dimanche 28 janvier 2018

Dis, quand reviendras-tu?

Il ne m’est pas plus agréable de lire :
« Il n’a pas l’intention de raquer pour des clous. De toute façon, il n’a pas l’intention de raquer du tout […] soit il écrabouille les ratiches du gars »  
(traduction dans C’est le cœur qui lâche en dernier, Margaret Atwood)
que de lire :
« J’ai déjà fait éclater mon iPhone en le propulsant au bout de mes bras, de toutes mes forces. Kin toé. […] Le stress, l’angoisse et la honte m’ont envahie. Carte de crédit pleine. Carte de débit vide. Ostie., ostie, ostie. […] Can’t fight the moonlight » 
Les désordres amoureux, Marie Demers
Une Canadienne-anglaise quadragénaire traduite en France et une trentenaire Montréalaise. Le parler populaire dans les deux cas. Qui me rebute quand c'est dans l'écrit. Je me sens snob de ne pas me retrouver ni dans l'un ni dans l'autre. Me sens nulle à n'aimer que ce qui me ressemble.

Je suis oiseau distrait.
Je volète, je titube, je ne vais nulle part.

Ne me viennent à l’esprit que des phrases insipides. Qui ne veulent rien dire s’il n’y a pas de suite ou de contexte.
Après avoir relu des extraits de L’étreinte des vents d’Hélène Dorion « Un jour on rencontre un être qui nous dit je t’aime comme jamais encore on ne l’avait entendu », j’ai écrit cet incipit romanesque :

Je n’ai jamais dit je t’aime à ma mère. Ni à mon père. Encore moins à mon frère. Ça ne se disait pas, ça ne s’entendait pas, et personne s’en plaignait.
Savais-je même, sentais-je même que je les aimais? J’étais trop occupée de ma vie pour y penser.

Et à la fin de l’histoire, le personnage dirait : Depuis 50 ans, chaque jour, je lui dis je t’aime.

C’est l’hiver, saison du dedans, de l’intimité, ce qui, selon Joyce Carol Oates, est « un trésor pour un introverti ».
Après deux mois de voisinage dans le sud, de brise dans les palmes, de chants d’oiseaux, de bruits de moteurs, j’ai retrouvé le silence de ma campagne. Mais le vide aussi dans ma tête. Les photos sont classées, publiées, le récit a été maintes fois raconté.

Je n’ai plus rien à dire. Rien encore ne m’intéresse suffisamment pour entretenir une longue conversation ou écrire un long billet.
Je volète, je zigzague, je grappille.
Et je n’attends même pas la fonte printanière ni ne surveille le retour des hérons. Je suis juste là, les yeux dans le vague, les oreilles attentives à ce qui pourrait survenir.

dimanche 21 janvier 2018

Suis-je atteinte de tsundoku?

Deux semaines déjà que je suis revenue d’un séjour dans le sud et on dirait bien que je ne m’en remets pas. À quoi je le vois : mes rêves la nuit, mes pensées le jour.

Je suis parvenue à retrouver un rythme à peu près normal pour la plupart de mes activités.
Sauf pour la lecture.

Depuis mon retour, je n’ai pas attrapé de rhume, mais suis-je atteinte de tsundoku?
Un genre de bibliomanie. Accumuler des livres. Y toucher à peine. S’étourdir à feuilleter, à chercher le suivant. Distraite tout le temps. Trop dans ma vie pour m'intéresser à celle des autres?

Livres lus en décembre

En voyage, en décembre, une fois bien installée au « RV park », j’avais réussi à terminer six livres. Deux Musso qui, malgré mes préjugés tenaces, m’ont bien plu. Le dernier Ken Follet égal à lui-même, je n’ai passé que la partie de l’Espagne. Un premier Patrick Modiano pour moi, assez bien pour que j’en lise d’autres. Un Margaret Atwood dont je n’ai lu que la partie de Grace, trouvant que celle du docteur n’apportait rien à l’histoire et finalement un Tatiana de Rosnay parce que j’avais aimé la biographie qu’elle avait écrite sur Daphné du Maurier.







Mais depuis mon retour, rien. J’accumule, j’entasse, je télécharge, j’emprunte. Tout m’attire : les auteurs découverts récemment : Modiano, Claudie Gallay, les auteurs avec qui je renoue : Joyce Carol Oates, Margaret Atwood, les nouveautés, les parutions récentes. 

Rien n’y fait, je n’accroche pas. Je lis quelques pages, un chapitre, un extrait et je passe à autre chose. Quand je ne m’endors pas en bas de la page.
Livres commencés en janvier

Le lendemain, bien reposée, je me hasarde à aborder d’autres histoires que j’espère plus accrocheuses. Non. Même le long extrait du tome 4 de L’amie prodigieuse d’Elena Ferrante ne me convainc pas de me le procurer sur le champ, ce qu’en d’autres temps, rien qu’à voir le titre, j’aurais fait sans me poser de questions. Il faut dire que le prix élevé du livre me freine.

Quel titre ou auteur réussira à tranquilliser mon esprit, à me faire reprendre un rythme coutumier?

La pile s’allonge.
La convalescence s'étire.

En êtes-vous atteint-e?

mardi 16 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (10)

La remontée, du 2 au 6 janvier

Après un tableau comparatif des pourcentages de neige et des températures sur la 81, à partir d’Hagerstown, plus Ottawa et chez nous, on décide de partir le 2 janvier. Il n’y a que Syracuse qui est à 40 % de chance de «flurries». Il fera froid, mais la chaussée sera sèche, c’est l’important.

Et comme on annonce plus frais et nuageux aussi dans le sud, on a moins de peine de partir.
Échanges de courriels, embrassades, conseils de prudence et souhaits de bon hiver.
Rangement de pare-soleil, de tapis de sol, de vélo et quadriporteur.
La vidange d’huile a été faite, la pression des pneus a été réglée. Le gentil mexicain du garage du coin a même ajouté du lave-glace. Du lave-glace? Valide pour combien de degrés? +32 Farenheit, ça fait combien en Celsius? J’en achèterai du plus approprié en route, plus au nord.
Dernière vérification de l’itinéraire. Je connais par cœur celui de la 95-17-66-81-401-416-417 et 50, mais pour rejoindre la 95? 

Le mardi 2 janvier, mon GPS en fait encore à sa tête, je comprends trop tard qu’il me fait passer par Orlando… et Walt Disney. Pas une très bonne idée en ce temps de congé. Un monde fou d’autos remplies de petites familles.
En fin d'après-midi, nous parvenons tout de même à Brunswick.

Dans toutes mes vérifications, j’aurais dû regarder la température dès la Georgie. On annonce de la pluie verglaçante (j’ai appris à me méfier du mot « Frizzy ») et de la neige autour de Savannah. On décide de coucher deux soirs au Coastal RV de Brunswick (60,66 $ CAN). À moins 3 degrés C, la chaufferette fonctionne toute la nuit.
Le 3 janvier, la pluie verglaçante a gelé les serrures de mes coffres. Encore heureux, les rues de Brunswick sont mouillées, mais praticables, je trouve du De-ice au Flying J. Et j’entends les petits clics qui confirment que mes deux coffres sont bien fermés. Quand il ne pleut plus, nous en profitons pour hiverniser le VR. Achat également de lave-glace de -22 F, conversion -28 C, ça devrait aller. J’essaierai de vider le réservoir dès que possible.

Le 4 janvier, beau soleil, on part tôt, certaines de nous rendre au moins à Roanoke Rapids. Peu après Savannah, congestion. On n’avance pas, arrêt complet pendant deux heures. On écoute la radio : un grave accident impliquant un camion-remorque. La 95 est fermée. Pas bloquée, pas déviée, FERMÉE. Puis, on avance un peu, probablement des autos ou des camions qui sortent et deux autres arrêts complets d’une heure. Cinq heures en tout. Pourtant le ciel est bleu, la glace de la veille est fondue. Les enfants ont le temps de jouer dans la neige, les parents d’aller griller une cigarette et même le paquet au complet. On se compte chanceuses : nous avons la toilette, la bouffe, la chaleur.

Coucher à Manning (au sud de Florence) seulement. Hôtel parce que -7 degrés et je ne voulais plus ouvrir mon coffre pour sortir la rallonge électrique.
Le vendredi 5 janvier, debout à 6 heures, départ avant 7 heures, bien décidées à rattraper notre retard. Ce qui sera le cas. Même s’il y a de la neige dans les champs, les routes sont bien dégagées. Nous coucherons à Hagerstown. Petite crainte que la batterie ne parte pas à -14, achat d’un bloc d’alimentation, mais non, ma Van est forte.

Le 6 janvier, nous espérons arriver chez nous le soir, quitte à rouler à la noirceur, ce que je ne fais pas dans des villes inconnues. Au Flying J de New-Milford, au grand vent, je remarque que mon grand coffre s’ouvre, la serrure ne barre plus, le tiroir s’ouvre d’un côté, je m’arrête trois fois, rien à faire, le coffre s’ouvre toujours. Je décide d'utiliser du ruban adhésif noir Gorilla (acheté en mai dernier après notre « rencontre » avec un chevreuil) et une corde que j’attache à l’intérieur de ma portière. Ça tiendra le coup.

Je savais également que seul le 40 % de « flurries » à Syracuse aurait pu poser problème. Ce fut le cas. «Lake effect snow». Sorte de brouillard, chaussée mouillée, lave-glace requis. Et puis en pleine ville, plus de lave-glace. Zut, j’ai oublié d’ajouter celui que j’ai acheté. Impérativement arrêter. Je sors à la sortie suivante, bretelle très enneigée, petite côte, feu rouge, tournant, station-service. Je freine lentement, je stationne sur le côté du garage. Je sors en souliers dans trois pouces de neige. Il fait moins 17. J’emplis le réservoir. Il s’agit maintenant de revenir sur la 95. Re-tournant, re-feu rouge, re-petite côte, re-bretelle enneigée. Je serre le volant de mes deux mains gantées, j’appuie lentement mais sûrement sur l'accélérateur, mais ma copilote me dit quoi faire au millionième de seconde, comme si j’étais dans une côte de Charlevoix ou de Grande-Vallée. Et nous (la pilote, la copilote et la Van forte et fiable) avons repris la 95.

Dès après Syracuse, le ciel se dégage, la chaussée sera sèche jusque chez nous.

Cadeau : la douanière aux Mille-Îles parle en français.
Arrivée à la maison à la noirceur un peu après 19 heures.

Voilà comment nous aurons passé les Fêtes cette année.

Une fois le stress de la route passé, une fois le quotidien routinier retrouvé, je pourrai me remettre à la lecture et à l’écriture, mes deux autres passions un peu délaissées pendant ces deux mois.
Je retrouverai alors la neige avec plaisir.
Je l’aime quand elle est bleutée, quand les cristaux brillent au soleil.
J’aime quand, derrière les pins rouges et les branches chargées de neige, j’entends le clapotis du ruisseau caché au bout de ma terre.
J'apprécie la noirceur des nuits et le silence des jours.
Et les mots pour les dire. 

Pluie froide et verglaçante à Brunswick




lundi 15 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (9)

Les fêtes dans le sud

Déjà plus de jours et de semaines derrière nous que devant en cette terre floridienne.
Déjà bien plus de soleil que de pluie, déjà plus de cieux étoilés que de matins voilés.
Et pour la petite sauvageonne solitaire qui aime la noirceur et le silence, elle trouve dans ce RV park plus de bien-être que d’irritants.

Premier Noël loin des miens. Premier Noël sans mon frère. Je n’y avais jamais pensé. Depuis ma naissance, il n’y a pas eu un Noël sans lui. Devrais-je en être triste ou nostalgique? J’écrirais ça dans un roman et le personnage devrait ressentir quelque chose. Je ne ressens rien de particulier. Peut-être parce qu’ici, sur le gazon vert, sans tuque ni mitaines, la Nordique élevée dans les sapins et non les palmiers ne sent pas que c’est Noël, malgré la mini-parade, malgré les quelques décorations. Pas de neige, pas de froid pour me sentir en décembre. Seul le calendrier me le dit.

Les plus beaux jours de ma vie, mes plus belles émotions ne me viennent pas des Noëls passés, donc je ne m’accroche pas à tout prix à cette fête. Je ne me sens même pas obligée de la célébrer. Ma famille, je suis liée à elle, à jamais. Et puis, nous avons été élevés dans la liberté. Comme mon frère le dit souvent : liberté de choix, liberté de pensée, liberté d’action.

Bref, je ne regrette rien. Je suis bien là où je suis.
J’écris les mots Noël, Jour de l’an. En les écrivant, j’essaie de réveiller des images, des souvenirs.
Une fois dans le sud de la France, en famille.
Cette fois dans le sud des États, sans famille.
Je n’ai ni ennui, ni nostalgie, ni chagrin.
Sensible aux sons, aux bruits de foule, je n’ai entendu bien souvent que le chant de la paruline au petit matin.
Noël est beau
Parce que ce n’est pas Noël, c’est une belle journée
De cœur et d’amitié.
« Une île, à la fin d’une route, au bout d’un continent. Je suis venue ici pour écrire sur les liens, écrire sur les ruptures, comme si, faisant bouger les lettres, je trouvais dans l’île l’image même de ce que nous sommes, des êtres de liens. »
L’étreinte des vents, Hélène Dorion

J’ai vu les îles au bout de la route. J’ai vu Ave Maria, au bout d’un rang.
J’ai vécu au milieu des gens, de la lumière artificielle et des bruits de ville.
Mais j’ai surtout vécu en compagnie de nouveaux « êtres de liens ». Je suis devenue liée.

Des amis, rencontrés lors de rassemblements de caravaniers, viennent séjourner à l’emplacement 38 pour quinze jours. Randonnées en vélo, un 5 à 7 (ou plutôt des 4 à 6) presque chaque jour, une virée à Ave Maria et… le jour de Noël ensemble.

Au « club house » du RV park, lieu de tous les rassemblements, de toutes les activités hormis celle de la pétanque, il y aura souper -- au menu traditionnel-- le 24 décembre. Les billets à 17 $ US seront vendus, une semaine avant, à partir de 12 h 30. Avec nos amis du 38, nous nous mettons en ligne à 11h45 derrière une dizaine de personnes rassemblées depuis 9 heures le matin. Sachant fort bien que face aux habitués du système, nous avons très peu de chance d’avoir des billets, certaines sont désignées pour acheter plus d’une douzaine de billets. Mais oh! surprise, nous aurons les derniers… croit-on. Parce qu’une fois les tables complètes, il ne reste pas quatre places ensemble. À quoi bon si nous sommes tous séparés.

Plan B (j’ai toujours un plan B et même C, de nature inquiète, je passe mes nuits à inventer d’inutiles scénarios) prévu depuis l’arrivée de nos amis : le 25 même, nous nous offrirons une fondue. Mousseux, fondue à l’orignal et au caribou, vin rouge, salade de fruits, fromage et chocolat. Une bien belle journée à jaser de tout et de rien, à rire, à parler voyage et VR. À se conter nos plus beaux et nos pires cadeaux de Noël.
Et tout ça, en sandales et en shorts!

Ave Maria

Nos amis du 38 sur la piste cyclable du lac Okeechobee: Estelle et Réal
Nos amis du 38 nous amènent à Ave Maria.À une heure de route, à travers les orangeraies et les champs de canne à sucre, la ville mariale a ouvert son église et son université en 2007. Une curiosité pour les touristes de passage que nous sommes. On y trouve même quelques bistro sympathiques. La bière et la pizza sont délicieuses. Toujours quand on est en bonne compagnie.

Le jour de l’An

Au « club house », le souper du 31, la traditionnelle fondue des propriétaires, coûte 25 $ US. Comme on a déjà eu notre fondue, et comme il y a vraiment beaucoup de bruit lors de ces soirées, nous préférons rester « à la maison ». Nos voisins, ceux-là mêmes qui nous conseillent, nous renseignent, nous fournissent outils, nous offrent le transport, nous invitent à nous joindre à eux au restaurant.

Nous déclinons leur généreuse offre parce que nous avons la tête ailleurs.

La tête au départ 

Depuis une semaine qu’on surveille la météo du nord. Au départ, pour nos assurances et nos médicaments, la date limite du retour était fixée au 15 janvier. Réservation au RV park jusqu’au 3 janvier. D’autres « snow-birds » entrent le 6 sur notre emplacement. Nous avions pensé remonter tranquillement, passer par Wekiwa springs et Salt springs. Et peut-être un autre arrêt en Georgie.

Il fera froid, même au sud. Il neigera presque chaque jour au nord. Chaque matin, je prends une heure au « club house » pour me connecter au wi-fi (j’avais choisi de ne pas payer Comcast pour avoir le wi-fi à mon emplacement) et vérifier les sites de conditions routières des états de Pennsylvanie, New-York ainsi que la région d’Ottawa. Une plage de deux jours semble favorable à notre retour. Mais pour espérer arriver les 5 ou 6 janvier, il ne faudrait pas s’attarder en Floride.

En voyage, qu’il soit de deux mois ou de deux semaines, il y a des étapes.
Celle de la hâte du départ.
Celle de l’enthousiasme et l’émerveillement du début.
Celle du premier tiers, où on commence à voir quelques irritants.
Celle de l’habitude, de la routine confortable.
Celle où on voudrait rester encore un peu, encore longtemps, prolonger ce bien-être, ce plaisir, où on se promet de revenir l’année prochaine.
Celle, parfois (pas connue cette fois), où les irritants sont plus nombreux que les plaisirs et où on décide d’écouter le séjour.
Et puis celle où il faut se résigner, celle où on se voit déjà à la maison, où on pense à ce qui nous attend
Celle alors du départ parce qu’il est inutile de prolonger le rêve impossible.

Décision fut prise : départ le mardi matin 2 janvier.


Ave Maria

dimanche 14 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (8)

Les Keys, 10,11,12 décembre


J’allais voir un archipel d’îles sablonneuses très fréquentées, des cayes, les Keys.
J’allais voir le Bahia Honda de l’ami Guy qui l’aime tant qu’il réserve son emplacement un an à l’avance.
J’allais voir Key West en essayant de comprendre pourquoi et comment Michel Tremblay et Marie-Claire Blais (et Ernest Hemingway ou Alison Lurie et quelques autres) peuvent écrire dans un tel environnement de soleil et de mer.

Comme souvent avant ou pendant la visite d’un lieu, j’aurais voulu lire ou relire quelques passages de ces auteurs. J’ai presque tout lu Michel Tremblay, mais le lire, c’est trouver Montréal, c’est trouver les années 1960 et non pas les Keys, ni même la mer. Quant à Marie-Claire Blais (Chantal Guy du journal La Presse+ en parle encore dans l’édition du 13 janvier), il faut du souffle pour entrer dans son monde et aimer les personnages qui se promènent entre le boulevard Atlantique et la rue Duval.



Petites Cendres descendait vers la mer en courant, […] s’arrêtait parfois, s’appuyant sur les remparts de pierre qui bordaient les trottoirs, boulevard de l’Atlantique, s’essoufflant vite, il se disait qu’il lui faudrait toujours fuir la persécution, qu’il en était ainsi depuis le jour de sa naissance, mais fuir où et comment quand Yinn, comme s’il eût été Dieu, lui commandait de vivre, le transperçant de sa fulgurance, comme s’il eût été ce rayonnant soleil dispersant sa lumière sur l’océan vers lequel courait, courait Petites Cendres
                                                                     Aux Jardins des Acacias, Marie-Claire Blais 

Curieuse, j’allais voir tout simplement.Mais après avoir traversé Homestead, et toutes ses pépinières, au bout de la 997, une belle route double en construction, une fois sur l’archipel, sur la route 1, je n’ai vu que désolation. Pendant 160 kilomètres. Ça serre le coeur.
Bien avant de voir la mer, de voir les bâtiments colorés, les marinas, les bateaux de plaisance, j’ai vu les débris. De chaque côté de la longue route, des monticules de branches mortes, de souches encore pleines de terre, du bois, de l'aluminium.
L’ouragan Irma a frappé les Keys le 10 septembre. Trois mois plus tard, les traces sont encore très visibles. C’est dimanche, des centaines de bénévoles accompagnés des policiers travaillent à ramasser, à replanter, à aider. Devant les amas de branchages, des affiches : « défense d’en rajouter, amende de 2,000 $ ». Nous verrons aussi des terrains entiers où sont entassés matelas, électroménagers, planches, des restes de roulottes et de bateaux.

Avant de partir, j’avais fait mes devoirs : recherche de campings, recherche de stationnements, recherche d’attraits. Nous avions cherché un RV park pas trop cher, sachant qu’il serait difficile de coucher pour moins de 100 $ US (il ne faut jamais oublier les taxes et autres frais), j’avais bien cherché s’il y avait de la place dans les State park, mais je n’avais rien trouvé. Arrêt tout de même au Long Key State park, on ne sait jamais… on apprend que les campings des state park de l’archipel sont tous fermés pour deux ans. Sauf celui de John Pennekamp Coral Reef… qui évidemment est plein pour la fin de semaine.

J’avais repéré Jolly Roger à Marathon, à mi-chemin entre Key Largo et Key West. Presque vide, on n’a aucune difficulté à obtenir un emplacement avec vue sur la mer : 131,90 $CAN Très propre, à part les algues au bord du quai, rien n’y paraît. Le côté golfe du Mexique a visiblement été moins touché.

Les nombreux abris aux toits faits de palmes (Thatch Palms) qui semblent avoir mieux résisté aux grands vents et le resto sympathique près d’une marina ainsi que le coucher de soleil nous redonnent espoir de voir les vrais keys.

Key West


Le lendemain, en route vers Key West, bien décidé à faire abstraction des débris, on se concentre sur les couleurs. Le turquoise de la mer, les pastels des petits bâtiments à l’architecture à la fois mexicaine et louisianaise. Et le bleu du ciel qui nous accompagne encore pour notre plus grand plaisir.
Sur mon GPS, j’avais programmé le « Visitor Center » de Key West, je m’étais dit : on va stationner là et prendre le Trolley pour visiter la ville. Ou encore, se rendre là où stationnent les autobus de touristes. Quelle illusion! Quelle naïveté! Key West est fait pour les petites autos, les voiturettes de golf, les vélos et les piétons. Et ces centres d’information se fondent dans la masse des bâtiments colorés, on peut passer trois fois devant sans les voir. Quant à stationner notre VR de 25 pieds… on se retrouve en plein centre-ville au milieu de la foule bigarrée d’un dimanche d’été.
Plan B, j’avais lu aussi qu’on (on étant des petits VR, je dirais 25 pieds sur 6 pieds max) pouvait stationner au Fort Zachary Taylor. Heureusement, il est bien indiqué, on y parvient sans trop de difficulté. Pour 7,50 $ US, on peut visiter, pique-niquer, stationner, sortir dans la ville, et y revenir.

Au lieu du trolley, on choisit le vélo et le quadriporteur pour visiter la mythique Key West qu’Irma semble avoir épargnée.
Et nous voilà touristes dans la ville. Touristes, nous resterons avec nos yeux, nos oreilles et notre esprit. Il y a fête au village en permanence. Il y a musique, foule, couleurs. Il y a terrasses remplies, cafés originaux, boutiques envahies et galeries d’art presque désertes. Il y a guides qui expliquent l’architecture et l’histoire.
Et il y a les coqs panachés qui s’égosillent. Jadis élevés pour les combats, ils sont libres maintenant.
On termine par un pique-nique à la plage du Fort Zachary Taylor. Les deux pieds dans l’eau, à profiter du « rayonnant soleil dispersant sa lumière sur l’océan », je me demande bien comment Michel Tremblay et Marie-Claire Blais réussissent à écrire dans une telle ambiance de souk.
Il faut sans doute y vivre, pour y trouver son âme et sa voix.

Sortir de la ville fut aussi périlleux que d’y être entré : au coin des rues Southand et Whitehead : une camionnette au feu rouge et à notre droite, là où il faut tourner, une grosse camionnette Red Bull qui dépasse largement… et longuement l’emplacement de stationnement du coin. « On passe pas, arrête, avance pas, ça ne tourne pas. » Impossible de reculer et trop engagé pour continuer tout droit. Heureusement, les conducteurs sont patients, celui qui attend le feu vert grimpe son véhicule sur le trottoir, avance légèrement, descend sa fenêtre et indique à Louise d’avancer lentement pendant que je vérifie dans le rétroviseur si le derrière n’accroche pas le pitbull, non le Red bull. Ouf, on passe!

Au retour, nous couchons à Key Largo (RV Largo campground and marina : 103,73 $ CAN). Un très bel endroit pour qui possède un bateau. Situé côté Atlantique, donc camping vraiment plus touché par Irma. D’autant qu’il y a des maisons de parcs, des vérandas, des quais, des abris au toit de chaume. Les quelques saisonniers qui sont arrivés réparent, ramassent, rénovent.

Le lendemain, à notre arrivée à Okeechobee Landings, bel accueil des voisins. Les uns inquiets de ne pas nous avoir vus pendant trois jours. Les autres, avertis, curieux de nos impressions sur notre escapade.
Nous sommes déjà des habitués, de vrais « snow-birds » qui vivent en bon voisinage.
Bientôt Noël. Pour la première fois sans famille. Un essai, un test.
À suivre.









samedi 13 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (7)

Okeechobee Landings, Clewiston, Floride, 1er décembre au 2 janvier


Notre pied à terre pour le mois de décembre. Trente-trois jours au même endroit. Emplacement 91 du RV Park Okeechobee Landings: 620,11 $CAN

Pourquoi celui-là plutôt qu’un autre? Pour en avoir connu d’autres, des plus beaux, des plus grands, et aussi des plus chers, pour avoir déjà séjourné 43 jours dans ce RV park, pour connaitre nos besoins et nos moyens, pour savoir combien il est difficile de trouver un camping sans avoir réservé au printemps précédent, pour l'environnement rural, pour avoir reçu une réponse positive quelques jours après notre départ, nous avons choisi de revenir à Clewiston.

Le voyage se termine ici, le séjour commence. Un temps d’arrêt pour que dure l’enthousiasme, pour que les jambes se dégourdissent, pour que les nuits de sommeil s’allongent.
Ne plus avoir à chercher où coucher, où arrêter, quoi voir.
Je n’aime plus autant rouler qu’à vingt ans. Pas cinq heures ou plus. Me lever tôt, partir avant l’heure de pointe, conduire pour arriver avant la noirceur. Se rendre ailleurs. Recommencer le lendemain ou le surlendemain. De moins en moins.

Alors oui, s’installer. Apprivoiser son environnement. Établir une routine. Lente et nôtre.

La grandeur du terrain nous convient, notre VR est petit. Deux palmiers délimitent l’arrière. Des fleurs rouges s’accrochent aux arbustes. Un bougainvillier?
Côté services : électricité 30 ampères, égout, eau, le câble. Inutile de brancher le câble et le 20 ampères, ils ne fonctionnent pas nous dit notre voisin ontarien et francophone.
Côté auvent : deux rosiers, un fouillis de broussailles. L’autre voisin qui, comme tout bon caravanier, nous a regardé reculer notre VR à notre arrivée, nous offre pelle et gants si on veut désherber la petite plate-bande qui sépare nos deux terrains. En souvenir de son père qui avait si joliment aménagé son terrain en Floride dans les années ’80, et qui l’avait invitée à séjourner un mois, Louise décide de laisser sa marque, en Floride également, en plantant un croton.

Vivre dans un parc de VR, c’est accepter de vivre avec des voisins. Les voir, leur parler ne serait-ce que dire bonjour, s’entraider, partager, écouter, être généreux, être reconnaissant, et rire. Surtout rire, souvent.
Vivre au grand jour, à la lumière naturelle le jour et artificielle le soir.
Vivre avec les bruits ambiants : les camions sur la route 27, les trains qui charrient la canne à sucre. Parce que la région sud du lac Okeechobee, c’est « La US Sugar Corporation est une grande entreprise agricole privée basée à Clewiston, Floride. La société exploite plus de 760 km2 de terres dans les comtés de Hendry, Glades et Palm Beach. » C’est donc voir parfois, même à Noël, des nuages gris formés par le brûlage de la canne à sucre. Une odeur occasionnelle à laquelle on s’habitue… ou pas.

S’installer dans un parc de VR, ne serait-ce que pour un mois, c’est prendre son temps. Oublier le GPS et Google maps. Oublier les nouvelles de 18 heures. Se réveiller avec le chant des oiseaux, attendre que la brume se lève et se pâmer devant le ciel (encore) bleu. Et même s'il y a des nuages, il pleut rarement. Vivre comme en été : dehors. Marcher en sandales ou pieds nus, se baigner, autant qu’on veut, pédaler. Comme nous n’avons pas d’auto, nous pédalons pour aller faire des achats. Quitte à ce que ça prenne deux heures. On n’a que ça à faire. Plaisir du jour. On longe les canaux, on cherche les tortues, on reconnait facilement les ibis, on a la chance d'apercevoir un iguane. On traverse les parcs, on s’arrête au Tiki-bar de la marina, on surveille les bateaux.

En profiter pour aller acheter un nouveau pneu et une chambre à air et changer le pneu arrière de son vélo à assistance électrique, ce qui n’est pas une mince affaire. Et être fière d’y parvenir sans l’aide de personne. Dommage, cette année la partie ouest de la piste cyclable sur la digue qui couronne le lac Okeechobee est en rénovation. Reste la partie est, un bon 20 kilomètres aller-retour. Jouer à la pétanque, si on veut. Assister au « Happy Hour » mensuel.

Pouvoir fermer les yeux en plein cœur de l’après-midi.
Pouvoir terminer le Ken Follett commencé avant mon départ. Hésiter entre le Journal de Joyce Carol Oates et Captive de Margaret Atwood. Finalement, lire les deux de front.

Et puis, après dix jours, décider d’aller voir les Keys.




vendredi 12 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (6)

Oscar Scherer State Park, 29-30 novembre


« Un jour je m’aperçus
Que je ne saurais pas être
Au milieu de plusieurs »
Les adieux, René Lapierre


Nous avions pensé passer par Tarpon springs. Pour voir les éponges. Déjà en 2009, nous aurions pu si nous avions séjourné au Ja-Mar, tel que prévu. Mais voilà, conduire notre 26 pieds sur les routes doubles, sillonner dans les rues qui paraissent si étroites, affronter le trafic des villes qui défilent les uns après les autres… huit ans plus tard, même hésitation. J’ai du mal à « être au milieu de plusieurs ».
Bref, plus à l'aise sur les autoroutes, je contournerai Tampa pour me rendre à notre prochaine destination : Oscar Scherer state park.

Depuis 1995, je suis membre de la FQCC, depuis 1995 que j’entends parler de ce state park. En bien. Hâte de voir, hâte d’y vivre deux jours. Je n’ai pas pu obtenir plus, fin de semaine toute réservée. Deux nuitées pour 84,91 $CAN (toujours 8,70 $ frais de réservation)
Avant, petit arrêt dans un McDo pour le wi-fi. Communication avec Pierrôt-Sylvie qui sont au Royal Coachman à Nokomis. Nous comptons nous rencontrer le lendemain, 30 novembre.

Après le Rainbow Springs tout rénové, tout beau, tout propret, l’Oscar Scherer paraît vétuste, négligé. Propre quand même, des emplacements très intimes, végétation abondante, mais pas très luxuriante. Quelques racines presque dangereuses dans mon emplacement. Des no-seum au coucher de soleil, mais après avoir connu Cedar Key, c’est rien! Mais wi-fi au Centre de la nature et oh! bonheur, la piste multifonctionnelle Legacy trail est accessible directement du camping.

Une piste pour les sportifs qui visent l’exercice, le cardio. À peine pour les amants de la nature qui cherchent le papillon, l’oiseau, la fleur.
Tout de même douceur de vivre.
Être dehors, encore.
Libérer le trop. Calmer le tumulte.
Être devant un palmier à la fin novembre, c’est comme tricher avec les saisons. Leur faire un pied de nez.
Être en sandales dehors à la fin novembre, c’est comme jouer avec le temps. Gagner du temps. Le défier et gagner.

Le jeudi, nous avions rendez-vous avec Pierrôt-Sylvie, mais pas de téléphone, pas de wi-fi pour confirmer. Mais on peut compter sur Pierrôt pour nous trouver. Pour nous tomber dessus. Pour tomber tout court. Une chaîne qu’il n’a pas vue, tout attentif à se demander si les deux dames qui étaient dans le (bon) sentier… oui, c’était nous. Oui, c’était lui.
(lire la version longue>>>)
Nous passerons le reste de la journée avec eux : Sylvie Pierrôt et la chienne venue de Kuujjuaq,
Luna.
Visite du Resort Royal Coachmen, visite de la plage des chiens à Venice, coucher de soleil sur le golfe du Mexique, promenade dans les rues décorées pour les fêtes, et souper (délicieuse salade pour quatre, excellente pizza pour dix, ces Américains, ils ne savent pas faire petit!) chez… Luna. Eh! oui, même nom.

Finalement, un jour je m’aperçus que je suis capable d’être au milieu de plusieurs, s’il n’y a pas de tension, s’il n’y a pas de conflit. Si soleil dans les cœurs, si joie dans les yeux, si conversation intéressante pour chacun.
Ce fut le cas.

Notre emplacement au Oscar Scherer.
On a cherché les fleurs et les papillons, on a trouvé la plage, la mer et le soleil.

jeudi 11 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (5)

Rainbow Springs, 27-28 novembre

Heureusement Pierrôt-Sylvie m’avait averti : le camping n’est pas au même endroit que le parc. Le GPS indique l’entrée du parc, mais il faut encore parcourir sept milles pour trouver le camping.

Enfin un State park digne de ce nom : de l’espace, de l’intimité, du neuf, du rénové, pas de vieux bois pourri, pas de vieilles roulottes délabrées, peu ou pas de moustiques. Pas de wi-fi, pas de câble… et alors! Pas besoin, un couple de cardinaux nous accueille. Par contre, les prix commencent à ressembler au tarif des campings privés : 95,84 $ pour deux nuitées (dont 8,40 $ pour avoir réservé par Internet, mais comment faire autrement, je n’aime pas beaucoup rouler des kilomètres pour me buter à un camping qui affiche complet et devoir, à 16-17 heures, en chercher un autre)

Je voyage. Voir ailleurs, voir autrement.
En lisant aussi, je voyage. Mais comment me concentrer sur la lecture de La Captive de Margaret Atwood alors que je n’ai en tête que les ibis, les pélicans aperçus dans la journée. Comment être ailleurs quand tout est nouveau dans l’ici où je m’installe pour un jour ou deux? Comment m’intéresser aux « rendez-vous d’amour secrets aux pauvres bonheurs perdus » (Dora Bruder de Patrick Modiano) de personnages réels ou de fiction quand, sous les yeux, dans mes oreilles et sur ma peau, émergent de riches bonheurs retrouvés et des rendez-vous d’amour avec le soleil chaud et l’oiseau bavard? Comment écouter la voix intime du moi lectrice alors que le moi voyageur n’a de repos qu’une fois la tête posée sur l’oreiller et qu’il s’assoupit, le crayon à la main?

Je lève les yeux : des feuillus comme si j’étais chez moi, sur ma galerie arrière. Souhait réalisé : être là dans cet instant parfait où je ne vois que le vert des feuilles, le bleu du ciel. Être dans l’instant présent. Dommage qu’il faille pour ces instants divins rouler plus de 1500 kilomètres, affronter conducteurs parfois fous et traverser villes bruyantes et campagnes isolées, mais je ne regrette rien.

Je peux le faire, encore une fois. Je l’ai fait. J’y suis.


Des deux côtés de la rivière Rainbow

Il suffirait d’une passerelle pour visiter le parc lui-même, mais voilà, il faut reprendre le véhicule et revenir à l’entrée du parc.

Les sentiers asphaltés peuvent accueillir les personnes à mobilité réduite, Louise peut donc s’y promener en quadriporteur que les rangers appellent un scooter. Toutes nos félicitations aux responsables de l’aménagement et au premier propriétaire de ce grand parc, ils ont réussi d’excellents travaux paysagers. Même artificiellement créées, les chutes sont jolies et joyeuses, la « piscine » a été formée au bout de la rivière, grande et invitante. Pas de plage, quelques marches pour y descendre.

Comme Rachel Leclerc dans son poème L’ourse,
je m’avance jusqu’à la rivière.
Je m’assieds sur le banc et j’attends.
L’autre côté de la rivière, souvent plus beau. Curieuse du plus loin.
« De l’autre côté de mon regard » une maison, un terrain, une femme assisse, elle aussi. À rêvasser, comme moi, peut-être.
Une fin d’après-midi tranquille, des mots d’amour qui viennent
Pour l’eau, le ciel, les odeurs, le silence. « À côté de la beauté remuante ».
En voyage le silence et la noirceur se font rares.

Je les compte, je les conte.

Rainbow Springs state park, côté camping

Rainbow Springs state park, côté parc

mercredi 10 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (4)

Cedar Key du jeudi 23 novembre au lundi matin 27 novembre

Cliquez sur la carte pour l'agrandir.
L'heure n'est qu'un indicatif, mais le millage est généralement bon.
Pas de place au Manatee springs state park. Plan B : C’est l’ami Pierrôt qui en a déjà parlé sur son blogue (n’hésitez pas à le lire, il a un humour à vous décrocher un large sourire >>>) : un petit camping près de Cedar Key. Une belle surprise. Un avant-goût, en miniature, en plus rustique des Keys que nous avons l’intention d’aller visiter pendant notre séjour.

Appréhension de congestion sur les routes parce que le jeudi 23 novembre, c’était la Thanksgiving et, comme toujours, les États-Uniens ont l’art de la démesure.
Appréhension pour la pluie : on en annonce beaucoup et toute la journée.
Appréhension une fois sur la route 24 qui semble interminable, sans village, sans station-service, sans maisons.
Appréhension pour le camping que je ne connaissais pas et qui ne payait pas de mine sur le site Internet. Et si j’arrive après 16 heures… et si tout est fermé parce que c’est la Thanksgiving

Et si…
Finalement pas d'arrêt au "Visitor Center" pour le traditionnel jus d'orange: c'est jour férié, tout est fermé.
Finalement, on a contourné Jacksonville sous la pluie battante : aucun problème.
Finalement, on a traversé Gainesville en plein centre-ville : pas un chat. C’est une ville universitaire, tout le monde est en congé.
Finalement, on arrive au camping Angler’s Rv campground, la pluie est terminée. Paul n’est pas là, mais Jim et Robin nous ont accueillis comme de vieux amis et nous ont dit de nous installer à l’emplacement 21. Le lendemain, il sera bien temps de régler nos comptes : 181,94 $ pour quatre nuitées. C’eut été moitié prix si j’avais été membre de Passport America. J’aurais même pu le devenir sur place, mais je n’ai pas réagi assez vite. Tout de même moins cher que le camping situé directement à Cedar Key : 62 $ la nuit.


D’abord Manatee springs

À trente minutes du camping, par des petites routes pas très larges et sans réel accotement, le Manatee springs state park. On y a vu trois chevreuils, trois lamantins, un pic, un ibis, un cormoran et des tonnes d’urubus. Aussi, des enfants en vacances, des rangers loquaces qui nous présentent longuement la flore et courtement l’histoire du parc. On a pu jaser avec une Seminole et son conjoint un Mowhak de Malone dont les grands-parents portaient les patronymes de Boyer et de Dupuis.
À noter que ce sont des sources, ce qui ne signifie pas du tout qu’elles soient chaudes, donc quelques braves enfants s’y baignent, mais les adultes préfèrent pagayer sur la rivière.

Dire « Hi » à tout le monde. Comme tout le monde.
Être impressionnée par la quantité phénoménale des cannettes de boisson gazeuse.
Remarquer que le recyclage commence enfin à être encouragé.
Marcher, se laisser aller, chercher l’aigrette blanche.
Essayer d’améliorer son écoute de la langue de Shakespeare. Se décourager de ne guère s’améliorer d’une année à l’autre.
Avoir hâte de lire. Avoir hâte d’écrire. Rouler.
Écouter Jim chanter autour d’un feu en s'accompagnant à la guitare.
Commencer à se gratter parce que les moustiques invisibles, les no-seums, sont légion au camping. Ce qui signifie tout de même que le temps des manches longues et des pantalons est peut-être terminé pour nous.


Puis Cedar Key

C’est dimanche. C’est foule au village et à la marina.
Les restaurants, les cafés, les terrasses (si on peut appeler terrasse quelques tables de pique-nique peintes en roses installées au bord d’une marina) ne désemplissent pas. Encore beaucoup de friture, mais mon wrap aux crevettes (8,99 $ US) était un délice.
Des bâtiments colorés, des rues qu’on peut parcourir en voiturette électrique. Une atmosphère délicieusement surannée, un avant-goût des Keys, j’en suis certaine.
Même au parc, difficile à trouver parmi les rues sinueuses, peu d’oiseaux, un pêcheur qui lance son filet.
Plaisir d'une autre belle journée: à travers les arbres, le ciel rosé du soir.


Puis dimanche, repos. 

Lire un peu. Enfin.
Douze jours que nous sommes parties et toujours cette impression de jouer à cache-cache avec la saison. Comme si on avait fait une fugue de l’hiver, de la neige et du froid.

Patrick Modiano, dans son roman Dora Bruder, écrit au sujet de la fugue :
 « vous éprouvez quand même un bref sentiment d’éternité Vous n’avez pas seulement tranché les liens avec le monde, mais aussi avec le temps. […] Et il arrive qu’à la fin d’une matinée, le ciel soit d’un bleu léger et que rien ne pèse plus sur vous. »
Je suis une fugueuse, à la recherche des 20 degrés qui ne durent pas assez longtemps chez nous.

Site Internet du camping, petite vidéo sur Cedar key >>>

Cedar Key

Le bureau d'accueil au Angler's RV Park et Cedar Key

Manatee springs, les lamantins et un Mohawk, conjoint d'une Seminole

mardi 9 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (3)

Du lundi 20 novembre au mercredi 22 novembre, Jekyll Island, Georgie

Déjà une bonne dizaine de fois que nous nous promenons le long de la 17. Entre mer et histoire, entre art et ornithologie, alors, même s’il y aura toujours à voir et à découvrir, cette année notre objectif, ce sont quelques « springs » en Floride et un mois de chaleur à Clewiston. Point besoin de nous attarder à Savannah ou Charleston ou Beaufort que nous avons déjà visités.

Tout de même, comme un pèlerinage, nous comptons nous arrêter à Jekyll Island. Fortes de nos expériences passées, nous appelons. Pas de place. Nous insistons, ne demandons qu'une nuit et électricité seulement.

De Myrtle beach à Jekyll Island, un choix s’impose pour la route. Petite recherche sur Google maps, parce que notre GPS n’en fait généralement qu’à sa tête: il est capable de changer de direction malgré mes commandes. Et comme on tente souvent de minimiser nos arrêts, on cherche à combiner l’arrêt diner avec des commissions à faire. Donc je repère un Walmart à Walterboro, situé sur la 95, il suffit de suivre la 17. Très bien. Sauf que c’est plutôt la 17 ALT! J’aurais dû en choisir un en Georgie. Pas vraiment un détour, mais trois heures de « zigonnages » dans la belle campagne. Avantage : on roule moins vite et il y a moins de véhicules que sur une autoroute.

Plaisir de couleurs différentes.
Nous avançons, nous descendons vers la chaleur.
Nous rencontrons le temps et la patience.
Nous tenons nos peurs par la main comme l'adulte rassure l'enfant.
Et libérons nos rêves.

Le soleil n’est pas encore couché quand nous arrivons dans la grande allée d’avant l’île, à 16 h 50.  Le bureau d'accueil est fermé mais l'hôte a notre nom. Finalement, nous pourrons rester trois nuitées, à 56,42$CAN la nuitée.
Si le camping est toujours aussi désuet, malgré l’aménagement d’une grande salle communautaire, il garde son charme rustique. Ce que nous aimons sur cette île, c’est la piste cyclable, le quartier historique et oh! belle surprise, enfin construit, le petit quadrilatère de Beach village qui regroupe restaurants et boutiques.

Malgré les décorations de Noël, on ne sent pas à un mois des fêtes.
Pas quand on voit des palmiers. Pas quand on est en short et sandales.
Pas quand on a une casquette et non une tuque.
Pas quand on a troqué la pomme contre l’orange.
Pas quand on voit le bleu et non le blanc.
Noël, c'est au nord, c'est bien connu.

Quelques gouttes de pluie, on en profite pour planifier les prochaines semaines. Thanksgiving bientôt, décembre ensuite. Entre rêve et réalité, entre le camping en tente dans les années 1980, et celles de caravaning du 21e siècle, il y a les réservations, il y a les ventes explosives de véhicules récréatifs, il y a les besoins qui évoluent. Nous avons connu le rustique, la nature, le silence, la noirceur. Le « boondocking », coucher derrière une église, au bout d’une route, face à la mer. Nous avons pratiqué le vélo de montagne, l’escalade, le canot.

Nos genoux ont vieilli, nos os ont froid, notre vessie nous réveille la nuit. Ils réclament le confort et l’électricité. Mais refusent les contraintes d’un horaire fixe régi par les réservations.

Nous avions pensé Manatee springs et Rainbow springs à l’aller et Wekewa spings et Salt springs au retour. Entre les deux un mois (demeurer un mois à un seul camping coûte parfois moins cher que trois semaines et résout le problème d’avoir à chercher, espérer, téléphoner, écrire, être déçu, être frustré) à Clewiston où nous avons déjà séjourné un mois en 2014.

Tout le monde, les Américains les premiers, nous disent de nous méfier de l’achalandage les fins de semaine et pendant les jours fériés. Dont la Thanksgiving. Je cherche. J’oublie les state parks réservés des mois à l’avance et je trouve un petit camping privé à Cedar Key. Un certain Paul m’assure qu’il y a « plenty place ». Je confirme que j’arriverai le jeudi 23 et y demeurerai jusqu’au lundi matin. Problème de fête et fin de semaine résolu.

Je peux alors jouir de Jekyll Island. Du refuge d’oiseaux qui accueille en abondance des cardinaux. Et faire le tour de l’île à vélo, apercevoir des chevreuils près du terrain de golf, espérer des pélicans à la marina, admirer les décorations des Fêtes, visiter la galerie d’art des artistes locaux.

Faire plaisir à mon huitième de sang irlandais en allant prendre une bière (non, pas une Guiness, je n’ai plus l’audace de mes vingt ans) et un « fish and chips » au pub du Beach village.
Les arches d'arbres couverts de mousse espagnole, maison du quartier historique
et un cardinal, oiseau choyé au camping de Jekyll Island.
Un pub, une terrasse au Beach Village et la piste cyclable de Jekyll Island.

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (2)

Le jeudi 16 novembre, le soleil nous accompagne sur les routes 81, 66, 17, 95.
Coucher au Walmart de Roanoke Rapids, près de la I-95.
Le lendemain sortie au FlyingJ de Latta-Dillion 38-501-544.
J’ai tant aimé les cafés des Flying J-Pilot. Moins maintenant, je les trouve trop gras. Et le lait 2%, ils ne connaissent pas. Et les petits formats, ils ne connaissent pas.

Arrivée au Pirateland de Myrtle Beach.  140,77$CAN pour trois nuitées.
140$ pour trois nuitées. Entre 17 et 20 degrés C. Je passerai bien mon hiver à cette température. Marcher sur la plage, quand le sable est durci par les marées. Admirer les levers de soleil, rosacés. Être dehors du matin au soir. Lancer mes peines aux vagues moins courroucées que moi. Attendre que la joie revienne avec le reflux. Elle revient toujours.



Ils sont là.
Comme chaque fois.
Peu importe le mois.
Moins nombreux qu’au Huntington state park, mais tout de même.
Ils se sont approchés, apprivoisés, croyant sans doute que j’allais leur jeter quelque nourriture. Comme un pêcheur au lever de soleil.
J’ai interprété leur verve comme un salut.
Un « bonjour te revoilà ».
Je les ai vus picorer, les ai entendus se chamailler.
Mon cœur a bondi de contentement, comme s’il retrouvait de vieux copains.
Les voir, les entendre. Encore. Dix fois,vingt fois que j'y viens.
Pour me croire en été.
Ils sont là au bord de la vague, au bord de la chaleur.
Les ibis, les chevaliers, les aigrettes, les canards, les mouettes, les outardes.

lundi 8 janvier 2018

La fois où j’ai passé les Fêtes dans le sud (1)

Chacun a sa façon de raconter ses voyages. Au lieu d’écrire un billet par jour pendant le voyage, comme plusieurs blogueurs le font — et dont j’admire la persévérance —, ou, à mon retour seulement, faire un compte-rendu sur mon site (lien>>>), je choisis plutôt de publier photos et textes ici, sur ce blogue, sous le titre La fois où j’ai passé les Fêtes dans le sud. Ce qui me laisse la liberté d’intercaler d’autres textes sur d’autres sujets.

Alors voici.
Départ le mercredi 15 novembre. Destination : la Floride. Passer le temps des Fêtes dans le sud. Mais surtout revivre un peu de chaleur, ce qui nous a manqué cette année.
Les douanes se sont passées facilement, c’est-à-dire pas vraiment d’attente, trois autos devant nous.
Après que la douanière eut répété trois fois un mot que j’ai compris comme étant « clothes », après que j’ai ouvert la portière pour rapprocher ma bonne oreille, après qu’elle m’enjoignit de la fermer (la portière, pas moi!), elle perdit patience et s’est enfin décidée à me demander « what is your name ». Je compris immédiatement qu’elle avait prononcé Claude et non clothes. Elle n’insista plus, ne nous a même pas demandé quelle nourriture nous apportions. Have a good day et bye bye.

Un petit vingt minutes pour diner, un petit quinze pour prendre de l’essence au Flying J de New Milford à 2,69 $ US
Nous couchons dans un camping pour avoir l’électricité et faire fonctionner notre petite chaufferette. Je n’aime pas chauffer au propane pendant que je dors. Donc le Koa Jonestone, Lickdale, 40 $ US



Pour ce voyage, je voudrais dire ces feuilles ocrées qui s’accrochent aux arbres.
Dire la rivière dans la brume un matin.
Je choisis le sud et le vert. Encore un peu. Je ne me sens pas prête — l’est-on jamais? — pour le blanc, le froid, le poids de la neige.
Malgré ma norditude assumée, mon corps souffrant cherche le bleu du ciel et le jaune du soleil
Chaud mais pas trop.
Le soir, écouter le silence après le bruyant roulement des autos, des camions.
Fermer les yeux qui chauffent et picotent d’avoir fixé la route. Voir le silence des images.

Chaque jour, les apprécier, les aimer, les choisir : le corps, le chaud et l’eau. Le doux de la vie.

dimanche 7 janvier 2018

Au temps où il faisait plus 25!

Okeechobee Landings
Sept semaines plus tard, de retour de la Floride.
Plus de 500 photos à trier, traiter.
Plus de soixante pages de notes manuscrites à ordonner.
Cette fois, je voudrais plus qu’un compte-rendu, plus que des légendes de photos ou des bulletins météo, des chiffres de kilomètres avalés ou des anecdotes de voyage. Plus que des billets de blogue, mais aussi. Plus qu’un journal de voyage.
Un carnet peut-être. Des impressions, des pensées. Ce que j’ai vu, mais aussi ce que j’ai vécu.
Plus littéraire, si possible.
Alors encore un peu de temps, après que le corps ait compris qu’il fait moins 25 et non plus 25, après que la maison ait retrouvé son apparence normale, je reviendrai peu à peu, à mon rythme, dans le monde de l’écriture, de la lecture et de l’Internet.

À bientôt donc.