mercredi 19 avril 2017

Zoothérapie

Une journée de ciel bleu, d’humeur bleue. Un après-midi sans nuages, sans irritants. Juste les yeux plissés de curiosité des cerfs, les bouches gourmandes des faons en attente de carottes ou de pommes. Juste les bisons ou les renards qui se prélassent au soleil, ce qui donne envie de nous laisser aller, nous aussi, à la douceur de vivre. 

Du silence et du temps. 
Rien qu’eux et moi. 
Dans un environnement qui passe du lac encore un peu gelé aux bourgeons hésitants. 
Dans un univers de bois sculpté, arrondi, couché. 
Un monde de forêt, de roches et d’eau.
La vie, le moment présent. 

À trier, retoucher les photos prises au Parc Omega, j’ai réussi à oublier une blogueuse condescendante qui a daigné fréquenter, le temps d’un livre «léger», la «littérature romanesque».
J’ai réussi également à ne pas trop regretter ce rendez-vous manqué avec ma meilleure amie que je ne vois pas assez souvent, et cette escapade, prétexte à aller chercher ce crabe tant aimé, que j’ai dû remettre, la température ayant décidé de contrecarrer mes projets… 

Les animaux, la nature sauront toujours me ramener à ma planète positive. La seule que, même malmenée, je ne devrais pas quitter.
























Pour les personnes qui ne connaissent pas Parc Oméga, sachez que c'est un parc animalier (exclusivement animaux sauvages) situé en Outaouais, à cinq minutes au nord de Montebello, près de l'autoroute 50. 

mercredi 12 avril 2017

Humeurs d'avril

Ce roman que je ne finis pas de réécrire commence à transparaître dans mes humeurs. 
Ce roman qui correspond plus à des portraits — fictifs, mais portraits tout de même —, ressemble à avril : un printemps qui frissonne, qui grelote, qui radoucit avant de fleurir vraiment.

Parce que j’écris, je recrée une femme que la quarantaine étouffe dans le Québec de 1964,
parce que je réécris, je trace le portrait d’une adolescente qui se cherche en 1964,
pour ce faire, je replonge, je retourne dans le passé, dans cette époque entre le noir d’avant et le tranquille souhaité. Une époque qu’on a qualifiée noire après en être sortie, qu’on a voulu tranquille, sans faire la révolution. Où tout fut chamboulé, de l’église aux écoles, des chambres à coucher à la pilule, de notre langue au théâtre, et du vin au fromage.

Moi, dedans, adolescente, je vivais ces années-là, mais je ne nommais rien. J’étais témoin, j’étais éponge, j’étais caméléon. Je sombrais, je titubais, mais je ne nommais pas.
Je lisais Réjean Ducharme, Marie-Claire Blais, Françoise Loranger et mes humeurs étaient forcément sombres. J’avais cessé d’aller à la messe, je ne savais pas ce que je ferais quand je serais grande, mais ça ne m’inquiétait pas. Je suivais la foule. J’écoutais mes parents. J’étais toute à mes amitiés à entretenir et à mes amours à espérer.

Et aujourd’hui, parce que je fais revivre cette mère, qui n’est pas tout à fait la mienne, et cette fille — qui n’est pas entièrement moi, ai-je besoin de le préciser en cette ère du « je » ou du « tu » que l’on croit toujours auto-fictifs —, c’est comme si je sombrais, vacillais encore un peu. Par mimétisme.

L’adulte d’aujourd’hui essaie de retenir la fillette d’autrefois. Ne pas m’enliser à nouveau. 

Aujourd’hui, je suis celle qui nomme, qui raconte. Qui pige dans ses souvenirs, qui cherche des informations, mais qui a du mal à garder le sourire d’un jour de soleil alors que je farfouille dans des nuits de grisaille, et que je dois inventer déchirements et réconciliations, paroles froides et tendresses filiales. 
Jouer dans le cœur de mes personnages sans que le mien perde espoir de demeurer intact.
Comme avril, comme les années '60, sortir de la noirceur pour enfin connaitre la tranquille saison de semailles.

Qui sort intact de son enfance ou de son adolescence?

Lecteurs, lectrices, auteur-e-s, les humeurs de vos personnages déteignent-ils sur vous? Ou c’est plutôt l’inverse?

samedi 1 avril 2017

Je suis fleur, je suis printemps



Ce matin. Comme une hâte de sortir de terre. Un espoir de floraison.

Même s’il reste des traces de neige et de froidure, je suis du printemps.

Même s’il reste du blanc, du noir, de la terre brune, je suis de sève d’avril.

Même s’il reste des jours gris, je suis de soleil et de lumière.

De conception estivale, je suis bouquet printanier.

Elles naîtront sous peu les jonquilles, les narcisses, les lys blancs de Pâques.

Je suis fleur bientôt éclose.

samedi 25 mars 2017

Liens obsessionnels

Billet que je ne devrais pas publier.
Publier ce billet, c’est avouer que je deviens obsédée, que je deviens plaignarde, que je ne surmonte pas un refus au lieu de me retrousser les manches, encore une fois, et de corriger mon manuscrit.

Pourtant, j’ai recommencé à le corriger, je l’ai imprimé, j’ai acheté un nouveau stylo rouge. Je biffe des paragraphes entiers, je reformule plusieurs phrases. Parfois convaincue de l’améliorer, parfois doutant de la pertinence de mes choix. Sera-t-il meilleur?

Ce qui ne m’empêche pas de râler encore.
Comme une déprime de postpartum qui n’en finit pas, malgré le goût du travail revenu.
Donc je publie tout de même le résultat de ce petit schtroumpf grognon qui n’est jamais bien loin. Juste pour libérer les toxines.

L’obsession me guette. L’idée fixe. La dépendance. Le déséquilibre. Le négativisme.
Si je n’y prends pas garde. Si je ne ventile pas. 
Jeter mes (inutiles) rechignements sur papier m’apporte-t-il un quelconque réconfort? Je dirais que oui. Après avoir craché son venin, le serpent se sent-il soulagé?

Lu ce matin sur Facebook :

Qu’est-ce qu’un auteur devrait écrire dans son blogue?
J’ai accroché sur le verbe « devrait ». Si écrire un blogue est un devoir… En ce qui concerne le mien, ça n’a jamais été et ça ne sera probablement jamais que la seule auteure qui l’écrit.
Sauf peut-être ces mois-ci. 

Ces mois-ci, depuis le refus de la maison d’édition pour la troisième version de mon roman, j’ai bien dû mal à penser à autre chose. En fait, oui, bien sûr, je me demande ce qu’on va manger pour souper, je vais pelleter et passer la souffleuse (eh oui, encore un 25 mars), je joue à Candy Crush, je cherche sur Google maps où je pourrais bien aller camper au mois de mai, mais disons que je ne passe pas une heure sans qu’une phrase, une image ne s’imposent à mon esprit. Je vais à la poste à pied? Tout au long, la tête penchée, je réfléchis, je fais parler mes personnages. Et puis, je me force à lever les yeux à regarder les grands champs encore tout blancs, à lâcher prise, à laisser le vent s’emparer de mes pensées et les diluer vers les montagnes lointaines.

Pourtant, de retour à la maison, je consulte mes blogues préférés, et pas un ne me ramène pas à mon roman.

Lu ce matin sur le blogue Je suis feministe
l’héroïne a l’intuition que sa place est dans la vie publique, avec les femmes en lutte, lorsqu’elle croise une manifestation à laquelle elle aimerait participer, mais voilà, il y a les enfants à aller chercher, le souper à préparer… Son mari fait semblant de la comprendre, mais la traite en femme. 
Ta maison est en feu de Margaret Laurence
Je n’ai pas aussitôt terminé le billet que je me précipite sur le site de la BANQ/prêtnumerique. Je lis l’extrait du livre. 
À qui je pense bien sûr : à mon personnage, Mireille. À accentuer, approfondir son rôle de mère. 

Mon « je » est auteure à l’affût 24 heures sur 24. Même quand ce « je » semble occupée à autre chose, l’auteure n’est jamais bien loin.
Surtout quand elle lit : que ce soit les blogues, Facebook, un journal et le pire, un roman ou des extraits de romans. 

Lu également Chez le fil rouge
Dans ce sublime petit ouvrage, l’auteure à la prose délicate et imagée nous ouvre les portes de tous ses petits cabinets d’écriture et nous confie des passages de ces batailles incessantes menées au cours de sa vie d’écrivaine avec ce lion, cette grande bête obstinée, son roman, son écriture.
Le « petit ouvrage » dont il est question, c’est En vivant, en écrivant d’Annie Dillard. Comme toujours, tout de suite, j’ai été voir s’il était disponible en numérique. Eh non. Ça attendra. 
Le pourquoi ou le comment ou toutes les questions d’ailleurs que se posent d’autres écrivains m’interpellent bien sûr. Mais toutes leurs réponses ne m’intéressent pas. Il faut que je m’identifie un peu. Elles me laissent rarement indifférente : soit j’apprends et ça me donne des ailes. Soit j’apprends, je m’interroge et ça me jette par terre de doutes. 

Comme dans Histoires de s’entendre de Suzanne Jacob 
L’urgence et la patience de Philippe Toussaint 
Questions d’écriture de Jean-Jacques Pelletier 
Le très compliqué Si une nuit d’hiver un voyageur d’Italo Calvino. 
Et, peut-être à venir : En vivant, en écrivant d’Annie Dillard.

Lu aussi le début du roman Les égarés de Lauri Lansens dont j’avais bien aimé Les filles.

Et dès le début, je remarque le peu de transitions entre les chapitres. Ça ne me dérange pas, mon cerveau sait enchaîner. Mais je me dis « pourquoi elle et pas moi ». Pourquoi à moi, on a reproché le manque de transitions ou le manque de diversité dans les transitions? Pourquoi il en faut dans mon roman et pas dans le sien? » 
Je connais la réponse bien sûr : une seule remarque et même toutes les remarques pour refuser un manuscrit n’expliquent pas tout. Quand bien même je corrigerais, quand bien même je répondrais à toutes les interrogations, ça ne m’assure pas d’une publication. Je sais bien, mais le schtroumpf grognon, lui, c’est dans sa nature de râler.

Vais-je un jour lire un roman sans comparer avec les miens? Sans faire de liens avec les miens?
Sûrement. Quand le dernier sera publié!

Si vous êtes las de lire mes interminables litanies… avec le printemps qui vient, il y a de l’espoir. La voyageuse prendra peut-être, enfin, la relève. 
Quoique la voyageuse aussi pourrait voir le prix exorbitant de certains campings ou être découragée devant les emplacements réservés des mois à l’avance, qui lui laisse croire qu’à son arrivée, il n’y aura pas d’emplacements disponibles dans ses campings préférés.

Et vous, quels liens fait votre cerveau entre ce que vous lisez et ce que vous vivez?

dimanche 19 mars 2017

Trois livres : une entrée substantielle, un plat principal indigeste, et un dessert exquis, café en sus

Trois livres, trois styles différents, trois auteurs de nationalité différente : un Japonais, un Américain et une Française. Trois impressions.

Le premier livre m’a été suggéré par une lectrice qui connait la littérature et le Japon : La femme des sables de Kôbo Abé. Un auteur japonais que je ne connaissais pas. Donc pas d’idées préconçues. Le livre a gagné des prix, mais en général, j’essaie que ça n’ait pas d’influence sur ma décision de lire ou non. J'essaie!

Un entomologiste échoue dans un village qui ressemble à une sablonnière. Et le voilà prisonnier au fond d’une dune. Toute l’histoire ne tient qu’à ça : prisonnier du sable. En compagnie, disons à côté, d’une femme qui passe ses grandes journées à rejeter le sable qui entre par toutes les fissures et les murs de la maisonnette. 

Comme pour chaque nouvelle lecture, qu’importe ce qui a attiré mon attention pour le choisir, l’ouvrir, le feuilleter, c’est toujours le style qui arrête mon élan ou qui, au contraire, me séduit suffisamment pour poursuivre au-delà des trente premières pages.

Jugez par vous-mêmes du genre de phrases :
« Car enfin, se jugea-t-il en lui-même, qu’ai-je fait jusqu’ici, sinon de m’exciter jusqu’à perdre la tête, sinon de répandre sur elle mes vociférations? Et quoi de surprenant, dès lors, dans ce beau résultat qu’elle en est arrivée à rester bouche obstinément cousue? Et puis, peut-être… — comment ne l’ai-je pas vu? — cette autre raison de son mutisme : de s’être par négligence, laissé surprendre nue; de n’avoir, par impudence, rien caché de ses formes endormies et de cela seulement éprouver de la honte, peut-être. Ce tout simple sentiment, et, s’il se trouve, rien d’autre, rien de plus… absolument rien. »
De multiples incises qui apportent d’innombrables nuances à la pensée du personnage. De trop nombreux deux-points qui, selon moi n’apportent rien, mais auxquels nos yeux finissent pas s’habituer. Mais surtout un rythme qui peut être déroutant quand on ne connait pas la façon de penser japonaise, mais qui m’a enchantée plus qu’il m’a irritée. Je me suis laissée bercer, je me suis mise en mode ouverture et disponibilité. Et la magie a opéré : j’ai lentement, mais complètement, entré dans la maison de sable, j’ai observé cet homme et cette femme qui, on le sentait bien allaient s'unir d'une quelconque façon. J’ai aimé que l'homme me dise à quoi il pensait, comment il réagissait. Et je n’en suis pas revenue que l’histoire ne soit que ça : travailler toute la journée à rejeter le sable. Et la fin ne ressemble en rien au prisonnier d’Alcatraz qui réussit à s’évader!

Pour alléger la tension de mon esprit, j’ai enchaîné avec un livre reçu à la bibliothèque : Les corrections de Jonathan Franzen. Un livre que j’avais commandé après avoir lu la quatrième couverture. Un roman qui a gagné un prix, lui aussi.
« Et si les enfants ne naissaient que pour corriger les erreurs de leurs parents? […] toutes nos contradictions : le patriarcat et la révolte des fils, la libération des femmes et la culpabilité de tous. »
Comme je suis, encore, en train de parfaire le dernier tome de ma saga irlandaise, dans lequel, justement, il est question de l’héritage des générations précédentes, ce sujet m’intéresse. Je croyais y trouver une solution au problème (problème pour l’éditeur, semble-t-il et non pour moi) à cette intrigue qui n’est pas assez enlevante. 

Le 700 pages ne me rebutaient pas. Au contraire, les briques m’attirent comme un repas sept services.
Mais bien avant la page 97, j’étais repue. Ce paragraphe provoqua l’indigestion.
«Je vous écris au nom d’Axon Corporation, 24 East Industrial Serpentine, Schwenksville, Pennsylvanie, pour vous proposer le paiement d’une somme forfaitaire et définitive de cinq mille dollars (5000 $) en échange de la jouissance entière, exclusive et irrévocable de l’US. Patent no 4.934.417 (ÉLECTROPOLYMÉRISATION D’UN GEL DE FERROACETATE THÉRAPEUTIQUE), dont vous êtes le titulaire original et unique.»
C’est un roman, mais on dirait un annuaire d’entreprises américaines. Des milliers de détails, jusqu’au prix des légumes. Un hyperréalisme qui ne laisse pas de place à l’émotion. Pas le temps de penser, de sentir. Jeux agaçants de typographie : italique, petites majuscules, caractères plus petits, d’autres plus gros et en gras. Au début surtout. Même quelques illustrations, tout pour déranger l’œil et qui, selon moi, n’apporte rien à l’histoire. 

Après avoir lu quelques critiques sur Babelio :
Voilà, ça c’est ce que j’appelle de la Littérature. Un écrit qui a du souffle, de l’ambition, de l’intelligence, de l’imagination, du vocabulaire, du style. Qui engendre toute une gamme de sensations : émotion, agacement, rire, malaise, admiration et même suspense.
viou1108
Ou encore :
L’analyse de la famille dysfonctionnelle, sujet battu et rebattu, trouve dans Les corrections les voies de l’excellence.
palamede
J’ai persisté. J'ai sauté quelques pages, lu les trente dernières.
Mais finalement, trop, c’est trop. À défaut d’entrer dans le cœur d’un personnage, j’aime bien essayer de comprendre ce qui se passe dans sa tête. Non, que du dehors. Pas de la superficialité, mais du vide. Tout nous est donné, je n’ai rien ressenti qu’une écœurantite de détails. Je n’ai pas réussi à passer par-dessus pour essayer de voir l’essentiel invisible.

Dans le livre précédent, le détail était pertinent. On entrait dans l’esprit et l’âme du personnage. Ici, le détail était superfétatoire.

J’ai donc délaissé Les corrections sans remords. D’autant qu’entre temps, en cherchant à savoir qui était cette Sylvia Plath dont je voyais de plus en plus souvent le nom, j’ai trouvé ce livre en numérique : 7 femmes de Lydie Salvayre

Dès les premières pages, mon cœur accéléra comme lors d’une partie de ringuette quand mon équipe était en avance. Mes yeux ne lisaient pas assez rapidement tellement j’étais emballée et gourmande. 
Sept imprudentes pour qui écrire ne consiste pas à faire une petite promenade touristique du côté de la littérature et puis, hop, retour à la vraie vie, comme on l’appelle.
Pour qui l’œuvre n’est pas un supplément d’existence.
Pour qui l’œuvre est l’existence. Ni plus ni moins.
Et qui se jettent dans leur passion sans attendre que e contexte dans lequel elles vivent leur soient moins adverse.
Sept folles, je vous dis. 
Ce n’est pas un roman, c’est un hommage. De courtes biographies sur Emily Brönte, Colette, Virginia Woolf, Djuna Barnes, Marina Tsvetaeva, Ingeborg Bachmann et Sylvia Plath. Comme j’en aime déjà trois sur sept, j’étais curieuse de connaitre les quatre autres. 

Sans savoir que le livre datait de 1970, le style — toujours lui — m’a frappé, m’a plu, m’a fait prendre carnet et plume pour noter. Des phrases courtes. Des paragraphes d’une ligne, un peu comme le Charlotte de David Foekinos, ce qui m’a fait croire que c’était un livre récent. Et qui a causé mon délicieux abandon (abandon de toute retenue et non abandon du livre, bien sûr).

Au sujet de Djuna Barnes :
Elle y mit de sa vie ce qu’il fallait.
Elle y mit Paris, la place Saint-Sulpice et le Café de la Mairie.
Elle y mit son ami le baroquissime et désespéré Dan Mahoney qui devint dans le livre le Dr O’Connor.
Au sujet de Colette :
Une matérialiste, vous dis-je. Doublée d’une païenne.
Une bête goulue, comme elle se désigne elle-même.
Une brute entêtée de plaisir et, qui plus est, s’en flatte.
On le lui a reproché.
Et je me suis tellement reconnue quand l’auteure écrit, en parlant du roman Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë :
Heathcliff intransigeant, comme moi me dis-je. Solitaire, comme moi me dis-je. Dur à la douleur, comme moi. Orgueilleux, comme moi. D’une sensibilité si vive qu’elle peut sembler une arrogance. Comme moi, comme moi.
Heatcliff c’est moi. Sa nature est la mienne. Révélation.
Du coup je me coiffe à la diable.
Je fais la gueule.
Trois livres qui ne m’ont pas donné envie de lire Sylvia Plath ou d’autres romans de Jonathan Franzen, et je ne suis pas certaine de risquer un autre Kôbô Abé, mais sûrement de lire un autre Lydie Salvayre. Peut-être pas son prix Goncourt 2014 parce que moi et la révolution de 1936! mais j’ai déjà réservé La méthode Mila
… car un auteur aimé vous amène vers ses livres aimés, lesquels vous amènent vers d’autres livres aimés, et ainsi infiniment jusqu’à la fin des jours, formant ce livre immense, inépuisable, toujours inachevé, qui est en nous comme un cœur vivant, immatériel, mais vivant.

vendredi 17 mars 2017

Petit Leprechaun: peux-tu réaliser mon voeu?

La Saint-Patrick aujourd’hui. C’est écrit sur le calendrier. C’est noté sur les réseaux sociaux. Même Google souligne la fête à sa façon. En vert.

Les fêtes et moi, nous ne sommes pas brouillées, mais on ne se parle pas beaucoup. Je me rappelle ma date de naissance bien sûr, mais rien de spécial cette journée-là. Alors la Saint-Patrick… En fait j’ai commencé à y penser plus sérieusement il y a une douzaine d’années. 
Quand j’ai commencé à faire des recherches sur mes ancêtres irlandais. 

Bridget Bushell et Denis Lynch, tous deux Irlandais, des vraies personnes nées dans les comtés de Roscommon et Leitrim, en Irlande, chassées de leur pays, mariées à Montréal en 1855. Je suis de la cinquième génération. Il me reste un huitième de sang irlandais. 
Pas de quoi pavoiser. Mais fière je suis. Je ne renie rien.

Je me revois aussi en Irlande, À vingt ans. En vélo.
Je revois les vertes prairies, les falaises Moher, la tour O’brien, les longues clôtures de roche, les moutons, les pubs, les joues roses des gens. Je me souviens de la Guiness dont je ne pouvais plus me passer après trois jours à Dublin. 
Mais à vingt ans, mon sang ne goûtait que l’amour et le rêve, pas vraiment l’Irlande ni la généalogie, ni la Saint-Patrick.

Depuis, j’ai tant lu, tant cherché, tant écrit, tant imaginé ce couple Bushell-Lynch, tant romancé sur leur famille, sur leur descendance, sur leur pays que oui, maintenant, ça me touche quand je vois le nom Saint-Patrick. Je vois des farfadets, des lutins. Je vois l’histoire.

Mais je vois surtout l’ambitieux roman que j’ai voulu écrire. Que j’ai écrit. Que les éditeurs m’ont demandé de morceler. Les deux premiers tomes sont publiés. Le troisième, le dernier, celui de ma génération, celui où je me demande ce qu’il reste de Bridget et de Denis, et malgré plusieurs révisions, corrections, changements, cette nième version tarde à trouver preneur. 

Aujourd’hui, pour la Saint-Patrick, j’aimerais bien qu’un petit lutin, un Leprechaun, me joue le meilleur de ses tours et me trouve un éditeur qui accepterait de publier le dernier tome. Ou m'envoie un bêta-lecteur, un mentor, un motivateur (le masculin remporte mais ne veut pas dire que...). Ou un signe.

Alors, oui, je fêterais.

Si vous n’avez pas encore lu, si l’Irlande vous intéresse… Les têtes rousses et Les têtes bouclées sont toujours disponibles.
site>>>

mardi 7 mars 2017

Hâte que le rouge ne soit ni sang ni rage

Je ne fais pas d’épuisement professionnel. Je ne suis pas à proprement parler fatiguée. Ni exaspérée. Juste tannée. Mon éducation, mes valeurs, ma personnalité ne me feront pas choisir la colère ni glisser vers l’agressivité ou même vers l’indifférence. Plutôt la fuite. À défaut de pouvoir être ailleurs, regarder ailleurs.

Je suis tannée de l’engouement que les médias, les réalisateurs, les créateurs de livres, de films, de séries télévisées ont pour la violence. Pour le sang, le sexe, la scène politique, les meurtres, les guerres, les tueries. Sujets vendeurs, accrocheurs : manipulation, corruption, intimidation, discrimination, immigration. Comme si le reste — l’amour, la paix, le bien-être, le silence, la beauté, l’entente, la charité, l'art — n’était plus que sujet ennuyeux, sans intérêt, sans intrigue, sans secret, sans mystère à résoudre, sans surprise. Et donc invendable, inutile d’en parler. À moins qu’il y ait des héros, des vedettes.

Je suis tannée de n’entendre et de ne lire que les opinions, les commentaires qui n’apportent rien d’autre que d’autres réactions, d’autres actes qui vont dans le même sens, qui colportent les mêmes valeurs et qu’on attribue à l’ensemble de la société : la haine, l’intolérance, le racisme, l’individualisme. 

Des mots qui déteignent sur moi. Qui cachent les autres. Qui les ensablent. 
Des images qui s’infiltrent insidieusement, qui m’écorchent. Qui cachent les autres. Qui les immergent.

Alors, avant que la peur et l’insécurité m’atteignent, je fuis. Je ne lis ni n’écoute plus les nouvelles. Et je délaisse de plus en plus les séries télévisées, dont on dit qu’elles battent des records d’écoute. Dans les meilleures, il y a de plus en plus une trame policière. J’essaie de trouver des romans où l’intrigue est « ennuyeuse, sans intérêt, sans intrigue politique ou sociale, sans secret, sans trop grand mystère à résoudre, sans surprise ». 

Je me cache, je me terre pour retrouver mes repères, mes valeurs, mon identité. 
Pour être moi. 

Je ne dis pas que je n’ai pas évolué que je suis restée accrochée aux années soixante au temps où j’allais encore à la messe. Ou aux années soixante-dix, du « peace and love », de ce retour à la terre et à la vie communautaire. Je dis que je ne veux pas être ce qu’on montre, ce qu’on publie, ce qu’on filme, ce qu’on dénonce. Je dis que je cherche, comme L’Euguélionne de Louky Bersianik en 1976, « ma planète positive ». Je dis que je regarde ailleurs. Là où les caméras cupides ne filment pas. J’écoute autre chose que les cris des vendeurs. Je lis les histoires où les personnages n’ont pas besoin d’être des héros ou héroïnes pour exister. Je ne capitule pas, je choisis.

Alors, je vais, je veux retrouver celle que je veux être : une femme qui écrit des mots d’amour, des émotions qui font du bien. Qui parle de gens ordinaires, qui n'ont rien d'exceptionnel. Qui pose plus de questions qu’elle offre de réponses.
Et tant pis si je suis une femme qu’on ne lit pas.

En fait, j’ai hâte au printemps. Hâte de sentir poindre les fleurs à travers la rocaille et la terre boueuse. Que le rouge ne soit pas de sang ou de rage. Hâte de voir l’horizon dégagé. Hâte que ma vie ne se résume pas à cet intérieur limité.

Hâte de renaître. Dans un mois exactement, la sortie du ventre de ma mère, ma venue au monde. Un monde joyeux, aimant. Un temps où mes yeux ne voyaient ni laideur ni peur. Où mes oreilles n’entendaient ni cris, ni pleurs, ni insultes.

Hâte d’être le meilleur et le plus beau de moi-même. Pas un poupon innocent, mais sentir mon coeur plein d'espoir et d'optimisme. 

samedi 25 février 2017

L’Euguélionne à FemmExpo 2017

Le Centre d’action culturelle de Papineau organise encore cette année l’exposition, FemmExpo. Sous le thème On ne naît pas femme, on le devient une citation de Simone De Beauvoir (Le deuxième sexe), l’exposition présentera les œuvres de 38 femmes provenant de partout en Outaouais et d’ailleurs. 

À gauche, couverture du livre de Louky Bersianik en 1976.
À droite, sculpture de Louise Falstrault, intitulée L'Euguélionne,
en collaboration avec l'artisan du fer, Olivier Dufresne.

Comme femme, comme fille de… comme sœur de…
Comme auteure 
Je me sens à la fois fille et mère de l’Euguélionne
Peut-être seulement, finalement, une lointaine cousine
D’aujourd’hui et d’hier
Femme de cette terre, je suis de la même espèce qu’elle
Elle est venue d’ailleurs et elle cherchait sa planète positive
Je suis de l’eau d’ici et elle, elle est de l’au-delà
Je suis de fiction et de mémoire
J’ose m’en prévaloir

Je ne saurais écrire le millième de ses mots et les miens n’auront jamais la portée des siens ni leur empreinte. 
Mais je me réclame de cette filiation. Je porterai longtemps sa profonde trace, et n’en laisserai sans doute qu’une pâle traînée. Mais je ne saurai jamais me taire, pas plus qu’on ne peut arrêter de penser. Ou de respirer.

Je serai toujours gênée de tirer vanité ou prétention de cette monumentale Euguélionne, mais je n’en rougirai pas pour autant. Et puis, c’est elle qui a dit : « prétendez être et vous serez ». Il est important de perpétuer de toutes les façons son héritage. 
Pas seulement un jour par année, le 8 mars, mais les trois cent soixante-cinq. 
Même sans le dire, même sans marcher, même sans créer. 
Mais aussi en l’écrivant, en le criant, en le chantant, en marchant, en créant.


Je ne remercierai jamais assez Louky Bersianik ni celles qui parlent encore d’elles comme France Théorêt, Nicole Brossard, Louise Dupré Élaine Audet, et tant d’autres. 
Je suis de Simone de Beauvoir et de Marie Cardinal. Très peu de Marie-Claire Blais ou d’Anne Hébert. Plutôt de Françoise Loranger et de Claire Martin. 
De L’Euguélionne, assurément. 

D’autres femmes sont nées, d’autres écrivent, d’autres offrent leurs voix, mais je n’oublierai jamais d’où je viens. 

L'Euguélionne est le titre et personnage principal du roman de Louky Bersianik publié au Québec en 1976.
Je suis née en 1976. 
J’avais 26 ans et j’ai voulu devenir écrivaine.


Pour cette exposition présentée à Saint-André-Avellin du 4 mars au 28 avril 2017, Louise Falstrault, elle aussi a vu L’Euguélionne dans cette sculpture qu’elle a réalisée en collaboration avec Olivier Dufresne, artisan du fer.

Voici comment elle la décrit :

L’Euguélionne
De clé pour ouvrir la vie
De rondeurs et de courbures en ventre, en seins, en tête
De liens, debout, de bouts de bois
De spirales intestinales
De rouge sang, de rouge cœur
De plexus bleu, de mère bleue
De verre, vers la lumière
De couronne de cuivre, temps chalcolithique
Femme atypique
Femme de fer, femme à faire


samedi 18 février 2017

Carnet du roman (11)

Au lever du soleil dans un ciel enfin bleu qui rosit la montagne, j’ai eu une idée. Si elle persiste plus de vingt-quatre heures, ce ne sera pas pour autant l’idée du siècle, mais peut-être apaisera-t-elle le moi-auteure qui cherche toujours à faire sa place… au soleil.

Une idée sérieuse, comme si je fréquentais l’université alors que je n’ai qu’un vieux baccalauréat en pédagogie qui émanait d’une université dans laquelle je n’ai jamais mis les pieds (bon, d'accord, pour les curieux ou les personnes nées avant 1970, les écoles normales étaient affiliées aux universités, mais n'étaient pas situées dans les mêmes bâtiments). Une idée comme si j’avais appris le grec et le latin alors que j’ai même échoué à la reprise de l’examen de latin en Belles-Lettres. Une idée qui demande encore des lectures, qui demande du temps de bibliothèque, du temps de monastère, du temps de qualité et, évidemment, de solitude. Mais quel roman n’en demande pas!

Cette idée m’est venue toute seule, pour autant qu’on ne sache pas vraiment comment nous viennent les idées, mais disons que je l’ai nourrie, entretenue, développée en lisant un essai.

Un essai sérieux. Ce que je lis rarement. Qui me rappelle ces cours de philosophie quand il fallait se concentrer pour comprendre ce que notre esprit, lui, avait déjà saisi intuitivement. Peut-être est-ce cet essai sérieux qui rend mon idée sérieuse? D’une auteure que j’admire et que je lis depuis longtemps. Sans jamais avoir compris tout à fait ses romans. Mais cet essai que je lis lentement comme si je suivais un cours… d’université justement m’a permis de retrouver non pas l’histoire de mon roman refusé puisqu’elle est déjà écrite, mais une narratrice crédible, intéressante. En tout cas, moi, elle m’intéresse, elle me parle, elle a beaucoup à dire.
« Écrire, c’est peut-être aussi décider d’en finir avec une histoire obsédante. Choisir son obsession et inventer l’oreille dormante qui aura raison d’elle, qui parviendra à lui donner un début, une durée, une fin. Et lire, c’est encore choisir d’entrer dans l’obsession d’une autre histoire pour exercer l’oreille dormante à trouver les issues de sa propre obsession. » 
Histoires de s’entendre, Suzanne Jacob
Rien qu’en lisant cette phrase, mon cœur s’est mis à battre plus fort, ma respiration est devenue haletante. Signes d’une émotion intense que j’espère pas trop éphémère.

Reste à savoir aussi si elles, l’idée et l’émotion, me procurent un nouveau début, m’offrira-t-elle la durée? Pour le savoir, je vais « exercer mon oreille dormante » et reprendre le roman qui m’obsède.

jeudi 16 février 2017

Carnet du roman (10)
ou la poule pas de tête qui court en tout sens

5 février: réception de la lettre de refus.

8 février: billet de blogue résumant la situation et mes impressions.

9 février: au réveil, quelques phrases me trottent dans la tête. Dans la journée, j’écris quelques lignes. Au Je et au présent. 
Je m’appelle Dominique Bricault, je viens tout juste d’avoir treize ans et je n’aime plus ma mère, je déteste mon frère, et je me méfie de mon père. Et comme ma vie tourne autour d’eux, je fais tout pour sortir de la maison le plus souvent possible. Je cours dans les côtes de Lévis. Je pédale dans les rues de Lauzon. Je n’ai même pas d’amies. Comment pourrais-je en avoir, on passe notre temps à déménager. Je suis en huitième année au couvent Notre-Dame-de-toute-Grâce. Et c’est ma dixième école. Oui, c’est possible : maternelle et déménagement en cinquième année, donc deux écoles la même année.
J’ai arrêté là. Il y aura beaucoup trop de « je », mais surtout comment le personnage de la fille pourra-t-il savoir ce qui se passe dans la tête de sa mère? Oui, ça fait plus direct, plus fort, le lecteur s’identifiera plus facilement, pas certaine. 
Qui de la mère ou de la fille, devrais-je sacrifier? Et puis ça fait journal d’ado, ce qui ne donne pas le but du livre. 
Je ne suis pas prête.

10 février: M’appliquer à dresser la liste de ce que j’aurais à surveiller dans chaque chapitre : les cinq sens, les émotions, résoudre un problème et en présenter aussitôt un autre. Pourtant déjà fait lors de la dernière version. Prendre des notes. Peut-être ne pas corriger ou ajouter tout de suite. Juste noter.
Mais ai-je assez de recul pour trouver les faiblesses? 
J’essaie de lire autre chose, je ne peux pas. N’y trouve aucun plaisir. C’est mon œil d’auteur qui lit, qui cherche. Et c’est mon petit cœur envieux qui se dit : « qu’est-ce qu’il a de plus que le mien ce roman pour avoir été publié? ». Ou il est complètement abattu, admiratif : « je suis nulle ».
Je ne suis pas prête.

11 février: Et si, au lieu de laisser le lecteur trouver les liens avec les deux tomes précédents comme je le voulais d’abord, si je les nommais clairement? Nommer les fantômes. Mieux encore, les faire vivre. Identifier l’héritage des ancêtres. Quête de parenté. Ça aurait le mérite d’être un peu plus original et intéressant. Pourtant, il ne faut pas tout dire. Il faut laisser l’interprétation à chaque lecteur. Retour case départ. 

Et je vois venir le Salon du livre de l’Outaouais. Irais-je? Comme auteure, j’ai dit non, pas cette année, mais en tant que visiteuse? Aller voir Suzanne Aubry qui vient de faire paraître « Je est une autre »? Acheter quelques trouvailles? Aller saluer mes confrères et consœurs de l’Association des auteurs et auteures de l’Outaouais? Passer devant le stand de l'éditeur? Me faire demander : « et puis ton roman, il s’en vient? » Le cœur sur le bout des lèvres, saurais-je retenir mes larmes? Sujet trop sensible encore, je ne suis pas prête.

12 février: Ai reçu mes redevances pour l’année 2016. Très heureuse du montant qui n’atteint pourtant pas le mille. Heureuse aussi de voir que je ne pas vendu qu’à des amis ou des connaissances puisque quelques centaines en librairie et numérique. Une question pourtant : est-ce que cette comptabilité a influencé la décision du comité de lecture de refuser le roman? Pour eux, peut-être pas suffisant? Et me l’aurait-on dit si c’était le cas? 
Et à la fin du mois, un autre chèque sera dans ma case postale, celui du programme du droit de prêt public (DPP). Ce qui donne une existence à mes écrits. Pas une reconnaissance, pas une valeur, mais une existence.
Le Conseil des arts du Canada verse des paiements annuels aux auteurs canadiens dans le cadre de son Programme du droit de prêt public, à titre de compensations pour l’accès public gratuit à leurs livres dans les bibliothèques publiques du Canada.
15 février: Dix jours déjà. Et toujours cette impression de comprendre tout à fait l’expression « une poule pas de tête ». Devant l’écran, une dizaine d’onglets ouverts. Je sautille de l’un à l’autre. D’un article de journal à un blogue. D’une mention d’un livre à Babelio à la BANQ pour feuilleter un extrait. Comme si je cherchais comment réussir à construire cette intrigue enlevante que réclame l’éditeur. Comme si je faisais une dégustation à l’aveugle tout en me demandant quel goût devrait avoir mon roman ou quelle épice il lui manque. Je m’attarde à L’urgence et la patience de Jean-Philippe Toussaint. Je sens encore l’urgence, mais je n’ai plus la patience. Peut-être que contrairement à Toussaint qui a écrit ce qui tourne autour de ses livres : le début de l’écriture, les lieux, les théories, peut-être écrirai-je sur la fin de l’écriture de roman. Non pas le désespoir, le découragement, mais seulement la lucidité. Venue en petites vagues. 

Je ne me regarde pas couler. Juste nager vers un rivage tranquille. Une poule qui court tout sens, en s’accrochant dans les fleurs du tapis.
Je flâne du côté du Camp littéraire Félix. Me trouver un mentor ou une motivatrice. Une personne qui met le doigt sur le bobo. « C’est là, juste là » Qui ramasse mes plumes, qui m’aide à retrouver ma tête, qui calme la tempête et me montre le un chemin. 

Je suis à côté du roman. Comme le journal du roman. Le carnet de notes du roman. Ce qui tourne autour, mais pas encore dedans. À chercher la recette parce que quelqu’un m’a dit que le gâteau était raté, n’avait pas assez bon goût. 
Je ne réécris que le début. Pour voir. Pour écouter. Pour trouver un autre angle, une autre perspective comme il m’a été suggéré dans la lettre. Et quand je pense avoir trouvé, ça ne dure que quelques lignes. Je bute déjà. 
Sur le sentier gravillonné, la poule-pas-de-tête, qui éparpille ses plumes sur tous les coins de murets sur lesquels elle se bute, a tout de même trouvé ce livre : Journal désespéré d’un écrivain raté de Mary Dollinger qui a tenu un blogue pendant quatre ans. 

Plus fouineuse que studieuse, plus lièvre que tortue, je pourrais peut-être écrire le « blogue de l’écrivain qui aurait dû se contenter de lire ». 

Ne vous inquiétez pas, c’est mon genre d’humour, d’autodérision pour aller au bout ou au fond en attendant de retrouver ma tête… non pas de poule, mais de cochon!

mercredi 8 février 2017

Carnet de roman (9)
ou ce qu’on lit rarement au sujet des auteurs,
ce que la majorité vit pourtant.

Avertissement : suivent des propos que le lecteur ne veut peut-être pas savoir. Trop déprimant.

Je ne lâcherai donc jamais? Serai-je de ces écrivains qui écriront jusqu’à leur dernier souffle? 

À la réception de la lettre de refus, j’ai pensé à quatre options :
1- ne rien faire.
2-auto-édition, mais ça ne me tente absolument pas d’investir 2,000$ ou 3,000$ pour couverture et imprimerie et travailler à la distribution et à la promotion, comme je l’ai fait pour quelques livres par le passé.
3- impression à l’unité, et vente via mon blogue-site-Facebook. Ça se fait maintenant. Et ce n’est évidemment pas le montage qui est un problème pour moi. 
4- envoi chez d’autres éditeurs, mais sans les deux premiers tomes, qui en voudra? Il faudrait alors refaire au moins le début pour que le roman se tienne tout seul.
5- retour (déjà inscrite il y a six-huit ans) à un atelier littéraire pour obtenir de l’aide d’un mentor. Pourtant j’ai eu l’aide très précieuse et personnalisée d’une réviseure.

Et puis le lendemain, une sixième option qui m’emballe pendant quelques heures : tout réécrire. Au Je. Au présent. Du point de vue d’un seul personnage. Et ce ne serait pas linéaire. Comme des souvenirs qui remonteraient à la surface. Un chapitre par tranches de vie. Au lecteur de réunir le tout, s’il le désire.

Le surlendemain, retour à l’option 1. Parce que celle de la veille, la narration au « je », différerait trop des deux autres tomes. Justifiable parce que c’est ma génération, mon siècle. Pourtant, j’avais tellement travaillé lors du premier tome à tout mettre à la troisième personne, à tout réécrire au passé, je voulais garder le même style pour les trois tomes.

Je relis la lettre de refus:
l’histoire […] ne nous apparaît pas assez soutenue et, surtout, pas suffisamment enlevante. Le style demeure essentiellement descriptif et un ton sans grande variation prédomine. L’intrigue cherche son envol et sa force. Il nous semble que cette façon de procéder devrait être abandonnée et qu’il faudrait revoir la saga dans une tout autre perspective.
À toute évidence, raconter une vie ne suffit pas. 

D’après Georges Polti (Les trente-six situations dramatiques, écrit en 1895), il faut soit
Sauver
Implorer
Venger un crime ou un proche
Être traqué
Détruire
Posséder
Se révolter
Être audacieux
Kidnapper
Résoudre une énigme
Conquérir
Haïr
Rivaliser
Tuer
Se sacrifier, sacrifier un de des siens ou tout sacrifier à la passion
Tromper
Être imprudent
Être incestueux
Apprendre le déshonneur d’un être aimé
Aimer l’ennemi
Avoir un amour impossible
Être ambitieux
Lutter contre Dieu
Être jaloux
Vivre un deuil
Avoir des remords
Vivre des retrouvailles

Et selon l’éditeur, je ne raconte même pas, je décris. Et alors? Pourquoi pas un portrait plutôt qu’un roman? Un état plutôt qu’une action. Je suis ainsi. Biographie plutôt que polar. Intérieur plutôt qu’extérieur. Enfin, je voudrais. Émotions, réflexions plutôt qu’actions concrètes.

Pourtant, à mon sens, même procédé que les deux premiers tomes. Faut croire que non, pour l’éditeur. 

Il aura fallu huit éditeurs et sept ans pour le premier tome, deux révisions et quatre ans pour le second, pourquoi ai-cru que ce serait plus facile ou plus rapide pour le troisième? Excès de confiance? Ce n’est pourtant pas ce que j’ai en abondance. Et si la lettre d’octobre dernier — un refus également, mais en me laissant une seconde chance en me fournissant des « pistes d’amélioration à explorer » — cette fois, sans appel.

À l’aube, à cette heure où la conscience s’éveille, sont revenus les mots et les phrases à trouver, le titre à changer, le début à réécrire, des scènes, encore des scènes, des actions à inventer. Et le doute. Le « à quoi bon? ». Justement ce que je ne voulais plus. Seulement écouter le vent qui fait valser les grands pins rouges. Seulement guetter le soleil qui monte derrière les conifères. Le bleu du ciel entre les nuages gris, menaçants. Sera-ce une journée froide ou douce?

Je ne veux pas cesser d’écrire, je le voudrais que je ne pourrais pas. Mais pour moi, le roman était écrit, terminé. J’ai déjà fait beaucoup de révisions, de changements, j’ai été le plus loin que j’ai pu. Le reprendre encore, ce ne serait plus le mien, mais celui de l’élève appliqué, qui veut plaire au professeur, qui veut obtenir une meilleure note. Un roman qui risquerait d’être encore moins intéressant, encore moins enlevant parce que ce ne serait plus mes tripes qui écriraient, mais ma tête. Un devoir, un pensum.

J’avoue, je suis à l’étape du déni. De la contestation. De la bouderie. De la déception. De la blessure à l’ego, qui n’est pourtant pas si démesuré, il me semble.

Et je n’ai plus trente ans, l’âge où on a encore l’énergie et les rêves. Je suis à l’âge où j’ai, certes, le temps, mais moins envie d’être bon élève, soumis à une autre volonté que la mienne. 

Qui gagnera : mon besoin de liberté ou mon huitième de sang irlandais qui s’entête tant que… Qui s’entête tout court.

lundi 6 février 2017

Site mis à jour

Un peu plus de deux semaines après l’avoir annoncé, le voici tout beau, tout prêt. Un peu plus au goût du jour, graphiquement en tout cas. Selon moi, bien sûr. Il se peut que Google prenne encore quelques jours pour se retrouver dans les changements d’adresse auxquels je n’ai pas pensé, tout amateure que je suis.

Mais moi, je l’aime bien. Et comme justement, l’auteure que je crois être également vient tout juste de recevoir une lettre qui remet son travail en question, au moins, en tant que graphiste, permettez que je m’autocongratule!

Je pensais au début ne changer que les pages de généalogie, mais tant qu’à y être. Ça ne change rien à mon blogue que je laisse chez Blogger. Ça ne change rien à mon site de voyages que j’embellirai peut-être un jour. Mon site contenait vingt pages à remonter tandis que celui de mes voyages en contient soixante-dix! Alors pas pour demain matin.

Petite déception : en retravaillant mes pages de généalogie, j’ai publié à nouveau mes 14,000 noms, mais le logiciel de conversion est obsolète. Vieux langage Ansi, j’ai bien essayé de le convertir en UTF-8, d’ajouter du code, de passer par Notepad++, mais sans succès. Donc les é, les ç sont des Ã. En attendant de trouver mieux, veuillez m’excuser de ce problème qui montre bien mon amateurisme dans ce domaine (bon, finalement, je suis peut-être amateure en tout, mais n'allons pas dans cette avenue: je suis bonne, je suis belle, je suis capable!).

Bref, trêve d’explications ennuyeuses ou moroses, je vous le montre et bonne promenade.








samedi 4 février 2017

Plaisir du jour

Un peu avant 7 heures ce matin, j'ai lu dans La presse+ un entrefilet au sujet d’un livre : quoi d’autre peut me faire réagir!

Pas la première fois qu’Alain Labonté parle de ce livre, mais cette fois, ce matin plus précisément, il y eut comme un empressement dans mon cas. J’ai délaissé le journal et je me suis précipitée sur le site de la BANQ. Oui, oui, un exemplaire disponible. Vite connexion, vite téléchargement. Yé, je l’ai. Heureusement que je me couche tôt, je me réveille donc tôt, après mes huit heures nécessaires, parce que, là, maintenant, 9 h 25 le livre n’est plus disponible qu’à la mi-mars! Je n’ai pas dû être la seule à réagir à cette suggestion.


Un livre qui me fera du bien, qui me plaît déjà après quelques pages lues. Parce que la perspective des mois à venir n’est pas celle que j’aurais voulu. Parce que les plaisirs à venir seront de l’ordre d’une petite lumière, jaune si possible, à travers mon store. Qui dira le soleil, qui dira la lumière, qui dira un autre jour de vie. Puis, suivront les promenades sur un chemin de gravier, au bord d’un grand champ enneigé pour encore plusieurs semaines. Et non ce que j’avais souhaité : une marche sur le sable d’une plage le long d’une mer invitante. Au fond, quelle différence? Si peu, finalement. Aucune si ce n’est physiquement. L’important n’est pas le lieu, mais l’esprit. Et cet hiver, ce printemps, l’esprit gagnera. Une fois encore, grâce à un livre. Grâce à des mots écrits. 
« Je cherche dès le réveil ce qui est nécessaire au jour pour être un jour : un rien de gaieté. Je cherche sans chercher. Cela peut venir de partout. C’est donné en une seconde pour la journée entière. »
Le livre dont il était question dans La presse+ et qu’Alain Labonté a offert souvent dans sa vie, à cause d’une phrase qui a changé sa vie : « M’éloigner assez de moi pour qu’enfin quelque chose m’arrive. C’est ça, avoir le courage de ses vertiges. », c’est Autoportrait au radiateur de Christian Bobin.

Et vous, quel est le plaisir du jour? 

samedi 21 janvier 2017

Chasse, ménage, et refonte

L’hiver, pour certains, c’est synonyme de partir dans le sud. Ou dans le nord. Pour d’autres, c’est le temps du cocooning à l’intérieur ou des activités à l’extérieur.

Cette année, je pars à la chasse.

La chasse aux informations généalogiques. Comme trophée, une refonte de mes pages sur cinq patronymes qui me tiennent à cœur : Lamarche, Deguire, Lynch, Falstrault, Nantel.

Pour chaque patronyme je compte composer une biographie de l’ancêtre :
     Jean Bricault dit Lamarche, soldat de Carignan de la compagnie Dugué
     François Deguire dit Larose, soldat de Carignan de la compagnie Saurel
     Denis Lynch venu du comté Leitrim, Irlande
     Heinrich Faulstroh (Falstrault), venu de Rodheim, Hessen, Germany
     Jean Berloin dit Nantel, venu du Poitou vers 1690

Pour chaque ancêtre, je publierai la lignée directe avec les dates des mariages. Je mettrai à jour ma base de données, qui compte à présent 15000 noms.

Je retravaillerai et ajouterai les photos qui ont un rapport avec ces familles. Et finalement je dénicherai quelques trouvailles pertinentes, en rapport avec ces lignées. Liens vers des publications et sources de mes informations, bien sûr.

Et qui sait peut-être pour cette refonte, j’utiliserai peut-être une nouvelle version d’un logiciel de création de site. Double travail. Beau défi.

Et vous, votre projet d'hiver?

lundi 16 janvier 2017

Qui parle? Qui écrit?

Dans les années '80, le programme du cours de français en secondaire 1 et 2 se résumait à Parler, 
écouter, écrire, lire. Je crois bien que quarante-cinq ans plus tard, j’ai encore beaucoup à apprendre de ces quatre verbes.

J’ai toujours su que j’avais plus de facilité à écrire qu’à parler. Autant à lire qu'à écouter. Plus de facilité, aussi, à parler devant cinquante personnes plutôt que deux. Dans les trois cas pourtant, on utilise des mots, on emploie des phrases, on veut exprimer quelque chose. En ce qui me concerne, par écrit, je contrôle mes émotions, je les dirige, je les retiens, je les tais, je les explique rationnellement. En paroles, devant cinquante personnes, ça reste impersonnel. Souvent, j’ai écrit et travaillé mon texte, mon cours, ma conférence, avant de me présenter devant le public. Mais devant une ou deux personnes, que je les connaisse ou non, comme ça, à chaud ou à froid, je ne contrôle plus rien, ça ne sort pas toujours comme je m’y attends ou comme je le voudrais. Et pas seulement parce qu’il y a quelqu’un en face de moi qui écoute, ou n’écoute pas. Ou peut-être justement parce qu’il y a quelqu’un qui me regarde, qui attend, qui réagit, qui interrompt ou pas. Et l’émotion tapie dans l’ombre s’invite, se pointe, sort de je ne sais où et me voilà, parfois, presque en larmes, étouffant, hoquetant. Du mal à respirer. M’empêtrant dans ces phrases et ces mots que je croyais maîtriser. 

Exemple concret
Par courriel, il y a plus d’un an, j’ai fait une suggestion à un organisme. On me demande d’aller présenter l’idée. Je veux bien. J’ai cru que ça s’arrêterait là. Je retournerais à ma petite vie tranquille, là où je suis bonne et bien. Dans la solitude et le silence. Faire ce qui me tentait. Et seulement ça. 

Après la présentation, il y eut d’autres rencontres pour le développement, l’organisation, les discussions, les sous-comités, les décisions. Certes, je n’étais pas seule, mais je me suis sentie responsable. Je forçais mon enthousiasme. À chaque réunion pourtant, mon malaise augmentait. Je me sentais dépassée. Je me suis cru capable d’en prendre. Capable d’être qui ne je ne suis pas. J’ai fait ce que j’ai pu. J’ai aidé dans la mesure de mes compétences.

Et puis, une nouvelle personne s’est présentée. Je suis devenue la fille québécoise tout à fait typique qui, selon les Français, ne sait pas débattre et évite les confrontations intellectuelles. Pendant des années je me suis cru lâche, mais je sais maintenant que je préfère tout simplement le conformisme rassurant à l’affrontement où j’ai toujours l’impression d’être perdante. J’ai la parole facile, mais l’argumentation brève.

C’était la goutte qui a fait resurgir la petite voix : « ôte-toi delà, tu n’es pas à ta place, tu n’es pas bien, tu stresses, tu as essayé plusieurs fois dans ta vie et chaque fois le stress t’a rendu malade, anxieuse. Tu n’as pas à dire oui juste parce qu’on te le demande. Tu n’as pas à être qui tu n’es pas. Tu n’as plus rien à prouver. »

Quelques jours plus tard, après avoir résumé mon choix en dix lignes écrites, je les ai relues, je signifiais au groupe, par courriel, que je me retirais. J’ai recommencé à mieux respirer, à mieux dormir, malgré un peu de culpabilité et une vague impression d’abandonner des compagnons d’armes. 

Et puis, étonnant ce cerveau qui croit avoir tout réglé en écrivant quelques mots sur un ton sûr et distancié alors qu’il est seul avec lui-même, dans le silence et la beauté lumineuse d’un matin d’hiver. Étonnant puisqu’un mois après ma défection par écrit, dans un autre groupe qui n’a pas de lien avec l’événement, j’entends : « tu viens à la prochaine réunion? » Petit choc, je croyais avoir été claire. Je n’avais qu’à répéter ce que j’avais écrit, mais c’était sans compter justement les détours nébuleux de notre cerveau ou plutôt de nos émotions. La gorge encore enrouée d’un rhume qui s’éternisait, l’émotion a monté, les associations d’idées se sont entremêlées, un souvenir a resurgi, qui me rappelait un événement en rapport avec mon père. En rapport avec mon autonomie. La figure du père est revenue poser la question que je croyais réglée : qui suis-je? Suis-je moi ou la fille que mon père veut que je sois?

Il y a vingt ans, mon père m’a demandé de devenir présidente d’une maison d’édition. De prendre la relève, de continuer ce qu’il avait entrepris. J’étais déjà la technicienne, la monteuse des livres, la graphiste. J’étais et je suis encore à l’aise à exécuter, mais pas diriger. Je suis les bras, pas la tête. Il rêvait que je devienne la présidente, la responsable, celle qui devait choisir les prochaines publications… et celle qui allait dire non aux auteurs. Après plusieurs semaines de réflexion sur mes forces et mes talents, et des nuits de tiraillements entre le désir de plaire à mon père, de répondre à ses attentes, à ses rêves et le déploiement de mes propres forces, talents et compétences, j’ai dit non. 

Mon père cacha mal sa déception, mais respecta mon choix. Soulagement. J’ai poursuivi ma route, joyeuse et certaine d’avoir pris la bonne décision.

Vingt ans plus tard, c’est cette vision de mon père que j’ai eue en disant, une fois encore, non à un rôle pour lequel je me sens incompétente. 

Pourquoi la vision revient-elle pendant que j’en parle alors qu’elle ne s’est pas imposée alors que j’écrivais mon retrait du groupe? Quelle est donc cette puissance de la parole improvisée versus le contrôle de l’écrit? Est-ce pour épargner les autres que je préfère l’écrit contrôlé à l’oral improvisé? Qui parle et qui écrit derrière les mots qui ont pourtant l’air d’être semblables?

Et question d’une supposément auteure : et si ce n’est qu’en parlant que les émotions se manifestent chez moi, comment croire que je réussis à les écrire dans un roman?

dimanche 8 janvier 2017

Maux d’hiver ou mots divers

J’émerge. Un peu. 
Extinction de voix depuis le Jour de l'an.
Les mots muets eux aussi. Au repos.
Mes yeux se ferment.
Mon corps soigne ses maux.
Au centre de mes jours : un peu de fièvre, beaucoup de siestes, du sirop, des Tylenol, des pastilles. 
Autour : de la neige, un hiver blanc. C’est beau chez nous. Vu du dedans et même senti du dehors. Un soleil jaune, le matin à travers les arbres, illumine les montagnes de l’ouest. Les branches chargées, lourdes comme une poitrine gorgée de lait.
Si l'idée m'était venue de descendre au sud après les fêtes, ça ne me dit plus rien. Le véhicule récréatif presque enseveli sous la neige attend. Attendra.

Pendant les fêtes, j’ai tout de même pelleté, déneigé.
J’ai fêté aussi. Bien mangé, peu bu, beaucoup parlé. Trop sans doute. Puis, vint le virus.
J’ai regardé des films, je me suis endormie devant certains.
J’ai lu. Un peu. 

J’ai terminé La bibliothèque des cœurs cabossés de Katarina Bivald.
J’ai aimé parce qu’il y est question de livres. J’avais trouvé un blogue qui en recensait tous les titres. Ne trouve plus. J’ai aimé parce que les chapitres sont courts et intercalés entre deux lettres. Les relations un peu invraisemblables ne m’ont pas vraiment déçue ni même agacée tellement elles étaient bien campées dans un petit village étatsunien. On se serait cru en 1960, sur la route 66.

J’ai préféré L’autre qu’on adorait de Catherine Cusset.
J’ai beaucoup aimé non pour l’histoire comme telle, mais pour le style. Le choix de l’auteure d’écrire au « tu » donne une tout autre perspective au personnage. N’a pas la force (inégalable selon moi) du « Tu » de Anaïs Barbeau Lavalette dans La femme qui fuit, mais permet au lecteur de s’approcher très près de cette relation entre Catherine (je) et Thomas (tu). Et puis cette vie d’universitaire intellectuel m’étant inconnue, j’ai aimé la découvrir... et ne rien envier à cette incertitude de la profession de professeur, même passés trente ans. 

Comme toujours, j’ai été lire sur l’auteure Catherine Cusset puisqu’on disait que ce roman était autobiographique. Je n’ai rien trouvé sur sa vie, mais j’ai aimé sa réponse à la question « Pourquoi écrit-on? » : 
C’est évident que c’est parce qu’on a aimé des livres, c’est parce qu’on aime lire. Quand je lis un livre que j’aime, c’est complètement porteur, cela me donne tout de suite envie d’écrire, alors qu’au contraire, quand on lit des livres qu’on n’aime pas, qu’on trouve médiocres, c’est comme si l’imagination se tarissait donc écrire est complètement lié à la lecture.
Quand un-e auteur-e qui vit de sa plume écrit exactement ce que je pense, je me plais à croire pendant quelques minutes que si je pense ainsi, c’est que je suis aussi une vraie écrivaine! Laissez-moi mes illusions quelques instants encore!

J’ai feuilleté Vi de Kim Thuy. 
Ça ne m’intéresse plus vraiment la vie d’immigrante de Kim Thuy. Mais je la comprends très bien de profiter de la popularité dont elle jouit. L’exotisme est toujours vendeur. Un nom étranger est souvent synonyme de talent chez les créateurs culturels. Hélas pour les autres.

J’ai commencé La grand-mère de Jade de Frederique Deghelt.
Un autre roman où les personnages lisent et écrivent. Un hasard si ces livres me tombent dans les mains ces mois-ci? Qu’importe, bien sûr j’aime et je me lasse aller.

Entre chaque chapitre, j’ai beaucoup fermé les yeux, me suis assoupie, me suis soignée. Me suis reposée le jour de la toux de la nuit.

Et j’aime l’hiver. Je ne sens pas le besoin d’aller guérir mes maux ou chercher mes mots là où il fait plus chaud.