lundi 28 décembre 2015

Clavier 0, bouchon 1

Noël est passé. Trois fêtes en trois jours. De quoi nous étourdir, nous changer les idées, nous émouvoir. De quoi nourrir l’estomac et le cœur. L’esprit un peu aussi quoique pour les cadeaux plus intellectuels, chez nous, il faudra attendre au jour de l’An.

Je croyais me remettre à l’écriture dès dimanche, mais qui dit voir du monde, recevoir, sortir, dit beaucoup d’énergie, beaucoup d’embrassades, beaucoup de microbes. Donc dimanche, plutôt repos, toux, pastilles, tangerines, bouillon de poulet et eau. Emmitouflée dans une couverture chaude, les yeux fermés, somnoler devant un livre — L’affaire Céline ou Cendres au Crique-à-la-Roche de Jean-Louis Fleury —, qui n’a changé que deux fois de pages.

On s’y mettra le lundi. Surtout que le lundi, c’est piscine et qui dit piscine, dit le temps de penser au roman, aux scènes aux dialogues. En tout cas, moi, j’écris en nageant. Dans ma tête, bien sûr.

Sauf que ce lundi, je n’y vais pas pour aggraver mon rhume qui se résorbe. Et puis ce lundi, il faut passer la souffleuse, ramasser la neige tombée samedi. Pour la première fois de l’hiver. Évidemment, elle refuse de partir. Alors plutôt que de prendre une petite demi-heure, avec la hâte de me remettre à l’écriture puisque l’énergie m’est revenue, il m’a fallu plus de deux heures de patience, de recherches, de lecture — le livre d’instruction qui ne correspond jamais tout à fait à notre modèle évidemment — pour noyer le moteur, inspecter l’huile, chercher la bougie, aller pelleter pendant que le moteur se « dénoie », rentrer boire de l’eau parce que je tousse encore, re-starter, re-patienter, re-lire, penser à la tempête de mardi qui vient et me demander qui pourrait bien me dépanner… et oh! bonheur, l’Esprit saint, le petit Jésus, la fée des souffleuses ou je ne sais quoi dans mon cerveau fut bienveillant avec moi et vint à mon secours : j’ai retrouvé la petite clé de contact rouge sous la poussière de roche qui couvre le sol de ma remise où est rangé le dit engin qui, une fois nanti de son petit bouchon de plastique, fut trop heureux de ronronner du premier coup. 

Le fautif ne s'enfuira plus, il est désormais attaché!
Mais après tous ces efforts, croyez-vous que je puisse me remettre dare-dare à l’écriture. Que non!  

Donc réchauffement, écriture automatique. Devant un cahier, devant le clavier. Me couper les ongles trop longs qui accrochent les touches, fureter dans mes courriels bien silencieux ces jours-ci, commenter un ou deux sujets sur un forum de caravaniers partis dans le sud. Résister à l'envie d'aller voir s’il n’y aurait pas des aubaines pour ce sud tentant. Résister à tous les détours qui ne mènent pas directement à mon roman. 

Tiens, écrire un billet de blogue, c’est un bon exercice préparatoire.
Ce que je fis.
Ce qui est fait.
Et maintenant, ouvrons notre fichier Les têtes

Ah! Zut, c’est l’heure de diner!

mercredi 23 décembre 2015

Joyeuses fêtes 2015


Dans ce tableau de Louise Falstrault,
il y a tous les mots de souhaits de santé, d'amour, de paix de Claude Lamarche



mercredi 16 décembre 2015

Carnet du prochain roman (3)



Quand sur les cent cinquante pages que contient actuellement ton manuscrit, tu avais plus de cent pages avec un personnage qui vivait jusqu’à la fin et que tout à coup, tu décides de le faire mourir (j’entends déjà les lecteurs s’exclamer « pas encore un! ») autour de la page 75, tu as du travail!

Tu imprimes alors la première page de chaque chapitre, tu prends des notes, tu déplaces, tu biffes, tu coupes, tu changes le titre du chapitre, tu déplaces encore. Tu imprimes la nouvelle table des matières et tu sais que demain, tu auras du travail sur la planche, mais au moins tu y vois plus clair.

Et tu espères que c’est ton dernier mort!

lundi 14 décembre 2015

Carnet du prochain roman (2)

Quelques pages avant la fin, elle reniflait, elle s’essuyait les yeux. Quand elle eut tourné la dernière page, j’ai voulu voir ce qui la faisait pleurer. J’ai relu, je me suis souvenue de cette scène. Pourtant, moi, elle ne m’avait pas fait pleurer. Alors, j’ai compris que j’avais réussi. J’avais écrit une fin émouvante, qui émouvait le lecteur alors que pour moi, ce n’était que des mots. Personnellement, ce ne sont pas sur ces pages que j’ai versé quelques larmes. Donc l’émotion de l’auteur n’est pas nécessairement gage de l’émotion du lecteur, ce que j’ai cru pendant longtemps. Chacun réagit selon son expérience de vie, ses souvenirs. Et, comme chez les membres d'une famille, étrangement, personne n'a les mêmes.

Le genre de réaction qui me donne des ailes.
Puis, à défaut de longue marche sur une plage, vint ensuite la piscine.

Oui, la piscine. Une heure d’exercices et de nage. Depuis plusieurs années, je me suis rendu compte que mes personnages en profitaient pour m’accompagner. Sans autres distractions ou stimuli extérieurs, les idées s’éclaircissent, les solutions surgissent. Comme en méditation.

Exemple, ce matin, je me demandais bien ce qui pourrait arriver entre la fin de l’Expo 1967 et la loi 63 sur la langue française en 1969. Entre deux mouvements de bras, l’idée m’est venue : pourquoi ne pas faire comme dans les autres romans : des parties. La première partie se terminerait en 1967 et la deuxième recommencerait en 1969. Plutôt que d’inventer des scènes inutiles, pour remplir seulement, mieux vaut reprendre plus loin dans le temps quitte à composer un ou deux paragraphes de transition.

Pour la énième fois, j’ai également entrevu un nouvel épilogue.
Pour la énième fois, je crois avoir scellé le sort de deux personnages. 
Et pour la énième fois, j’avais hâte de sortir de l’eau pour tout consigner.

jeudi 10 décembre 2015

Carnet du prochain roman (1)


J’ai commencé un carnet où il est question de mon prochain roman. Ou l'art de prendre une pause pour mettre un peu d'ordre dans sa tête. Un peu comme je l’ai fait pour Les têtes rousses. J’ai toujours aimé lire comment est né un livre, ce qui se passe dans la tête de l’auteur pendant l’écriture du livre. Comme C’est bizarre l’écriture de Christiane Rochefort qui fait suite à son roman Printemps au parking. Ou le blablablog de Katherine Pancol, truffée de citations ou de promenade sur la plage où elle écoute ses personnages.

Certains jours, je ne vois pas pourquoi j’écrirais une suite aux Têtes rousses et aux Têtes bouclées. À quoi bon? Tant de travail, si long avant d’être publiée, si peu de retombées, tant de temps pendant lequel mon esprit est absorbé par cette tâche. Certains jours, je voudrais me sentir libre, me sentir en vacances, me demander le matin : « qu’est-ce que je fais aujourd’hui? » Et le lendemain, je poursuis, je reprends, tout simplement.

Ce que je sais : en novembre 2006, après deux ans d’écriture et de recherches, j’avais écrit quelque quatre cents pages dans Word. Un manuscrit qui contenait toute mon histoire : de Bridget en 1846 à la fin qui se situait alors autour de 1972. En 2011, Les têtes rousses sortaient en librairie, un roman qui se passait de 1847 à 1899. En 2015, Les têtes bouclées couvraient la période de 1899 à 1963. 

Il me restait donc de mon manuscrit initial une soixantaine de pages, celles où il est question des années 1963 à 1972. Je dois doubler et même tripler les pages. Sauf que ça ne coule pas aussi bien que dans le deuxième tome. Je n’arrive pas à insérer des scènes. Je ne peux quand même pas faire arriver certains événements alors qu’ils n’ont pas eu lieu. Exemple parler du Parti québécois avant 1968, année de sa création. Ou un des personnages ne peut pas emprunter de l’argent sans l’autorisation de son mari avant que la loi soit passée. Ou un autre personnage ne peut pas terminer son cours classique à Basile-Moreau alors que le collège est devenu cégep.

Et puis, j’ai ajouté une difficulté en choisissant d’alterner les narratrices. Un chapitre Dominique et le suivant Mireille. J’ai peur que la structure soit lourde. Dans un roman, je déteste pourtant quand l’auteur passe d’un personnage à l’autre comme Jeffrey Archer dans les Clifton, comme Suzanne Aubry dans les Fanette. Parfois une coupure si le chapitre est trop long. Daniel Grenier a réussi un tour de force dans L’année la plus longue. Réussirai-je?

Il me semble que je n’avais pas eu tant de difficultés avec les deux premiers. J’ai beau avoir un plan, une chronologie devant moi, je prends-perds du temps à copier et aller coller ailleurs, au chapitre suivant pour rectifier l’ordre des scènes. Sans compter que je me retrouve avec deux pages dans un chapitre et dix dans le suivant. 

Et la première version avait été écrite au présent, il reste donc encore quelques verbes à mettre au passé. Connaissant ma faiblesse pour la concordance des temps... 

Bref, j’avance à pas de tortue alors que j’ai plutôt le tempérament d’un lièvre. En zigzaguant. Imprimer parce que j’y vois plus clair sur papier, corriger, transcrire. Et ajouter des scènes, des émotions. Je suis encore loin de l’étape du peaufinage de style.

Et vous, tenez-vous un carnet parallèle? Qui tient un blogue où il est question du roman qu'il est en train d'écrire?

mercredi 9 décembre 2015

Émotion pour un événement qui s'est passé il y a 168 ans


Quand, dans un livre (maintenant accessible par Internet, donc pas besoin de te rendre aux archives de Montréal) qui date de 1930, et où il est question d'événements survenus il y a 168 ans, que dans ce livre, tu reconnais le nom de la tante (par alliance) de ton arrière-arrière-grand-père, Benjamin Deguire... quand ce  nom, cité cinq ou six fois dans chacun des quatre volumes, tu l'as aussi très souvent vu dans le cahier bleu que ta mère t’a remis il y a maintenant plus de onze ans… tu es encore émue comme si c’était une tante proche que tu aurais connue... et beaucoup aimée. 

Premières postulantes canadiennes : Le 15 août, Mlle Émilie Fortier, plus tard, sœur Marie-du-Carmel. Le 15 septembre, Mlle Marie Gohier, sœur Marie-de-Sainte-Madeleine. Le 15 novembre, Mlle Esther Leduc, sœur Marie-de-Bon-Secours toutes trois cousines. 
[…]Les récits de ces excellentes religieuses ont enrichi le dossier des documents; par le fait même, elles ont procuré à l’annaliste actuelle, le plaisir d’écrire la partie la plus intéressante de cette histoire.
Une personne dont tu as parlé dans ton roman, Les têtes bouclées. Et dans le prochain, il en sera encore question, parce que tu l'as aussi fréquenté ce Basile-Moreau, qui s'appelait alors couvent Notre-Dame-des-Anges, où Esther Leduc est entrée en 1847.

La lettre et la photo de sœur-Marie-de-Bonsecours proviennent du cahier bleu de ma grand-tante religieuse et la couverture des Annales est une capture d’écran du fichier pdf provenant de la BANQ.
http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/1987057

samedi 5 décembre 2015

Coup de poing. Coup au cœur. Coup de maître.

« La fiction, c’est terminé pour vous [les romanciers]. Les séries offrent un romanesque un territoire autrement plus fécond et un public infiniment plus large. […] Laissez aux scénaristes ce qu’ils savent mieux faire que vous. Les écrivains doivent revenir à ce qui les distingue, retrouver le nerf de la guerre. […]Pourquoi crois-tu que les lecteurs et les critiques se posent la question de l’autobiographie dans l’œuvre littéraire? Parce que c’est aujourd’hui sa seule raison d’être : rendre compte du réel, dire la vérité. […] L’écrivain doit questionner (1) sans relâche sa manière d’être au monde, son éducation, ses valeurs, il doit remettre sans cesse en question la façon dont il pratique la langue qui lui vient de ses parents […]. Tes livres ne doivent jamais cesser d’interroger tes souvenirs, tes croyances, tes méfiances, ta peur, ta relation à ceux qui t’entourent. C’est à cette seule condition qu’ils feront mouche, qu’ils trouveront un écho. »
Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie

Coup de poing. Coup au cœur. Coup de maître. Je suis abasourdie, estomaquée, hébétée, interloquée, médusée, sidérée. Nommez toutes les nuances de « complètement envahie » par la lecture de ce roman. 

Comme je suis en cours d’écriture, j’avais arrêté de suivre l’activité littéraire, je ne voulais pas être tentée. Ma curiosité fut plus forte. Ce livre m’intriguait, je me demandais pourquoi il était si bien accueilli. Et puis, en voyant qu’il remportait le prix Prix Renaudot et le Goncourt des lycéens 2015, contrairement à mes habitudes en ce qui concerne les prix dont je me méfie, j’ai succombé. J’ai été voir s’il était disponible sur Numilog. Il l’était. Signe que je devais en profiter. J’ai laissé l’écriture, le ménage, la promenade du jour et j’ai plongé. 

Faut-il dire que je ne suis plus polar ni thriller depuis des années. Ce que le roman n'est pas malgré l'impression d'enquête. Belle lurette que je recherche beaucoup plus l’émotion, l’intimité que les sensations fortes. Et pourtant dans ma façon de lire, on aurait dit que j’étais entraînée dans un tourbillon aussi frénétique qu’efficace. Il faut dire aussi qu’en lisant ce genre de phrase : « La relation à l’Autre ne m’intéresse qu’à partir d’un certain degré d’intimité » j’étais conquise. Je me sentais dans le bon livre. Je m’identifiais en partie à ce « je » qui parlait de L. alors je sentais, malgré les intrigues et les mystères, que ce serait plus le livre d’une relation, ce qui n’était pas pour me déplaire.

Espérons seulement que ma rencontre avec ce roman ne me hantera pas au point de m’empêcher de poursuivre l’écriture de mon histoire. Que mon immense admiration pour la réussite de ce tour de force ne me « fasse taire à jamais » ni même quelques semaines comme L. a rendu impuissante la narratrice du roman de Delphine de Vigan.

Espérons que la citation au début de ce billet (et il y aurait bien eu une dizaine d’autres paragraphes que j’aurais pu citer), qui m’a fait si forte impression, me propulse vers un meilleur livre et non pas un jugement dévalorisant sur mon écriture. Je ne vise même pas d’arriver à la cheville de l’auteure, mais au moins au meilleur de moi-même.

(1) L’écrivain doit questionner : ça m’a fait du bien de voir qu’un prix Renaudot pouvait contenir un calque : il aurait fallu lire « s’interroger sur ».

mardi 1 décembre 2015

Et si...



Écrire serait si triste si l'on ne déviait jamais de son plan.
Giorgio Agamben

La citation d’aujourd’hui correspond à ma semaine d’écriture : je tuerai un personnage (il se noiera dans une rivière ou un lac, à son choix) tout simplement parce que mon histoire ressemblait trop à la mienne. Et je ne veux pas. Parce que je ne veux pas que les têtes fortes collent trop à ma vie. Mes personnages réclament une vie plus mouvementée, plus dramatique, plus intéressante. Comme Léopold Deguire dans Les têtes bouclées, je m’amuse à me demander : « Et si… »