Billet que je ne devrais pas publier.
Publier ce billet, c’est avouer que je deviens obsédée, que je deviens plaignarde, que je ne surmonte pas un refus au lieu de me retrousser les manches, encore une fois, et de corriger mon manuscrit.
Pourtant, j’ai recommencé à le corriger, je l’ai imprimé, j’ai acheté un nouveau stylo rouge. Je biffe des paragraphes entiers, je reformule plusieurs phrases. Parfois convaincue de l’améliorer, parfois doutant de la pertinence de mes choix. Sera-t-il meilleur?
Ce qui ne m’empêche pas de râler encore.
Comme une déprime de postpartum qui n’en finit pas, malgré le goût du travail revenu.
Donc je publie tout de même le résultat de ce petit schtroumpf grognon qui n’est jamais bien loin. Juste pour libérer les toxines.
L’obsession me guette. L’idée fixe. La dépendance. Le déséquilibre. Le négativisme.
Si je n’y prends pas garde. Si je ne ventile pas.
Jeter mes (inutiles) rechignements sur papier m’apporte-t-il un quelconque réconfort? Je dirais que oui. Après avoir craché son venin, le serpent se sent-il soulagé?
Lu ce matin sur Facebook :
Qu’est-ce qu’un auteur devrait écrire dans son blogue?
J’ai accroché sur le verbe « devrait ». Si écrire un blogue est un devoir… En ce qui concerne le mien, ça n’a jamais été et ça ne sera probablement jamais que la seule auteure qui l’écrit.
Sauf peut-être ces mois-ci.
Ces mois-ci, depuis le refus de la maison d’édition pour la troisième version de mon roman, j’ai bien dû mal à penser à autre chose. En fait, oui, bien sûr, je me demande ce qu’on va manger pour souper, je vais pelleter et passer la souffleuse (eh oui, encore un 25 mars), je joue à Candy Crush, je cherche sur Google maps où je pourrais bien aller camper au mois de mai, mais disons que je ne passe pas une heure sans qu’une phrase, une image ne s’imposent à mon esprit. Je vais à la poste à pied? Tout au long, la tête penchée, je réfléchis, je fais parler mes personnages. Et puis, je me force à lever les yeux à regarder les grands champs encore tout blancs, à lâcher prise, à laisser le vent s’emparer de mes pensées et les diluer vers les montagnes lointaines.
Pourtant, de retour à la maison, je consulte mes blogues préférés, et pas un ne me ramène pas à mon roman.
l’héroïne a l’intuition que sa place est dans la vie publique, avec les femmes en lutte, lorsqu’elle croise une manifestation à laquelle elle aimerait participer, mais voilà, il y a les enfants à aller chercher, le souper à préparer… Son mari fait semblant de la comprendre, mais la traite en femme.
Ta maison est en feu de Margaret Laurence
Je n’ai pas aussitôt terminé le billet que je me précipite sur le site de la BANQ/prêtnumerique. Je lis l’extrait du livre.
À qui je pense bien sûr : à mon personnage, Mireille. À accentuer, approfondir son rôle de mère.
Mon « je » est auteure à l’affût 24 heures sur 24. Même quand ce « je » semble occupée à autre chose, l’auteure n’est jamais bien loin.
Surtout quand elle lit : que ce soit les blogues, Facebook, un journal et le pire, un roman ou des extraits de romans.
Dans ce sublime petit ouvrage, l’auteure à la prose délicate et imagée nous ouvre les portes de tous ses petits cabinets d’écriture et nous confie des passages de ces batailles incessantes menées au cours de sa vie d’écrivaine avec ce lion, cette grande bête obstinée, son roman, son écriture.
Le « petit ouvrage » dont il est question, c’est En vivant, en écrivant d’Annie Dillard. Comme toujours, tout de suite, j’ai été voir s’il était disponible en numérique. Eh non. Ça attendra.
Le pourquoi ou le comment ou toutes les questions d’ailleurs que se posent d’autres écrivains m’interpellent bien sûr. Mais toutes leurs réponses ne m’intéressent pas. Il faut que je m’identifie un peu. Elles me laissent rarement indifférente : soit j’apprends et ça me donne des ailes. Soit j’apprends, je m’interroge et ça me jette par terre de doutes.
Comme dans Histoires de s’entendre de Suzanne Jacob
L’urgence et la patience de Philippe Toussaint
Questions d’écriture de Jean-Jacques Pelletier
Le très compliqué Si une nuit d’hiver un voyageur d’Italo Calvino.
Et, peut-être à venir : En vivant, en écrivant d’Annie Dillard.
Lu aussi le début du roman Les égarés de Lauri Lansens dont j’avais bien aimé Les filles.
Et dès le début, je remarque le peu de transitions entre les chapitres. Ça ne me dérange pas, mon cerveau sait enchaîner. Mais je me dis « pourquoi elle et pas moi ». Pourquoi à moi, on a reproché le manque de transitions ou le manque de diversité dans les transitions? Pourquoi il en faut dans mon roman et pas dans le sien? »
Je connais la réponse bien sûr : une seule remarque et même toutes les remarques pour refuser un manuscrit n’expliquent pas tout. Quand bien même je corrigerais, quand bien même je répondrais à toutes les interrogations, ça ne m’assure pas d’une publication. Je sais bien, mais le schtroumpf grognon, lui, c’est dans sa nature de râler.
Vais-je un jour lire un roman sans comparer avec les miens? Sans faire de liens avec les miens?
Sûrement. Quand le dernier sera publié!
Si vous êtes las de lire mes interminables litanies… avec le printemps qui vient, il y a de l’espoir. La voyageuse prendra peut-être, enfin, la relève.
Quoique la voyageuse aussi pourrait voir le prix exorbitant de certains campings ou être découragée devant les emplacements réservés des mois à l’avance, qui lui laisse croire qu’à son arrivée, il n’y aura pas d’emplacements disponibles dans ses campings préférés.
Et vous, quels liens fait votre cerveau entre ce que vous lisez et ce que vous vivez?