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samedi 17 décembre 2011

Une raison pour aimer un roman


Est-ce question d’intelligence? Non je ne crois pas. De tempérament, peut-être. Je n’ai jamais aimé analyser. Comprendre oui, chercher, fouiller, oui, mais analyser, décortiquer, formuler en phrases, non. Je dois être une intuitive. Donc je viens de m’apercevoir — intuitivement — que dans mes lectures, l’histoire, à elle seule, ne suffit pas pour que le roman m’intéresse, que les personnages, à eux seuls, ne suffisent pas pour que je m’identifie à eux. Je viens de comprendre que le style de l’écriture m’impressionne ou m’attire ou m’amène à la page suivante et encore et plus loin. 

Comment j’ai saisi ce phénomène? En lisant — rapidement — 33, rue de la Baleine de Myriam Beaudoin et en commençant aussitôt après Chroniques du Pays des Mères (ça m'arrache les doigts de devoir mettre des majuscules à pays et mère!) d’Élisabeth Vonarburg. Le premier, malgré les critiques assez élogieuses merci, dont celle de Venise dans son blogue Passe-mot, je n’ai pas eu ce wow, ce coup de cœur, ce plaisir, même pas une petite émotion que ce roman a fait naître chez bon nombre de lecteurs. Je n’ai pas détesté, j’ai même assez aimé, mais je ne parvenais pas vraiment à trouver ce qui me décevait. Je ne voulais pas que ce soit une simple question de graphisme : j’aurais mis les lettres en italique, choix bien personnel qui, je l’avoue, m’aurait fait passer certains passages où, à mon avis toujours, il ne se passait rien. L’intrigue n’a pas été suffisante pour me retenir bien longtemps, mais j'ai tout lu dans l'espoir d'y trouver, bien plus que le dénouement final, le pourquoi tant de gens avaient aimé.

J’en ai compris la raison après la vingt-cinquième page du roman d’Élisabeth Vonarburg : le style. Je me suis mise à penser pourquoi je n’aimais pas beaucoup les séries de Michel David, même si je dois admettre que l’histoire se lit toute seule et que les personnages peuvent être attachants. J’ai pensé aux livres de Cormac McCarthy que je n’ai pas terminés. J’ai pensé aussi au Si le grain de meurt d’André Gide que j’ai lu avec grand plaisir, à l’automne, je me disais que c’était le fait que ce soit une biographie, mon genre préféré. J’ai même pensé que j’étais devenue snob en matière de lectures : madame ne lit plus n’importe quoi, madame ne lit que de la littérature! Mais non, c’est tout simplement le style qui m’accroche, ça ne fait de moi une snob. S’il fallait m’en convaincre, je me suis rappelé qu’il y a bien des livres primés que je suis incapable de lire. Quand je lis et que j’admire comment les phrases sont construites, quand j’ai envie de recopier quelques phrases dans un cahier pour ensuite m’en servir (sans les recopier, juste m’en inspirer) lors de portraits, de descriptions ou tout simplement quand je veux accoler un adjectif à un nom pour que le lecteur voie, hume, entende… quand je prends mon temps pour déguster et non pas sauter au plus vite à la fin de l'histoire, c’est que j’aime vraiment le livre. Aimer d'amour, de jouissance et de reconnaissance. Bien sûr, si je m’identifie aux personnages en plus, si l’histoire m’intéresse (si je la comprends, ce qui n’est pas toujours le cas, je pense à L’énigme du retour de Dany Laferrière), alors, là c’est le plaisir assuré que j’étire. 

Vraiment, une belle journée : j’ai trouvé que le style dans un roman pouvait déterminer mon intérêt, le décupler. On m’aurait dit ça quand j’étais à l’école alors que je détestais l’ « étude comparative du style »! Il y a une différence entre aimer et analyser. Oui à la lecture, non à la dissertation. Oui aux courts billets de blogue, non à une maîtrise en littérature. 

Je retourne donc à la page 26 du roman d’Élisabeth Vonarburg, crayon à la main.

(Illustration empruntée au site http://sf.emse.fr/)