dimanche 30 novembre 2025

De sa mère à la mienne, de ses mots aux miens

30 novembre, mon père aurait eu 103 ans. Pourtant c’est à ma mère que je pense.

Parce que je lis Se perdre une boussole sur le cœur de Julie Bosman qui écrit sur sa mère, je revois la mienne. Dans sa maison quand elle a été veuve pendant trois ans, au CHSLD pendant trois ans. Pas vraiment malade, mais pas vraiment autonome.

Dans un « récit protéiforme, Julie Bosman revient sur les conditions de la mort de sa mère et tente de retracer les contours fuyants de sa vie. »

Protéiforme : adjectif – Qui peut prendre diverses formes. Visuellement, en feuilletant les pages, on voit tout de suite : fragments, paragraphes courts, dialogues, courriels, quelques lignes. Presque de la prose poétique. Bref, j’adore. Convient bien à ma façon de penser. Le texte respire et entre chaque phrase, on a le temps de réagir.

Presque toutes les phrases de l’écrivaine réveillent des souvenirs, des émotions. Elle emprunte à d’autres auteur.e.s des phrases pour écrire ce qu’elle ressent. Des mots venus de pas mal les mêmes livres que je lis : Martine Delvaux, Élise Turcotte, Sylvie Drapeau, Catherine Mavrikakis, Hélène Dorion, Christine Angot. Une bibliographie de huit pages qu’elle désigne du joli mot : «accompagnements».

Un livre miroir.
Elle se pose des questions. Les miennes surgissent.
Elle se souvient. Je me rappelle.
Elle revoit les derniers jours. J’entends les dernières paroles.
Elle écrit. Cette nuit, entre deux somnolences, des mots, des phrases tournoyaient dans mon esprit.

Je ne souligne plus, ni ne surligne les phrases significatives et note moins que dans les années où j’écrivais des romans, où je devais analyser et non seulement ressentir. Mais pour celui-ci, je serais tentée. Presque à chaque page.

Souligner des phrases qui nous touchent à divers degrés, à divers moments de la journée, de l’année. Selon nos propres états d’âme, nos culpabilités, nos hontes, nos questions. Selon notre propre vécu.

Écrire sur notre mère, sur notre père, c’est vouloir comprendre notre propre vie. 

Et page 181, grand sourire. L’auteure ne sait pas quelle lectrice je suis! Le fait d’avoir crypté quelques mots dans une coupure de journal m’a rendue encore plus curieuse... et bien sûr, j’ai trouvé.

C’est pas que le livre sur sa mère! Un livre sur toute la société des années de silence.
« Ma langue maternelle est le silence »
Silence sur l’avortement
Sur les filles-mères
Sur le viol
Sur la violence
Sur les enfants adoptés
Sur les enfants abandonnés
Sur les secrets
Sur les non-dits, ce qui ne se disait pas, ce dont on ne parlait pas.
On ne disait pas je t’aime
Aujourd’hui on le dit trop? À tout le monde. Sans nuances, sans établir le degré. C'est pas vrai qu'on aime tout le monde au même degré. Pourquoi la langue française n'imite-t-elle pas les variations des Vietnamiens. Un mot différent selon les personnes. Il faudrait aussi un mot différent selon les années.

Pour Julie Bosman, ce n’est pas une
« littérature rédemptrice, capable de sauver par le geste, d’une liquidation du deuil de la faute, de la honte par le texte.
Ce n’est pas là, dans l’aveu, que se situe mon rapport à l’écriture, pas dans le besoin de se délester, de se débarrasser de quelque chose qui habite, étouffe, broie, mais dans le désir d’investir l’espace de la conversation intime, des liens vivants, du tremblement, de la liberté, de la solidarité, de la communion où une parole peut être pris et accueillie »

Un livre qui me ramène aux miens, mes mots.
La mienne, ma mère.
Je suis contente et encore très fière d’avoir pu l’interroger, la faire écrire les réponses à mes questions, me raconter encore et encore la vie de ses tantes, de son père, de ces orphelins Deguire, de cette grand-mère qui se disait Irlandaise du seul fait que ses parents soient nés en Irlande.
J’ai pu à mon tour raconter, romancer après avoir cherché, documenté. Par écrit cette fois. Dans trois romans.

Elle a eu le temps de lire le premier : en 2011.
Et quand j’ai inventé des romances pour combler les trous, imaginé des drames pour lever un secret, elle a cru que c’était vrai :
« Albert a vraiment aimé Albertine?
— Et non, maman, c’est moi qui l’ai inventé! »

C’était juste avant mon cancer.
Juste avant que je lui dise. Elle croyait que ça aussi je l’avais inventé.
Je lui ai montré la petite ligne encore rouge sur mon sein.
Juste avant que je perde mes cheveux.
Elle est morte cinq mois plus tard.
Je crois encore que ç’a (peut-être) un lien.

On n’en finit pas de notre enfance. 
On n’oublie jamais nos morts qui vivent toujours en nous.
Juste qu’on ne se bat plus contre eux comme des adolescents rebelles, on se bat contre nos démons.
Ou on fait la paix.
Ou on les ignore.
Ou on écrit!

Merci Julie Bosman.

mercredi 26 novembre 2025

Lachute, terroir de souvenirs!

Pour le livre Lachute, terroir de souvenirs ! elle est à la fois auteure, directrice, éditrice, blogueuse, relationniste, cheffe de projet, responsable du marketing, hôtesse, animatrice. Elle a tout réussi. Ce fut long d'espoir, ce fut stressant, jusqu’à la fin : le jour du lancement, il y eut un peu de neige, un peu de glace noire, mais surtout beaucoup d’embarassades et de sourires.

Michèle Bourgon y a longtemps pensé à ce livre, elle l’a tellement voulu. Elle l'aime tellement son Lachute, là où elle est née, là où elle a grandi, là où elle a enseigné, là où elle a aimé.
Pour raconter ses souvenirs, ceux des gens qu'elle a côtoyés, qu'elle a aimés, elle a fait appel à 80 personnes, a lu plus de 125 textes. Lus. Corrigés. Relus. Sans compter les centaines de courriels aux auteur.e.s, à l’imprimeur, aux médias, aux maires, aux librairies, aux bibliothécaires.

Il est beau, coloré. À son goût.
Elle a tout fait. Sauf le graphisme et la mise en page.
Je fus sa graphiste.
Et un peu sa confidente, je pense.
Elle dit que c’est mon livre aussi. Pour elle oui, pour moi, non. Quoiqu’à bien y penser, si quand même un peu.

Pour moi, il y a trois catégories de livres : ceux que je lis, ceux dont je fais la mise en page, ceux que j’écris j’ai écrit. Chacun m’apporte différentes satisfactions. Ça reste qu’ils nourrissent tous ma passion des livres.

Je pourrais presque écrire, comme Lydie Salvayre dans Autoportrait à l’encre noire :
« Je vis avec mes livres. Je pense avec mes livres. Je dors avec mes livres. Ils sont ma force et mon réconfort. Ils comblent mon besoin d’admirer, ils me fortifient, ils m’augmentent, ils me transforment, ils m’instruisent, ils m’égayent, ils m’enivrent, ils me multiplient, ils m’écorchent, ils m’allègent, ils m’enchantent, ils m’emportent, ils m’attendrissent [...] Je ne saurais vivre sans eux. Et je veux mourir avec eux. »

Et comme le dernier « vrai » mien date de 2019, comme je ne me sens absolument plus la force ni la patience ni le cœur à me lancer encore dans l’autoédition-autopromotion, dans cette folle aventure que Michèle Bourgon a vécue la dernière année, je crois bien que pour les années à venir, je serai comme ces femmes qui ne peuvent (plus) enfanter, je vais porter les livres des autres : ceux que je lis et ceux que je mets en pages.

Et encore toutes mes félicitations à Michèle Bourgon pour ce collectif rempli de souvenirs! Les livres seront en vente les 28-29-30 novembre, à la Foire de Noël d’Argenteuil. Les profits de ces ventes iront à la Fondation de l’Hôpital d’Argenteuil.

Quant à moi, à Lachute, depuis bientôt 70 ans, je ne fais qu’y passer alors, dans ce livre, j’ai écrit :


La passante


Lachute.Un entre-deux, un mi-chemin. Entre Montréal et Gatineau. Lieu idéal de rendez-vous.
Elle n’y est pas née, mais elle aime y passer.Pas longtemps, mais souvent.

Elle a 8 ans, elle s’en va au chalet, au lac Simon.
Pour l’été.
En passant dans Lachute, sa mère se pâme devant les belles maisons de briques rouges.
Elle parle de l’architecture victorienne, du pont en porte-à-faux. Elle utilise le mot anglo-saxon.
La petite apprend de nouveaux mots. Elle aime les mots, les lire surtout.

                                                                              ***

Elle a 15 ans, elle revient de son camp de Guides, elle doit retourner au chalet.
À la gare Jean-Talon, elle prend le train pour se rendre à Papineauville. Avant, il y aura Lachute.
Elle entend encore le chef de train crier : « Lachute/Lachout ».
Aujourd’hui encore, elle répète chaque fois qu’elle y passe.

                                                                               ***

À 18 ans, elle part de la ville de Saint-Laurent à vélo, elle pédale, traverse plusieurs villages et se rend à la Laiterie Lowe.
Achète et déguste lentement un cornet de crème glacée.
Au chocolat, sa saveur préférée.
Elle ne fait que passer, elle doit retourner chez elle.
Écrire son journal, raconter ses aventures.

                                                                                ***

Adulte devenue, elle s’y rend pour acheter fruits et légumes au célèbre Marché aux puces, le mardi.
Elle en profite pour manger des mets chinois, ou un morceau de gâteau aux carottes chez Mikes ou encore les beignes chez Dunkin’Donuts.
Il n’y en a pas chez elle, dans la Petite-Nation où elle demeure désormais.

***

Un certain soir de février 1997, à l’invitation de Dominique Legault, la toute jeune Maison de la culture présente une exposition des tableaux d’une amie artiste.
Elle aime les mots, les livres, mais les tableaux aussi.
Elle s’y rend avec une autre amie.
Dehors, une neige collante tombe.
À l’intérieur de l’hôtel de ville, la longue salle étroite est vide.
Et si personne ne venait?
Personne n’est venu.
Sauf un monsieur.
Un passant aussi.
Le député Maurice Dumas.
Il a acheté un tableau.
L’artiste invite ses compagnes au restaurant.
Juste en face, de l’autre côté de la bande centrale joliment installée sur la rue Principale.
Le 16.
Le vin est bon, le menu varié, les plats succulents.
Aujourd’hui, le restaurant Le 16, comme tant d’autres, est fermé.
D’autres ont ouvert.

***

Depuis qu’elle connaît Michèle Bourgon, la passante passe plus de temps à Lachute.
Chez Eatalya, chez Le Caucus.
Comme elle, Michèle écrit.
Elles s’entendent bien.

***

Pour la passante, le nom d’une ville ravive les souvenirs des gens qu’elle y a côtoyés,
des mots qu’elle y a entendus ou qu’elle y a prononcés,
des traces qu’elle y a laissées,
de beaux moments qu’elle y a passés.
La passante l’écrira.

vendredi 7 novembre 2025

Émotions



Émotions de novembre. Dix-sept ans de blogue! 

De toutes les émotions de la roue de Robert Plutchik (voir Wikipedia), je dirais que depuis le 2 août, depuis le jour où nous avons atteint le fonds du puits, j’aurai connu — dans l’action au début, dans l’attente souvent —, presque toutes les émotions répertoriées. Je n’en suis pas encore à l’extase devant la toilette enfin propre, ni la sérénité en écoutant, en surveillant l’eau qui coule du robinet, mais je suis optimiste, au moins elle coule, abondante. Pour la boire, on va attendre encore un peu! Confiantes.

Mais les émotions — en nombre plus restreint— qui me ramènent ici, sur ce blogue plus ou moins délaissé — la surprise, l’étonnement, l’admiration — c’est une étude : Tenir un blogue au Québec. C’est en lisant, sur Facebook — passage obligé désormais —, un message d’une des blogueuses que je suivais, d’une auteure que je lis encore, Catherine Voyer-Léger, qui m’a appris l’existence de cette étude. Le lendemain, dans un commentaire d’une autre (ex) blogueuse, Geneviève Blouin, j’ai eu accès gratuitement au fichier PDF.

Émotion vive, cœur accéléré, recherche rapide, espoir eh! oui, joie, vanité, petite danse de victoire : mon blogue est cité dans la liste des répertoriés! Pas étudié, presqu’invisible avec 300 autres, mais présent.

Retour en arrière de quelques années. Au temps du bon temps des blogues, d’avant les réseaux sociaux. Ces doux matins où j’en découvrais, où j’en lisais, où j’avais hâte d’écrire un nouveau billet. Un temps bien fini. En tout cas pour le genre de blogue que je tenais, que je tiens encore au gré de mes humeurs.

Dans cette étude, il est écrit noir sur blanc avec des mots d’universitaires, de recherchistes ce que je sens, ce que je pense avec mes mots à moi plus ou moins littéraires.
Comme l’exprime Sébastien Rouquette, « l’interaction avec les lecteurs, l’attente de leurs commentaires, de leurs conseils, font partie intégrante des motivations des blogueurs [extimes] ». Ces blogueur·euses seraient, si je puis dire, des diaristes de l’ère numérique.
Déjà en 2008, alors que je commençais tout juste le mien (le nôtre au début, De nos pinceaux et de nos stylos, celui de Louise Falstrault et de Claude Lamarche) déjà Sébastien Rouquette écrivait le mot «extime». Va pour extime, peu importe, chez moi, pas un véritable journal intime puisque ce que j’ai écrit relevait plutôt du domaine public : entre le début et aujourd’hui, les sujets ont varié entre les livres, les auteur·e·s, les voyages, les artistes peintres, la Petite-Nation. Pas tant d’analyses comme des petites chroniques, des billets justement. Du domaine de l’intime, un peu quand même : des impressions, des émotions.

Émotion encore, petite tristesse, désappointement, confirmation de la fin des carnets chez Hamac. Moi qui m’y voyais le printemps dernier encore. J'étais en retard dans les nouvelles, comme on dit!
On mesure en effet peut-être un peu mieux, quelque 20 ans après, l’importance globale du phénomène bloguesque et, à l’intérieur de celui-ci, la place relative de certaines pratiques (tel l’usage du blogue à des fins d’écriture de soi), de même que certains déclins (comme l’intérêt initial des maisons d’édition pour la publication de blogues, qui semble s’être essoufflé).
Ainsi, la collection « Hamac-carnets », consacrée à la publication de blogues, s’est interrompue en 2017 avec la publication de Je pars en Inde de Véronique Daudelin.
En revanche, cette étude m’aura appris qu’on peut « laisser des traces », archiver notre blogue à la BAnQ, sans devoir passer par une publication avec ISBN et tout le tralala tradionnel. En revanche, il y a sélection et crituères de sélection.
D'autre part, pour quelqu’un qui sait — et qui veut vraiment — chercher, on peut trouver plusieurs blogues sur Internet archive, une immense bibliothèque numérique. Les billets sont archivés par date. Pas besoin de rien faire, ça se fait tout seul et on dirait bien que c,est légal, même si personne ne nous demande la permission.



Dernière émotion. Celle qui me réjouit le plus. Par sa douceur. Parce qu’elle vient d’encore plus loin que le début du blogue. Née au fil du temps. Ne s'est jamais affaiblie depuis. Faite d’une tendre combinaison autour de l'admiration sans jalousie. Comme un amour inconditionnel sans qu'on s'en explique ni ne cherche à le faire

Bien sûr, elle est née au sujet d’un livre... et de son auteur. 
Me connaissant, quoi d’autre!
Bientôt, le 7 décembre, à Ripon.






mercredi 8 octobre 2025

Lectures d'un matin d'automne

 « je n’arrivais pas à me vider la tête, abandonner l’acte qui consiste à penser. [...] La seule chose que la méditation me procurait, c’était un moment d’apnée, l’occasion de dresser la liste des choses à faire, ou de profiter de cet état de demi-sommeil pour m’approcher de l’écriture. »

                                          Il faut beaucoup aimer les femmes qui pleurent, Martine Delvaux

L’écriture n’est jamais loin. En tout cas les mots, les phrases. Même la nuit quand je ne dors pas, même quand je roule à vélo, lentement, en admirant les montagnes orangées. Même quand je fais la vaisselle. Et encore plus quand je lis Martine Delvaux.

« Est-ce que c’était de l’amour que j’avais ressenti, ou le bonheur d’être choisie? »
                                 Il faut beaucoup aimer les femmes qui pleurent, Martine Delvaux
À défaut de voir mes écrits publiés, je lis ceux des autres, je lis les mots des autres qui me donnent parfois l’impression qu’ils sont les miens tellement ils sont ce que je pense ou ressens ou ai vécu.

Ces mots qui cherchent à être écrits se faufilent, se bousculent sans ordre, s’imposent, s’effacent aussitôt. Je sautille d’un sujet à l’autre : raconter notre puits de surface plus ou moins vide depuis le
2 août, qui a bénéficié de la pluie d’hier, alors on ose ouvrir les robinets plus souvent. En faire une saga, comme mon père, dans Les toqués du firmament, quand il a conté « le miracle des tomates » parce que les tuyaux de renvoi avaient gelé, parce qu’en pleine fête du Jour de l’an, il avait haché (oui, oui, avec une hache) la terre et un boyau des eaux usées et parce qu’au printemps les tomates avaient poussé, abondantes!

Tout est flou, sans consistance. Du coq à l’âne comme toujours. Communiqué de presse à réviser. Réponse à trouver pour une question dans un courriel. Espérer voir un courriel au sujet du puits. Relire une question posée dans Messenger, commencer une réponse, abandonner, ce serait trop long et serais-je comprise? Hésitation. Silence finalement.

Je traînasse sur Facebook, sur Instagram. Chez les éditeurs, événements littéraires, évidemment. Dans les livres, encore. Être intriguée par Se perdre une boussole sur le cœur de Julie Bosman. Julie Bosman? Chercher. Qui elle est. Ce qu’elle a écrit. Lire quelques extraits. Chercher si ses livres sont en numérique. Prochaine disponibilité : le 26 mars 2026. Je n’aurai pas la patience. Ça fait 75 ans que je veux tout, tout de suite!

Au Bal des citrouilles, à Ripon, en fin de semaine passée, j’ai jasé avec deux auteures, des femmes de mon âge. On se demandait bien quel éditeur veut des écrits de femmes de nos âges. Qui n’ont ni passé célèbre ni avenir glorieux. Mais qui persistent et signent encore!

                             
Et finalement, l’heure de la journée avançant, la faim se manifestant, du Bal des Citrouilles au comité du patrimoine de Ripon, je me suis retrouvée sur le site de la MRC Papineau (oui, oui, « ma » Petite-Nation!) et le reste de la matinée, j’ai oublié les mots, les livres... Admirative, curieuse, ébaubie, j’ai navigué dans toutes les pages du site. Je me suis promenée dans le patrimoine bâti, le culturel, le religieux. J’ai été surprise de voir tant d’organismes qui travaillent à faire connaitre l’histoire et le patrimoine de leur coin de pays. Je croyais avoir tout vu avec le 350e de la Seigneurie de la Petite-Nation, mais non...

Tous ces mots, toutes ces phrases que je voudrais écrire parfois ne sont pas que dans les livres. Ils sont aussi dans des sites Internet!

Merci Marie-France Bertrand, quel travail, quelles recherches, quelles réalisations!

Lien vers le site de la MRC Papineau section patrimoine >>>

vendredi 3 octobre 2025

Il restera toujours la lecture

Pour ne pas oublier ou pour consulter
j’écris :
les rendez-vous sur un calendrier
des listes aussi sur un calepin
des notes et des chiffres dans un cahier
j’encercle, je souligne

Pour le reste qui trotte, qui se faufile, qui insiste parfois, qui rêve a rêvé de livre
Il reste ce blogue

Octobre
Le six mois des éditeurs pour accepter, refuser ou ne rien dire est bien passé
Ne plus y penser
J’aurai essayé
En voyant tous ces livres de la rentrée littéraire
En voyant sur Facebook et encore plus sur Instagram (oui, oui, j'y suis retournée) tous ces premiers romans, récits, essais
En lisant tous ces anciens étudiants et étudiantes en création littéraire
Je vois bien qu’il reste moins... qu’il ne reste plus de place pour les bébéboomers

Je cite Laurent Gaudé à l’émission à La grande librairie :
« J’écris et je lis pour avoir mille vies! »
À défaut d’écrire plusieurs vies, je vais en lire quelques-unes!

Il me reste tout de même la lecture
Il y aura toujours la lecture
Se perdre une boussole sur le cœur, Julie Bosman
La fille de la foudre, Gabrielle Boulianne Tremblay
Il faut beaucoup aimer les femmes, Martine Delvaux
Architectes de la joie, Anaïs Barbeau et Steve Gagnon
Reprise, Florence Chadronnet
Tout cela m’appartient, Virginie Chaloux-Gendron
Fourrer le feu, Marjolaine Beauchamp

Je veux tous ces livres
Lire tous ces mots toutes ces phrases tous ces fragments
Les faire miens comme si je les avais écrits
Y plonger, y flotter, s’y mirer
Probablement souvent, toujours autour des mêmes thèmes :
Femme, féminisme, mère, fille, être humain, amour, amitié
Aussi mots, écriture, livres, bibliothèque, librairie

Parce que je n’écris plus
Moins besoin, il faut croire
Moins pressant
Moins le temps
À force de moins, ça ressemble à pas du tout
Ça n’enlève pas ni n’annule ce qui fut
L’empreinte, la trace ne sera que le temps de ma vie
Faut que je me fasse à l’idée
Encore une fois
Probablement jusqu’à la fin

Alors je lis
J’en sens le besoin
J’en ai le temps
Probablement jusqu’à la fin
Ça donne des plus à ma vie
Pas plus de sens
Mais au moins plus de plaisir
Plus de joie
Plus de paix


vendredi 29 août 2025

De meilleure humeur donc plus causeuse


J’aurais dû en dire plus. En dire mieux.

Marie-Sissi Labrèche et Lynda Dion ont toutes deux pris la peine d’ajouter un « cœur » au petit billet d'hier, alors que je n’ai écrit que quatre lignes sur leurs livres.

J’ai presque honte. À peine digne d’un brouillon. Ai-je l’excuse d’avoir la tête ailleurs? L’excuse d’avouer n’être pas critique littéraire? Pas mon genre d’analyser, juger, expliquer, inciter. J’assume mon amateurisme en matière de compte-rendu. Mais j’aurais quand même pu élaborer un peu plus.

J’aurais pu dire... je le dis ici, je me reprends...

Bien avant que le mot autofiction existe, j’aimais les biographies, j’ai toujours aimé en lire, en écouter. La vie intime, les secrets, ce qu’on ne dit qu’aux vrai·e·s ami·e·s. J’aime que des écrivain·e·s osent. Merci aux éditions Québec Amérique d’avoir créé cette collection de trois souvenirs (Ne pas aimer les hommes) et bonne chance à la nouvelle maison d'édition Ventricule gauche (Ressac et bientôt Reprise).

Alors, j’ai été gâtée avec ces deux livres. Il y est question de leurs amours, de leurs expériences, de leurs hommes. Elles n’hésitent pas — ou peut-être que oui, mais elles ont réussi à vaincre anxiété ou honte ou peurs ou gêne — à aller fouiller loin autant dans leurs pensées, leurs réactions que leurs sentiments.

Et quelle prouesse dans l’écriture! C’est souvent — que dis-je toujours — par le style que je poursuis ou non la lecture d’un livre. Alors Lynda Dion, avec son enchaînement de phrases sans majuscule ni point, aurait pu me faire reculer, comme l'a fait Marie-Claire Blais qui, je crois, a été une des premières, sinon la première à utiliser ce procédé de "pas-de-point". Cette fois, ça coulait très bien. Peut-être qu'on s'habitue. Je ne dis pas que c’est facile à lire, en fait c’est surtout difficile à arrêter et recommencer, on ne sait pas trop où on en était avant la pause. Ce fut la même chose avec Un roman au four de Marie-Sissi Labrèche, il y a quelques mois. J’avoue cependant qu’une fois arrivée à son journal au sujet de Bado, avec police de caractères différente, je n’ai pas reculé, mais j’ai lu moins vite. Décroché un peu. Moins d’intérêt. J'ai préféré tout ce qui tournait autour de l"événement" qui a tout déclenché. Non, je n'ai pas trouvé qu'elle se répétait. Elle approfondissait. En tout cas, j’aimerais bien être un petit oiseau et voir la réaction de la femme qui a déclenché « l’attaque » première de toute l’histoire, si tant est qu’elle lise Ressac.

Quant au livre de Marie-Sissi Labrèche, je ne suis pas de sa génération ni de son milieu, je n'ai pas connu la moitié des garçons qu'elle a connus, mais je me suis reconnue dans le féminin si je puis dire, dans les réactions, dans les nons-dits et les attentes face à l'amour.  Pour ce qui est de tout le reste,  je vous réfère au texte de Claudia Larochelle. Celle-ci sait mieux que quiconque écrire clairement, précisément ce que je pense tout bas :
« Il n’y aura jamais trop de Marie-Sissi Labrèche. Comme chaque fois, la lire ressemble à l’heureuse reprise d’une conversation avec une amie, on se surprend à y puiser du réconfort pour garder la tête hors des flots. La littérature devrait aussi pouvoir être cette bouée-là. »


Voilà, ce que j'aurais dû écrire hier. L'avantage avec un blogue, c'est qu'on peut se reprendre, on peut avoir des billets ordinaires et d'autres plus travaillés. 
Et peut-être que finalement, mes meilleurs, ceux que je voudrais voir dans un livre, ceux qu'aucun éditeur ne semble vouloir... bon d'accord, je radote, je renote, je ressasse. Je me tais.

Texte de Claudia Larochelle >>>

jeudi 28 août 2025

Humeur du jour



C’est la rentrée.
Littéraire, scolaire, agricole.
Il pleut. Un peu. Pas autant que prévu, pas autant qu’on voudrait.
Il fait frais, j'ai sorti bas et pantalon. Il faut rentrer aussi. Ça ne me tente pas.
Dans la maison, je tourne en rond. Comme entre deux. En attente d'un puits, de deux projets à venir.
Pas encore le temps des marinades.
Je pourrais lire.
Devant l’avalanche des nouveautés, je pourrais commencer à noter les titres qui m’intéressent.

Au début de la semaine, j’étais bien assise sur ma galerie arrière, encore en short et encore en sandales quand j’ai terminé Ressac de Lynda Dion et Ne pas aimer les hommes de Marie-Sissi Labrèche. Je ne suis, n’ai jamais été, ne serai jamais, n'ai jamais cherché à être critique, alors simplement dire que j’ai aimé et aimerai toujours le style de ces deux auteures. Peu importe le sujet dont elle traite. Les deux ont écrit sur les hommes avec qui elles ont couché. Dit comme ça, c’est aussi cru que leur écriture!

Ce que j’aime des livres, c’est qu’ils éveillent une émotion. Que je ressente quelque chose. Cette fois-ci donc : de l’empathie, de la solidarité, de la sororité. De l’admiration : de tant se dévoiler, d’oser l’écriture sans point pour une (ce qu'avait aussi réussi Marie-Sissi Labrèche dans Un roman au four, il y a quelques mois à peine) et le langage cru et familier pour l’autre.

Ai-je déjà lu un livre où un homme divulgue tout ce qu’il a vécu sentimentalement, raconte ses expériences amoureuses? Donnez-moi quelques titres? Il me semble que les hommes ne m’émeuvent pas autant que les femmes. En tout cas, ces dernières années, force est de reconnaitre que je lis de plus en plus des auteures. Québécoises de surcroit.

En revanche, pas de citation, pas de phrases qui m’ont rentrée dedans.
Il faut dire qu’une de mes amies (à nos 13 ans, j'étais certaine que c'est elle qui publierait), au bord du fleuve pour deux nuitées, a écrit :
« Le vent du fleuve emporte les peines. Balaie le fond de l'âme comme au commencement de l'âge. »
Après ça, je suis restée accrochée au fleuve.

Il pleut toujours, le puits, ce ne sera pas pour aujourd’hui. Je vais donc chercher ma prochaine lecture. Ah! tiens, peut-être relire Le mur invisible de Marlen Haushofer pour être prête à la rencontre de mon club de lecture.

Mise à jour :
Juste à lire : « Reprise de Florence Chadronnet est un roman d’une écriture à la fois fragmentée et nuancée », j’ai été lire l’extrait. Des fragments et une écriture au « tu ». Alors c’est certain que...
lien vers le site des librairies indépendantes >>>

mardi 5 août 2025

Comme ces histoires dont on parlera plus tard avec légèreté



Été 2023 et été 2025

Premier hiver à l’Étoc (nom que mon intellectuel de père avait donné à la maison qu’il avait fait bâtir sur un... étoc, un rocher.) La froidure de janvier avait eu raison des tuyaux qui n'étaient pas vraiment à quatre pieds sous terre... à cause du roc. Bref, plus d’eau. Pendant trois mois. La neige dans le bain. Les gallons d’eau charriés de l’école, où mon père et moi enseignions, jusqu'à la maison -- en motoneige puisque le chemin n'était pas déneigé--  où la patience légendaire de ma mère fut mise à rude épreuve. Pas de voisins pour nous aider. En mars, je m'étais fait couper les cheveux pour qu’ils soient plus faciles à laver.

L’hiver suivant, j’étais déjà déménagée, les tuyaux gèlent à nouveau, mes parents emménagent à Saint-André-Avellin pour la fin de l’hiver.

52 ans plus tard, Notre-Dame-de-la-Paix, au sous-sol, après le lavage hebdomadaire de vêtements, la pompe ne s’arrête plus. Je l’arrête, la repars. Elle se désamorce, plus de pression, plus d’eau. Alors que les champs — de pommes de terre ou de blé ou de maïs ou de soya — qui m’entourent sont irrigués par de puissants jets d’eau ou le système Pivot... chez nous, le puits est à sec ou presque. Je sais, il n’y a pas de rapport, mais avouons que c’est un peu frustrant de voir tous ces jets d’eau et chez nous, rien. 

Je sais aussi, je traumatise à pas grand-chose. Comme un revenant d’il y a deux ans quand il a fallu refaire toute la « ligne » de la maison au puits. Et le souvenir revenu des hivers à l’Étoc. Autant mon père enjolivait les histoires dans ses romans (exemple ces hivers de 1972-1974 dans Les toqués du firmament), autant, j’ai une facilité à créer des amalgames et des associations d’idées. La nuit surtout. Peut-être juste pour le plaisir de raconter.
 
Il faudra être patiente, attendre qu’il pleuve.

Heureusement, contrairement à ma première année dans la région, c’est l’été. J'ai une piscine. J’ai des voisins, des ami.e.s, la municipalité qui me fournit l’eau. J’ai les cheveux courts!
Et nous avons connu tellement pire : le verglas, le derecho.

Je ne pensais pas, un jour, avoir hâte qu'il pleuve!

Comme j’aime bien les exergues, les citations. Voici celle du jour :
Il ne faut pas pleurer pour ce qui n'est plus mais être heureux pour ce qui a été. 
Marguerite Yourcenar

samedi 26 juillet 2025

Les mots des autres

                      

Dans les années 1990, alors étudiante à la maîtrise, j’ai tenu un carnet de citations, une sorte de bibliothèque mobile. [...] Je les relis, elles me font l’effet de matières fossilisées.

Il reste que, même dans ce monde d’instantanéité et ce réseau d’icônes, une citation bien frappée marque l’imaginaire et relance la pensée.

On écrit avec les mots des autres.
                                                                                                                Recueillir, Louise Warren

Un autre livre dans lequel je me reconnais. Lors de ces deux années de congé sans solde que j’avais pris pour devenir écrivaine — rien de moins —, je notais aussi des citations. Et je les commentais.
173 citations écrites à la main, 173 commentaires. Déjà genre blogue.
Qui se termine par le mot « Paix », mon préféré.
Beaucoup de Simone de Beauvoir, de Marie Cardinal, de Flora Groult, d’Anaïs Nin.
Citation numéro 87 : « Au XVIIe siècle, savoir écrire c’est déjà savoir bien écrire. » 
                                                Qu’est-ce que la littérature? Jean-Paul Sartre.

Les mots des autres, les miens.
À défaut de voir les miens publiés ailleurs que dans mon blogue (toujours pas de réponse des éditeurs sur un manuscrit envoyé en mars), je m’occupe de ceux des autres.
Au printemps, ceux de Colombe Turpin qui a publié Le mystère de Juliette.

Ces jours-ci, ceux que Michèle Bourgon regroupe dans un livre sur les souvenirs de Lachutois et de Lachutoises. Une bonne centaine de textes d’une bonne cinquantaine de personnes. Des lieux, des commerces, des personnages, les écoles, le sport, l'amour.

Monter un livre, c’est toute une aventure.
Que j’adore parce que je m’y sens bien. Je me sens utile. On apprécie ce que je fais. Je sais quoi faire, je sais où chercher, à qui demander des informations (merci Marthe Lemery). Et c’est un peu comme écrire : je doute, je fouille, je lis, j’uniformise. Et je travaille étroitement avec Michèle Bourgon qui, heureusement pour ma petite tête-qui-ne-se-décide-jamais, aura toujours le dernier mot. C’est son livre, pas le mien.

En 1976, 1977, alors que je ramassais les citations, je ne savais pas que j’allais devenir infographiste, metteuse en page, le restant de ma vie, mais finalement c’est une autre façon de créer à partir des mots. Un journal, un dépliant, un bulletin, un blogue et même des livres.

Je retourne donc à ces mots... des autres.



samedi 21 juin 2025

Quand je n'écrirai plus, je lirai encore

Que font les écrivains quand ils n'écrivent pas.

Ils s’écrivent. 

                                            Aurelie Valonges
J’en suis là : parler de moi.
Ai-je déjà fait autre chose?
Écrire
ce que je connais
ce que je vis
mes souvenirs des ailleurs
et mon contentement d’ici

Je continue à marcher dans un chemin d’écriture
des pas sans fin
au ralenti maintenant
je tourne en rond parfois

Le manuscrit Chemins d’écriture
envoyé à cinq éditeurs il y a trois mois
silence
Après ceux de Montréal,
irais-je vers ceux de la région?
comme en 2011
ou comme en 2019, me contenter du blogue
cesser de vouloir
avant de devenir frustrée
je ne serai pas écrivain
je suis tout de même auteure
Je fus celle que je voulais devenir un temps
m’en réjouir
m’en contenter

Tant d’autres veulent
les offres d’écriture ne manquent pas
par des institutions, des organismes, des individus
tout le monde peut écrire, master class, ateliers d’écriture, camp littéraire, comment devenir écrivain
Les sites d’auto-édition se multiplient
en France surtout, mais ici au Québec aussi
Amazon offre bien des avantages
La Rocade me tente,
mais que peuvent-ils faire que je ne sache faire
et Amazon : l’idée me rebute.

Toujours la même question depuis cinquante ans
quelle sorte d’écrivain veux-je être?
Je le sais bien
juste écrire et que mes écrits soient publiés
le reste ne m’a jamais vraiment intéressée
sauf s’il faut jouer le jeu
comme un passage obligé
Que je ne me surprenne pas alors de ne pas être éditée!

Depuis le « 75 ans »
Écrire le chiffre
voir les 7 et 5 collés
ça fait vieux
ça fait à quoi bon me démener pour quoi que ce soit
vit dans la paix le temps qu’il te reste
non pas abandonner, mais laisser aller
cesser de vouloir être ailleurs
aimer être ici





Regarder le vert des feuilles encore jeunes
entre deux grands pins, entre les branches d’orme qui montent et descendent
comme les bras de l’enfant qui joue à l’oiseau
le ciel bleu
aussitôt l’envie de l’écrire ce ciel bleu

S’il pleuvait
je rentrerais
j’écrirais
je chercherais des métaphores
Moi qui suis trop terre à terre
je ne sais dire
que ce que je sens ou pense
je ne sais pas transposer






Dehors
devant les arbres et les fleurs
mais toujours avec les livres et les mots des autres
aujourd'hui ceux d’Hélène Dorion
qui sait si bien métaphoriser
mes forêts sont un long passage
pour nos mots d’exil et de survie
un peu de pluie sur la blessure
un rayon qui dure
dans sa douceur
et quand je m’y promène
c’est pour prendre le large
vers moi-même

Quand je n’écrirai plus
je lirai encore.