dû l’emporter.

Et il est presque impossible que je l’aie ne serait-ce que feuilleté parce que le début est si accrocheur, encore aujourd’hui malgré cette mode de la première page, cet incipit qui doit accrocher le lecteur-acheteur, me connaissant, il me semble que j’aurais poursuivi et que je m’en souviendrais. S’il m’arrive souvent d’oublier l’histoire d’un roman ou le nom des personnages, je me rappelle toujours ceux qui m’ont marquée. Je n’oublierai jamais L’Euguélionne de Louky Bersinik Je n’oublierai pas non plus Les mots pour le dire de Marie Cardinal. Ni La femme qui fuit d’Anaïs barbeau Lavalette.

Toujours est-il que je lis, je dévore. Et rien ne me choque ni le sujet ni le style.
« Une plume défouloir et vengeresse », est-il écrit sur le site nellyarcan.com. Et, à mon avis, c'est surtout cette plume qui rend son œuvre intéressante et pérenne.

C’est en effet ce que j’ai vu, lu, retenu. J’ai lu la plume, le style, la colère. Cette vie mal-aimée, ces relations difficiles. Cette abondance de mots, de phrases d’un seul souffle. Facilement trois pages, sans point.

Dans les phrases courtes, dans le lent récit de La servante écarlate, il y a de longues descriptions pour que le personnage soit bien ancré dans sa vie, comme le fait de trancher le bout d’un œuf, de le manger et de se demander ce qu’elle peut bien désirer de plus. On voit tout, mais on ne sent pas — en tout cas, je n’ai pas senti — la révolte, la rébellion ni même l’envie de désobéissance dans cette dictature où la femme n’est que servante, n’est que corps à enfanter.

Dans Putain, un long soliloque, sans beaucoup de points, qui ne nous laisse souffler qu'après deux ou trois pages d'écriture bien serrée. Des pages remplies de détails qui parfois ont l’air de sauter du coq à l’âne, mais qui rassemblent toutes ses pensées qui s’entrechoquent dans son âme tourmentée.

Nelly Arcan — et le personnage — écrit, crie, gémit, geint, étouffe. Alors qu’Atwood — et le personnage — décrit, observe froidement, détaille minutieusement. Comme si elle n’était pas dans ce corps inerte, comme si elle subissait sans se révolter. Tout au plus un peu de nostalgie.

J’ai cessé de les lire en même temps. Je n’ai plus voulu que mon cerveau compare. Chaque livre a sa propre vie, mérite que je lui prête toute mon attention. Un à la fois.
Et puis, je ne lis pas pour défendre une thèse de maîtrise qui demanderait une grille d'analyse plus poussée que mes simples petites impressions le lectrice.
Et je les aime tous les deux, ces récits, pour ce qu’ils m’apportent, pour ce qu’ils me font réfléchir sur mon corps qui n’a pas enfanté, sur ce corps qui n’a pas été violé, qui ne s’est pas prostitué, sur ce corps qui a grossi, ramolli, qui a vieilli, qui fut malade parfois, mais que j’ai toujours aimé, parce que c’est le mien.
Me font aussi prendre conscience des différents régimes politiques ou sociétés patriarcales ou mondes machistes.
Chacun aussi me fait réfléchir sur le style littéraire. Des mots justes, vrais, forts qui remuent, qui dépeignent très bien des atmosphères et des lieux, qui apportent de la profondeur aux personnages. Envieuse bien sûr.

Deux livres marquants que je ne suis pas prête d’oublier. Même si je les ai découverts sur le tard!

mardi 25 juillet 2017

Au sujet de l'écriture

Sur la galerie arrière, devant moi, les grands efflanqués de pins rouges, maigres et longs de leurs 40 ans passés, mais qui, généreux et presque fraternels, accueillent à leurs pieds des framboisiers, des bleuetières, des mûriers qui donnent peu de fruits, et quelques feuillus adolescents qui réclament vie et avenir.

Sur la petite table à côté de moi attendent : tablette, liseuse, livres, cahier et plume.


Toujours hâte de lire

J’ai rarement hâte de laver l’auto, de balayer le plancher, même de préparer le souper. Encore moins de réparer le boyau d’arrosage, d’entretenir la piscine. Les jours sans lire sont à la limite des jours perdus.
Les jours derniers, j’ai volé un peu de temps au temps, j’ai expédié les « il faut » et j’ai lu deux livres. J'aime bien lire ce que les autres écrivains pensent de l’écriture pour découvrir pourquoi j’ai tant besoin d’écrire. Et tant besoin de lire.

L'écriture de deux écrivains: Daniel Grenier et Laurence Tardieu

La solitude de l’écrivain de fond, Daniel Grenier

« Parce que l’écrivain — le véritable écrivain de fiction — n’écrit pas pour dire ce qu’il pense et ce qu’il ressent, mais pour le découvrir. »

Un essai trop court où Daniel Grenier, auteur de L'année la plus longue, réfléchit sur son propre parcours tout en nous présentant Wright Morris, un auteur étatsunien (pourquoi on parle toujours d’Américain, je suis Américaine moi aussi) méconnu. « Si je parle de lui, c’est qu’il ne m’a jamais demandé le de faire ».

Comme une entrevue. Comme un documentaire où on n’entend pas l’interviewé. Daniel Grenier fait à la fois les questions et les réponses. Ils sont deux : le lecteur Grenier et l’auteur Morris. Deux qui auraient pu être correspondants ou amis. L’admirateur qui redonne vie à son mentor.
Grenier qui doute. Morris qui n’aura pas eu droit à la reconnaissance qu’il aurait pu connaître.

J’accroche sur le mot solipsisme. Je cherche, je trouve : doctrine affirmant que seuls existent pour le sujet pensant le moi et ses manifestations.
Petit vertige qui me ramène au temps où je lisais Anaïs Nin. Et plus récemment Annie Ernaux. Je n’aime pas lire ce qu’on dit parfois de ces auteures : « pathos larmoyant d’apitoiement nombriliste »
Ça me fait mal de lire pareil commentaire. Bien des lecteurs n’aiment pas que les personnages pleurent, chialent, grattent leurs plaies. Bref, cherchent à comprendre. J’ai peur parfois d’écrire, de publier, peur d’être blessée, qu’on ne m’aime pas. Peut-être que je préfère l’indifférence à l’antipathie.
« Au bout du compte, on ne sera peut-être le grand écrivain de personne ».
C’est quoi ce besoin de reconnaissance? Ce désir quasi-insatiable d'être important pour quelqu’un?
Je ne cherche plus autant de réponses qu’à trente ans, mais je me pose encore les questions.


L’écriture et la vie, Laurence Tardieu

« […] puisque je ne sais rien trouver en ce qui concerne mon travail d‘écriture, autrement que par l’écriture. Cela ne passe ni par la pensée, ni par l’imagination, ni par la conceptualisation. C’est l’écriture et seulement l’écriture, qui permet l’écriture, qui le révèle. »
Je transcris. Je note. Je ne réfléchis pas, je sens. Je m'identifie. Laurence Tardieu, une auteure française que je ne connaissais pas, n'a pas écrit depuis vingt-deux mois. On dit qu'elle écrit juste, mais elle voudrait maintenant écrit "vrai".
« [l’écriture] nous pousse vers le vrai. Dans la vie, on ne cesse de s’arranger avec nos misérables petits mensonges. »
Mais qu'est-ce que le vrai? Existe-t-il une vérité? Vais-je vers le vrai? Est-ce que je ne passe pas mon temps à me contenter de mes « misérables petits mensonges »? Est-ce donné à tout le monde d’avoir le besoin de dire le vrai? Elle donne l'exemple des livres d'Annie Ernaux nuançant ainsi entre vérité et réalité. La réalité est toujours teintée de mille nuances.
« L’auteur sait à quel moment, soudain, dans le travail, quelque chose existe. »
L’ai-je jamais su ou vu? Peut-être que rien n’existe dans mon travail?
« Le voilà, l’amour des lecteurs. Aussi Immense : ils croient. Ils croient parfois pour nus. Ils nous portent. » 
Je m’obstine peut-être à vouloir faire publier mon dernier manuscrit parce que quelques lecteurs — dix? cinq? — y croient, l’attendent et me le disent. Et j’aimerais ne pas les décevoir.
« Question essentielle : la question du risque. La mise en danger. »
Pour être publiée, pour se faire remarquer, j’étais prête à cette mise en danger. Franchir des frontières, je veux bien. “Sortir de notre zone de confort” comme disent les jeunes apprentis de toutes sortes. Mais jusqu’où? Jusqu’à n’être plus soi-même? S’aventurer, je veux bien, explorer, se dépasser, toujours prête, mais tout en respectant qui je suis. Je n’écrirai pas n’importe quoi juste pour épater la galerie. Ou pour vendre. Ou pour être au goût du jour. Plus maintenant.

Et puis, je ne baisse pas les bras, mais je n’ai plus cette soif et cette faim qu’on a à trente ans, ce besoin de renouvellement qu’on a à quarante ans. Cette urgence qu’on a à cinquante ans. Est-ce à dire que je n’ai plus rien à dire? Que j’ai fait le tour? Non. Encore et toujours ce besoin de chercher, de découvrir, de comprendre.

Après – et même pendant— de telles lectures, j’aimerais bien disserter sur mon écriture : le besoin, le but, le sens. En parler aussi copieusement que les deux auteurs cités. Je n’aurai jamais, et je n’y tiens pas non plus, la verve et le vocabulaire de certains intellectuels, exemple Pierre Samson / Bertrand Laverdure dans Les lettres crues, un essai épistolaire sur l'écriture également, où les auteurs tirent allègrement sur tout ce qui s'écrit au Québec -- je ne voudrais pas être dans leur mire --, mais j’aimerais bien avoir un peu de souffle pour en parler plus longuement.

Donc, j’y reviendrai sûrement. Un jour de froidure quand les oiseaux ne chanteront plus.
Je vais les écouter pendant qu’ils s’égosillent sous les grands pins.

Lien vers La solitude de l’écrivain de fond de Daniel Grenier >>>
Lien vers L’Écriture et la vie de Laurence Tardieu >>>
Lien vers Lettres crues >>>

vendredi 21 juillet 2017

Le camping n'est plus ce qu'il était

Le camping en véhicule récréatif en juillet n'est plus ce qu'il était
Quelques campings visités ces dernières années: des emplacements larges, des petits, des cordés...
Je reviens d’une escapade de six jours : Lévis, La-Baie, Saint-Siméon. 

L’été, je voyage rarement. Depuis belle lurette que j’ai réalisé que le trop de monde sur la route, le trop de monde dans les campings, le trop de chaleur en juillet et août, ce n’est pas pour moi. Habituellement, je reste à la maison. Mais là, je voulais aller voir le spectacle La fabuleuse histoire d’un royaume au Saguenay et il ne commence qu’en juillet. Billets achetés pour le vendredi. Je me résigne également à réserver le camping pour au moins le vendredi après le spectacle. Première surprise : on ne peut pas réserver pour une seule nuitée, le vendredi. On ne tient pas à y passer le week-end. On nous promet tout de même de ne pas nous laisser tomber. On n’a qu’à se présenter le vendredi après le spectacle, on nous trouvera bien un emplacement sans service. 

J’en ai profité pour planifier un arrêt à Lévis pour un petit changement sur mon véhicule récréatif. Rendez-vous pris le jeudi à 8 heures du matin. Où coucher la veille pour arriver si tôt à l’entreprise, quand on sait qu’il y a 5,000 employés qui travaillent chez Desjardins et donc envahiront la route très tôt? On nous accorde la permission de coucher sur le terrain adjacent au garage. On nous assure que nous ne serons pas dérangées. Ce fut le cas, mais tout de même, je ne suis jamais à l’aise d’être le seul véhicule récréatif dans un grand stationnement vide.

Pour les autres nuitées, on verrait sur place.

Ce ne fut pas l’enfer. Ce ne fut pas le désastre. Ce ne fut ni le déluge ni la canicule. 
Je ne trouve pas le mot exact pour définir l’émotion qui persiste au retour de ces six jours.
Pas de la colère, plutôt comme un fond de tristesse, une déception. 
Pour faire du camping en juillet, il faut faire preuve de souplesse, d’adaptabilité, sinon, c’est certain, ce ne sera que contrariétés.

À Lévis, tout s’est bien déroulé, nous avons facilement traversé Québec le lendemain. 

À Saint-Ambroise, au Géant du motorisé où on peut rester dix jours gratuitement, malgré que deux groupes aient envahi les emplacements, des préposés nous ont trouvé une place chez les V.I.P.

À La-Baie, nous avons eu l’heureuse idée de nous présenter au camping tôt dans l’après-midi. Il n’y avait plus d’emplacements disponibles, même dans la section sans service, mais comme nous leur avons rappelé qu’ils nous avaient promis de ne pas nous laisser tomber, ils nous en ont trouvé un, très bien situé d’ailleurs. Nous avons pu assister au spectacle — de toute beauté, grandiose — en toute quiétude, sachant qu’au retour, nous pouvions nous installer en toute sécurité. 

À Saint-Siméon, même si nous personne n’a répondu à notre courriel envoyé ni répondu au téléphone le matin de notre arrivée, même si personne n’a répondu à l’appel de la préposée du kiosque d’information touristique de L’Anse-Saint-Jean, une fois sur place, l’employé nous a indiqué le numéro 55. On grimpe sur le terrain du haut : deux tentes, deux autos sont installées au numéro 55. Et personne sur place. Le 56 est libre, mais notre 22 pieds n’y entre sûrement pas. Retour à l’accueil : « installez-vous à côté du 41 et branchez-vous sur le poteau du 41. » Nous nous faufilons entre une tente et un gros motorisé et, nous entamons des discussions avec les campeurs pour partager table, eau, électricité.

Jeune, au temps de la tente et des vacances en été, je privilégiais la vie un peu tranquille sur le bord des lacs ou bien blottie au fond d'un terrain vaguement défini, entouré d'arbres. C’était l’observation des oiseaux, des sturnelles ou des cormorans, des pics ou des hérons. Le canoë, le kayak, le vélo, la marche, la baignade. Le feu de camp le soir. 
Je me laissais charmer par le bruit de la cascade et par l’effort du saumon qui ne se méfie pas de la mouche artificielle.
Je profitais des odeurs de varech ou celles des conifères. 
Je m’endormais devant le ciel étoilé ou je me réveillais devant la beauté du brouillard matinal qui se lève au-dessus des rivières.
Je dois admettre qu'il y avait quand même des abus: des jeunes qui s'étaient promis de vider au moins deux caisses de 24 ou qui n'appréciaient le camping qu'avec une grosse radio portative qui jouait entre trois heures l'après-midi et parfois jusqu'à trois heures du matin. Mais, nous n'étions pas si tassés, nous n'étions pas obligés de réserver ni de nous contenter des emplacements restants.

Mais, cette année, et de plus en plus souvent, surtout si c’est l’été, si c’est juillet, la nature est remplacée par les humains. Les employés sont gentils, en général patients. Les campeurs généreux, joyeux. Mais ils sont nombreux à vouloir les mêmes endroits : les gratuits ou les bords du fleuve ou les grands emplacements. Ou des vacanciers qui n’ont qu’une envie : parler, raconter leurs voyages, s’esclaffer sur vos aventures. Ou les leurs. Des souvenirs à chérir et égrener. 
C’est l’entraide aussi : pour reculer, pour dépanner, pour partager. Et j'apprécie. 

Rarement le silence.
Pour le silence, soit il faut revenir à la maison, soit voyager en juin ou en septembre. 

Trop de monde partout. Trop de difficulté à trouver un emplacement. Surtout les fins de semaine. Ou trouver des campings qui ne ressemblent pas à des stationnements. 

Ce qui confirme encore une fois qu’on ne veut pas voyager en été. 
Moi qui ne tiens pas particulièrement à parler avec tant de gens plus de cinq minutes, moi qui n’aime pas empiéter sur le terrain du voisin pas plus que je n’aime voir les voisins — enfants, adultes ou animaux — passer sur le mien et même s’y planter pour une petite jasette (un peu comme dans les salons du livre ou les expositions quand les visiteurs se plantent devant votre kiosque et commencent à discuter de tout et de rien), quelle patience il me faut parfois. Quelle adaptabilité je dois développer.
Pourtant sur le coup, ça m’a paru acceptable. Rien de réellement négatif. L’impatience n’a pas gagné. Juste la bonne humeur qui s’est effritée à mesure que la température montait.

Il me semble que c’était plus facile dans les années » 80. Au temps des tentes ou du début des tentes-roulottes. Moins de véhicules récréatifs qui réclament l’eau et l’électricité, le wi-fi et l’absence d’arbre pour installer leur coupole. Et des prix raisonnables. Et facilement accessibles aux 35 pieds. Et avec vue imprenable. 

Serais-je blasée? Ou nostalgique? Ou sauvage? Un peu de tout.

vendredi 30 juin 2017

Je suis nordique

Catherine Poulain, roman qui se passe en Alaska
Je suis nordique. Je m’en doutais, mais, malgré le choix de mes destinations, je n’avais pas vraiment réalisé. Qu’il s’agisse de voyages ou de lectures, ce qui m’attire c’est le nord. Plus précisément tout ce qui se situe au nord du 35e parallèle. 

Entre les palmiers et les sapins, je choisis les sapins.
Entre le sable trop chaud, et la mer froide, je choisis la mer.

Par contre je n’aime pas les extrêmes. Je ne veux n’avoir ni trop chaud ni trop froid. Et de connaitre la vie de ceux qui subissent ces extrêmes, j’avoue que ça ne m’intéresse pas trop. Si donc il m’arrive d’aller en Floride ou en Andalousie, ce sera pendant les mois de mon hiver québécois. Leurs 40 degrés, très peu pour moi. Quand j’ai été en Alaska, ce fut en août, leurs moins 40 ne m’intéressent pas non plus. 

Entre : 
«Les terres afghanes ne sont que des champs de bataille, arènes et cimetières. Les prières s’émiettent dans la furie des mitrailles, les loups hurlent chaque soir à la mort, et le vent, lorsqu’il se lève, livre la complainte des mendiants au croassement des corbeaux.» 
et 
«Il fait très beau a Anchorage. J’attends derrière la vitre. Un indien me tourne autour. Je suis arrivée au bout du monde. J’ai peur. Et je réembarque dans un tout petit avion. L’hôtesse nous donne un café et un cookie et puis on s’enfonce dans la brume, on disparaît dans le blanc et l’aveugle, tu l’as voulu ma fille, ton bout du monde. L’île apparaît entre deux échappées de brouillard – Kodiak. Des forêts sombres, et puis la terre brune et sale qui parait sous la neige fondue. J’ai envie de pleurer. Il faut aller pêcher maintenant.»
je n’ai pas trop longtemps hésité.

J’aurais voulu choisir le style plus classique, le français plus soigné. J’ai oscillé entre le nom Yasmina Khadra plus connu et celui, tout nouveau, de Catherine Poulain. Que leurs romans aient remporté des prix n’a pas compté dans mon choix, mais je dois avouer que j’ai un petit faible pour un prix qui s’appelle prix Henri-Queffelec, qui pour moi signifie la Bretagne, la mer. 

Entre le désert et la mer, je choisis la mer. 
Entre les champs de bataille et les tempêtes de neige, je choisis la neige.
Entre un tigre et un ours, je choisis l’ours.

Je sais, je n’ai pas à choisir, je peux très bien lire les deux. Je lirai probablement les deux. Mais depuis deux mois que j’ai le tout petit à la couverture bleue, et cinq fois je l’ai ouvert, cinq fois, j’ai lu trois-quatre pages alors que l’autre, là, même en numérique, je n’ai pas hésité une seconde. Dès la première phrase : « Il faudrait toujours être en route pour l’Alaska », je savais que j’allais être infidèle et lâche. 
Je me suis précipitée. J’ai dévoré goulûment. 

Je reviendrai sûrement à l’autre roman, à la couverture de ruines et de femmes voilées. Par curiosité, pour voir ce que les lectrices de mon cercle de lecture lui trouvent tant. Mais moi, réussirai-je à vendre ma pêcheuse en Alaska? À des caravaniers qui, comme moi, ont visité Homer, ont vu les flétans, ont vu les grizzlys. Qui comme moi, sont plus nordiques. Sûrement. Et qui, comme moi, peuvent être en colère contre les humains qui tuent des humains, mais qui pleurent quand ils frappent un chevreuil ou qui seraient prêts à adopter un ourson abandonné. 
Oui, à ces voyageurs, mais aux lectrices et lecteurs qui me lisent ou m’écoutent, je n’essaierai même pas. Je ne suis pas bonne vendeuse, je peux juste dire qu’entre Les hirondelles de Kaboul et Le grand marin, j’ai choisi la pêcheuse de l’Alaska.

Parce que je m'y voyais. Ou plutôt m'y revoyais.
Parce que je suis nordique. Et j’assume.

site de mon voyage au Yukon-Alaska>>>

mardi 27 juin 2017

Carnet de roman (13)

Comme un membre amputé, je le sens toujours là. Certaines phrases me viennent encore à l’esprit, je me dis que je vais les ajouter. Les personnages me parlent encore, ont encore quelque chose à dire. Ils continuent à vivre. 

Pourtant tout est achevé : une dernière correction avec Antidote, impression des 286 pages en deux exemplaires, rédaction des lettres de présentation. Le tout, prêt à partir.

Bien sûr, tant qu’il n’est pas publié, imprimé rien n’est vraiment terminé. Le titre peut encore changé. Le texte sera révisé par une ou une directrice littéraire, par un ou une réviseur. 

Le détachement s’amplifiera avec l’attente. Je réaliserai un peu plus chaque jour que c’est inutile d’ouvrir le fichier Word. Inutile de me lever et me hâter d’inscrire une phrase qui se sera imposée après je ne sais quelle lecture ou association d’idée ou indicible émotion. Et je sais que je ne commencerai pas un autre roman tant que celui-ci ne sera pas publié. 

Il me reste donc un dernier travail qui saura refroidir mes pensées bouillonnantes : le choix des éditeurs à qui faire parvenir mon roman.

S’il fut facile de choisir quatre maisons d’édition qui acceptent les manuscrits par courriel, il est plus difficile de décider lesquelles choisir pour la version papier. Pas simplement pour une question d’argent — 15$ pour l’impression et autant pour l’envoi par la poste, pour chaque manuscrit — mais qui choisir? Quel éditeur pourrait s’avérer le plus intéressé? Inutile de ressasser les regrets de l’hiver dernier quand Vents d’Ouest a refusé ma deuxième version en me disant que s’ils l’avaient accepté, je n’en serais pas à cette case départ du choix cornélien. Je leur enverrai tout de même cette nième version. Qui sait? Je serais bien sûr tentée par les jeunes maisons d’édition, même si elles ne publient — comme Vents d’Ouest— qu’une dizaine de titres par année. Mais une fois qu’on a lu cet article de Josée Lapointe dans La presse qui présente le « changement de garde », disons que j’hésite. Pas que mon roman ferait tache, mais mon style est… disons moins novateur que les romans-gagnants-de-prix. Il me reste donc les traditionnelles : Hurtubise, XYZ, Québec Amérique, Libre Expression, Guy Saint-Jean? 

en attendant les réponses des éditeurs
Après? Il y aura le gazon à couper, la piscine à nettoyer, le vin à choisir pour le repas du soir, les couchers de soleil à guetter. 

Et puis laisser la place à la lectrice en disant à sa siamoise auteure d’aller se reposer. M’écoutera-t-elle?

dimanche 25 juin 2017

Crustacés, mer et romans

Lectures de Claude Lamarche
Après la mer et le homard du Maine, j’ai longé les rives qui mènent au Nouveau-Brunswick. 

Dans mon site de voyages et d’escapades (lien à la fin de ce billet), que je suis en train de modifier pour le rendre plus au goût du jour, ce qui peut prendre un peu de temps étant donné les quelque 80 pages à reprendre, je donne des informations pratiques, je raconte ce qui peut intéresser des voyageurs, des caravaniers. Ici, dans un blogue qui ne se limite pas aux voyages, je note plutôt des impressions, j’ajoute d’autres détails. Comme si je m’adressais à un lectorat plus large. À qui veut bien lire en fait.

Donc, ces douze jours au bord du fleuve, des rivières et des baies, ça ressemblait plutôt à des vacances. Mais pas de celles qu’on prend quand on travaille toute l’année. Plutôt comme celles qu’on prend quand on a le temps, mais sans vouloir aller loin, aller vite. Découvrir un peu de nouveau, oui, mais aussi retrouver nos endroits préférés. Comme si on allait prendre des nouvelles de la parenté. Ne sachant pas trop quand on les reverrait la prochaine fois, non parce qu’eux disparaissent, mais parce que nous, nous n’avons plus les mêmes envies. De moins en moins envie d’aller ailleurs. On est bien chez nous. Par contre, disons qu’en juin, cette année surtout, avec toutes les mouches noires qui, gourmandes et voraces, nous assaillaient, le petit vent du large nous a fait le plus grand bien. 

Et puis en juin, malgré que certaines activités ne sont pas offertes, comme le Pays de la Sagouine, il demeure plus agréable de voyager qu’en juillet ou août : moins de monde sur les routes, plus de places dans les campings, et surtout moins chaud. À un ressenti de 30 degrés et plus, je préfère ma piscine. Il a fait relativement beau, seuls les deux derniers jours, les nuages crachaient leur pluie forte pendant dix minutes et s’en allaient ensuite déverser leur colère dans la région voisine.

J’ai pu manger du poisson (comprendre frais) et des fruits de mer à mon goût. J’ai lu aussi. J’ai terminé Celle qui fuit et celle qui reste, le tome 3 de L’amie prodigieuse d’Elena Ferrante. Malgré mon peu d’intérêt pour les batailles ouvrières de l’Italie des années soixante, j’ai beaucoup aimé suivre l’évolution des deux amies, différentes et semblables à la fois, qui s’aiment et s’haïssent, qui s’évitent tout en pensant toujours à l’autre. 

J’ai beaucoup souri et même un peu pleuré en lisant Demain, j’arrête, de Legardinier. L’auteur est un homme, mais il a très bien réussi à dépeindre toutes les petites pensées d’une femme amoureuse. Et ce n’est pas son seul talent. 

Et une autre histoire de couple, Le mec de la tombe d’à côté. L’auteure Katarina Mazetti a utilisé une technique que j’admire : donner la voix à chacun des personnages pour le même événement. Un chapitre elle, un chapitre, lui. Contrairement au livre précédent, le couple ne résistera pas à leurs différences.

Le retour fut d’autant plus facile que les nuages noirs ont mis leur menace à exécution. Finalement, après le blanc des vagues, le brun des plages sablonneuses ou rocailleuses, le rouge des crustacés succulents, je reviens aux verts de chez nous. Pour tout l’été.

Pour l’album photo au complet, voir le site de voyages >>>

vendredi 9 juin 2017

L'après-coup

Chaque personne réagit probablement selon sa personnalité, son caractère, son parcours de vie. 
J’ai l’impression de réagir pas trop mal pendant l’événement, pendant l’incident, pendant que l’action se passe. C’est après que je me mets à trembler ou à réfléchir ou à réagir bien différemment que sur le coup.

Exemple : chevreuil.

Le chevreuil, c’est mon animal-totem. C’était mon vrai totem alors que j’avais seize ans. J’ai un toutou en chevreuil. Un pendentif en chevreuil. Un tableau peint sur lequel est représenté le chevreuil. Il y a tout plein de chevreuils dans ma région. Au bout de ma rue, le pont des chevreuils. Il y a un ravage de chevreuils à 40 minutes de chez moi. Des amis qui les nourrissent. 

Je m’attendris et même je pleure encore si je regarde le film Bambi.

Alors en frapper un… sur le coup, ce n’est qu’un malencontreux accident. Qui n’a de dégâts qu’une calandre et une portière. Qui n’a de conséquences que de voir deux bons samaritains américains s’arrêter aussitôt et «scotcher» les phares dégingandés. Et me dire qu’il n’y a rien à faire : même pas appeler la police ou un gardien de la faune. Personne. Rien. Que de continuer notre voyage. Ce que j’ai fait.

Mais voilà, ça fait huit jours, et je le revois ce chevreuil foncer sur ma camionnette. Je le revois sur le bord de l’autoroute à trembler de toutes ses pattes longues et effilées. Bien sûr tout me le rappelle : l’assureur à appeler, l’évaluateur à recevoir, le débosseleur à contacter. Raconter, revivre. Et même en rêver.

Ce n’est pourtant qu’un animal qui n’a rien compris au Code de la route. Qui ne comprend rien à ces humains qui ont envahi son territoire. 

Ce n’est que de la sélection naturelle.
Mais Darwin avait-il un totem?

jeudi 8 juin 2017

Quelques jours dans le Maine

J’étais partie voir la mer. Je l’ai vue à Kennebunkport, à York, à Ongunquit.
J’ai senti les embruns.
J’ai entendu les grives et les goélands.
Je me suis laissée bercer par le flux et le reflux de la marée.
J’ai vu la mer calme sous un ciel bleu et, un peu mauvaise, dans la brume.
J’ai mangé du homard et de la sole. Des frites et des fritures. 
J’ai bu du chai thé latte, du café et du vin.
J’ai lu au soleil et près d’un feu. 
Je me suis réveillée sous des feuilles d’un vert printanier fort joyeux.

Des matins tranquilles dans des campings presque déserts.
Des après-midis au bord des plages. Ma préférée, celle d’Ogunquit, surtout pour l’accès au stationnement, encore gratuit la semaine. 

J’ai écrit. Un peu seulement, trop occupée à observer la faune humaine.
J’ai roulé. J’ai badaudé. Parfois difficilement dans ces rues étroites et tortueuses faites pour les automobilistes et non les camions de 26 pieds ni même bien invitantes pour les vélos.

Un chevreuil a décidé de traverser la route au lieu d’attendre. Au lieu de virer de bord et retourner dans sa forêt, il a foncé sur mon camion. Suicidaire. Deux phares brisés. Le chevreuil est tombé. Il est mort. Et je n’ai pas eu le temps d’avoir peur. Lui? Je ne sais pas.

Photos regroupées par thèmes. Vous pouvez cliquer sur chaque groupe pour le visualiser un peu plus gros.
Activités sur les plages et dans les vagues

Kennebunkport, Perkins Cove à Ogunquit. rhododendrons en fleurs, partout.

Le style Maine

La nuit au camping. Le jour en bordure de plage, quand le stationnement lest accessible.