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dimanche 26 août 2018

Le dernier chalet d'Yvon Rivard


Qu’importe qu’Alexandre, écrivain dans la soixantaine avancée, soit l’alter ego d’Yvon Rivard, qu’importe que cet Alexandre ait déjà été le personnage, à des âges différents, de livres précédents : Le siècle de Jeanne (2005), Le milieu du jour (1995), Les silences du corbeau (1986), qu’importe que ce soit un roman ou un carnet, ou de l’autofiction, je l’ai écouté tout au long des 200 pages dans Le dernier chalet. Délicieusement. Avidement. Intellectuellement.

Je vivais avec lui, dans la nature, près d’un renard, les yeux rivés de l’autre côté du fleuve, là où Gabrielle Roy écrivait, marchait, vivait ses derniers jours. Je l’ai écouté me parler de son voisin, le fermier Gilbert, de son père, bûcheron, de sa Marguerite qui écrit le matin qui marche avec lui l’après-midi, de ses ex, Clara et de Françoise, de ses petits-enfants qui lui rappellent sa jeunesse. Il est intellectuel, Alexandre, il passe ses journées à réfléchir, mais il coupe aussi du bois, il entretient un potager, il nourrit les oiseaux, il répare le chalet.

Il m’a fait voir Champlain sous un jour nouveau. Comme s’il revenait, pagaie à la main, au 21e siècle, nous dire de prendre soin de notre pays.

Il lit beaucoup, Alexandre. J’ai bien aimé que les citations de Gabrielle Roy, Virginia Woolf, Friederich Holderlin, Rainer Malker Rilke, Rimbaud soient intégrés au récit, sans notes en bas de page comme si c’était un travail universitaire.

J’ai revu les chalets de mon enfance, les baignades, les jeux, les vacances, mes grands-parents qui venaient nous voir. Doux souvenirs.

Ses longues phrases m’ont entraînée dans les méandres de mon esprit. Je me suis vue à 19 ans, quand j’aimais follement la philosophie, que j’engloutissais L’être et le néant comme si, enfin, le monde, le sens de la vie et de la mort allaient m’être révélés. Yvon Rivard le fait de manière beaucoup plus concrète, moins théorique.

Bien sûr je me suis identifiée à l’écrivain, mais autant à l’homme qui aime la nature, le fleuve, la retraite, et qui n’a pas peur de la solitude. En lisant qui il est, je comprends mieux qui je suis, qui ma mère a été, une solitaire dans l’âme. Ce qui m’a permis, à mon tour, de mieux circonscrire mes personnages de roman, de les déculpabiliser de ne pas être des porte-drapeaux de cause sociale.
« Le monde serait moins stagnant si tous les retraités étaient conscients que leur oisiveté n’est pas inutile, que leur solitude n’est pas une malédiction, que l’une et l’autre sont une chance d’être plus grands que leurs destins. »

« Le secret des solitaires à qui rien ne manque c’est de ne rien désirer d’autre que la vie et de s’isoler pour ne pas étioler ce désir. »
Pour ce qui est de la mort qu’il regarde en face, comme un coucher de soleil, disons que je n’ai pas entrouvert la porte aussi grande. Pas comme lui. Ce n’est pas elle que je voie dans le fleuve, ni dans mon âge qui avance, bien sûr, trop rapidement.

Dans Le dernier chalet, comme dans la plupart des livres, c’est soi-même qu’on cherche à comprendre, à accompagner. C’est aussi l’autre qu’on cherche à comprendre, à aimer. Yvon Rivard, dans Le dernier chalet, a réussi à me faire aimer cette vie de nos soixantaines avancées.

Et qu’importe si on n’écrit plus ou qu’on ne fait que lire au bord du fleuve.
Délicieusement. Avidement. Intellectuellement.
On a le droit.


mardi 19 septembre 2017

Ce fut le fleuve et le vent

Images de Rivière-du-loup et de Montmagny
Ce fut le fleuve qui a décidé. Les vagues et le vent, le ciel et l’humidité.

Une petite semaine parce qu’on annonçait beau et chaud.
Pour vivre encore un peu l’été.

Je voulais me rendre à Sainte-Flavie, je me suis arrêtée à Rivière-du-Loup et je suis revenue passer quelques jours à Montmagny.

Les rives du fleuve, ma deuxième maison, mon attrait, mon attirance, ma soif et mon breuvage.

Surtout quand il fait doux, même si, comme chez moi, le vent est omniprésent et nous joue parfois des tours.

Ce fut le camping, le caravaning. J’aime bien, pendant quelques jours, vivre entourée de véhicules récréatifs. Je les regarde arriver et partir. En visiter, comparer, en jaser avec les propriétaires. Et vivre dehors ou à l’intérieur, dans ce petit 150 pieds carrés.

Ce fut le grand air, l’observation des sarcelles, des hérons et des goélands. Ce fut la marche dans les campings, le vélo dans les pistes cyclables ou sur les sentiers au bord du fleuve. S’assoir sur les bancs publics, regarder les traversiers pour Saint-Siméon ou l’île aux grues. Espérer apercevoir quelques bateaux, toutes voiles levées. Longer les rues tranquilles, examiner l’architecture des maisons et des édifices, les plus vieux du siècle dernier de briques et de pierres aux nombreuses arêtes de toitures comparativement aux lignes épurées et aux couleurs limitées (fenêtres noires, revêtements beige-brun) des boîtes géométriques d'aujourd'hui. Rêver du jour où je ne pourrai plus entretenir mon terrain, ma maison. Où irai-je? Imaginer plus petit, un village de mini-maisons. Un grand camping, un Resort. Pas tout de suite, mais un jour. À défaut du fleuve pour ne pas me déraciner de ma Petite-Nation, au bord d’une rivière, peut-être?

Ce fut le partage d’une bière les après-midis chaudes ou un café les matins de vent du nord. La visite à une poissonnerie, l’approvisionnement en poisson frais pour quelques mois. L'achat de produits locaux: petites prunes délicieuses au goût de fin d'été, et épis de maïs qui nous rappellent des épluchettes au lac Simon.

Ce fut la lecture: Bercer le loup de Rachel Leclerc. Une histoire qui se passe entre le Forillon d’avant l’expropriation et le Carleton sur mer parce qu’il faut au moins rester au bord de la mer. Ce ne fut pas tant l’histoire que le style qui m’a plu. Ce ne fut pas tant de lire ce roman au bord du fleuve qui m’a ravie, c’est de m’être délectée du style de l’auteure.

Sanctuaire d'oiseaux aquatiques (des sarcelles ce jour-là), à Montmagny
Sanctuaire d'oiseaux aquatiques (des sarcelles ce jour-là), à Montmagny
Rachel Leclerc. Un nom qui ne me disait rien il y a un an encore. Une écrivaine qui n’obtient pas la visibilité médiatique des trentenaires universitaires, mais que je suis heureuse d’avoir trouvée comme un trésor d’autant plus précieux qu’il n’est pas dans toutes les vitrines, ce qui pour moi, parfois, n’est pas un indice de qualité. Je n’aime pas qu’on me force la main en écrivant « best-seller » sur un livre.

La première fois que j’ai vu ce nom, c’était dans Le Devoir. Dans un article signé Danielle Laurin, une phrase m’avait frappée : « Je suis beaucoup plus littéraire qu’historienne. » Des propos de Rachel Leclerc. Je ne sais pas pour les autres ouvrages, j’irai voir, c’est certain, mais pour Bercer le loup, le style littéraire m’a enchantée. Magnifique.
« Et que je t’enlace, que je te berce d’un bout à l’autre du lit, que je te flagelle avec mes bras devenus branches mortes, que je te bande comme un arc et te possède, t’arrache les cris que je retiens moi-même pour ne pas empirer la douceur et pour que tu me croies robuste. Que ton vent me soulève, que ta vague me plie en quatre. »
Et quelle structure! Les allers-retours entre 1970, année de l’expropriation, et la fin des années '90 nous montrent trois générations, nous révèlent des personnages forts, brisés, humains. Certains crient vengeance, d’autres portent leur colère jusqu’à la mort. Rien de linéaire et pourtant tout est clair, tout est dit. Coup de chapeau, tour de force, admiration jalouse, madame l’auteure.

Ce fut une semaine parfaite. Des jours de soleil qui m’ont fait oublier la mammographie annuelle. Le vent a chassé ma peur.