lundi 31 octobre 2011

Articulez, s'il vous plaît


Hier, dimanche soir, rien de bon à la télévision. Le film Mary Reilly m’a attiré un temps, mais je n’avais pas l’humeur à l’horreur. Je zappais. Tiens, je vais écouter le numéro d’introduction du gala de l’Adisq, me suis-je dit puisque je ne déteste pas de temps à autre les textes de Louis-José Houde. Mais voilà, le tout commençait en musique, c’était rythmé, j’ai essayé de comprendre ce que disaient les deux premiers chanteurs. En vain. Au bout de cinq minutes, je n’en pouvais plus, je ne comprenais rien. Était-ce l’anglais, du français, une suite de sons? C’est quoi cette manie d’avoir le micro si près de la bouche qu’on dirait qu’ils vont le manger comme un cornet de crème glacée. Je ne peux même pas lire sur les lèvres. Ginette Reno, Céline Dion, les chanteurs et chanteuses d’opéra n’en ont pas besoin. Ça ne se peut quasiment pas que personne ne leur dise qu’on n’entend pas ce qu’ils disent. Qu’ils ouvrent la bouche, qu’ils prononcent, qu’ils ne chantent pas si vite. Si ça passe en direct, savent-ils qu’à la télévision, on ne comprend pas? Ou bien est-ce moi qui a le cerveau au ralenti. 

J’ai décroché. 

Pendant un commanditaire à un autre poste, j’y suis revenue juste à temps pour l’hommage à Gilles Vigneault. Juste à entendre Fred Pellerin, à comprendre les mots, à savourer son accent, et surtout à être émue d’un si beau texte, je n’ai plus zappé. Quand Robert Charlebois, Louise Forestier, Richard Séguin ont chanté les paroles de Gilles Vigneault, j’ai tout compris. J’écoutais, émerveillée. Et au mot de la fin, la liberté, j’étais prête à bondir de ma chaise et ovationner ce grand auteur comme l’ont fait les centaines de spectateurs. 

Comme j’ai déjà le livre « Les gens de mon pays » de Gilles Vigneault, au Salon du livre de Montréal, c’est certain que j’achète le coffret de Fred Pellerin. Ce qui prouve que je préférerai toujours les textes imprimés aux textes chantés parce que je peux les lire, les comprendre et ainsi les apprécier. Tandis que les chanteurs qui n’articulent pas ou parlent trop vite ou qui bouffent leur micro : pas capable. Dommage, je suis certaine que je manque de belles paroles.

samedi 29 octobre 2011

Première sortie publique de l'auteure des Têtes rousses


Le livre est sorti en librairie, au tour de l'auteure de se présenter en public.
Ce samedi 29 octobre, Claude Lamarche sera présente pour dédicacer son roman,
à la librairie Rose-Marie de Gatineau (secteur Buckingham), de 10 heures à 15 heures.

(Bon, encore question de ce roman, mais je n'allais tout de même pas laisser mon blogue sur le malaise vagal! Et si vous vous demandez pourquoi la photo de l'auteure est quasiment aussi grosse que la couverture du livre, c'est pour éviter toute confusion avec un autre auteur qui porte le même nom que moi.)

jeudi 27 octobre 2011

Digne d'un roman


Ce matin-là, départ vers Montréal à 9 heures. Deux heures de route, GPS allumé. Elle conduit L’autre à son rendez-vous à une clinique où un chirurgien orthopédiste devrait l’examiner et, avec un peu de chance, lui dire quand il pourra l’opérer pour un nouveau genou. Peut-être enfin l’aboutissement de plusieurs mois de démarches. Le GPS les mène à bon port, arrivée à 11h30 dans le quartier Côte-des-Neiges. Pour deux anciennes Montréalaises, le choc culturel est grand : la secrétaire-réceptionniste parle anglais, espagnol, italien et français, les clients aussi, le docteur parle suffisamment le français pour que L’autre le comprenne, heureusement. Petite attente d’une heure où Elle et L'autre s'imaginent le Montréal en 2025: tout anglophone. L’autre passe finalement dans la salle du chirurgien. Dix minutes après, L’autre en ressort, remplit quelques paperasses et la secrétaire lui fixera la date de l’intervention. Dix minutes encore et L’autre apprend que ce sera le 23 novembre. Elle et L’autre s’en réjouissent, pourront recommencer à faire des projets de voyage. 

De retour sur l’autoroute, L’autre, au régime pour perdre du poids pour que l’opération et la réhabilitation soient plus faciles, décide quand même de se payer un petit Saint-Hubert, à Vaudreuil. Il est 14 heures. Tranquille conversation où il est évidemment question d’opération et d’hôpital. 

Puis, soudain, sans avertissement, en prenant une gorgée de café, Elle se sent étourdie. Elle a chaud. Sans trop s’en apercevoir, Elle penche dangereusement vers la banquette comme pour se coucher. L’autre l’appelle par son prénom. Elle se relève, enlève ses lunettes et sa tête se dirige maintenant vers la table. Puis, plus rien pour Elle. L’autre panique un peu, à ce qu’elle lui dira plus tard, se lève, en oublie son genou, demande un verre d’eau froide et le lance dans le cou d’Elle qui revient à elle. Trois serveuses s’affairent autour d’Elle, lui parlent, la tiennent éveillée. Elle oublie tout orgueil, enlève ses partiels, demande un bol, Elle a mal au cœur. Juste à temps, Elle vomit tout son diner, se sent un peu mieux. Une des serveuses lui dit qu’elle doit appeler les ambulanciers, parce qu’Elle a perdu connaissance. 

Les ambulanciers arrivent, prennent les choses en main. En moins de deux, Elle est branchée partout, oxygène sur le visage. Quand ils disent les mots clés : « on vous amène à l’hôpital de Valleyfield » , Elle se laisse faire tellement elle flotte. L’autre voit déjà son amie morte, crise cardiaque, que fait-elle? Que doit-elle faire? La serveuse lui dit qu’elle n’a pas besoin de payer, qu’elle peut partir avec son amie. Une fois dans l’ambulance, celui en arrière essaie de prendre un électrocardiogramme d’Elle, mais les suces ne tiennent pas tellement Elle est « trempe à lavette ». Pendant ce temps, celui en avant qui ne doit pas partir tant que la patiente n’est pas stabilisée, programme patiemment le GPS de L’autre pour qu’elle puisse se rendre au Centre hospitalier du Suroit. 

En route, Elle va de mieux en mieux, se souvient de presque tout, se rappelle aussi qu’elle a déjà eu ce genre de réaction : deux fois dans un avion, une fois à son travail où elle était restée étendue pendant une heure sur le plancher de la salle de bains et quelques fois quand elle était adolescente le premier jour de ses menstruations. Jamais Elle n’avait su pourquoi. 

En cours de route, Elle fait connaissance avec le transport ambulancier et les routes qui, à son avis, ne se sont guère améliorées avec toute la construction. Si Elle n’avait pas déjà tout vomi, ce serait l’occasion idéale. D’ailleurs, son estomac brasse autant que toute l’ambulance. 

Arrivée à l’hôpital, petite attente, les gentils ambulanciers restent avec Elle. L’Autre arrive, se trouve un banc (se rappeler qu’avec son genou L’Autre ne peut rester plus de dix minutes debout), se réjouit qu’Elle soit toujours en vie. L’infirmière écrit tout ce que l’ambulancier lui décrit. Changement de civière, départ des ambulanciers remerciés dix fois plutôt qu’une pour leur excellent travail. Elle enlève ses vêtements qui lui collent à la peau, nouvelles électrodes qui collent un peu mieux et attente du docteur. 

Un peu moins d’une heure (finalement pas si long) , un jeune (et très beau) docteur arrive, demande à Elle de raconter ce qui lui est arrivé, mais le diagnostic est déjà prêt : malaise vagal. 

Les yeux et les oreilles grands ouverts, Elle lui demande de lui répéter et d’expliquer. Le nerf vague. Une émotion, une peur, un stress, un repas ou n’importe quoi peut causer cette perte de conscience, ce sang qui ne circule plus, cette chute de pression, ces nausées, cette sudation. 

Tout est revenu à la normale. Elle et l’autre peuvent partir. Arrivée à la maison à 19 heures. Elles étaient parties pour l’opération de L’autre et c’est Elle qui s’est retrouvée à l’hôpital. Elles auront appris au moins deux choses : L’autre sera opérée le 23 novembre et Elle peut mettre un nom sur cette petite faiblesse qu’elle a depuis près de cinquante ans : malaise vagal.
Et que la vie, on ne sait pas à une seconde près ce qu'elle nous réserve.

(source de l'illustraition http://fr.wikipedia.org/wiki/Nerf_vague)

vendredi 21 octobre 2011

Pas plus vendeuse qu'acheteuse

Aujourd’hui, vendredi, j’ai magasiné comme une femme. Habituellement, je suis plutôt genre masculin: j’entre, je demande, j’achète ou non et je ressors. J’ai fait une femme de moi: plus de deux heures à regarder, chercher, essayer, rechercher, réessayer et finalement acheter un chemisier et un chandail. Un très grand sacrifice pour moi et tout ce temps perdu pour être à la mode ou du moins regardable quand j’irai à mes séances de signature. 

Tellement rare que je magasine des vêtements que je cherchais un Reitmans et après l’avoir demandé, on m’apprend qu’il n’y en a plus dans ce centre commercial depuis six ans! Au moins, j’en ai profité pour me rendre dans un Renaud-Bray… voir vous savez quoi. Petite déception, mon livre n’est pas sur la pile des nouveautés québécoises. Je le cherche sur les tablettes. À la hauteur des yeux, point d’auteurs dont le nom commence par « L », je me baisse, encore. Hé oui, dernière rangée! Deux tout petits livres. Je suis dans ma région en Outaouais. S’il n’y a que deux livres dans cette librairie en Outaouais, qu’est-ce que ça doit être ailleurs? Je prends quand même un des deux livres et je le tourne couverture face. Et je sors, rapidement comme si je venais de faire un mauvais coup, personne ne remarque que je suis celle qui a paru dans le journal Le Droit de samedi dernier. C’est certain, à quoi je m’attendais! 

Tout de même, cette semaine j’ai vérifié, il y en a à la Tabagie de Saint-André-Avellin et à la gare de Montebello. La semaine prochaine (comme je l’ai indiqué dans la petite colonne de droite qui restera fixe pour un temps), le samedi 29, pour l’Halloween, citrouille allumée sur ma petite table (la légende de Jack O’Lantern, est d’origine irlandaise) , je serai à la Librairie Rose-Marie de Buckingham. Puis en novembre, Salon du livre de Montréal où je compte rencontrer d’autres blogueurs-auteurs mais aussi un peu, qui sait, signer quelques Têtes rousses, même si je suis une pure inconnue alors que mes ancêtres, mes grands-parents et mes parents ont demeuré plus longtemps que moi dans cette grande métropole. Je devrais peut-être me déguiser en Leprechaun pour attirer la clientèle. Après tout 40 % des Québécois ont au moins un ancêtre irlandais. 

Disons que, pour la vente, je compte surtout sur la semaine suivante, à Ripon, dans un salon régional des métiers d’arts où j’ai déjà été présente plusieurs fois. J’y suis plus connue et j’espère que l’article paru dans l’hebdomadaire fera boule de neige. 

Et puis, à bien y penser, pourquoi est-ce important de signer quelques livres ou d’en vendre? Je suis une auteure, pas une vendeuse (pas plus qu’acheteuse de vêtements!). Mon bonheur nage en général dans les eaux du silence, avec cahier et plume. 
Heureusement l'enthousiasme des blogueurs et blogueuses est contagieux!

(source: photo des chemisiers de l'auteure)

lundi 17 octobre 2011

La terre a cessé de tourner



Comme tant d’autres avant moi et autant après, sûrement, je me pose une seule question, toujours la même : est-ce que j’ose? 
Est-ce que j’ose écrire (téléphoner, je n’y pense même pas) à : 
      Marcia Pilote de l’émission C’est ça la vie 
      Marie Andrée Arsenault de l’émission radio Plus on est de fous plus on lit 
      Ou tout autre recherchiste de médias qui a un rapport avec le monde littéraire. 

Une question qui en entraîne bien d’autres : qu’est-ce que je peux faire? Comment aider l’éditeur? Ai-je besoin d’aider l’éditeur? De quoi je me mêle? Est-ce que je rêve en couleurs? Qu’ai-je à perdre? Est-ce au bord du harcèlement? Mon livre tiendra-t-il dans les librairies jusqu’au Salon du livre de l’Outaouais en mars 2012? Quand faut-il lâcher prise? 

Encore la fin de semaine dernière, j’étais à un symposium de peinture, où j’accompagnais l’artiste peintre Louise Falstrault, et il y avait là Karine Lessard, à la voix tellement sympathique et enjouée de Planète 97,1 qui animait et annonçait le symposium Gatineau en couleurs. Trois fois, j’ai failli arrêter et lui remettre au moins un signet de mon roman. Surtout, une fois que l’article rédigé par Jessy Laflamme avait paru le samedi matin, dans le journal Le Droit, mais je n’ai pas osé. Je trouvais que ce n’était pas l’endroit, elle n’était pas là pour recevoir des suggestions de reportage. Quand même, j’y ai pensé. 

Je me dis que ce n’est pas dans trois mois que ce sera le temps de réagir, de promouvoir. On voudrait que la terre cesse de tourner ou ne tourne qu’autour de ce livre, comme si c’était le seul à défaut de ne pas être le meilleur. Tout me ramène à mon roman, même l’Halloween qui s’en vient parce que ce n'est pas tout le monde qui sait que cette fête origine en partie des celtes que plusieurs contes irlandais s’inspirent de citrouilles allumées (Jack O’lantern) alors je me porte volontaire pour leur apprendre tout en glissant que je viens de publier un roman sur mes ancêtres irlandais. Je me garde le lutin Leprechaun pour la Saint-Patrick et dans mon roman, j’ai fait raconter une partie de cette histoire à un de mes personnages. 

Si j’ai tardé à être enthousiaste étant du genre à rester froide, lucide et distante avant la majorité des événements, cette fois je deviens carrément impatiente, incapable de rester en place et surtout inapte à commencer quoi que ce soit d’autre. Complètement gaga.

dimanche 9 octobre 2011

Une histoire d'amour entre lui et moi (3)

Mon troisième vélo, un dix vitesses de gars (plus facile à obtenir), un Raleigh britannique, un beau jaune or, acheté au Canada, chez Sears, je ne l’ai gardé que quelques mois. J’ai 21 ans, je termine ma première année d’enseignement. Je dois rejoindre quatre étudiants qui visitent l’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande depuis un mois. Eux, ils ont acheté leur vélo là-bas, mais moi, pour être en forme quand j’allais les rejoindre, fin juin, une bonne année après avoir vendu mon vélo rouge, j’achète le mien avant mon départ et je réussis à pédaler quelques jours à peine, certains samedi de juin. 

À l’aéroport de Dublin, je prends possession de mon vélo et de mon sac à dos. Finalement, mon avion arrive la veille de notre rendez-vous. Pas d’ordinateur, pas de cellulaire à cette époque, mais je sais mes amis à l’auberge de jeunesse. Sac sur mes épaules, j’enfourche mon vélo après lui avoir remis le guidon et la selle bien en place, plus ou moins bien ajustés. Une heure plus tard, éreintée, fatiguée, les fesses en feu, le dos en compote, je décide de prendre un taxi. Pas évident de rentrer un vélo dans les taxis noirs. Le chauffeur me conduit à l’auberge de jeunesse. Personne. Je me couche sans trop d'inquiétude. Le lendemain matin, j’hésite entre retourner à l’aéroport avec mon vélo, ou sans. Finalement, plus en forme que la veille, malgré le décalage horaire, je décide de parcourir la dizaine de kilomètres qui me séparent de l’aéroport. 

Mes amis m’y attendent. On s’explique : il y a deux auberges de jeunesse, ils étaient à l’autre, plus au nord. Quand ils me voient mettre mon sac à dos… sur mon dos, ils n’en reviennent pas. « Et un porte-bagage, ça sert à quoi, me lancent-ils à l’unisson. T’imagines-tu vraiment que tu vas pédaler dans les côtes d’Irlande et du Pays de Galles avec 15 livres sur le dos? » Rouge de gêne, je me trouve tellement idiote que jamais, je n’oublierai la leçon. Encore aujourd’hui, 40 ans plus tard, quand je regarde certains cyclistes avec leur sac à dos sur les épaules, j’ai envie de m’arrêter et de leur dire « Et un porte-bagage, ça sert à quoi? » 

Après trois jours de visites et d’achats dans Dublin, nous partons en train, vers Galway. La véritable épreuve commence pour moi. Je suis bonne dernière à chaque village. J'ai mal partout. Nous plantons nos tentes dans un champ, sur une plage, sur les hautes falaises de Moher. Les murets de pierre s’alignent dans les vastes étendues vertes d’humidité constante et de pluies quasi quotidiennes. Au pub, où nous arrêtons presque chaque jour, je me familiarise avec la Guiness que je trouvais imbuvable à mon arrivée et dont je ne peux plus me passer après la première semaine. 

Au bout de dix jours, je n’ai plus mal nulle part et je pédale allègrement sur les petites routes de l’Irlande. À Rosslare, nous traverserons le canal Saint-George, vers le montagneux pays de Galles. Très montagneux. Routes très tortueuses. Quand on descend et qu’on a un élan pour l’autre versant, c’est bien, mais quand on décide de coucher dans la vallée et que le lendemain, il faut monter… les dix vitesses ne suffisent pas. On marche et on pousse. 

Une fois à Londres, mes quatre amis doivent rentrer. Ils essaient de vendre leurs vélos pourtant achetés à Londres, on ne leur en donne presque rien. Ils décident de les rapporter au Canada. Essayez d’entasser quatre vélos et quatre personnes, cinq en fait parce que je veux les accompagner au moins jusqu’à l’aéroport, en plus de leurs bagages? Les chauffeurs de taxi ne veulent pas, il faut payer un supplément et finalement, trois taxis arrivent tout juste à l’heure à l’aéroport. À peine le temps des dernières embrassades et voilà mes amis partis. Je me retrouve seule, après plus d’un mois d’aventures. 

Avant de partir, je m’étais dit, tant qu’à être en Europe aussi bien me rendre à Paris. Sauf que je ne savais trop si j’irais à vélo. Or, pendant que mes amis essayaient de vendre le leur, le mien, un Raleigh fabriqué en Angleterre, mais pourtant acheté au Canada, vaut son pesant d'or. On m’en offre plus que je l’ai payé. J’accepte. C’est donc en train que je me rends à Paris et c’est à pied que je visite la Ville lumière avant de rentrer à la maison. Sac sur mon dos et sans vélo.

L'histoire d'amour cette fois, ne fut pas avec mon vélo, quoiqu'il fut à la hauteur: pas de crevaison, pas de rayons à changer! Non, non, pas un de mes amis non plus, quoique... Non, avec l'Irlande!

(photo empruntée à Google (lien>>>) parce que je n'ai plus les diapositives prises à cette époque)

dimanche 2 octobre 2011

Une histoire d'amour entre lui et moi (2)

Dans mon histoire d’amour entre le vélo et moi, j’en étais aux derniers milles de ma vieille bécane à rétropédalage (lire là>>>). Je commençais à avoir des goûts d’évasion, des envies de me rendre un peu plus loin qu’à l’école ou chez des amies. J’allais avoir dix-huit ans en avril, je n’avais pas mon permis de conduire, je n’y pensais même pas, les transports en commun me suffisaient amplement, tous mes amis demeuraient à proximité et pour aller à la campagne, je suivais encore mes parents. 

Il n’était pas question d’avoir un simple trois vitesses, je voulais tout de suite passer aux dix vitesses. Je ne connais pas toute l’histoire du dérailleur, mais je sais bien qu’en 1968, au Québec, les vélos dix vitesses pour le commun des mortels commençaient tout juste à faire leur apparition dans les commerces. Et seulement des vélos de gars. Je voulais un vélo de fille, pas de barre encombrante. 

Après avoir feuilleté les pages jaunes, j’ai trouvé Baggio à Montréal. Un italien qui avait connu la course. Une toute petite boutique dont les murs étaient tapissés de photos, d’affiches du Tour de France. Un monsieur qui, sans me trouver ridicule, accepta de me fabriquer un vélo sur mesure . Je le voulais rouge avec des poignées recouvertes de bandelettes blanches, pas d’aileron (j’allais le regretter les jours de pluie) un porte-bagage. Il m’a annoncé le prix : 100 $. Une somme énorme pour moi. Qui dépassait amplement le budget alloué aux cadeaux d’anniversaire. Ma mère, la responsable de nos « paies » me fit une suggestion : en cadeau, elle me payait la taxe : 8 $, ensuite au lieu de me donner 20 $ par semaine, en allocation, elle m’en donnerait la moitié… pendant dix semaines. Affaire conclue. 

Pendant dix ans j’avais eu une bicyclette, j’aurais maintenant un vélo. Je fis bien des jaloux, mon frère y compris. C’était à mon tour d’admirer un vélo et même, à l’occasion, de me l’emprunter. 

Ma vie de liberté commençait. Chaque samedi, je partais de Ville Saint-Laurent et je choisissais une destination différente : Longueuil, par le pont Jacques-Cartier, plus souvent vers le nord : Sainte-Dorothée, Saint-Janvier et même Lachute. Un jour de juin, je décidai même de frapper un grand coup : me rendre au lac Simon. Partie à 8 heures le matin, j’arrivai au lac à 4 heures de l’après-midi. Ça n’allait pas être mon exploit à vie, je ferais bien mieux.

Le vendredi soir où je sortis de chez une de mes amies et que je ne vis pas mon vélo rouge que j’avais appuyé bien droit, sur le trottoir, le cœur cessa de battre dans ma poitrine. Je ne paniquai pas, mais rentrée à la maison après avoir cherché partout, je ne dis rien à personne, je me résignai à téléphoner à la police pour signaler le vol, mais le ton du policier me fit comprendre qu’il ne ferait pas grands efforts pour le chercher. Je ne dormis pas beaucoup et à cinq heures, je marchais déjà dans les rues à la recherche de l’amour de ma vie. Je regardai dans chaque entrée de garage, je m’aventurai même dans les cours arrière, je m’approchai du moindre vélo rouge. Pendant trois heures. Et finalement quand je l’aperçus par terre, sans même être caché à la vue des badauds, je le reconnus tout de suite. Sans égard pour l’heure ou l’endroit, je sonnai à la porte, une dame en robe de chambre m’ouvrit et fut bien surprise d’apprendre qu’il y avait un vélo rouge dans sa cour. Elle se confondit en excuses pour son fils et me permit bien sûr de reprendre mon bien. Je m’empressai de trouver une cabine téléphonique — je ne voulais pas appeler de chez nous pour ne pas apprendre à mes parents que je m’étais fait voler — et de téléphoner à la police leur spécifiant bien que j’avais fait leur travail et retrouvé mon vélo. 

De ce jour, je n’appuyai plus mon vélo sur le bord du trottoir et j’achetai un cadenas. 

J’allais hélas le revendre mon tant aimé vélo rouge le jour où j’ai déménagé à la campagne, croyant que, travailleuse-pouvant-se-payer-une-auto, je n’aurais plus besoin de vélo. C’était bien mal connaître l’amour que je vouais à cet objet qui m’offrait beaucoup plus qu’un moyen de transport. 

À suivre
(photo: un de mes vélos sur une plage, symbole d'évasion et de liberté)