Je vivais avec lui, dans la nature, près d’un renard, les yeux rivés de l’autre côté du fleuve, là où Gabrielle Roy écrivait, marchait, vivait ses derniers jours. Je l’ai écouté me parler de son voisin, le fermier Gilbert, de son père, bûcheron, de sa Marguerite qui écrit le matin qui marche avec lui l’après-midi, de ses ex, Clara et de Françoise, de ses petits-enfants qui lui rappellent sa jeunesse. Il est intellectuel, Alexandre, il passe ses journées à réfléchir, mais il coupe aussi du bois, il entretient un potager, il nourrit les oiseaux, il répare le chalet.
Il m’a fait voir Champlain sous un jour nouveau. Comme s’il revenait, pagaie à la main, au 21e siècle, nous dire de prendre soin de notre pays.
Il lit beaucoup, Alexandre. J’ai bien aimé que les citations de Gabrielle Roy, Virginia Woolf, Friederich Holderlin, Rainer Malker Rilke, Rimbaud soient intégrés au récit, sans notes en bas de page comme si c’était un travail universitaire.
J’ai revu les chalets de mon enfance, les baignades, les jeux, les vacances, mes grands-parents qui venaient nous voir. Doux souvenirs.
Ses longues phrases m’ont entraînée dans les méandres de mon esprit. Je me suis vue à 19 ans, quand j’aimais follement la philosophie, que j’engloutissais L’être et le néant comme si, enfin, le monde, le sens de la vie et de la mort allaient m’être révélés. Yvon Rivard le fait de manière beaucoup plus concrète, moins théorique.
Bien sûr je me suis identifiée à l’écrivain, mais autant à l’homme qui aime la nature, le fleuve, la retraite, et qui n’a pas peur de la solitude. En lisant qui il est, je comprends mieux qui je suis, qui ma mère a été, une solitaire dans l’âme. Ce qui m’a permis, à mon tour, de mieux circonscrire mes personnages de roman, de les déculpabiliser de ne pas être des porte-drapeaux de cause sociale.
« Le monde serait moins stagnant si tous les retraités étaient conscients que leur oisiveté n’est pas inutile, que leur solitude n’est pas une malédiction, que l’une et l’autre sont une chance d’être plus grands que leurs destins. »Pour ce qui est de la mort qu’il regarde en face, comme un coucher de soleil, disons que je n’ai pas entrouvert la porte aussi grande. Pas comme lui. Ce n’est pas elle que je voie dans le fleuve, ni dans mon âge qui avance, bien sûr, trop rapidement.
« Le secret des solitaires à qui rien ne manque c’est de ne rien désirer d’autre que la vie et de s’isoler pour ne pas étioler ce désir. »
Dans Le dernier chalet, comme dans la plupart des livres, c’est soi-même qu’on cherche à comprendre, à accompagner. C’est aussi l’autre qu’on cherche à comprendre, à aimer. Yvon Rivard, dans Le dernier chalet, a réussi à me faire aimer cette vie de nos soixantaines avancées.
Et qu’importe si on n’écrit plus ou qu’on ne fait que lire au bord du fleuve.
Délicieusement. Avidement. Intellectuellement.
On a le droit.
Super, tu m'as vraiment donné le goût d'acheter le livre. Merci
RépondreEffacerUn magnifique billet... Nous avons écrit des textes très différents mais l’important demeure : LE DERNIER CHALET parle à notre âme...
RépondreEffacerMoi à mon âme d'écrivaine et toi à ton âme de Charlevoisienne!
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